Par : Déclaration de la Ligue Communiste des Travailleurs,
section de la LIT-QI en Belgique, le 15 janvier 2021
Comme nous le montre dramatiquement la dernière vague de contaminations, la pandémie de COVID-19 n’est pas derrière nous : des gens sont gravement malades et meurent encore de la maladie. On compte 1341 décès en Belgique, rien que pour le mois de décembre, ce qui amène le total à 28 407. (1) Dans le monde, les chiffres, largement sous-estimés, dépassent déjà les 5 millions de morts. Il s’agit principalement de travailleurs pauvres ayant peu d’accès aux systèmes de santé. Après la France et l’Italie, la Belgique a également imposé un Covid Safe Ticket (CST), donnant une fausse impression de sécurité. Au lieu de prendre de réelles mesures pour protéger les personnes à risque et pour freiner la contamination, le gouvernement et le patronat avancent leur solution : le CST, accompagné plus récemment par l’assouplissement des mesures de testing et de quarantaine.
À l’image de la gestion de la pandémie dès le début, qui fut criminelle (pas de masques, absence de confinement total, reprise du travail en pleine pandémie), la grande bourgeoisie belge impose le CST, qui est un pas de plus dans cette direction : exposer les travailleurs aux risques de la maladie pour garantir ses profits. Il s’agit d’une avancée de plus dans la propagande qui nous martelait encore il y a peu : que l’épidémie est derrière nous et que la vie peut reprendre comme avant si vous êtes vaccinés ou testés négatifs. Avec le CST, plus besoin de distanciation et de masques. C’est le règne de la liberté individuelle, et surtout, la liberté, exigée par le capital, de circuler de nouveau sans limites. Tout cela au mépris du principe de précaution le plus élémentaire ; au mépris des dernières évidences médicales qui montrent que l’on peut être malade même en ayant pris la double dose de vaccin ; et enfin, au mépris des données scientifiques concernant la transmission possible par des vaccinés, et sans parler des personnes testées mais non vaccinées qui, elles, transmettent plus efficacement le virus si elles le contractent.
Comme pour la vaccination, qui serait un choix personnel, la logique de la liberté individuelle est ici aussi à l’œuvre : avoir ton CST pour te donner accès à tes droits au niveau individuel. Pour nous, si le droit à l’enseignement, aux loisirs, à la culture ou au sport doit être garanti à chacun, c’est dans un cadre collectif qu’il doit être mis en œuvre, pour que tous puissent en bénéficier. C’est à l’État de proposer une organisation de la culture, du sport et de l’enseignement, adaptée à la situation actuelle en donnant des moyens supplémentaires. Il faut adapter l’offre en temps de pandémie : mettre à disposition de nouvelles infrastructures, offrir la gratuité des activités en extérieur, réduire les groupes et renforcer le personnel encadrant. Dans l’enseignement, les cours à distance sont un outil, mais doivent être limités. Et, surtout, il faut investir massivement pour équiper chaque élève. Sinon, les mesures sont totalement discriminantes pour les enfants des travailleurs les plus pauvres.
Á l’opposé, la logique individualiste finit par diviser la population, et cela permet au gouvernement de dire que ce sont les non-vaccinés qui sont les responsables de l’épidémie et de décider de licencier le personnel soignant qui ne veut pas se faire vacciner, ce qui donne au passage un excellent argument aux directions pour licencier du personnel. Nous pensons que si de nombreux travailleurs sont contre la vaccination c’est, avant tout, parce que le gouvernement a largement démontré qu’il ne se souciait pas de notre santé, mais bien des profits des employeurs et des industries pharmaceutiques. Ces dernières sont bien en quête de profit, mais cela ne prouve pas qu’il ne faut pas se faire vacciner. Comme l’écrivaient nos camarades italiens, la pandémie représente effectivement une opportunité pour ce secteur : « tout comme les guerres impérialistes pour les industries de l’armement et les tremblements de terre pour les entreprises de construction. Mais notre objectif immédiat et prioritaire est de survivre à la pandémie, car ce n’est qu’en survivant que nous pourrons lutter pour un monde sans patrons ni profits. » (2)
Le triste exemple des décisions honteuses du Comité de Concertation (CODECO) de décembre, de fermer les écoles une semaine avant ces vacances, en laissant tous les autres secteurs ouverts, témoigne d’une gestion désastreuse, source de méfiance légitime. Pour nous, il est clair que ce ne sont pas les soignants récalcitrants aux vaccins qui doivent être licenciés, mais le gouvernement, qui a géré cette crise en mettant leur vie en danger, en ne fournissant aucun matériel de protections, en refusant d’engager massivement. Et il a mis la santé de l’ensemble des travailleurs en danger en ne payant pas un salaire de 100 % en cas de quarantaine et en n’organisant pas les lieux de travail de manière adéquate ; en laissant le virus circuler dans les transports publics ; en refusant d’investir massivement dans les soins de santé.
De plus, pour la grande bourgeoisie, le CST est également une bonne mesure parce qu’il représente un pas de plus dans la gestion autoritaire et liberticide de la société. En effet, le CST, c’est plus de contrôle social, plus d’agents de sécurité, des contrôles au café, au musée, au cinéma. Et, bien sûr, un contrôle encore plus important des manifestations, des rassemblements et des réunions… Et tout cela au nom de la « lutte contre la pandémie ».
Cette polarisation entre vaccinés et non vaccinés permet à la droite et à l’extrême droite de canaliser le mécontentement de nombreux travailleurs. Les manifestations du 21 novembre dernier et les suivantes ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes. Mais bien que de nombreux participants avaient des revendications progressistes, ils étaient tous fédérés derrière le côté réactionnaire de la « liberté individuelle », celle des antivax de ne pas se faire vacciner, de ne pas porter le masque et de contaminer d’autres personnes. C’est la liberté de la petite bourgeoisie, celle de faire tourner son business avec le moins de contraintes possibles, peu importent les risques. Nous devons avertir les travailleurs qui participaient à ces manifestations, que cette liberté-là sera utilisée demain par les forces sociales réactionnaires organisant ces rassemblements pour réprimer nos actions et piquets de grève au nom de la « liberté de travailler ». Et s’ils tolèrent par opportunisme des personnes d’origine étrangère dans leur cortège, demain ils les tabasseront, car ils revendiqueront la « liberté » de décider qui peut être sur « leur » territoire belge, ou non.
Une campagne de vaccination destinée à garantir les profits
Si le vaccin est une arme très importante dans la lutte contre le COVID-19, il n’est pas l’unique solution, il a ses limites et il doit être combiné avec les mesures de prudence – à savoir la distanciation, le port du masque et l’hygiène des mains, ainsi que le testing massif. Ce dernier n’est toujours gratuit qu’à certaines conditions, ce qui limite son efficacité. Quant au tracing, les dysfonctionnements sont tels qu’il faudrait revoir complètement son organisation.
Dans les pays où la campagne massive de vaccination de la population a eu lieu, elle a été faite par la bourgeoisie pour renvoyer au plus vite les travailleurs à leurs postes de travail, pas pour protéger efficacement la population.
De son côté, le secteur pharmaceutique fait tout pour tirer un maximum de profit de la production de vaccins sans rechercher à éradiquer la pandémie. Des profits d’autant plus énormes que la recherche a été principalement financée par les États, c’est-à-dire par nous.
Pour tout épidémiologiste sérieux, Il est évident que, pour mettre un terme à cette pandémie et éviter les mutations du virus, il faut vacciner l’ensemble de la population mondiale simultanément. Mais là nous voyons une limite inhérente au système capitaliste. En effet, ce dernier c’est mondialisé pour faire de plus en plus de profit, en exploitant toujours plus les travailleurs et les ressources naturelles, en polluant toujours plus. C’est sa logique profonde. Et quand une pandémie mondiale arrive et menace son propre fonctionnement, il est incapable de gérer ce défi sanitaire à l’échelle mondiale. Car cela supposerait également de réduire, voire d’annuler, les marges bénéficiaires sur les vaccins afin de pourvoir tout le monde, de supprimer les brevets qui interdisent à d’autres entreprises et état d’en produire de les fabriquer. Le résultat est que les pays pauvres dépendent de la charité des pays riches, ou ne peuvent s’offrir que des vaccins moins efficaces, un véritable apartheid vaccinal. De plus, pour trouver une solution à cette pandémie, la bourgeoisie aurait dû également ne pas avoir complètement détruit les systèmes de santé dans le monde, sous prétexte de remboursement des dettes publiques.
Ainsi, si on ne distribue pas des vaccins aux États qui ne peuvent pas en produire, si on n’organise pas une vaccination internationale coordonnée, de nouveaux variants apparaissent inévitablement, qui risquent de prolonger pour longtemps cette pandémie. C’est ce que démontre clairement le variant Omicron. Pour l’instant il semble être moins dangereux, mais il peut également muter vers une autre souche, plus mortelle. La levée des brevets sur les vaccins est donc une nécessité immédiate, face à la gestion capitaliste criminelle de cette pandémie.
Ajoutons que dans cette campagne de vaccination, accompagnée inévitablement de possibles effets secondaires, il n’y a aucune prise en compte des risques de la part de l’État. En effet, suite à une clause acceptée par l’UE, les conséquences des effets secondaires sont à la charge des États et on en parle donc le moins possible, ce qui rend leur reconnaissance très compliquée. Ce qu’il faudrait faire, c’est avoir une campagne de vaccination qui tient compte des risques existants liés aux vaccins ; il faut décider en conséquence quel vaccin convient à qui ; et en excluant les travailleurs à risque, il faut leur permettre de rester à la maison avec un salaire garanti à 100 %. Mais, évidemment, une telle campagne de santé publique, pourtant possible avec les données existantes, n’intéresse pas la bourgeoisie.
Pour une lutte efficace contre le COVID-19
Ce qui intéresse la bourgeoisie est ce que nous mentionnons plus haut : l’ouverture maximale de tous les commerces et industries, pour que nous puissions aller travailler. Car notre travail est la seule source de revenus de cette classe parasitaire.
S’il est drôle de dire CODECON, cela reste un slogan populiste, car les ministres sont tout sauf des imbéciles quand il s’agit d’être aux ordres des employeurs. Ainsi, des mesures qui paraissent incohérentes, comme laisser les commerces non essentiels ouverts quand on ferme le secteur de la culture, sont en fait parfaitement cohérentes dans leur logique capitaliste, car on privilégie le profit, pas la culture. Ce n’est contradictoire que si on suppose que nos dirigeants mettent tout en œuvre pour lutter efficacement contre cette pandémie et protéger nos vies, ce qui n’est pas le cas.
Nous devrons donc aller contre leurs mesures qui servent l’économie capitaliste et qui interdisent de sacrifier les bénéfices des patrons, mais autorisent le sacrifice de la vie des travailleurs. C’est pour cela que nous sommes pour la réduction maximale du personnel sur les lieux de travail non-essentiels, pour la réorganisation sécurisée de l’ensemble des postes de travail par nos organisations. Nous devons imposer les mesures que nous jugeons nécessaires pour notre sécurité ! Et la première mesure à exiger est le paiement du salaire à 100 %, en cas de quarantaine ou d’impossibilité d’aller travailler pour cause de fermeture d’écoles ou de crèches.
Pour lutter efficacement contre la pandémie, nous sommes plus que jamais pour une campagne internationale de vaccination massive, dirigée par les travailleurs et leurs organisations. Une campagne avec une information claire et cohérente et non une série de messages contradictoires et de PowerPoint incompréhensibles !
Nous recommandons aux travailleurs et à leurs familles de maintenir les règles de sécurité sanitaire : la pandémie n’est pas derrière nous ! Maintenons une distance de sécurité, ainsi que le port du masque en intérieur et quand nous sommes à moins de 1,5 mètre d’un personne que nous ne connaissons pas.
L’austérité et la destruction de nos droits sociaux se poursuivent
Rappelons que la crise économique mondiale, sur laquelle est venue s’ajouter la pandémie, continue. C’est la perte continue des profits, renforcée par la pandémie, qui est la raison principale de cette politique de la « normalité » qui minimise les risques actuels du COVID-19.
Les gouvernements continuent d’imposer des mesures d’austérité de plus en plus dures. Mais cela passe presque inaperçu, car ils profitent de la situation sanitaire pour effacer toute discussion et information sur les réformes du gouvernement. Un des axes principaux de la déclaration de politique d’octobre 2021 de notre gouvernement fédéral est la remise au travail des malades de longue durée. Ils traquent la « fraude » sociale, mais pas la criminalité financière, et les patrons et les riches qui ne paient pas d’impôts peuvent dormir tranquilles. Les licenciements massifs se poursuivent et l’exploitation au travail ne fait qu’augmenter. Et quand une entreprise comme Logistics, qui appartient au groupe allemand Kuehne+Nagel et qui fait d’énormes bénéfices, notamment grâce à la pandémie, annonce le licenciement de presque 600 travailleurs à Nivelles, nos directions syndicales calment les travailleurs courageux qui se mettent en lutte, et acceptent la procédure de licenciement collectif. Le dernier accord obtenu par les négociateurs syndicaux confirme le licenciement massif et prévoit même la fermeture du site en juin plutôt qu’en octobre 2022. Dans l’accord, les travailleurs ont reçu l’autorisation « de changer de travail sans contrepartie », mais aucun emploi ne sera sauvé !
C’est cette même stratégie défensive et défaitiste que nos directions syndicales adoptent dans les négociations de la lutte des employés de Lidl, quand ils défendent les cacahuètes cédées par la direction au lieu de durcir le mouvement et de l’étendre à la Belgique entière. C’est aussi par des ballades syndicales qu’ils prétendent lutter pour le pouvoir d’achat ou nos libertés syndicales alors qu’aucune revendication offensive n’est présentée, comme le retour du pétrole dans l’index ou la suppression du service minimum dans les transports en commun en cas de grève.
Nous sommes fatigués de subir ce défaitisme. Nous sommes fatigués d’être écrasés par l’augmentation des factures de gaz et d’électricité, fatigués des salaires de misère et de la gestion criminelle de la pandémie qui nous amène trop souvent à pleurer nos proches. Nous ne devons plus rien attendre de la stratégie de nos directions syndicales, ankylosée dans la collaboration de classes. Nos puissantes organisations syndicales doivent être au service de nos luttes, et non au service du copinage avec l’État et les patrons. Nous devons nous mettre à discuter d’une stratégie alternative pour diriger nos luttes, et ce, dans chacun des secteurs où nous nous trouvons. Et cela commence par discuter entre nous, à la base, et élire des comités de lutte. Car il n’y aura pas de solution à la crise économique ni à la pandémie, en dehors de notre organisation collective, de notre mobilisation dans des grèves massives qui mettent les patrons à genoux. Et à tous ceux qui espèrent obtenir un peu plus en poussant gentillement le cours actuel de nos directions syndicales vers la gauche, nous disons que la collaboration de classes ne peut produire autre chose que le maintien de l’exploitation capitaliste et la démoralisation des travailleurs. La seule solution est la rupture totale avec cette politique, et son remplacement par un syndicalisme de base combatif !
Pour une mobilisation massive qui revendique une gestion solidaire de la crise
De nombreuses manifestations ont lieu en Europe contre les mesures restrictives. Elles sont souvent très progressistes, comme les nombreuses mobilisations en France cet été. Nous devons développer ce mouvement déclenché par le profond sentiment dans notre classe que le système capitaliste et ses gouvernements sont la source de tous nos problèmes. Mais les manifestations de la droite nationaliste et de l’extrême droite ne sont certainement pas le lieu pour exprimer nos revendications, car elles ne revendiquent aucune solution collective : c’est du chacun pour soi. Nous devons au contraire soutenir et développer des mobilisations de notre classe qui proposent des solutions collectives, comme celles des soignants, contre une gestion autoritaire et capitaliste de la crise et pour des mesures solidaires et pédagogiques.
L’unique solution est de se mobiliser, non pas contre la santé publique, mais pour une gestion collective de la pandémie, pour un salaire garanti, pour l’engagement massif dans les soins de santé, pour l’ouverture de centres de santé COVID qui déchargeraient les hôpitaux et permettent de soigner le reste de la population, pour l’aide massive aux petits indépendants qui paient le prix fort de la crise sanitaire. Et ce n’est que dans ces mobilisations que nous pourrons avancer vers le renversement du système capitaliste !
Le Covid Safe Ticket n’est pas la solution ! La pandémie n’est pas finie : protégeons-nous !
Pour une campagne massive et internationale de vaccination !
Levée immédiate des brevets ! Nationalisation du secteur pharmaceutique !
Augmentation générale des salaires et des allocations :
pour le retour du pétrole dans l’index !
Pour l’unité des travailleurs en lutte, des collectifs de travailleurs,
des délégations syndicales combatives !
A bas la collaboration de classes de nos directions syndicales !
- Données pour la période du 28/11.2021 au 4/01)2022. Voir https://www.sciensano.be/
- https://litci.org/fr/italie-green-pass-et-vaccins-entre-propagande-et-folie