ven Mar 29, 2024
vendredi, mars 29, 2024

Le Bélarus et la situation autour de l’Ukraine

Cet article a été écrit le 9 février, soit avant l’invasion russe en Ukraine. Son propos garde néanmoins toute son actualité pour comprendre la situation actuelle.

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La situation autour de l’Ukraine est devenue très tendue récemment. Poutine et l’impérialisme (OTAN) déplacent des troupes dans la région. Et même, sous le prétexte d’exercices de « résolution alliée », des troupes russes sont déployées au Bélarus, les escadrons militaires russes s’étendent à Minsk et dans tout le pays. La situation actuelle remonte à 2014, lorsque, en réponse à la révolution en Ukraine, Poutine a lancé une intervention contre-révolutionnaire contre celle-ci, en annexant la Crimée et le Donbass.

Par:  Ivan Razine, le 9 février

Le gouvernement ukrainien, en raison de son caractère de classe bourgeois, ne peut pas défendre de manière cohérente le pays contre l’agression de Poutine. D’une part, la bourgeoisie ukrainienne veut continuer à faire des affaires avec les oligarques russes ; le capital du pays agresseur continue à fonctionner en Ukraine. D’autre part, repousser l’agression de Poutine et vaincre l’occupation n’est possible que s’il y a une guerre populaire et l’armement général du peuple, ce qui représenterait un risque pour les oligarques ukrainiens eux-mêmes. Les autorités bourgeoises de l’Ukraine utilisent la situation dans le Donbass, y compris l’escalade, pour se présenter à la population comme des défenseurs du pays, pour appeler les troupes étrangères de l’OTAN et pour encourager l’Occident à faire davantage pression sur Poutine.

Les gouvernements occidentaux entretiennent des relations avantageuses avec Poutine, principalement dans le domaine de l’exploitation des ressources naturelles russes, et ne sont pas disposés à les mettre en danger en défendant l’Ukraine, tout comme ils ont en silence laissé Poutine réprimer le soulèvement au Kazakhstan. Mais l’Occident se sert cyniquement et hypocritement de l’agression de Poutine contre l’Ukraine pour étendre son propre contrôle militaire sur les pays d’Europe de l’Est, ainsi que pour faire pression sur Poutine, notamment avec l’éventuelle admission de l’Ukraine dans l’OTAN.

Pour Poutine, dans les conditions d’une situation de plus en plus déplorable des travailleurs en Russie, les « succès de la politique étrangère », qui jouent avec le chauvinisme de la grande puissance russe, sont maintenant presque devenus son ultime justification aux yeux de sa population. Une grave défaite de politique étrangère, que serait le retour du Donbass à l’Ukraine ou l’inclusion de celle-ci dans l’OTAN, pourrait avoir de sérieuses conséquences sur le régime intérieur de la Russie. Pour Poutine, c’est en grande partie une question de survie. Si aucun accord ne peut être conclu avec l’impérialisme et si l’armée ukrainienne renforcée entame une opération pour reprendre le Donbass, ou si les choses évoluent vers une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, alors le seul véritable instrument de contre-attaque de Poutine ne serait en réalité qu’une invasion et une occupation directes de nouveaux et plus vastes territoires ukrainiens, tout en approfondissant la confrontation avec l’Occident, dont la Russie est profondément dépendante tant financièrement que technologiquement. Pour Poutine, c’est une option extrêmement indésirable, mais dans sa situation, il ne voit pas d’autre issue. Et il le fait savoir aux Occidentaux, en les exhortant à ne pas le forcer à prendre des mesures extrêmes. Ainsi, d’une part, les médias occidentaux provoquent l’hystérie, attribuant à Poutine des plans expansionnistes pour s’emparer de l’Ukraine. D’autre part, les troupes russes introduites dans la région sont plus qu’une démonstration de force, ce sont aussi les préparatifs d’une invasion directe, certes indésirable pour Poutine, mais possible sous certaines conditions.

Loukachenko, dont la dictature après la révolution de 2020 repose principalement sur le soutien de Poutine, ne se contente pas d’accélérer le transfert de la souveraineté du pays aux oligarques russes, mais il a pleinement et ardemment assumé la politique étrangère de Poutine, y compris sa politique anti-ukrainienne. Dans la situation actuelle, il a honteusement ouvert les portes du Bélarus à l’escalade de l’armée russe. Loukachenko a directement déclaré que « si nécessaire« , « les exercices seront dirigés contre l’Ukraine« . Et que si l’armée ukrainienne commence à reprendre le Donbass, l’armée biélorusse agira « comme l’armée russe« . Il s’agissait de réponses préparées à des questions également préparées par l’un des deux principaux propagandistes de Poutine, Solovyov, autrement dit d’une menace directe et explicite de Poutine contre l’Ukraine depuis le nord. Et cela prouve qu’avec les exercices au Bélarus, il ne s’agit pas simplement de montrer ses muscles, mais que cette zone de manœuvre pourrait devenir un tremplin pour une invasion. « Travaillant » avec l’aide de Poutine, Loukachenko est prêt à jeter le Bélarus dans le feu d’une guerre criminelle de Poutine contre l’Ukraine. Dans le même temps, il est possible que les troupes russes restent au Bélarus pour réprimer d’éventuels soulèvements dans le pays. Parallèlement, derrière l’hypocrite rhétorique anti-occidentale, Loukachenko continue religieusement à payer les dettes qu’il a accumulées auprès des banquiers occidentaux (ainsi qu’auprès de Poutine), saignant le pays à blanc, ce qui explique que les Biélorusses vivent de plus en plus mal et que la structure productive du pays se dégrade. Pour tout cela, la dictature réprime le peuple. Et cela est facilité par les « gens de gauche » qui se sont opposés et continuent de s’opposer à la révolution biélorusse de 2020, couvrant simultanément la dictature de Loukachenko, le régime de Poutine et les profits des créanciers impérialistes.

De manière générale, aucune des parties mentionnées n’a besoin d’une guerre dans la région, et toutes aimeraient l’éviter. Mais tout d’abord, le cours des événements peut conduire à la guerre, y compris en commençant par des exacerbations dans le Donbass, où les hostilités n’ont jamais cessé et où les gouvernements (surtout celui de l’Ukraine) ne contrôlent pas complètement les groupes armés. Deuxièmement, dans cette situation, l’Europe de l’Est est déjà remplie des deux côtés par des machines militaires et des soldats étrangers, ce qui signifie une vaste colonisation de toute la région. Troisièmement, le régime de Poutine joue le rôle de bastion international de la réaction sur le territoire de l’ex-URSS et même au-delà, ce qui implique d’étendre et de former l’appareil pour réprimer d’éventuels soulèvements populaires. Il n’est pas surprenant que le ministre russe de la défense, Choïgou, et Loukachenko aient établi un lien entre l’arrivée des troupes russes au Bélarus et l’intervention de l’OTSC au Kazakhstan : « Vous avez noté à juste titre que le mois de janvier nous a obligés à commencer ces exercices, ces contrôles et ce travail commun beaucoup plus tôt : c’était le Kazakhstan » (propos de Choïgou adressés à Loukachenko).

En défendant leurs propres intérêts, les impérialistes occidentaux et Poutine non seulement approfondissent la colonisation de l’Europe de l’Est, mais amènent également la région au bord d’une guerre à grande échelle. Le développement national des pays de la région, l’amélioration de la vie est impossible sous la botte militaire des soldats étrangers. L’intérêt commun de leurs peuples est qu’il n’y ait pas de troupes étrangères sur les territoires de nos pays, ni l’OTAN ni l’OTSC, deux appareils militaires de répression des peuples au service des grandes puissances. De même, le développement national est également impossible sous la domination de la finance des grandes puissances, qui exportent les fruits du travail des travailleurs et des peuples de nos pays.

Les pays d’Europe de l’Est sont constamment victimes de la domination des grandes puissances et de leurs politiques. Cela doit cesser. Mais pour remporter la victoire, il est important que nous, les travailleurs et le peuple du Bélarus, nous comprenions clairement quel type d’ennemi nous avons en face de nous. Il faut comprendre que la lutte sera rude, ce que la situation actuelle démontre une fois de plus. Dans cette lutte, les Ukrainiens moyens (avec leur révolution et leur lutte pour libérer leur pays de l’occupation), les Kirghizes (avec leurs révolutions), les Kazakhs (avec leur soulèvement), les Polonais et les Lituaniens moyens qui ont montré tant de solidarité avec notre révolution sont sur la même ligne que les Biélorusses. Et cette lutte sérieuse de caractère international contre des ennemis puissants exige des approches, une préparation et une organisation appropriées : un parti révolutionnaire internationaliste visant à un Bélarus libre et indépendant, aux mains de ses travailleurs et de son peuple. Cette organisation manquait dans notre révolution en 2020, elle manque aujourd’hui, et nous devons avancer étape par étape pour résoudre ce problème.

  • A bas l’OTAN et l’OTSC ! Pour une Europe de l’Est libérée des troupes étrangères !
  • Non à la guerre contre l’Ukraine !
  • Les troupes russes, hors du Bélarus !
  • À bas la dictature capitaliste antinationale et anti-ouvrière de l’homme de main de Poutine, Loukachenko !

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