Les forces armées israéliennes ont mené une attaque aérienne sur le territoire iranien, avec 200 avions de combat qui ont tiré des missiles et détruit des bases militaires, des centrales nucléaires et des résidences privées de militaires. Le New York Times a fait état de la mort de trois généraux iraniens de haut rang ainsi que de quatre spécialistes dans le nucléaire.[1] Le gouvernement iranien « promet une réponse ferme »[2] et a déjà lancé une attaque à distance avec des missiles sur Tel-Aviv, touchant certaines cibles militaires.[3] Pourquoi le gouvernement Netanyahou a-t-il lancé cette attaque ? Quelle sera l’ampleur de la réponse iranienne ? Comment analyser ces événements dans le contexte de l’escalade des conflits dans la région du Moyen-Orient ?
Par la rédaction
14 juin 2025 *
Pour répondre à cette question, il faut examiner la combinaison du conflit entre l’État d’Israël et l’Iran, avec la situation régionale et internationale créée par l’occupation israélienne de la bande de Gaza, utilisant des méthodes génocidaires.
Commençons par l’Iran, aujourd’hui gouverné par le régime religieux des ayatollahs. Ce régime s’est installé après la grande révolution qui a renversé le régime monarchique du Shah Mohamed Reza Pahlevi, marionnette de l’impérialisme étasunien. Cette grande révolution démocratique s’inscrivait dans une dynamique de prise du pouvoir par la classe ouvrière, ouvrant la possibilité d’une continuité vers une révolution socialiste.[4]

Le dernier Shah d’Iran, Mohamed Reza Pahlevi, et sa troisième épouse, Farah Diba.
Pour empêcher cette Révolution, Ruhollah Khomeini (chef du clergé chiite, contraint à l’exil par le Shah) est revenu dans le pays. Et, grâce à son influence et à la force militante de ce clergé, il a d’abord réussi à freiner la Révolution, puis il a détruit ses organismes, et il l’a finalement vaincu. Une « république islamique » a été instaurée, étiquette d’un régime dictatorial bourgeois au service de l’enrichissement du haut clergé chiite et de secteurs associés, à partir du contrôle de l’État et de ses entreprises.
C’est un régime qui, par une répression très dure, garantit non seulement un haut degré d’exploitation des travailleurs, mais aussi la dure répression des femmes et des minorités ethniques, comme les Kurdes. C’est pourquoi il a été confronté, ces dernières années, à de nombreuses grèves et rébellions, auxquelles il a répondu par une répression sévère et des exécutions.[5] En d’autres termes, il se trouve sur un volcan en activité.
Son propre jeu sur la scène internationale
Toutefois, en raison de ses origines, ce régime a conservé en même temps un degré important d’autonomie vis-à-vis de l’impérialisme yankee, et un discours très anti-impérialiste. Il aspire également à ce que l’Iran soit reconnu comme une puissance régionale influente. Pour cela, il s’appuie sur les impérialismes chinois et russe. La Chine lui a permis de surmonter le blocus économique imposé par l’impérialisme étasunien sur la question nucléaire, et elle est son principal partenaire commercial. Avec l’impérialisme russe, le régime maintient une alliance économique, politique et militaire, mais pas de défense mutuelle. Et actuellement, à l’ONU, la Chine et la Russie ont critiqué Israël pour son attaque (alors que es États-Unis l’ont soutenue).

De son côté, l’impérialisme yankee a des « comptes à régler » avec le régime iranien, et divers gouvernements le considèrent comme un « ennemi à combattre ». Cela s’est notamment traduit par la volonté de superviser et de limiter le développement nucléaire iranien, et de lui imposer des sanctions commerciales à cette fin.[6]
Dans son aspiration à avoir son propre jeu international dans la région, le régime iranien s’est parfois placé du côté opposé à la lutte révolutionnaire des masses. Il a, par exemple, ollaboré avec l’impérialisme yankee pour parvenir à un certain degré de stabilité en Irak, pays qui avait été fragmenté en plusieurs morceaux après la défaite de l’occupation militaire menée par le gouvernement Bush en 2003. Pendant la guerre civile syrienne, des soldats iraniens ‑ tout comme les combattants russes envoyés par Poutine ‑ ont fait partie des forces militaires qui ont soutenu la dictature de Bachar al-Assad contre l’offensive « rebelle »,.
Dans d’autres cas, le régime est du « bon côté » de la lutte : il est l’un des pays musulmans qui n’a pas reconnu l’État d’Israël et maintient une position de soutien à la lutte palestinienne. Il a fourni les armes qui ont permis au Hezbollah de vaincre à deux reprises les invasions israéliennes. Récemment, le régime iranien a été accusé de fournir « discrètement » les armes avec lesquelles les Houthis yéménites combattent l’Arabie saoudite et attaquent les navires israéliens qui naviguent dans la mer d’Oman et le golfe d’Aden.[7]
Il s’agit d’un soutien limité. Pendant toute l’occupation de Gaza, l’Iran n’a rien fait de concret pour soutenir militairement les Palestiniens. Il s’est explicitement limité à répondre aux attaques israéliennes contre son propre territoire.
C’est pourquoi les gouvernements sionistes ont toujours considéré l’Iran comme un « ennemi dangereux » qui doit être vaincu. Au fil des ans, les gouvernements israéliens ont affirmé que leurs forces armées étaient en mesure de détruire le développement iranien et une grande partie de son infrastructure militaire, et ont demandé le soutien de l’impérialisme yankee pour y parvenir. Ce dernier leur a toujours demandé de ne pas lancer une telle attaque : il y a quelques jours, Trump lui-même s’y est opposé, avec l’argument que « nous sommes proches d’un accord » avec le régime iranien et une attaque israélienne « le ferait capoter ».[8]
Le dilemme de Netanyahou
Malgré cette demande du « grand frère », le gouvernement de Benjamin Netanyahou a décidé de lancer l’attaque. Pourquoi ? Plusieurs facteurs ont contribué à cette décision, qui a placé son gouvernement à la croisée des chemins.
Tout d’abord, la grande difficulté d’atteindre les objectifs de l’invasion de la bande de Gaza : « anéantir le Hamas », expulser un million de Palestiniens vers l’Égypte et annexer le nord de ce territoire à l’État d’Israël. Malgré les méthodes génocidaires, les milliers de victimes et les terribles souffrances infligées aux Palestiniens de Gaza, Netanyahou n’a pas obtenu la « victoire définitive » ni stabilisé sa domination sur Gaza, étant donné la résistance héroïque du peuple palestinien qui refuse d’abandonner sa terre. Une situation reconnue même par les analystes sionistes les plus lucides, comme Mario Sznajder, professeur de sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem, qui estime que « Netanyahou n’a atteint aucun des objectifs qui justifiaient la très lourde intervention militaire à Gaza ».[9]
Dans le même temps, cette invasion a rouvert une fracture au sein de la société israélienne, une fracture qui s’était déjà manifestée lors des grandes manifestations qui ont fait échouer la réforme judiciaire promue par Netanyahou en 2023.[10] Au cours des dernières décennies, une partie importante des Israéliens (entrepreneurs et salariés) travaille dans des entreprises privées de sécurité, de logiciels et de systèmes, de pharmacologie et d’alimentation, qui exportent pour des milliards de dollars et souhaitent obtenir des investissements impérialistes.
L’invasion de Gaza a renforcé l’impact de la campagne BDS, ce qui a provoqué une grave crise économique dans l’État d’Israël, et le départ de nombreuses entreprises et professionnels.[11] Ce secteur de la société israélienne veut mettre fin à la « guerre permanente » et s’est mobilisé (avec d’autres) pour exiger du gouvernement Netanyahou qu’il mette fin à l’invasion de Gaza et ouvre une forme de négociation avec les Palestiniens.[12] Une crise naissante s’est même ouverte avec les réservistes, qui refusent de réintégrer l’armée parce qu’ils ne veulent pas retourner à Gaza.[13]
En raison de cette opposition et d’autres revendications spécifiques (telles que la fin de l’exemption du service militaire obligatoire pour les religieux ultra-orthodoxes), le gouvernement Netanyahou traverse une crise politique, et il n’est pas exclu qu’il tombe s’il perd sa majorité parlementaire.[14]
Examinons maintenant la question de l’isolement international de l’État d’Israël. Les mobilisations massives contre l’invasion de Gaza et ses méthodes, ainsi que la solidarité avec les Palestiniens, ont généré plusieurs vagues de mobilisations massives, y compris aux États-Unis et dans les pays impérialistes européens qui ont toujours soutenu sans condition l’État sioniste. Elles ont contraint leurs gouvernements à critiquer l’invasion de Gaza [15] et, conjointement avec la campagne BDS, elles ont obligé certains d’entre eux à ne pas investir dans l’État d’Israël ou à ne pas acheter ses produits. Même Yair Golán, un ancien général israélien de haut rang, a déclaré qu’« Israël est en passe de devenir un État paria parmi les nations, comme l’Afrique du Sud d’autrefois ».[16]
La Flottille et la Marche vers Gaza
En signe de rejet du génocide à Gaza et de solidarité avec le peuple palestinien, des personnalités de plusieurs pays du monde, comme la militante suédoise Greta Thunberg, ont organisé une Flottille de la Liberté, des bateaux qui tentaient de rejoindre Gaza par la mer Méditerranée, de briser le blocus imposé par l’État sioniste et de livrer de la nourriture et des médicaments à la population. Les forces israéliennes ont menacé les bateaux avec des drones, les ont encerclé, les ont attaqué avec des armes chimiques et ont kidnappé et arrêté en Israël plusieurs des participants, dont l’activiste brésilien Thiago Ávila.[17] La plupart ont été libérés et expulsés, mais deux militants français et un néerlandais n’ont pas été expulsés et n’ont pas pu recevoir la visite de leurs avocats, soi-disant en raison de « la fermeture des aéroports israéliens » face à la situation avec l’Iran.[18]

Le voilier Madleen, qui fesait partie de la « Flottille de laLiberté » à bord duquel voyageaient,
entre autres, l’activiste brésilien Thiago Ávila et la militante écologiste suédoise Greta Thunberg.
Parallèlement à la Flottille de la Liberté, une Marche Mondiale vers Gaza a été organisée avec un convoi de plusieurs milliers de militants, venus de pays arabes du Nord de l’Afrique tels que le Maroc, l’Algérie, la Libye et la Tunisie. Ils ont marché à pied et en véhicules vers l’Égypte pour traverser le pays, entrer dans la péninsule du Sinaï, atteindre le passage de Rafah (qui relie Gaza à l’Égypte) et ainsi briser le blocus au sud du territoire.[19] Des militants de plusieurs pays du monde se sont joints à la marche au Caire pour y participer, comme le militant de la LIT-QI Fabio Bosco.
Dans ce cas, l’État sioniste a « sous-traité » la tâche d’arrêter la Marche au régime égyptien, complice du sionisme et de l’impérialisme depuis les accords de Camp David en 1978.[20] Le régime égyptien a accompli la mission : il a arrêté la Marche au checkpoint d’accès au Sinaï et l’a forcée à retourner au Caire.
L’attaque contre l’Iran
Dans ce contexte d’isolement international aigu et de crise économique et politique interne, Netanyahou a décidé de « sortir l’arme » (comme il a fait à d’autres occasions, notamment lors de l’invasion de Gaza). C’est-à-dire, attaquer l’Iran en appelant à « l’unité nationale » et à « serrer les rangs » autour de son gouvernement afin de combattre l’ennemi commun. Nous saurons dans les prochains jours dans quelle mesure il y est parvenu.

Immeuble touché par les bombardements sionistes à Téhéran.
Au moment où nous écrivons ces lignes, les médias font état d’une deuxième attaque iranienne qui, malgré le « bouclier antimissile » déployé par l’État sioniste, aidé par la technologie et les informations des États-Unis, a réussi à percer le bouclier et à atteindre certains objectifs. Dans ce contexte, Netanyahou et son ministre de la Défense se sont réfugiés dans un bunker antimissile.
Précisons donc ce que nous développons dans cet article : nous condamnons cette nouvelle agression de l’État sioniste contre l’Iran et nous soutenons la riposte de celui-ci sur le territoire israélien. Car il s’agit d’une expression de la lutte des peuples arabes et musulmans contre l’enclave militaire de l’impérialisme qu’est l’État d’Israël, qui ne peut se maintenir en tant que tel que par des agressions et des attaques militaires permanentes.
Dans ce conflit, nous sommes dans le camp militaire de l’Iran et contre l’État sioniste. Tout en maintenant notre totale indépendance politique face à cette dictature bourgeoise.
Cet objectif de vaincre l’État sioniste est très difficile à atteindre par le biais d’une « guerre technologique à distance » où l’État d’Israël a un avantage considérable, d’autant plus avec le soutien des États-Unis. Au contraire, les choses se compliquent considérablement pour lui lorsque le combat est terrestre, plus conventionnel, comme le prouvent ses deux défaites lors de l’invasion du Liban.
Cest pourquoi l’Iran doit s’engager dans une guerre totale contre Israël.

En même temps, cela doit s’accompagner d’une avancée de la révolution dans les États de la région, d’un nouveau Printemps arabe qui permette l’intégration des masses arabes et musulmanes qui soutiennent la Palestine dans la lutte contre l’État d’Israël. Une révolution qui doit « passer par-dessus » les gouvernements de la Jordanie, de l’Égypte et de la Syrie.
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[1] https://www.ambito.com/mundo/israel-descabezo-la-cupula-militar-iran-quienes-son-generales-y-cientificos-asesinados-n6156285
[2] https://www.aljazeera.com/news/liveblog/2025/6/13/live-explosions-reported-in-iran-amid-israel-tensions
[3] https://www.nytimes.com/live/2025/06/12/world/israel-iran-us-nuclear
[4] https://litci.org/es/iran-a-pesar-de-bani-sadr-la-revolucion-irani-continua-1980/?utm_source=copylink&utm_medium=browser
[5] https://litci.org/es/repudiamos-los-fusilamientos-en-iran/?utm_source=copylink&utm_medium=browser
[6] https://litci.org/es/las-sanciones-trump-iran/?utm_source=copylink&utm_medium=browser
[7] https://www.eldebate.com/internacional/20250509/como-arma-iran-huties-yemen_295113.html
[8] https://www.infobae.com/estados-unidos/2025/06/12/donald-trump-pidio-a-israel-que-no-ataque-las-instalaciones-nucleares-de-iran-estamos-cerca-de-un-acuerdo-lo-echarian-a-perder/
[9] https://www.lanacion.com.ar/el-mundo/netanyahu-bajo-asedio-presion-de-los-familiares-por-los-rehenes-una-ofensiva-empantanada-y-reclamos-nid03022024/
[10] https://litci.org/es/israel-a-netanyahu-se-le-complica-todo/?utm_source=copylink&utm_medium=browser
[11] https://litci.org/es/crisis-economica-en-el-estado-de-israel/?utm_source=copylink&utm_medium=browser
[12] https://www.bbc.com/mundo/articles/cgeg48xn488o
[13] https://cnnespanol.cnn.com/2024/10/25/reservistas-israelies-carta-rechazan-pelear-gaza-libano-trax/
[14] https://www.france24.com/es/medio-oriente/20250604-israel-partidos-ultraortodoxos-abandonar%C3%A1n-a-netanyahu-si-no-logra-una-ley-de-excepci%C3%B3n-militar
[15] https://www.youtube.com/watch?v=LZ2mxwxnxW4
[16] https://www.lanacion.com.ar/el-mundo/israel-se-esta-convirtiendo-en-un-estado-paria-nid21052025/
[17] https://litci.org/es/liberen-la-flotilla-de-la-libertad/?utm_source=copylink&utm_medium=browser
[18] https://www.swissinfo.ch/spa/tres-activistas-de-la-flotilla-no-pueden-ser-deportados-de-israel-por-la-escalada-con-ir%C3%A1n/89512446
[19] https://litci.org/es/marcha-global-y-convoy-contra-el-genocidio-se-dirige-a-gaza-la-solidaridad-con-palestina-crece-en-todo-el-mundo/
[20] https://litci.org/es/egipto-el-impacto-de-la-situacion-en-gaza/
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* Traduction de <https://litci.org/es/repudiamos-el-ataque-israeli-a-iran-y-apoyamos-el-contrataque-irani/> par la LCT, la section en Belgique de la LIT-QI