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Keolis Montesson : la grève tient bon malgré le sombre jeu de la direction.

Dans notre précédent article, publié le 21 septembre, nous évoquions les raisons de la grève illimitée au dépôt de bus de Montesson (Yvelines) du transporteur Keolis, et nous donnions la parole à plusieurs grévistes, interviewé.es le lundi 18. Une douzaine de jours plus tard, la grève tient toujours bon, et le vendredi 29 septembre, les travailleurs/ses en lutte ont décidé la poursuite du mouvement pour la première semaine d’octobre, à compter du lundi 2.

Le bras de fer se poursuit entre les travailleurs/ses du dépôt de Montesson, à la combativité remarquable, et une direction qui misait sur le pourrissement de la grève et qui commence à se rendre compte que son calcul n’était pas tout à fait le bon…

Par: Michaël Lenoir, le 2 octobre 2023

Quelques évènements sont venus ponctuer cette lutte depuis ces interviews.

Une réunion bidon convoquée par le patron

Le jeudi 20, la direction de la boite convoquait une réunion avec l’ensemble des organisations syndicales, y compris celles opposées à la grève, mais cela ressemblait à une vulgaire manœuvre destinée avant tout à faire croire aux client.es et aux municipalités affectées par la grève que le blocage venait des grévistes et non pas d’elle. Les propositions de la direction lors de cette réunion étaient tellement minables qu’elles relevaient de la provocation.

Amine, délégué syndical Sud Solidaires à Montesson, raconte : « Nous sommes tous partis au rendez-vous ; nous étions une quarantaine de grévistes. On a fait du bruit en arrivant, on a eu les services de sécurité, on a eu les huissiers ». Les patrons avaient mis trois points à l’ordre du jour :

1. La grève. Amine résume le baratin de la direction, ce n’était « pas inadmissible, mais presque, de se mettre en grève et de prendre en otage les clients… ».

2. Un laïus des patrons à propos – dixit Amine – des « accords favorables aux salariés et du ‘progrès’ » réalisé depuis début 2023, avec une ouverture vers l’organisation de travaux sur l’organisation du travail. Mais pour le délégué Sud, « cela ne veut rien dire, ça se résume à des réunions CSE ».

3. Le patron, étrangement, a posé la question de savoir ce que les grévistes attendaient de cette réunion, alors que c’est la direction qui l’avait convoquée après 10 jours de grève… La question lui a été retournée : quelles propositions de la direction, quel espoir ? Amine résume la seule « proposition » faite par le chef : « il pourrait lisser les jours de grève sur les mois à venir, pour ne pas qu’on perde beaucoup de salaire d’un seul coup ». Du coup, les syndiqué.es Sud ont quitté la salle mis fin à la mascarade qui s’y déroulait. Celle-ci n’aura duré qu’une quinzaine de minutes. Pour Omar, chargé de communication au sein de Sud Solidaires, le patron « s’est moqué de nous ; il ne nous prend pas au sérieux. Il y a du mépris de la direction ». Alors pourquoi cette réunion ? Selon Omar : « ils ont la pression des mairies, des habitants de Montesson, de Chatou », etc.

Quid des autres organisations syndicales ?

FO a boycotté la réunion sans donner d’explications. La CGT, fort minoritaire à Argenteuil, était présente à la réunion et s’est positionnée du côté des grévistes de Montesson. Et l’UNSA, précise Omar, « a perdu sa langue ! », ne disant pas un mot lors de la réunion…

Résultat, toujours selon Omar : cette réunion a été prise comme une insulte, ou comme l’exprime Sacko, également présent sur place, une « humiliation », une « claque » donnée aux grévistes. Pour Omar, cela incite à faire « durer le mouvement de grève et à le durcir en même temps ». Il ajoute : « On sera là, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente ! ». Une détermination redoublée, qui est confirmée par les autres grévistes présent.es sur le piquet ce 21 septembre.

Après cette réunion bidon, une note d’information de la direction venait d’ailleurs confirmer la l’obstination de cette dernière à ne pas bouger d’un iota, tout en précisant que son offre généreuse de lisser les retraits sur salaires pour jours de grève n’était valable qui si elle était acceptée immédiatement, avec une réponse exigée avant le lundi 25 septembre… Cette provocation doublée d’une intimidation était rejetée par l’ensemble des grévistes, qui décidaient de poursuivre leur grève toute la semaine suivante.

Du 25 au 29 septembre, nouvelle semaine de lutte : la grève tient bon !

La semaine qui vient de s’écouler a vu quelques nouveautés et initiatives qui ont, sans nul doute, contribué à renforcer le moral des grévistes, tout en élevant quelque peu le rapport de forces contre les patrons.

Remise de chèques au piquet de grève de Keolis Montesson

D’abord, plusieurs chèques sont parvenus aux grévistes, et ont été remis à ces derniers ces derniers jours, de la part de structures syndicales Solidaires, notamment Sud Éducation 78 et Sud Rail, avec le soutien de F. Villedieu et E. Meyer mais aussi en provenance d’élus LFI (W. Martinet, député des Yvelines ; et P. Vannier, dans le Val d’Oise). Même si le montant de la cagnotte des Keolis reste très insuffisant, c’est toujours ça de pris ! N’hésitez surtout pas à leur témoigner votre soutien matériel ; le lien est celui-ci : https://www.leetchi.com/fr/c/conducteurs-de-bus-montesson-la-boucle-2773262?utm_source=copylink&utm_medium=social_sharing

Le mercredi 27, une petite virée des grévistes au bunker de la direction, à Argenteuil, leur a permis de faire entendre leur légitime colère et de mettre un joli petit coup de pression à une direction toujours claquemurée dans son refus de négocier. Sirènes, cris, exigences exprimées au mégaphone de voir M. Crollet, le directeur. Ce dernier n’a pas dû apprécier.

Vendredi 29, la CGT, présente sur le dépôt d’Argenteuil, avait décidé d’une journée de grève en soutien avec les travailleurs/ses de Montesson, et des grévistes d’Argenteuil étaient présentes sur le piquet, et les discussions allaient bon train.

Le même jour, en compagnie de certains soutiens, dont Anasse Kazib de Sud Rail Paris Nord, une charmante petite excursion a conduit les grévistes à la mairie de Montesson, afin de dialoguer avec Mme la Maire (LR) ou avec des adjoint.es de celle-ci. Les premiers interlocuteurs des Keolis en lutte n’étaient guère politiques… C’était la police municipale, qui semblait vouloir définir les règles du dialogue au nom de l’édile. Puis l’adjointe à cette dernière, également élue au Conseil régional déclarait qu’elle allait transmettre ces infos et ces exigences à Valérie Pécresse, la présidente (LR aussi) de la Région Ile de France.

Solidarité, par-delà les frontières

Au long de la semaine, des messages de solidarité ont afflué auprès des grévistes de Keolis Montesson, notamment au niveau international. Des communiqués de soutien en provenance du Réseau Syndical International de Solidarité et de Luttes (RSISL), en français, en anglais et en portugais. C’est ici : https://laboursolidarity.org/pt/n/2871/apoiamos-os-grevistas-no-deposito-de-onibus-da-keolis-em-montesson-yvelines

Soutien du RSISL aux grévistes de Keolis Montesson

De la part de Corriente Roja, organisation de la LIT-QI dans l’Etat espagnol, et du syndicat CoBas de l’EMT (Entreprise Madrilène de Transports), qui gère le réseau de bus dans la capitale de ce pays. D’autres témoignages de solidarité internationale devraient continuer à affluer, sachant qu’il existe toujours un délai entre les appels lancés et les décisions concrètes, car les instances doivent bien sûr se réunir et décider concrètement, avant qu’un message ou une aide matérielle ne soient transmis.

Tous ces éléments ont sans doute donné encore plus de courage aux grévistes, et ces dernier.es, le vendredi 29, décidaient la poursuite du mouvement pour la semaine qui s’ouvre, du 2 au 6 octobre. C’est dans ce contexte que les syndicalistes de Montesson apprenaient qu’une intervention policière avec huissiers s’apprêtait à dégager le piquet de grève de Montesson dès le 2 octobre au matin. Rappelons que c’est la direction de Keolis elle-même qui avait décidé de la fermeture du site.

Cette dernière nouvelle signifie aussi que les patrons commencent à tirer le bilan que la stratégie du mépris et du pourrissement déployée depuis le début ne fonctionne pas.

Chantage à la « liberté du travail » et tentative d’intimidation violente

Pour casser la grève, les patrons font maintenant le choix de l’intimidation violente, cherchant à briser la grève en recourant aux huissiers et à la flicaille.

Mais ce que nous avons pu constater dès le petit matin de ce lundi 2 octobre, c’est une foule croissante sur le piquet de grève, plus nombreuse que d’habitude, du côté des grévistes mais aussi avec davantage de soutiens extérieurs, et une détermination renforcée des travailleurs/ses en lutte à ne pas céder.

De plus, et cela contribue à donner plus de visibilité à la grève, une équipe de BFMTV est présente sur le piquet de grève et interroge les Keolis en lutte.

L’affluence au piquet de grève des Keolis Montesson était particulièrement nombreuse en ce lundi 2 octobre

Les deux tentatives – recensées à l’heure de boucler cet article – de faire sortir du dépôt des bus conduits par des non-grévistes, ont conduit, de façon élégamment adaptée, à décorer de jaune (d’œuf) les véhicules concernés et à les voir faire marche arrière en direction de leur stationnement initial. Tout ceci est bien évidemment noté par l’huissière de justice dépêchée sur place, et qui délivrera sans nul doute un constat permettant aux capitalistes de Keolis de mener une action en justice contre les grévistes pour entrave à la sacro-sainte « liberté du travail ». Les prochains jours nous en apprendront davantage sur les suites de cette matinée.

         Interviews de grévistes par BFM-TV le lundi 2 octobre.           

Cette direction mérite vraiment d’être battue et envoyée au tapis. Les grévistes doivent gagner, ce ne serait que justice ! Pour cela, diverses pistes sont discutées afin d’améliorer le rapport de forces. Un premier élément consiste à poursuivre et renforcer les visites d’information destinées aux municipalités environnantes et touchées par la grève : ainsi la Mairie de Chatou a reçu une visite impromptue qui a permis de déboucher sur un rendez-vous avec le maire, l’après-midi même du 2 octobre. Il s’agirait aussi de partir donner de l’info sur les autres sites Keolis en région parisienne, l’histoire d’informer les autres collègues et de faire craindre une potentielle extension du mécontentement à la direction. Ces tâches nous semblent d’une grande urgence, vu le tournant répressif pris par cette dernière. Au-delà, il est nécessaire de rechercher inlassablement la solidarité partout où elle est possible, nationalement et internationalement.

Cela signifie, notamment, des témoignages de solidarité écrits et visuels, dans le secteur des transports mais aussi dans d’autres secteurs, et des dons à la caisse de grève précisée plus haut.

Face à ce patronat de choc, nous devons redoubler d’efforts dans la solidarité avec cette lutte splendide.

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