mar Mar 19, 2024
mardi, mars 19, 2024

Une nouvelle configuration après les élections européennes

Tous les partisans de l’Europe du capital, que ce soit à droite ou à gauche, ont utilisé le chaos du Brexit et la menace de l’extrême droite institutionnelle comme grand argument pour relégitimer l’UE et la présenter comme un facteur de stabilité et de progrès, comme un rempart démocratique. Et il ne manque pas à cette manœuvre la présentation des élections comme un outil par lequel les peuples européens peuvent décider du sort de l’UE.

Une déclaration du Secrétariat européen de la LIT-QI
21/06/2019

Ce discours est une fraude complète. Le chaos du Brexit est principalement dû au refus de Corbyn de rompre avec l’UE par la gauche pour transformer le pays en un sens socialiste. L’extrême droite institutionnelle, pour sa part, est la composante organique et la fille légitime d’une UE qui tient à cœur d’imposer l’austérité aux travailleurs et aux peuples, une UE dont la politique d’immigration à l’échelle continentale est la même que celle de Salvini à l’échelle de l’Italie.

Le Parlement européen est une institution de façade qui ne décide de rien et dont l’existence sert surtout de feuille de vigne pour cacher un cadre institutionnel anti-démocratique dans lequel toutes les décisions importantes sont prises par les grandes multinationales, la Commission européenne, la Banque centrale européenne et les gouvernements, en particulier ceux de l’Allemagne et de la France. Et avec ses rémunérations scandaleuses, ce Parlement est également un moyen privilégié pour corrompre les parlementaires et les partis.

Cela dit, et tout en reconnaissant que les résultats des élections sont une expression extrêmement déformée de la réalité, il y a lieu d’étudier celles-ci pour en tirer des conclusions sur la situation actuelle de l’Europe et sur la façon de continuer la lutte pour mettre fin à cette UE et pour construire une Europe socialiste des travailleurs et des peuples.

Crise générale des partis traditionnels

Dans les différentes analyses des résultats, il y a une reconnaissance générale de la profonde crise qui affecte les grands partis, qui ont soutenu, à partir de l’après-guerre et pendant des décennies, la domination capitaliste dans chaque pays et le projet européen lui-même. Ce sont les mêmes partis de la droite et de la sociale-démocratie qui ont constitué les gouvernements d’austérité après la crise de 2008.

Parmi les partis traditionnels de la droite, en France, les Républicains, héritiers du gaullisme, sont devenus une force marginale. En Grande-Bretagne, le Parti conservateur n’a gagné que 8,8 % des voix. D’autres partis de la droite européenne, bien que clairement en recul, ont réussi à sauver les meubles. C’est le cas de l’Allemagne (CDU-CSU), l’Autriche et le Portugal. En Grèce, Nouvelle Démocratie a ressuscité en tirant profit de l’effondrement de Syriza, autrefois, jusqu’en 2015, le héros des nouveaux partis réformistes et actuellement le bras exécutif des plans d’ajustement brutaux de la Troïka. En même temps sont apparus des partis de rechange, comme celui de Macron, qui collecte le « vote utile » de la bourgeoisie en France. Et les libéraux britanniques vont dans le même sens, suite à la crise du Parti Conservateur.

La crise des partis sociaux-démocrates

La crise de la social-démocratie européenne, convertie depuis belle lurette en une force sociale-libérale, est encore plus profonde. Á partir de la présidence de François Hollande, le PS français n’est qu’une force résiduelle. Le SPD allemand, partenaire du gouvernement de Merkel, a dégringolé dans les élections au long des années. Cette fois, il a reçu un raclée, n’obtenant que 15,8 % des voix, son plus mauvais résultat depuis la Seconde Guerre mondiale, et finissant derrière les Verts.

Dans ce panorama de déclin, il y a des inégalités, les parties du Sud ayant pu sauver les meubles, en particulier le PS portugais et le PSOE espagnol. Dans le cas du Portugal, avec un taux d’abstention énorme de 70 %, le PS (dont le gouvernement a maintenu tous les reculs structurels du gouvernement précédent) a bénéficié de la mémoire encore vive des plans d’austérité brutaux de Passos Coelho, ainsi que de la caution que le Bloco d’Esquerda (BE) et le Parti communiste (PCP) lui ont octroyée.

Pour le PSOE, c’est pareil. En dépit d’avoir manqué à ses promesses électorales avec lesquelles il est arrivé au gouvernement il y a moins d’un an, suite à une motion de censure, il a de la même façon été cautionné par Podemos. Et il a capitalisé le « vote utile » en se présentant comme le grand rempart contre l’entrée de Vox au gouvernement. Il y a quatre ans, le PSOE était aux soins palliatifs. Aujourd’hui il est le grand gagnant, avec l’aide de Podemos qui, lui, est tombé en miettes.

Les partis Verts

Un élément à souligner est la forte hausse des Verts. Ils ont été les grands gagnants en Allemagne (20,7 %), dépassant le SPD et devenant le deuxième parti du pays. En France également, ils ont obtenu un triomphe important (13,5 %). Quelque chose de semblable est arrivé au Royaume-Uni, où ils ont dépassé le Parti Conservateur et sont arrivés à deux points seulement du Parti Travailliste. Au Portugal, ils ont également obtenu un député.

Certains de ces partis Verts, comme les Allemands, font depuis longtemps partie du système et co-gouvernent dans plusieurs Länder, que ce soit avec la CDU de Merkel ou avec le SPD. Ils se préparent maintenant pour un futur gouvernement national de coalition avec la CDU. En France, ils sont loin d’être une force consolidée, mais ils ont déjà précisé leur compatibilité avec le régime capitaliste et avec l’UE.

Les partis Verts semblent appelés à jouer un rôle croissant en tant que forces gouvernementales face à la crise des partis traditionnels. Ils canalisent en même temps la préoccupation sociale d’un grand nombre de jeunes concernant un environnement qui est brutalement détruit par un capitalisme assoiffé de profits. Cependant, leur programme pro-capitaliste, le libéralisme vert, est incapable d’arrêter la catastrophe environnementale, ce qui n’est possible que par la socialisation du secteur de l’énergie et par l’attaque des bases du capitalisme et de l’UE elle-même.

L’extrême droite institutionnelle

Il est vrai que l’extrême droite institutionnelle n’a pas atteint les objectifs qu’elle s’était fixés. Elle a échoué en Espagne, en Hollande et en Autriche ; elle a été stoppée en Allemagne ; elle n’a pas atteint le nombre de députés européens qu’elle espérait et elle n’a pas réussi à créer un groupe parlementaire unique. Mais cela ne doit pas nous faire oublier qu’elle a obtenu d’importants triomphes dans des pays essentiels comme la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Hongrie.

Comme nous l’expliquons plus bas, en France, le RN, le parti de Marine Le Pen, a réussi à concentrer le « vote utile » contre Macron et l’UE. Le Pen obtint le meilleur score (23,3 %), suivie de Macron (22,4 %).

En Italie, le discours xénophobe, raciste et chauvin de Salvini a réussi à captiver 34 % des électeurs, avec un discours qui accuse les immigrants des catastrophes sociales dont la responsabilité incombe au grand capital et au gouvernement lui-même. Le Mouvement 5 Etoiles de Grillo-Di Maio a perdu plus de six millions des voix qu’il avait obtenues en promettant des mesures en faveur des secteurs pauvres et sans emploi, des mesures qui n’étaient en réalité que des revendications électorales. Le parti de Salvini est maintenant le deuxième d’un gouvernement qui a été déstabilisé, faisant face à une mobilisation croissante d’enseignants, de femmes, d’antifascistes et de jeunes qui souhaitent préserver l’environnement.

Orban, en Hongrie, est un autre gagnant, avec un discours xénophobe et avec des vociférations nationalistes qui détonnent dans un gouvernement qui brade le pays aux multinationales allemandes et détériore brutalement les conditions de travail de la classe ouvrière. Dans le cas britannique, le parti du Brexit de Nigel Farage (30,74 %) fut le principal bénéficiaire du rejet populaire du spectacle pathétique des Conservateurs et des Travaillistes.

Les partis de l’extrême droite institutionnelle européenne sont présentés par les médias comme une force anti-UE, mais ce n’est pas le cas. Leur confrontation avec l’UE est avant tout rhétorique. Aucun d’entre eux ne préconise de rompre avec l’UE ou l’euro. Ils ont depuis longtemps abandonné tout enclin en ce sens. Ils ne cherchent que plus de marge de manœuvre politique et de meilleures conditions pour les secteurs de la moyenne bourgeoisie de leurs pays, en opposition au capital financier et à la domination franco-allemande.

Les leçons de la France

Les résultats de la France revêtent une importance particulière en raison de l’importance du pays, de sa crise et de la mobilisation des Gilets jaunes qui dure depuis six mois.

Sans aucun doute, le fait le plus grave est que c’est bien le parti de Marine Le Pen qui a concentré le « vote utile » des secteurs ouvriers et populaires contre Macron et l’UE, malgré le fait que les revendications et la dynamique des Gilets jaunes s’opposent ouvertement au programme du RN.

Dans cette confrontation Macron-Le Pen, la gauche est apparue dispersée, marginale et sans la moindre alternative de classe. L’effondrement de la France Insoumise de Mélenchon en est l’expression la plus importante. Depuis les dernières élections présidentielles, en seulement deux ans cette force néo-réformiste est passée de 7 millions de voix (20%) à 1,4 million (6,3 %). La raison fondamentale de son échec est l’abandon de son radicalisme contre le régime et le refus d’affronter directement l’UE, des drapeaux qu’il a laissés entre les mains du RN. La campagne électorale de sa candidate, Manon Aubry, s’est à peine distinguée des discours vides du reste de la gauche sur « l’Europe sociale », la « justice climatique » ou « l’harmonisation fiscale ». En outre, au lieu d’arborer la défense du mouvement des Gilets jaunes et de leurs principales revendications, elle a à peine montré un soutien mitigé.

Quant aux organisations qui revendiquent le trotskisme en France, le NPA ne s’est pas présenté et a apporté son soutien à Lutte Ouvrière (LO), qui a obtenu 0,78 % des voix dans une campagne politiquement catastrophique. Pour LO, l’UE est simplement une sorte de plaine de jeux et le problème est « le capitalisme » en général, comme si l’UE n’avait rien à voir avec le capitalisme français, alors qu’elle est une pièce maîtresse pour en soutenir la domination et la possibilité de continuer à exercer, à l’ombre de l’Allemagne, son rôle impérialiste en déclin dans le monde. Au lieu de développer un programme social et politique, LO a appelé, dans une caricature d’elle-même, à « témoigner » en faveur d’une révolution sociale abstraite. Par rapport aux Gilets jaunes, tout son souci était de se démarquer de ce mouvement.

Face à la défaite électorale de la France Insoumise et des autres forces de gauche, la direction historique du NPA s’est érigée en défenseuse d’un « travail de construction politique » visant à unir l’ensemble de la gauche française. Bien entendu, personne ne peut mettre en doute l’urgence de promouvoir l’unité d’action de la gauche politique et sociale. Une unité d’action justifiée par le besoin de mesures concrètes de lutte unitaire contre l’offensive antisociale et antidémocratique de Macron et contre la xénophobie et le racisme du RN. Mais unité d’action n’est pas synonyme, comme le pense la direction historique du NPA, d’abandon d’un programme anticapitaliste et de construction d’une force révolutionnaire internationaliste alternative aux partis réformistes. Avec ces derniers, cette direction cherche une « coordination permanente ». D’autant plus quand l’effort s’oriente vers la promotion d’une nouvelle « Union de Gauche », maintenant en version écolo-socio-libérale et pro-UE.

Entre-temps, si quelque chose est apparu clairement dans les élections en France, c’est bien l’échec d’une gauche : qui ne s’est pas liée à la lutte et aux revendications des Gilets jaunes ; qui ne s’est pas appuyée sur la base syndicale militante contre la bureaucratie ; qui n’a pas présenté un programme radical de classe contre le capitalisme impérialiste français, contre Macron et contre l’UE.

L’effondrement de Podemos et le déclin des nouveaux partis réformistes

Le destin de Podemos, qui était devenu la grande référence internationale des nouveaux partis réformistes après le sinistre virage de Syriza en 2015, a été très amer.

Les élections du 26 mai (qui réunissaient en Espagne, les européennes, les municipales et celles des entités autonomes) ont marqué l’effondrement de Podemos à une allure vertigineuse. En seulement cinq ans, ce parti est passé du défi à un PSOE tombé dans le coma, à l’effondrement et à la décomposition.

Les dirigeants de Podemos étaient apparus comme les apôtres d’une « nouvelle politique » qui allait remplacer la désuète lutte entre les classes par le conflit entre « les gens et la caste », et la révolution socialiste par « l’approfondissement de la démocratie ».

Munis de cette rhétorique, ils ont désactivé la puissante contestation issue du Mouvement des Indignés (15M), l’ont institutionnalisée et l’ont intégrée dans le régime. Au cours de ce processus, de plus en plus à droite et de plus en plus caudillesque, Podemos a fini par devenir une aile gauche de la monarchie espagnole et a finalement été réduit à une simple force auxiliaire du PSOE. L’axe de la dernière campagne électorale de Pablo Iglesias a été de mendier un poste au sein du prochain gouvernement Sánchez et de s’ériger en défenseur de la défense de la Constitution de 1978, celle qui a consacré l’impunité des anciens appareils de l’Etat franquiste. Avec une telle campagne, à quoi bon de voter pour Podemos, au lieu de voter directement pour le PSOE ?

Le seul parti néo-réformiste à avoir bien résisté aux élections européennes fut le Bloco d’Esquerda (BE) portugais (9,8 %), qui a dépassé le PCP (6,9 %) et est resté en tant que troisième parti. La campagne du BE était basée sur la défense du gouvernement appelé Geringonça (machin – de septembre 2015, dirigé par Antonio Costa, du PS, et soutenu aussi par le PCP et les Verts), dont les bonnes choses auraient été le fruit de sa participation. Le BE a cherché à tirer parti de la popularité que le gouvernement Costa maintient toujours et a lié son destin à celui du PS.

En fait, le BE fait déjà partie du régime portugais. Ce n’est pas un hasard si son dirigeant, Francisco Louçã, une figure de proue du Secrétariat Unifié (SU-QI), fait partie du Conseil d’Etat. Le BE ne met pas en cause l’UE ni l’euro, et sa principale revendication électorale a été d’entrer dans un gouvernement de coalition dirigé par Antonio Costa, après les prochaines élections générales.

Ceux qui pendant des années ont glorifié Syriza, puis Podemos, sont en deuil. Certains s’attachent maintenant au BE portugais comme une bouée de sauvetage, oubliant que le grand objectif de celui-ci est exactement le même que celui de Podemos : entrer dans le gouvernement du PS. Son destin sera pareil.

La vie a montré qu’il n’y a pas de solutions illusoires fondées sur la construction d’appareils électoraux et de triomphes éphémères. Elle a montré que personne ne va nous épargner le travail quotidien de construction d’une force révolutionnaire enracinée dans la classe ouvrière et la jeunesse. Une force pour laquelle la participation aux élections et aux institutions bourgeoises n’est qu’un instrument au service des luttes et de la diffusion d’un programme révolutionnaire.

La crise de l’UE

Les élections européennes n’ont pas déstabilisé l’UE, comme certains le craignaient. Mais ils n’ont pas résolu un seul de ses problèmes. Sa crise structurelle reste intacte, soutenue par une décennie de dépression économique et un rôle décroissant dans la division mondiale du travail, coincée dans la confrontation entre l’impérialisme américain et le capitalisme chinois, où Trump menace les exportations allemandes et encourage la désintégration de l’UE. Et avec une nouvelle récession qui menace l’économie mondiale.

L’Allemagne ne parvient pas à discipliner ses partenaires ou à unifier ses projets avec le capitalisme français, son principal partenaire et concurrent dans l’UE. Les avertissements adressés aux gouvernements italien et espagnol, exigeant de nouvelles coupes sociales, donnent le ton de l’UE. De la même manière, le Parlement européen a refusé de reconnaître les députés élus de Catalogne en tant que prisonniers politiques ou exilés, contre les principes démocratiques les plus élémentaires,.

Construire la LIT et ses partis en Europe

Nous souhaitons tout d’abord exprimer notre satisfaction devant la campagne menée par Corriente Roja aux élections européennes. Une campagne modeste mais courageuse, mise au service des luttes et menée par des camarades à la tête de ces luttes. Une candidature qui a mis en avant un programme de revendications, qui a appelé à la rébellion et a défendu la rupture avec l’UE. La candidature a obtenu près de 10 000 voix, ce qui est un encouragement dans la lutte pour la construction de Corriente Roja en Espagne.

Nous voulons également revendiquer le Manifeste que nous avons souscrit avec les camarades de la Tendance Claire du NPA. Un manifeste qui défendait un programme anticapitaliste et de transformation socialiste, incompatible par nature avec l’UE et l’euro.

Nous voulons terminer en appelant les combattants à nous rejoindre pour construire ensemble la LIT et ses partis nationaux, en nous organisant de manière à donner des réponses aux luttes concrètes et à ouvrir ainsi la perspective de la lutte révolutionnaire pour les Etats-Unis socialistes d’Europe.

Juin 2019

Ligue Internationale des Travailleurs LIT-QI

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