La situation en Palestine devient de plus en plus tendue. En réponse à un attentat suicide effectué à Jérusalem par un militant du groupe islamique Hamas, l’armée israélienne a effectué des attaques puissantes dans la Bande de Gaza, dans lesquelles le plus haut dirigeant du Hamas, Abdul Aziz al-Rentisi, a été blessé et 25 autres palestiniens ont été tués, la plupart de simples habitants. Ces faits ont mis en crise la soi-disant « Feuille de Route », un projet élaboré pour la région par le président des Etats-Unis, George Bush. En quoi consiste ce projet ?
Le « quartet » en scène
La Feuille de Route a été présentée par ce qu’on a appelé le « quartet » : les gouvernements des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de la Russie, ainsi que l’ONU, qui a même voté la résolution 1397 pour l’approuver. L’objectif est la réalisation d’une série de démarches pour la création « d’un état palestinien indépendant avec des frontières et des attributs provisoires ». Il s’agirait d’un organisme sans aucune souveraineté réelle et pas du tout viable du point de vue économique, dans lequel s’accumuleraient trois millions de palestiniens. Autrement dit, quelque chose semblable aux « bantustanes » sud-africains, dans lesquels étaient confinés des secteurs de la population noire, à l’époque de l’apartheid. La Feuille de Route n’est qu’une réédition du « plan de paix d’Oslo » qui a échoué, et pire encore.
Avec ce plan, Bush essaye de désamorcer la bombe à retardement de la rébellion du peuple palestinien, devant les échecs réitérés de la répression sanglante israélienne et au moment où se complique l’occupation militaire de l’Iraq. Il a remporté un premier succès en obtenant le soutien d’autres gouvernements impérialistes et de l’ONU, ce qui lui permet de le déguiser en « plan de paix ».
Arafat nomme Abu Mazen comme marionnette palestinienne
Le premier pas de ce projet est qu’il incombe aux autorités palestiniennes mêmes de réprimer et de contrôler la lutte de leur peuple et d’en finir avec les attentats suicides en Israël. Malgré son caractère sinistre, le plan a été accepté par le plus haut dirigeant palestinien, Yasser Arafat.
Le fait est qu’Arafat n’est pas parvenu à arrêter l’Intifada. Accusé par Sharon de ne pas être suffisamment dur avec l’Intifada, il accepte maintenant de nommer un autre dirigeant pour que ses policiers accomplissent le triste rôle de Gurkhas, ces troupes indigènes qui en Inde coloniale réprimaient leur peuple sous les ordres des Britanniques. Malgré une certaine résistance, Arafat a fini par accepter la volonté du maître impérialiste, et a accepté la désignation d’Abu Mazen (un homme qui jouit de la totale confiance des Etats-Unis et d’Israël) comme Premier ministre; de plus, des corps de policiers palestiniens ont commencé à être formés par des spécialistes yankees. Il ne s’agit déjà pas seulement de l’abandon de l’objectif initial de l’OLP : détruire l’Etat d’Israël, récupérer tout le territoire palestinien et construire une Palestine laïque, démocratique et non raciste. Il s’agit d’accepter les intentions d’Israël et son contrôle sur les territoires occupés, desquels l’Etat sioniste aurait dû se retirer depuis 1967, selon les résolutions de l’ONU.
Le problème pour Abu Mazen, tout comme avant pour Arafat, est de savoir si le peuple palestinien est disposé à accepter une perte si monstrueuse de ses droits. Il est apparu comme de très mauvais goût, que dans la réunion des négociateurs parrainée par les Etats-Unis, Abu Mazen n’a même pas mentionné une seule fois le droit de retour des réfugiés palestiniens. Comme pour montrer ce que leur inspire ce type de « négociation », la Feuille de Route a été rejetée par divers secteurs palestiniens, dont les Brigades des Martyrs de Al Aqsa, le Front Populaire de Libération de la Palestine et les courants islamiques du Hamas et du Yihad. Des actions contre ce plan ont eu lieu par la suite, après la réunion entre Sharon et Abu Mazen.
L’attitude de Sharon
Bien qu’à contrecoeur, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a accepté le plan de Bush. Dans sa première étape, le plan exigeait seulement d’Israël des mesures de « collaboration », principalement sous deux aspects: commencer à libérer les prisonniers palestiniens des prisons et des camps de concentration israéliens (la grande majorité sans inculpation ni procès ni condamnation) et à entamer le démantèlement des implantations « illégales » de colons juifs (dont le chiffre a augmenté de 70.000 à 200.000 pendant la dernière décennie) dans des territoires qui appartiennent à l’entité palestinienne. La question est que Sharon pratique une manoeuvre trompeuse: en différenciant les implantations illégales (c’est-à-dire, celles que le gouvernement sioniste n’a pas encouragées) des autres, il dit qu’il ne va pas retirer quelques 200 000 colons qui se sont installés en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem durant les dernières années. Même ainsi, ce dernier point est un de ceux qui causaient le plus de contradiction et d’opposition interne au gouvernement de Sharon. C’est pourquoi, il n’a fait que quelques mises en scène pour déplacer des remorques installées par des colons près des villes palestiniennes, comme si c’étaient des colonies ; et encore d’où il a dû retirer quelques fanatiques. Concernant les prisonniers, il n’en a libéré que 61 des 6.000.
La véritable signification de cette Feuille de Route pour le gouvernement Sharon est représentée par un mur en béton de 347 km de longueur, qu’on a commencé à construire en Cisjordanie. Ce mur est entouré par des tranchées, des puits et des câbles électrifiés et il ne respecte même pas les frontières de 1967. Dans beaucoup d’endroit il empiète de 6 ou 7 km dans le territoire assigné aux palestiniens, ce qui donne lieu à des situations comme celles de la ville de Qalqiya dont les logements se trouvent d’un côté du mur et leur terre de culture de l’autre. On comprend maintenant pourquoi le projet parle de « frontières provisoires ».
Pour qu’il n’y ait pas de doutes, Sharon a clarifié qu’il continuera à attaquer les Palestiniens en utilisant la terreur d’état: « Israël n’a pas l’intention de changer la politique d’attaquer les chefs des terroristes et n’attendra pas que la sécurité palestinienne mette fin aux attentats ». Nous ne savons pas si la réponse d’Israël à cet attentat a été un « excès » de Sharon ou a eu l’approbation de Bush, mais ce qui est certain, c’est que Sharon ne fait rien d’autre que mener à l’extrême la logique de la Feuille de Route: il s’agit d’un plan contre le peuple palestinien pour légaliser l’occupation et non pour « pacifier » Palestiniens et Israéliens.
La paix est-elle possible?
Comme nous venons de l’indiquer, les derniers faits ont mis encrise le projet de la Feuille de Route. La majorité de la presse mondiale responsabilise les « extrémistes islamiques palestiniens » et « l’intransigeance du gouvernement israélien » pour leur incapacité à obtenir la paix dans la région. En plus, beaucoup de courants qui se revendiquent de gauche disent que la construction de deux états séparés et souverains est la seule issue possible.
La LIT-QI est totalement contre cette position. La racine de la violence dans la région est l’usurpation sanglante de sa terre, dont a souffert le peuple palestinien, ainsi que la construction d’une enclave, l’Etat d’Israël, qui agit comme un véritable gendarme, armé jusqu’aux dents, au service de l’impérialisme et financé par lui. Sa fonction est non seulement d’attaquer les Palestiniens mais aussi de menacer l’ensemble des peuples arabes, comme l’ont montré toutes les guerres du Moyen-Orient.
C’est pourquoi, il n’y a aucune possibilité de paix dans cette région, aussi longtemps qu’existe l’Etat d’Israël. La seule vraie paix ne pourra être obtenue qu’avec sa destruction et avec la construction d’un état palestinien laïque, démocratique et non raciste, comme proposait originairement l’OLP.
Nous sommes convaincus que la lutte du peuple palestinien et des autres peuples arabes, non seulement va liquider cette Feuille de Route, comme elle a fait avant avec d’autres plans impérialistes, mais aussi qu’elle rendra possible cet objectif.