sam Mar 23, 2024
samedi, mars 23, 2024

A bas le coup d’État militaire au Soudan !

 

Soutien aux Marches du Million et aux mobilisations internationales

Pas de partenariat, pas de marchandage, et pas de négociation

La révolution continue

 

Par Martin Ralph, membre de l’ISL, section de la LIT-QI au Royaume-Unis

Au moment où nous écrivons, la révolution soudanaise, qui a commencé fin 2018 et a renversé Omar el-Béchir, est vivante et combat chaque jour le coup d’État militaire du 25 octobre par des manifestations de masse, des occupations de rues et des blocages.

« Nous lançons un nouvel appel aux comités de résistance dans tous les districts et à toutes les forces révolutionnaires politiques, professionnelles, de défense des droits dans toutes les villes et villages du Soudan pour qu’ils se réunissent et occupent les rues et les barricadent, et qu’ils continuent toutes les formes de désobéissance civile et de grève totale jusqu’à ce que nous vainquions le coup d’État pour atteindre ce que notre peuple mérite sous les drapeaux de la Liberté, de la Justice et de la Paix« , déclare l’Association des professionnels soudanais (SPA), comprenant des médecins et des enseignants qui ont joué un rôle de premier plan dans la révolution de 2019 contre la dictature d’el-Béchir.

Le coup d’État militaire a été dirigé par le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan (TSC)*, le lieutenant-général Abdelfattah El-Burhane et commandant en chef des forces armées soudanaises, qui a déclaré l’état d’urgence après la prise du pouvoir par les militaires.

Des millions de travailleurs, de jeunes, de femmes et de travailleurs ruraux de tout le Soudan ont répondu par des mobilisations massives dans de nombreuses villes et zones rurales, y compris dans des régions ouvrières comme Atbara, Port Soudan et Khartoum. Le 30 octobre, des « Marches du million » ont été organisées dans tout le Soudan. Les masses ont été soutenues par des manifestations dans le monde entier et le soutien de syndicats militants comme la CSP Conlutas, ainsi que celui de Black Lives Matter en Grande-Bretagne, s’est renforcé.

La résistance au gouvernement civil-militaire n’a jamais disparu. Les protestations se sont poursuivies depuis 2019. Le 30 juin 2021, des manifestations ont eu lieu contre les mesures d’austérité exigées par le Fonds monétaire international (FMI). Les subventions au carburant et au pain ont été supprimées en juin 2021, entraînant des pénuries de biens et services de base et un pic d’insécurité alimentaire. Les coûts de la nourriture et du transport ont bondi et l’inflation approche les 400 %. Dans la capitale Khartoum, on pouvait lire sur des pancartes « Du pain pour les pauvres », et « Non aux politiques (du FMI) ».

Les manifestations exigeaient également des élections pour le gouvernement, la fin du TSC et dénonçaient le manque d’action pour traduire en justice les responsables de la répression contre les manifestants en 2019.

Les États-Unis et beaucoup d’autres s’expriment contre le coup d’État mais ils créent la politique de réforme du FMI qui a été mise en œuvre par le TSC civil-militaire. Le FMI est un bras central de l’impérialisme soutenu par les États-Unis, l’UE et le Royaume-Uni. Alors que pour ses propres raisons, l’armée a perpétré le coup d’État, la composante civile s’est entièrement pliée aux exigences du FMI. Ces dirigeants ne sont pas des amis des protestations qui descendent dans la rue depuis plus d’un an.

Pourquoi maintenant ?

Le coup d’État a eu lieu quelques jours seulement après les « Marches du million » organisées dans tout le Soudan le 22 octobre. Par exemple, à Omdurman, des milliers de personnes ont défilé depuis sept quartiers vers le bâtiment du Parlement, le long du Nil. Elles scandaient des slogans exprimant leur rejet du pouvoir des militaires. À Khartoum, des dizaines de milliers de personnes de divers quartiers ont occupé la rue Sitteen pour exiger un gouvernement civil. Les membres des comités de résistance d’El Jereif, à l’est de la rue Sitteen, ont appelé à l’annulation du « partenariat du sang » entre les composantes militaire et civile du gouvernement. Les manifestants de Khartoum Nord se sont rassemblés dans la rue El Muassasa pour soutenir la transition démocratique.

Les capitales des cinq États du Darfour ont également organisé des Marches du Million pour réclamer un gouvernement civil. L’armée a répliqué avec des gaz lacrymogènes, des bombes assourdissantes et des balles, de nombreuses personnes ont été blessées, détenues et certaines ont été tuées. Le 23 octobre, les actions se sont poursuivies, avec notamment des barrages routiers dans la capitale et ailleurs. La résistance se développait donc déjà avant le coup d’État.

Cette montée des protestations, avant le coup d’État, était dirigée contre le régime civil-militaire qui a fait souffrir les travailleurs et la population en raison du déclin économique, des prix élevés, et de la pénurie de nourriture et de carburant. Pendant que le TSC « gouvernait », les forces paramilitaires arabes au Darfour ont continué à violer les femmes, à brûler les villages et les terres agricoles appartenant à la population non arabe du Darfour. Le chef de cette force brutale était le lieutenant-général Mohamed Dagalo « Hemeti ». Il est devenu le vice-président du Conseil de souveraineté en 2019 ! Il devrait être arrêté et jugé et ne pas être le second du commandement militaire de l’armée et du gouvernement.

L’accord de 2019 prévoyait la création d’un conseil de gouvernement civil avant la fin de 2021, ce que les militaires ne voulaient pas. Les militaires font partie intégrante de la classe capitaliste et possèdent au moins 200 entreprises. Un gouvernement civil, poussé par la révolution par en bas, pourrait forcer ces entreprises à échapper au contrôle militaire.

L’armée fait partie de la classe capitaliste

Le gouvernement civil-militaire, appelé Conseil de souveraineté transitoire (TSC)*, est un produit de la révolution soudanaise de 2019 qui a chassé du pouvoir l’ancien dictateur El-Béchir. Ce processus prétendument pacifique a empêché la révolution d’accroître son pouvoir. Mais elle n’a pas été détruite.

Au Soudan, les militaires qui possèdent de nombreuses entreprises sont plus qu’un pilier des élites dirigeantes et des grands propriétaires capitalistes. Ils font partie de la classe capitaliste et du grand capital. Ils sont également liés à des gouvernements comme celui de l’Arabie saoudite. Les dirigeants ont été impliqués dans la dictature et le génocide au Darfour.

Comme l’histoire nous l’enseigne depuis le Chili jusqu’à aujourd’hui, chaque fois qu’un gouvernement de civils a des chefs militaires en son sein, c’est une préparation à la contre-révolution, comme nous le voyons aujourd’hui au Soudan.

Poursuivre la révolution de décembre 2018

Il a été rapporté par des réfugiés soudanais que les comités de résistance sont très forts dans les quartiers ouvriers et ceux des classes moyennes. Ils se sont maintenus depuis 2019 et se sont renforcés, ils ont des directions élues dans de nombreux cas et se battent aux côtés des syndicats (qui sont actifs dans les secteurs public et privé).

L’Alliance des travailleurs soudanais pour la restauration des syndicats (SWARTU) a publié la déclaration suivante le 26 octobre, en réponse au coup d’État : « Il n’y a pas d’autre alternative que de poursuivre la lutte, de provoquer la chute du coup d’État, de mobiliser nos masses et de réaliser la totalité des revendications et des aspirations de la révolution de décembre« , ajoutant : « Le coup d’État du capitalisme parasitaire a été fomenté par les seigneurs de guerre, Hemeti, et Burhane, l’appareil de sécurité d’El-Béchir, le reste des seigneurs de guerre qui traficotent sur la souffrance de leur peuple, et les intermédiaires politiques qui se présentent sous toutes les couleurs et tous les aspects. »[1]

La révolution connait un regain d’énergie. Elle devra aller beaucoup plus loin pour répondre aux exigences des masses, qui sont, entre autres, les suivantes :

– Renverser le coup d’État militaire et remettre le plein pouvoir aux civils.

– Libérer tous les manifestants arrêtés par l’armée

– Organiser des procès immédiats, dans l’urgence, pour tous les membres du conseil militaire responsables du coup d’État militaire et de la répression depuis 2019

– Aucun dialogue, aucune négociation avec le conseil militaire du coup d’État et tous les membres du Comité de sécurité. Le rejet, aussi, des dialogues internationaux.

– Du pain pour les pauvres

– En finir avec la violence contre les femmes

– En finir avec les groupes paramilitaires arabes (Janjawid) et les traduire en justice.

En ce qui concerne l’armement de la révolution, la SWARTU déclare : « Notre message aux honorables sous-officiers, à la base des forces armées, aux officiers des forces armées, à la police et aux mouvements armés, est qu’ils doivent respecter leur devoir de protéger leur peuple et se rallier à la cause de la transition démocratique. Ils ne doivent pas pointer leurs armes vers les torses découverts des filles et des fils du Soudan, qui affichent fièrement leur détermination et leur aspiration à la liberté, à la justice et à la paix. »

Nous pensons que tous les efforts doivent être faits pour aider à l’organisation de la base de l’armée. Ils ont défendu l’occupation massive devant le QG militaire en 2019. Maintenant, ils devraient être encouragés à former des comités de soldats et à faire des alliances avec les comités de résistance.

La puissance de la révolution est démontrée par le fait que 60 ambassadeurs soudanais refusent de soutenir le coup d’État, tandis que les États-Unis, l’Union européenne et la Grande-Bretagne sont contre le coup d’État, et que la Russie et la Chine soutiennent les militaires. Ils craignent tous la révolution et réagissent de différentes manières. La Russie vise à obtenir une base militaire au Soudan qui permettrait d’accueillir quatre navires de guerre. La Chine construit l’influence capitaliste qu’elle peut. Mais il y a une ruée vers l’Afrique du fait de l’impérialisme, chacun rivalisant pour le contrôle. Les États-Unis ont un plan économique pour le Soudan pour leur propre profit, l’UE a financé des centres de détention pour les réfugiés au Soudan et a donné des centaines de millions aux Janjawids – parce que c’est une force de contrôle efficace.

La politique du FMI n’a fait qu’aggraver la situation économique pour la majorité des Soudanais et a favorisé la prise de pouvoir d’Abdel Fattah el-Burhane. Celui-ci était soutenu par l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, fidèles alliés des États-Unis dans la région[2].  Mais le 4 novembre, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) ont signé une déclaration exhortant au retour du gouvernement civil – faisant ainsi ce que les États-Unis leur disent de faire.

Soutien international à la révolution

La révolution bénéficie de nombreux soutiens internationaux. Très importantes sont les mobilisations égyptiennes contre leur président Abdel Fattah el-Sisi et l’opposition au coup d’État militaire soudanais.

Au niveau international, nous appelons les syndicats, les mouvements sociaux et les partis politiques à soutenir le renouveau de la révolution soudanaise et à exiger l’annulation de la totalité de la dette extérieure du Soudan sans accepter les diktats du FMI. Il faut annuler la dette extérieure, sans quoi le Soudan ne se relèvera jamais et sera de plus en plus contrôlé par les multinationales, les banques, les gouvernements étrangers et le FMI.

Envoyez des lettres de protestation aux ambassades du Soudan pour demander aux militaires de cesser immédiatement toute forme de répression et de quitter le gouvernement.

Tous les réfugiés sont les bienvenus ici, dans chaque ville, construisons avec la diaspora soudanaise le soutien à leur révolution.

La révolution peut gagner une pleine démocratie ouvrière et de masse

Pour faire aboutir ses revendications, la révolution devra trouver le moyen de se défendre par les armes contre les militaires et les Janjawids. La révolution devra s’armer, sans quoi le résultat sera le même qu’au Chili lorsque Pinochet a instauré la dictature.

Les revendications de la SWARTU sont notamment les suivantes :

– renverser et éradiquer toutes les forces qui s’opposent à la transformation démocratique, et qui en servant les intérêts du capitalisme parasitaire et de ses maîtres internationaux et régionaux, doivent répondre de tous leurs crimes, et de leur corruption

– s’engager dans la désobéissance civile et la grève générale jusqu’à la chute de la contre-révolution

– construire un bloc syndical démocratique indépendant

– liquider les institutions et les agences compromises et abroger toutes les alliances régionales et internationales.

Le succès du programme de développement élaboré par des millions de personnes dépend également du fait que la classe ouvrière devienne le leader de la révolution avec de nombreux alliés dans les zones rurales et un grand nombre de militants révolutionnaires.

Mais une révolution a également besoin d’un parti révolutionnaire et d’une lutte internationale avec un parti révolutionnaire international.

Il existe des syndicats, des comités de résistance/de quartier, il y a la résistance armée et de nombreux groupes sociaux de combat (actifs dans les villes et villages du Soudan). Ils peuvent former un conseil des travailleurs et des organisations des opprimé.es qui peut être le début d’un pouvoir pour renverser le régime, et créer un contrôle ouvrier et un gouvernement des travailleurs et des opprimé.es.

 

* Le Conseil de souveraineté transitoire (TSC), composé de 14 membres, forme le chef de l’État pour une période transitoire de 39 mois qui doit être suivie d’élections générales. Le conseil du TSC est composé de six civils et de cinq représentants militaires. Pour les 21 premiers mois, il a été convenu qu’un membre militaire préside le TSC – Abdelfattah El Burhane en est le président. Pendant les 18 mois restants de la période de transition, le conseil devait être présidé par un membre civil.

[1] https://www.laboursolidarity.org/Millions-of-people-are-remaining

[2] https://litci.org/en/sudan-under-usa/b

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