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samedi, juin 21, 2025

La « réforme » des retraites de Macron : l’enjeu du 7 mars

Depuis le début de 2023, la situation en France est marquée par la nouvelle attaque de Macron contre les retraites, et le désaveu et la résistance populaire qui lui sont opposés.  Nous avons publié un premier article sur ce site[1], juste après la première journée de grève et de manifestations contre la « réforme » de Macron. Le projet gouvernemental suscite une opposition massive dans tout le pays ; mais il poursuit son chemin parlementaire : cinq journées nationales de mobilisations interprofessionnelles n’ont pas suffi à en obtenir le retrait. Le président lui-même en a fait une affaire personnelle.

Par: Brune, Michaël, Nicolas et Octarine, le 3 mars 2023

Une unité intersyndicale qui se maintient

Rappelons d’abord brièvement l’enjeu central de cette nouvelle « réforme » : l’attaque de Macron vise à reporter l’âge légal (minimal) de départ à la retraite de 62 à 64 ans, et à anticiper l’allongement de la durée de cotisation nécessaire à l’obtention d’une pension de retraite sans « décote » à 43 annuités en 2027 (sous la présidence Hollande, ce passage aux 43 annuités avait été fixé à 2035).

Il était légitime de s’interroger, au début du mouvement, sur la solidité de l’unité syndicale réalisée au sommet, entre toutes les centrales nationales. Cette unité a tenu jusqu’ici, pendant les cinq journées nationales de mobilisation décidées les 19 et 31 janvier, et les 7, 11 et 16 février. L’intersyndicale (IS) est toujours unie et contrôle toujours le mouvement. Il faut remonter à la mobilisation de 2010 contre une autre « réforme » des retraites (déjà), sous Sarkozy – qui avait porté l’âge légal de départ en retraite de 60 à 62 ans et reculé progressivement l’âge du départ à taux plein à 67 ans –, pour retrouver une mobilisation prolongée autour d’une telle unité syndicale. En 2010, cette unité et 8 journées interprofessionnelles pendant environ deux mois n’avaient pas suffi à faire reculer Sarkozy. Cette année, on en est déjà à un mois et demi de mobilisation, l’IS utilise la même stratégie de journées « saute-mouton » et l’ennemi de classe ne cède toujours pas.

Macron ne lâche pas, malgré les difficultés de son camp et l’opposition de la population

Le ministre du travail Olivier Dussopt (à droite), et celui des comptes publics Gabriel Attal (à gauche), à l’Assemblée le 17 février. © Photo Ludovic Marin / AFP

La Macronie ne cède pas, malgré le caractère pour le moins brouillon, voire même le côté « branquignol » de l’exécutif dans cette affaire, illustré par le ministre du travail, Olivier Dussopt. Ce dernier, toujours soutenu par l’exécutif, est déjà affaibli par une enquête pour favoritisme suite à des révélations du journal en ligne Mediapart[2]. Or le même Dussopt vient maintenant de torpiller le seul élément qui semblait permettre au gouvernement de mettre en avant un soi-disant « volet social » de son projet, autour duquel la toute-Macronie justifiait, au parlement et dans les medias, le projet de loi : l’idée que la « réforme » macroniste de 2023 amènerait les petites retraites à 1200 euros bruts par mois (85% du SMIC) pour une carrière complète au niveau du salaire minimum. Ainsi, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, proclamait fièrement le 11 janvier : « 2 millions de retraités actuels […] verront leur retraite majorée à 1 200 euros brut par mois »[3]. On a ensuite vu le nombre de ces bénéficiaires se réduire à 200 000, le 15 février, selon Dussopt lui-même au parlement. Le chiffrage a ensuite été réduit à 40 000. Puis, après des questions répétées, notamment de parlementaires, face auxquelles Dussopt a entretenu le flou pendant des semaines, ce dernier a été contraint de reconnaitre que le nombre réel est encore bien plus faible : « entre 10.000 et 20.000 personnes franchiront le seuil des 1200 euros »[4]. C’est toute la communication du gouvernement qui est démolie, et son insincérité qui est dévoilée au grand jour. Ces gens-là se moquent du monde entier, et cette fois-ci ils ne peuvent même plus le cacher.

La Macronie ne cède pas, mais à part le freluquet de l’Elysée, qui semble indifférent à tout et qui dégouline de toujours plus de mépris pour le peuple et les travailleurs/ses en lutte, ses lieutenant.es montrent une certaine nervosité. En témoignent les outrances et abus de langage, illustrée par déclaration du 1er mars du porte-parole de la Macronie, Olivier Véran, qui n’a pas hésité à déclarer, notamment : « mettre le pays à l’arrêt, c’est prendre le risque d’une catastrophe écologique, agricole, sanitaire, voire humaine, dans quelques mois. Mettre la France à l’arrêt, ce serait négliger la santé de nos enfants ». Que signifie le fait d’agiter de pareils épouvantails, sinon que le gouvernement n’a plus d’arguments ? Et qu’il est tenaillé par la peur face à un grand isolement et à un mécontentement social qui ne diminue pas ? Cette tirade grotesque a suscité bien des railleries – faut-il s’en étonner ? – notamment sur les réseaux sociaux, et ont provoqué un tollé dans le petit monde politicien. Ils ont même agacé et fait ricaner Laurent Berger, le très institutionnel secrétaire général de la CFDT.

La Macronie ne cède pas, malgré l’immense impopularité de sa « réforme ». Le niveau de participation aux manifestations est resté très élevé tout au long de ces cinq journées : la CGT comptait 2 millions de personnes dans la rue le 19 janvier ; puis 2,8 millions le 31 janvier ; puis 2 millions à nouveau le 7 février ; puis plus de 2,5 millions le samedi 11 février ; puis 1,3 million le 16 février, alors que les vacances scolaires d’hiver étaient en cours dans la plus grande partie du pays. (Pour le ministère de l’Intérieur, les chiffres étaient respectivement de 1,12 million, 1,27 million, 757 000, 963 000 et finalement 440 000). Globalement, il faut remonter à la lutte contre la réforme Juppé de 1995 pour retrouver un tel niveau de mobilisation. Au niveau de la participation aux grèves, elle est élevée mais moins massive, et il faut nuancer selon les secteurs.

La stratégie de l’intersyndicale nationale

Face à la stratégie de l’IS des journées « saute-mouton », il y a eu un moment avec un « double calendrier ». Certains secteurs syndicaux plus combatifs (en particulier la FNIC CGT – avec les raffineries – ou l’énergie, en particulier les personnels des centrales électriques) avaient bâti un scénario de durcissement progressif, avec une journée de grève le 19 janvier, deux journées les 26 et 27 janvier, puis trois à partir du 6 février, jusqu’à une grève reconductible si le gouvernement ne lâchait pas. Mais force est de constater que ce scénario sectoriel-là n’a pas bien fonctionné, ne bénéficiant pas d’un appui massif. De fait, ce sont ce qu’on a appelé les « grèves de représentation » –  avec beaucoup de monde dans les rues mais une faible capacité de blocage du pays –, appelées par l’IS confédérale, qui ont emporté l’adhésion du plus grand nombre et qui continuent de mobiliser les masses. C’est une « curiosité » : des mobilisations historiquement fortes, mais une implication des gens assez faible – au moins jusqu’à présent – dans la lutte et son organisation.

La nouvelle échéance fixée par l’IS nationale arrive très vite : l’IS a voulu attendre la fin des vacances d’hiver dans tout le pays pour appeler de nouveau les gens à faire grève et à manifester. Mais cette fois-ci, face à l’entêtement du pouvoir, on observe un durcissement – relatif – du ton des directions syndicales (DS), même les plus droitières : il s’agit de « mettre la France à l’arrêt », mais pour la plus grande partie des huit confédérations syndicales faisant partie de l’IS, cet arrêt ne doit durer qu’une journée. Pour les sommets du syndicalisme français, on reste dans la stratégie « saute-mouton », celle qui a fait perdre toutes les batailles sur les retraites depuis 2003.

Les principales DS peuvent avoir des divergences entre elles, mais elles sont fondamentalement d’accord sur la façon de mener cette lutte. Cet accord consiste à respecter les institutions et le calendrier parlementaire. Pour elles, si la loi est votée, la lutte s’arrêtera. Autre aspect important : pour la plupart des DS au moins, le succès d’une lutte, c’est de mettre beaucoup de personnes dans les manifestations. Ce n’est pas de bloquer le pays. Ce n’est pas forcément d’obtenir le retrait de la réforme. C’est de dire : « l’opinion publique nous soutient ! ». Il faut aussi comprendre cette bataille syndicale pour gagner l’opinion publique comme l’effet d’une intégration de plus en plus large du syndicalisme aux institutions et à l’Etat. Cette bataille de l’opinion publique, les bureaucrates syndicaux la lient à la question des élections professionnelles, avec le fait d’obtenir un maximum de voix à ces élections pour être représentés dans les institutions, quelle que soit l’efficacité du « dialogue social » auquel cela leur permet de participer. C’est une forme de gouvernance, où les syndicats représentent les travailleurs/ses dans des institutions bien cadrées. Un des marqueurs de cette « stratégie » aujourd’hui, c’est que les listes d’e-mails construites dans les mobilisations des dernières années pour bâtir l’auto-organisation dans les AG, ont été très utilisées par les syndicalistes pendant les élections professionnelles qui ont eu lieu en décembre 2022, mais ces listes ne sont absolument pas utilisées aujourd’hui pour mobiliser pendant le mouvement des retraites.

Or, cette vision du « succès » d’une mobilisation est particulièrement trompeuse, et funeste : ce n’est pas la victoire qui est recherchée ainsi. Un vrai succès, ce serait d’abord d’obtenir le retrait de la « réforme ». De plus, l’objectif ne devrait pas être de prouver que l’opinion publique nous soutient, mais plutôt de faire la démonstration que ce sont les travailleurs/ses qui font fonctionner le pays, et que sans eux, rien ne fonctionne. Ce n’est pas du tout la même chose. Il devrait s’agir de montrer la force et la capacité des travailleurs/ses à faire fonctionner la société et à la diriger. Et pour cela, il faut que les travailleurs/ses s’organisent dans des structures de démocratie directe.

Cela dit, toutes les organisations syndicales n’ont pas exactement les mêmes orientations. Certaines sont totalement dans l’orientation décrite plus haut. D’autres ont des militant.es qui veulent vraiment lutter. Donc il y a des débats internes dans les organisations syndicales, en particulier dans celle où il y a le plus de militant.es, la CGT, où un certain nombre de gens ne sont pas satisfaits de la façon dont la lutte est menée. Le problème, c’est que souvent ces militant.es sont eux/elles-mêmes des bureaucrates « de gauche » (comme par exemple dans la fédération de l’industrie chimique de la CGT) ; ou bien ils/elles sont un peu isolé.es et ne savent pas se coordonner et s’organiser. Ceci fait qu’un certain nombre de militant.es voudraient qu’il y ait des grèves reconductibles, qu’il y ait des AG pour diriger ces grèves. Mais ont du mal à trouver la façon d’éviter l’isolement.

Après le 7 mars, reconduire la grève, ou pas ?

Il faut s’attendre à une mobilisation probablement très importante le mardi 7 mars, peut-être même la plus importante depuis le début de la lutte. Ce qu’on ne peut pas prévoir, par contre, c’est si les travailleurs/ses vont s’organiser à la base pour diriger leur mouvement. Aujourd’hui, les DS veulent garder le contrôle de la lutte, elles ne veulent pas que les travailleurs/ses en prennent le contrôle. Donc ce que propose l’IS, cela reste globalement un jour de grève par semaine avec des manifestations sans grève le samedi. Soyons clairs : cette stratégie ne peut mener qu’à la défaite, comme dans les batailles précédentes. Mais ce qu’on ne peut pas prévoir aujourd’hui, c’est si la classe ouvrière va réussir à prendre cette lutte en main et imposer ses propres méthodes.

Dans cette situation, il faut savoir que la loi sur les retraites devrait être adoptée par le parlement fin mars. Par conséquent, il reste peu de temps pour imposer une autre stratégie de lutte que celle de l’IS. C’est pourquoi un certain nombre de militant.es lutte de classe essaie de mettre en place des AG à la base pour organiser la lutte et pour organiser la poursuite de la grève après le 7 mars.

En fait, on peut sans doute déjà faire un pronostic : soit la grève sera reconduite après le 7 mars de façon suffisamment massive, et dans un nombre suffisant de secteurs clés, débordant ainsi la stratégie de l’IS, et alors la lutte passera à une nouvelle phase ; soit ce n’est pas le cas, et alors il y a de fortes chances que le 7 mars apparaisse comme le point culminant d’une lutte qui déclinera progressivement, jusqu’à son enterrement officiel par l’IS après l’adoption de la « réforme » au parlement. Depuis plus de quinze ans, c’est ce scénario-là qui a toujours prévalu, débouchant sur l’épuisement de la combativité et la défaite pour les travailleurs/ses. On arrive donc, très vraisemblablement, à une semaine clé pour la lutte des classes en France.

Face à cette échéance, le camp des travailleurs/ses dispose d’atouts mais montre aussi de réelles faiblesses. Les atouts, c’est l’impopularité de cette « réforme », et la colère profonde qu’elle suscite dans une large majorité de la population. La loi en discussion au parlement apparait comme une forme d’apothéose de l’injustice profonde qu’incarne la Macronie, qui n’a plus pour stratégie aujourd’hui que de s’appuyer sur la droite classique du parti Les Républicains, dont certains éléments veulent durcir le texte, en particulier contre les régimes spéciaux (les régimes de retraite qui prévalent notamment à la SNCF ou à la RATP). Autre atout : le discrédit croissant du gouvernement, comme on l’a vu. De plus, l’unité intersyndicale permet de donner confiance aux travailleurs/ses, et les encourage à poursuivre la lutte. Enfin, certains secteurs syndicaux veulent engager la lutte pour de bon. Mais tout cela ne suffit pas. D’abord parce que la stratégie de l’IS va finir par s’épuiser face au calendrier et à la dureté du pouvoir en place. Comme l’a exprimé le philosophe Frédéric Lordon, Macron est un « forcené », « retranché dans les institutions » de la Ve République[5], et qui se moque totalement du nombre de manifestant.es. La seule possibilité qui reste face à un tel pouvoir politique, c’est de mettre à genoux l’économie capitaliste. Cela, les secteurs les plus militants du mouvement l’ont compris, mais les larges masses n’en sont peut-être pas encore là. Une autre faiblesse, majeure, est, pour l’instant, le niveau d’auto-organisation, bien trop faible pour représenter une alternative face à l’IS et à sa stratégie. Le suivisme par rapport à cette dernière prédomine. En lien avec cela, on ne voit guère remonter d’interpellations de l’IS pour que celle-ci fasse ce qu’elle refuse de faire, c’est-à-dire d’appeler à une grève nationale reconductible, autrement dit de « mettre la France à l’arrêt », mais pour de bon, au moins jusqu’au retrait pur et simple du projet de loi de la Macronie.

Faiblesse de l’auto-organisation

Le mouvement est très dirigé par les DS, qui le verrouillent. Mais face à cela, il n’y a que très peu d’auto-organisation qui a pu se développer. L’auto-organisation, en France, a beaucoup perdu par rapport à ce qu’elle a été. Pour promouvoir l’auto-organisation, les militant.es « rament » dans beaucoup de secteurs. Cette année, c’est particulièrement criant dans le secteur éducatif : il est très difficile d’organiser des AG à la base. Ce qui prédomine, ce sont des enseignant.es qui suivent les grandes dates, sans véritablement vouloir décider de la lutte en AG. D’ailleurs, dans les villes, les AG sont déjà sabotées avant d’avoir commencé, par les DS locales, qui les appellent à la dernière minute. Cela empêche les personnes de pouvoir s’y rendre avec un mandat de leur boite ou de leur établissement, ou d’AG de secteurs par exemple. Cela complique beaucoup les choses, et cela rend difficile de prévoir si un secteur particulier va partir en grève à l’avant-garde du mouvement. A priori, même dans les secteurs qui étaient un peu à l’avant-garde dans les mouvements précédents, comme par exemple la SNCF, beaucoup de travailleurs/ses suivent l’IS et visiblement aussi, des cheminot.es ne veulent plus être l’avant-garde du mouvement sans être sûr.es d’être suivi.es par les autres secteurs. On observe un refus de mener une « grève par procuration » comme en 2019-2020 où la SNCF et la RATP avaient fait deux mois de grève sans être rejoints par d’autres secteurs. Tout cela concourt à faire que pour l’instant, c’est le suivisme qui prévaut.

La question du 8 mars et de la grève féministe

Dans beaucoup de villes en France, on a vu se développer, dans les manifestations sur la question des retraites, des cortèges féministes, de plus en plus fournis au fur et à mesure de l’enracinement de la mobilisation. Ces cortèges féministes ont été appelés par plusieurs cadres. Localement, par des collectifs féministes qui, déjà, travaillaient sur la question de la grève féministe, et qui avaient essayé, dans des mouvements sociaux antérieurs, de mettre en place des cortèges de ce type-là. Plus généralement, à l’échelle nationale, ces cortèges ont été appelés par la Coordination nationale féministe. Celle-ci s’est créée il y a 3 ans environ, et elle regroupe entre 100 et 150 collectifs partout en France. Elle a lancé le mot d’ordre national de construire des cortèges féministes dans les manifestations, en essayant de montrer pourquoi la réforme touche plus particulièrement les femmes et les personnes LGBT, et cela a bien fonctionné.

Ce qui est intéressant, c’est que ces collectifs, qui ont appelé à des cortèges, sont aussi des collectifs qui portent la stratégie de la grève féministe, avec l’idée que les secteurs les plus précarisés de la société sont souvent des secteurs féminisés, ou en tout cas des secteurs où les femmes sont davantage représentées, tout comme les personnes LGBT. Avec l’idée aussi que puisque les femmes et les personnes LGBT sont les plus touchées, la grève est un véritable outil dont il faut s’emparer. Et ce sont des collectifs qui portent aussi l’idée d’une grève du travail reproductif, avec l’idée que les femmes et les personnes LGBT font beaucoup de travail qui n’est pas reconnu comme tel (le travail domestique, celui de prendre soin des personnes âgées, des enfants, etc.) et qu’il faudrait aussi mettre dans nos revendications la grève de ce type de travail pour représenter ce que les femmes perdent, à la fois de manière générale ; et en plus, avec cette réforme.

La prochaine grande journée appelée par l’IS, c’est le 7 mars. Or le 8 mars est la journée internationale de défense des droits des femmes. Du coup, les féministes mobilisées ont de très bonnes raisons de beaucoup regretter que l’IS n’ait pas posé le 8 mars comme la prochaine date pour le mouvement des retraites, parce que cela aurait permis de faire le lien entre la grève féministe – une vraie grève féministe qui aurait appelé à un blocage de l’économie – et la question de la réforme des retraites. Après la grosse journée du 7, les DS ont appelé à continuer la mobilisation et à s’emparer de la question du 8 mars, mais certaines choses ne sont pas très claires, et il n’y a pas vraiment de certitude que les personnes concernées vont reconduire la grève.

Depuis quelques années, les DS appellent, un peu timidement, à la grève féministe, mais on peut regretter que jamais elles ne la construisent vraiment. De ce fait, les seules personnes qui tentent de construire une véritable grève féministe, ce sont les collectifs auto-organisés qui se retrouvent très isolés dans ce combat, et seront à nouveau isolés le 8 mars, à essayer de faire quelque chose ce 8 mars.

Des appels à la grève reconductible

Au sein de l’IS, il faut noter que l’Union syndicale Solidaires appelle à la grève reconductible à partir du 7 mars, dans l’ensemble des secteurs.

Parmi ceux-ci, les transports seront encore à la pointe de la lutte qui se prépare. Les cheminot.es seront à nouveau au cœur du mouvement : toutes les fédérations syndicales représentatives à la SNCF (Sud Rail, CGT-Cheminots, UNSA-Ferroviaire et CFDT-Cheminots) appellent à la grève reconductible à partir du 7 mars. De même pour l’IS de la RATP – pour les transports en région parisienne – (CGT, FO, UNSA, CFE-CGC). La semaine qui vient semble donc devoir être marquée par des transports largement paralysés, nationalement et en région parisienne. Mais ce n’est pas tout, car on voit, malgré les difficultés signalées plus haut, s’allonger la liste des syndicats ou structures qui appellent à reconduire la grève après le 7. C’est le cas de la CGT des avitailleurs, les employé.es chargé.es d’alimenter les avions en carburant, qui a lancé un appel à la grève reconductible dès lundi 6 mars au soir.

Les appels à prolonger la grève en un mouvement reconductible au-delà du 7 mars proviennent souvent de structures CGT (pour Solidaires, il y a déjà un appel interprofessionnel national). Parmi les secteurs CGT, la fédération FNIC (chimie), dont dépendent notamment les raffineries, qui appelle à une grève reconductible dès lundi soir 6 mars. Cela concerne aussi, bien qu’il soit difficile de savoir comment cela sera suivi, l’industrie pétrochimique, les industries pharmaceutiques, le caoutchouc, la plasturgie. Et la FNME-CGT (énergie), déjà sur des mouvements reconductibles localement, appelle de même les salarié.es du gaz et de l’électricité à reconduire.

La CGT des éboueurs appelle aussi cette profession à être en grève reconductible dès le 7 mars, et elle est majoritaire à Paris. Le tri des déchets dans la capitale risque d’être mis à l’arrêt. Une autre fédération CGT d’un secteur stratégique, celle des ports et docks, s’est jointe à la démarche de grève reconductible, ainsi que la CGT de la verrerie-céramique.

Dans l’éducation, la mobilisation – on l’a vu – éprouve des difficultés, mais à Paris, il y a une avancée réelle : l’ensemble des syndicats enseignants du second degré de la capitale (FSU, CGT, SUD, FO, CFDT, UNSA, SNALC, CNT) appelle les personnels à s’engager dans la grève reconductible « jusqu’au retrait de la réforme » et à participer aux assemblées générales à partir du 7 mars. On trouve là des organisations (comme le SNALC) qui n’appellent jamais à s’engager dans des conflits durs et longs. On peut en déduire, à tout le moins, que la mobilisation sera très forte mardi 7.

Il est possible que cette liste s’allonge dans les derniers jours avant l’échéance du mardi 7 mars. En tout cas, on note que certains syndicats de secteurs réellement stratégiques sont dans le mouvement. Reste à savoir quel travail syndical de terrain est réalisé pour mobiliser réellement, et quel impact ces appels auront sur les travailleurs/ses. Reste à voir aussi si les travailleurs/ses sauront se structurer de façon démocratique depuis la base pour contrôler leur mouvement. Et si la pression s’exercera le 7 et dès le lendemain vis-à-vis des DS pour qu’elles appellent à reconduire partout.

Toutefois, on ne peut pas exclure, surtout si la grève n’est que peu suivie, que certains secteurs profitent de la mobilisation contre la casse des retraites pour faire dériver la lutte vers des revendications sectorielles. Cela peut être le cas dans les transports routiers. Il existe des précédents à ce niveau, et certains syndicats de routiers appellent à la grève « à partir du 7 mars », comme la CGT Transports pour les livreurs. A suivre.  

Une mobilisation de la jeunesse ?

Peut-être aussi, la mobilisation de la jeunesse peut commencer à compter. Depuis janvier, celle-ci a déjà commencé à bouger. Cela reste minoritaire dans les facultés, mais avec des minorités assez significatives, des blocages dans les universités, des AG à plusieurs centaines. Malgré la répression – la police est intervenue dans plusieurs universités – on constate un roulement, y compris avec des tentatives de réoccupation. Ce n’est pas massif, mais cela a été en toile de fond depuis un mois et demi. C’est un des marqueurs de la situation, à laquelle il faut ajouter certains lycées bloqués et qui continuent à se mobiliser malgré une répression assez forte.

Ce phénomène est intéressant et mérite d’être suivi, pour plusieurs raisons. D’abord parce que le pouvoir a très peur de la mobilisation de la jeunesse (d’où sa promptitude à recourir à la répression). Mais aussi parce que depuis plusieurs années, dans les mouvements sociaux, même minoritaires, toute une génération a affaire à la répression de la police, dans un contexte de polarisation de la société. On parle de l’extrême-droitisation de la société, etc. Là, à l’opposé, il semble se créer aussi un pôle qui perçoive bien la vraie nature de la police, un pôle qui offre une autre parole politique que celle de l’ordre, etc.

Pour conclure, à de nombreux égards, la semaine qui s’ouvre le mardi 7 mars promet d’être cruciale pour l’issue du mouvement et même, au-delà, pour l’évolution du rapport de forces entre les classes et de la situation politique française.


[1] https://litci.org/fr/2023/01/21/mobilisation-historique-contre-la-reforme-des-retraites-en-france-et-apres/

[2] Selon Mediapart, le Parquet national financier (PNF) a estimé qu’Olivier Dussopt avait truqué un marché public, lorsqu’il dirigeait la commune d’Annonay (Ardèche), pour l’attribuer à l’entreprise privée, laquelle lui a offert plusieurs années plus tard deux lithographies de son peintre préféré, Gérard Garouste. Voir notamment : https://www.mediapart.fr/journal/france/080223/affaire-dussopt-la-realite-des-faits-face-au-fantasme-du-complot

[3] https://www.mediapart.fr/journal/politique/010323/retraites-1-200-euros-apres-l-aveu-de-dussopt-l-embarras-grandissant-du-pouvoir?xtor=EREC-83-%5BQUOTIDIENNE%5D-quotidienne-20230301-182345&M_BT=1976669439438

[4] https://www.lefigaro.fr/politique/retraites-apres-la-polemique-dussopt-affirme-qu-entre-10-et-20-000-francais-pourront-toucher-1200-euros-par-mois-20230228

[5] Cf. ici notamment : https://www.youtube.com/watch?v=wxX7ek7xbhw

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