sam Juil 27, 2024
samedi, juillet 27, 2024

Voix de la résistance ukrainienne

La LIT-QI est en train de développer une forte campagne internationale de soutien à la résistance ukrainienne contre l’invasion de Poutine. Dans ce cadre, nous avons encouragé diverses activités de solidarité unitaire, une campagne de collecte de fonds et, avec les organisations de travailleurs du Réseau syndical international, nous avons fait partie du convoi d’aide ouvrière à la résistance ukrainienne, avec lequel nous avons participé à l’acte ouvrier et internationaliste du 1er mai dans la ville de Lviv.

Dans le cadre de cette campagne, à partir de notre site Web, nous voulons faire entendre les voix de ceux qui sont en première ligne de la résistance. C’est pourquoi nous publions deux lettres ci-dessous. Tout d’abord, celle de Svetlana Vladimirovna, une réfugiée ukrainienne. Svetlana est enseignante d’école primaire et de maternelle. Depuis des années, elle se bat pour les droits syndicaux et sociaux dans la région minière de Kriviy Rih. Elle a ainsi organisé une branche pour les enseignant.e.s avec le syndicat indépendant des mines et de la métallurgie NPG, dirigé par Yuri Petrovich Samoilov. Svetlana est née dans l’Oural, en Russie, et depuis ses 14 ans réside en Ukraine, pays dont elle a la citoyenneté. Elle a 4 enfants. Actuellement, en raison de l’agression russe et de la guerre, elle a déménagé en tant que réfugiée avec ses deux plus jeunes enfants. Mais elle continue intensément la lutte en solidarité avec son peuple qui résiste à l’agression. Et avec cette tâche, il a représenté le NPG à la IVe rencontre du RSISL [réseau syndical international de solidarité et de luttes].

La deuxième lettre a été envoyée par Oksana, qui se trouve dans la ville de Kherson dans le sud de l’Ukraine. C’est la seule capitale régionale occupée aujourd’hui par l’armée d’invasion de Poutine, dans laquelle les Russes commettent toutes sortes d’actes criminels.

 Nous invitons nos lecteurs à lire les témoignages et à intensifier ensemble la campagne de solidarité internationale. 

Le 22 mai 2022

 

L’invasion de la Russie et la guerre durent depuis 85 jours

Par Svetlana

Ma sœur vit avec sa famille dans la région de Kherson. Aujourd’hui, ce territoire est occupé par les troupes de Poutine. Il y a trois jours ma sœur a tenté (pour la énième fois) de quitter la ville, où ces pillards venus de Russie non seulement patrouillent et contrôlent les rues de la ville, mais s’emparent également des maisons dont les propriétaires ont réussi à fuir l’occupation.

Les envahisseurs russes vendent le blé volé dans les territoires ukrainiens temporairement occupés. On sait que les gouvernements de certains pays sont intéressés par de telles propositions du gouvernement russe. La Syrie, par exemple.

Ils prennent aussi les légumes et ce qui reste aux gens, qui le leur revendent pour quelques centimes. Après tout ça, ils ne peuvent pas quitter la ville. Au début du printemps, les gens ont planté des champs entiers de concombre, de tomate, de chou et de radis. Ils se sont retrouvés sans moyens de subsistance. Parce qu’ils ont investi tout leur argent dans cette campagne de plantation.

C’est un coup dur pour notre économie alimentaire. On sait que la région de Kherson a toujours alimenté de nombreuses régions d’Ukraine. En ce moment, le concombre coûte 90 hryvnias dans les régions voisines, mais à Kherson, on ne peut le vendre que pour moins de 10 hryvnias. Naturellement, dans cette situation, le prix de la farine de blé a augmenté, ce qui s’est reflété dans tous les produits à base de farine.

Les magasins et les pharmacies ne sont pas ouverts. Il n’y a qu’un kiosque dont les étals sont presque vides. De maigres rations alimentaires sont importées de Crimée, pour les gens. Mais presque tout le monde les refuse.

Au début, il n’y avait pas de forte répression lors des rassemblements de protestation contre l’invasion. Maintenant, ils lancent des bombes fumigènes et gazeuses, et ils tirent depuis les côtés, en l’air et sur l’asphalte aux pieds de manifestants. Beaucoup d’hommes ont tout simplement disparus. Les occupants s’appuient sur la terreur, car ils comprennent parfaitement l’état d’esprit des habitants de Kherson. Parce que les habitants ont manifesté à plusieurs reprises contre l’invasion, en soutien à l’Ukraine et ont massivement exprimé que Kherson c’est l’Ukraine !

Un garçon de 15 ans qui était dans la voiture avec sa sœur avait un tatouage sur le bras. Alors, au point de contrôle, ils l’ont sorti de la voiture, l’ont déshabillé jusqu’à ce qu’il soit en sous-vêtements, à la recherche de symboles ukrainiens sur son corps. J’ai demandé ce qu’ils, ces bâtards, auraient fait du garçon s’ils avaient trouvé ces symboles sur lui. Sa sœur m’a dit qu’ils l’auraient emmené, comme ils l’ont fait avec beaucoup d’autres, vers une destination inconnue. Ils n’ont jamais été libérés.

Les habitants de la ville comprennent qu’ils sont otages, ils sont un bouclier humain pour ces squatteurs, pilleurs et assassins. Aucun des habitants de cette ville ne sait ce qui peut leur arriver à tout moment.

Kherson est une capitale régionale, qui a été livrée en 2 jours par l’administration locale aux envahisseurs. Le nouveau gouvernement d’occupation a décidé, sans référendum, de renommer la ville : Taurida, et de demander à intégrer la Fédération de Russie.

Ayant échangé le pouvoir dans la ville contre un gouvernement d’occupation, ces maraudeurs armés prennent tout ce qui reste dans les maisons, les appartements et les entreprises. Ils forcent les gens à « vendre » leurs parcelles de terrain et leurs maisons pour quelques centimes. Ils prennent leurs passeports. À la naissance d’un enfant, les parents reçoivent des certificats de naissance signés par le « gouvernement » usurpateur nouvellement créé.

Les soldats russes ont saisi les locaux du fournisseur d’accès Internet de Kherson « Status » et ont éteint tous les équipements de communication. À la place, ils exigent d’être connectés au réseau de la Crimée. Sinon, ils menacent de réquisitionner tous les équipements personnels des gens.

Il y a d’autres crimes de guerre

Les envahisseurs, les troupes d’occupation commettent des atrocités, clairement considérées internationalement comme des crimes de guerre. Cependant, il y a d’autres crimes dans cette guerre, non moins répréhensibles, et que nous devons punir durement.

D’astucieux hommes d’affaires ukrainiens font maintenant des affaires avec cette guerre. Pour eux, l’essentiel est de gagner de l’argent aux dépens de ceux qui défendent notre Ukraine. Nous recevons de l’aide humanitaire de nombreux pays. On l’entend sur toutes les radios et on le voit sur les écrans de télévision. Mais l’aide ne parvient pas à destination. En d’autres termes, cette aide, dont ont tant besoin aujourd’hui les soldats, les déplacés internes et les civils, n’est pas reçue.

Des produits étiquetés «Pas pour la vente» se retrouvent sur les étals des magasins de nos villes. Des vêtements – literie, bérets, etc. sont vendus sur les marchés de la ville.

Les mots ne suffisent pas pour décrire tout ce qui se passe avec « l’aide humanitaire ». Les familles vendent tout ce qui a de la valeur dans leurs maisons, pour acheter des articles essentiels pour leurs maris, enfants, parents et amis, qui se battent en première ligne.

Les hommes, dont beaucoup ont de grandes pointures de chaussure, portent aujourd’hui des bottes d’hiver, qui sont usées à 95 %, mais ils ne peuvent pas en acheter de nouvelles.

Avec cette histoire, de lance « un cri de l’âme ». Les gens résistent en première ligne jusqu’à la victoire, tandis que nos soi-disant « compatriotes », ces capitalistes vendent de l’aide humanitaire. Jugement et châtiment pour ces vautours !

Soit dit en passant, une enquête est en cours au sein de la société «Dnipro», qui fabriquait des produits de défense pour la Russie, propriété de la Russian Defence Corporation, et se dédiait à la production de produits à partir d’équipements spéciaux. Cela au milieu d’une invasion de la Russie et d’une guerre de libération à son encontre… Comment cela est-il possible ?

Nous vaincrons

En ce moment, c’est très difficile pour nous. Depuis le début de la guerre, plus de 6 millions de personnes ont quitté l’Ukraine. Plus de 8 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays. À la suite des bombardements des troupes russes sur le territoire ukrainien, 1’721 écoles et établissements d’enseignement ont été endommagés, dont 139 ont été complètement détruits.

Sur les 5,23 millions de réfugiés ukrainiens, environ 2,75 millions sont des actifs. Parmi ceux-ci, 1,2 million de personnes travaillaient auparavant mais ont quitté ou perdu leur emploi à cause de la guerre.

L’Organisation internationale du travail prévoit une péjoration de la situation de l’emploi, non seulement en Ukraine, mais aussi dans les pays voisins : en Hongrie, en Moldavie, en Pologne, en Roumanie et en République tchèque.

Sincèrement, je n’espère et ne fais confiance qu’à l’aide et au soutien des travailleurs de tous les pays. Nous avons un travail difficile devant nous ! Nous devons régler nos comptes avec ces traîtres, avec ces pseudo-Ukrainiens, qui, en ces temps difficiles de guerre, font des affaires lucratives au prix de la douleur, des larmes et de la mort de nos travailleurs ukrainiens,

Mais je crois toujours en notre victoire, et seulement la nôtre. Je crois en notre peuple ! Je crois en mon pays, l’Ukraine ! Parce que nous sommes forts de mental, nous surmonterons cette situation critique. Gloire à l’Ukraine! Gloire aux héros ! Nous vaincrons.

 

Lettre de Kherson, Ukraine. Jour 85 de guerre… Jour 85 d’occupation…

Par Oksana

85e jour de vie parmi les gens avec des mitrailleuses… ou plutôt, pas de vie, juste une existence… 85e jour de peur, que quelqu’un s’introduise chez vous… Nous sommes sont tout simplement kidnappés dans la rue… et puis nos proches sont vendus… pour 20 mille hryvnias. Si tu as de l’argent, tu peux les acheter. Au XXIe siècle, au centre de l’Europe, les envahisseurs vendent nos proches…

Nuits blanches… Je prie, je prie, je prie… Pour mes enfants, pour mes neveux, pour mes amis… Toutes les prières se confondent en une prière sans fin… Seigneur, donne-moi la force de supporter tout cela… Et ma force s’amenuise. Ils nous ont dépouillés de tout ce que nous avions. Notre ville verte bien-aimée sur les rives du Dniepr s’est transformée en une ville semi-désertique. Les gens quittent massivement leurs maisons. Chaque fois que nous disons au revoir à l’un de nos voisins, une partie de notre âme meurt… À un moment donné, nous non plus n’avons plus pu supporter la situation et avons décidé de fuir l’occupation. C’était il y a une semaine. Adieu les voisins, larmes… À ce moment-là, je me suis sentie comme une traîtresse. Dans notre immeuble de 10 logements, il reste deux familles. Deux familles de personnes âgées… Mon cœur vient de se briser en 1’000 morceaux…

Nous avons tout empaqueté rapidement… toute ma vie tient dans un sac… Un sac, et un chat, qui n’a pas quitté le sac ni pour une minute… comme s’il avait compris que nous partions le lendemain matin.

Nous sommes sortis… d’innombrables checks points, des gens avec des mitrailleuses fouillant dans nos affaires, examinant des documents… Pourquoi ces étrangers sont ceux qui donnent des ordres dans notre pays!?

Par devant la colonne, qui s’étendait sur plus de 5 km. À l’extérieur de la fenêtre de la voiture, il y a un champ jaune et un ciel bleu infini… Notre drapeau ! Et encore une fois des larmes… Je regarde mon chat, et il pleure… Pour la deuxième fois de sa vie, mon chat pleure… La première fois il a pleuré quand ils ont commencé à nous bombarder.

Nous sommes restés arrêtés sur la route sous un soleil de plomb pendant 6 heures… entourés d’envahisseurs… Un homme est en train de mourir dans une voiture à proximité, il avait besoin d’une opération cardiaque urgente… Un peu plus loin dans sa voiture une femme accouchait… On peut entendre les pleurs d’un bébé… Plus loin, d’énormes wagons de céréales passaient à toute allure… avec notre grain. Ils pillent le grain des agriculteurs et l’exportent sur le territoire de la Russie… L’histoire se répète…

Ils ne nous ont pas laissé passer… La colonne dans laquelle nous étions est restée sur la route pendant six jours… Quelqu’un n’a pas pu le supporter et est rentré chez lui… D’autres attendent toujours. Sur deux de ces colonnes, les occupants ont simplement tiré à bout portant, ils ont tué des civils qui voulaient quitter l’occupation…

Je demande pourquoi? Pourquoi ma patrie a-t-elle attaqué la patrie de mon fils ?! Pourquoi les Russes nous tuent-ils ? Comment une personne peut-elle en tuer une autre au 21e siècle… juste comme ça ?… Barbarie !

 

 

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