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samedi, avril 13, 2024

Le dilemme du Hamas

Palestine 


 


En janvier, la victoire électorale du Hamas a été un plébiscite contre le gouvernement de Mahmud Abbas. Depuis l’époque de Yasser Arafat, les institutions de l’ANP (Administration nationale palestinienne) sont dominées par une bourgeoisie corrompue, qui a complètement capitulé et empoche « l’aide humanitaire » de l’Europe, des Etats-Unis et des pays arabes pour ses propres affaires.


C?est le cas de l’ex-premier ministre Korei, chef d’une entreprise de construction, qui vend du ciment à Israël pour la construction du « mur de séparation » en Cisjordanie. Il s?agit d?une bourgeoisie totalement dépendante de l’impérialisme et d’Israël, qui a abandonné toute prétention d’indépendance.


Mais cette politique a conduit au discrédit du gouvernement d’Abbas et de son courant Al Fatah. Le peuple palestinien a voté pour le Hamas, afin de protester contre les conditions de vie désastreuses, contre l’occupation de son territoire par Israël et contre la politique des Accords d’Oslo.



L’échec d’Oslo


La signature des Accords d’Oslo en 1993, réponse des puissances impérialistes à la première Intifada palestinienne, a été l’aboutissement du processus de capitulation d’Arafat et de la direction d’Al Fatah aux impérialismes américains et européens. Ces accords reconnaissaient l’existence de l’Etat d’Israël et l’usurpation de la terre palestinienne. Initialement, les masses palestiniennes ont apporté leur soutien à cet accord, en pensant qu’elles obtiendraient la paix et une amélioration de leurs conditions de vie.


Mais concrètement, il n’y a eu que quelques petites concessions faites aux dirigeants palestiniens qui, en échange, ont été confinés dans des territoires infimes, sous contrôle militaire israélien. La situation d’Arafat dans la Mukhata, plusieurs fois attaquée par le sionisme, a montré combien cette situation était humiliante.


De fait, l’ANP administrait des sortes de « bantoustans », semblables à ceux de l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid. Il s?agissait d?un gouvernement collaborateur ayant pour tâche de réprimer sa propre population au nom de l’occupant. C’est pour s?opposer à cette situation qu’a explosé la seconde Intifada en 2000.


 


La victoire du Hamas


C’est pour cela que les Palestiniens ont, en 2006, voté pour le Hamas, un parti qui conserve dans son programme la lutte pour la fin de l’Etat d’Israël. Ce vote a exprimé le fait que la population voyait le Hamas comme une alternative plus conséquente, face à la capitulation d’Al Fatah.


En réalité, le Hamas avait déjà adhéré à la trêve pactisée par le gouvernement d’Al Fatah et Israël en 2004.  Bien qu’il n’ait pas retiré de son programme la lutte contre Israël et n’ait pas rendu les armes, il a « congelé » de fait cette lutte et s’est limité à administrer des écoles et des hôpitaux, construits avec des fonds d’ONGs, de l’Iran et d’organismes de pays impérialistes.



La politique de l’impérialisme


Les élections et la victoire du Hamas ont été un coup dur pour le projet impérialiste qui voulait s’appuyer sur la direction de Mahmud Abbas. Abbas, n’ayant ni le poids historique ni le charisme d’Arafat, a perdu la confiance des masses palestiniennes.


Mais comme c?est un homme totalement fidèle à l’impérialisme et au sionisme, ceux-ci font tout pour le soutenir et pour qu’il conserve le pouvoir. Israël a bloqué les frontières et coupé l’envoi des impôts d’exportation perçus des zones palestiniennes. L’Union Européenne, le plus grand donneur d’aide, et les Etats-Unis ont suspendu, avec le soutien de l’ONU, l’envoi de fonds au gouvernement du Hamas. Et ils proposent de créer un mécanisme qui, hypothétiquement, garantirait « la livraison de ces subventions directement au peuple palestinien ».


Il s’agit d’une opération gigantesque de pression impérialiste et sioniste pour que le Hamas accepte les Accords d’Oslo, renonce à la « violence » et reconnaisse l’Etat d’Israël. Ils cherchent à ce que se répète le chemin de capitulation d’Al Fatah. Aussi longtemps que cela n’arrivera pas, ils ne reconnaîtront pas, de fait, son gouvernement. Selon Benita Ferrero Waldner, porte-parole de l’UE, les fonds seront administrés par la Banque Mondiale en collaboration avec le président de l’ANP, Abbas, même si celui-ci représente seulement une minorité des palestiniens. Et ces personnages cyniques osent encore parler de « démocratie » ! Comble de cynisme impérialiste, ces gouvernements n’exigent rien d’Israël.


Rappelons qu’Israël s’est approprié les meilleures terres et les sources d’eau de la Cisjordanie, et a isolé la zone arabe de Jérusalem et les populations palestiniennes de la Cisjordanie. Cette situation s’est aggravée à partir de la « séparation unilatérale » et la construction du fameux « mur » sous le gouvernement israélien de Sharon-Olmert. En même temps, Israël continue à assassiner des dirigeants palestiniens et à tuer des civils innocents, comme cela s’est passé récemment sur une plage de Gaza.


 


La menace de guerre civile


Al Fatah dispose de l’ample majorité des postes de l’appareil étatique créé par l’ANP. Il est décisif, pour continuer à dominer l’administration et le budget, de maintenir ces postes. La défaite électorale face au Hamas menace de lui enlever ce contrôle et il a donc recouru à ses mentors impérialistes et à l’état sioniste.


Il n’a même pas eu honte de recevoir d’Israël un armement nouveau pour « la garde présidentielle » d’Abbas. Le premier ministre israélien, Olmert, a justifié le fait « par la crainte qu’Abbas peut être victime d’attaques de ses adversaires du groupe extrémiste Jihad Islamique et  du mouvement radical islamique Hamas ».


D’autre part, Abbas maintient sous son contrôle la police et les forces de défense. Il y a déjà eu des affrontements entre ces forces et les miliciens du Hamas, dans la disputepour le pouvoir militaire entre le nouveau gouvernement et l’ancienne administration. Les forces d’Abbas sont même arrivées à envahir le Parlement palestinien, à Ramallah, pour y arrêter des députés du Hamas.


Autrement dit, Abbas et Al Fatah montrent qu’avec le soutien impérialiste et sioniste, ils sont disposés à entamer une guerre civile pour obliger le Hamas à capituler et pour défendre ainsi leurs postes et leurs affaires.


 


Le plébiscite


La politique d’Abbas d’appeler à un plébiscite pour « la paix sur la base des frontières de 1967 » est une tentative honteuse de forcer le gouvernement du Hamas à céder aux Accords d’Oslo et à trahir le mandat électoral reçu. Abbas a eu recours à un manifeste signé par des prisonniers politiques palestiniens en Israël, comme Marwan Barguti, de « l’aile combattante » d’Al Fatah.


Le Hamas a essayé de négocier mais Abbas a défini unilatéralement la date pour le 21 juillet, dans une tentative de se fortifier sur le plan électoral. Toutefois, certains prisonniers d’autres organisations, qui avaient signé le manifeste original, ont déjà dénoncé le texte et ont retiré leur signature.[1] Ce plébiscite est une man?uvre au service de l’occupation israélienne et devrait à ce titre être boycotté par les organisations de la résistance palestinienne.


 


Les alternatives pour le Hamas


Le projet du Hamas est la création d’un état islamique. Cette position et son caractère bourgeois pourraient les conduire à céder aux pressions et accepter, de fait, les accords d’Oslo pour pouvoir avoir, au moins, un petit Etat dirigé par eux. Le premier ministre du Hamas, Ismail Haniyeh, a alterné des déclarations « dures » avec des appels à négocier, et il a essayé de montrer à l’impérialisme, en particulier européen, qu’il peut céder. Récemment, la presse a informé qu’on travaille sur un possible accord entre Abbas et Haniyeh. Le fait est que Haniyeh a considéré la position de l’UE, de reprendre les donations, comme positive, bien que celles-ci soient empochées par Abbas, et il a demandé seulement « qu’on prenne en considération l’existence de son gouvernement ». En même temps, il a dit que le Hamas était disposé à négocier et à prolonger la trêve avec Israël « pour 20 ans ». Ce discours ressemble fort à celui d’Al Fatah, quand celui-ci a commencé à négocier les accords d’Oslo.


Au lieu de dénoncer l’occupation et d’exiger la restitution immédiate de tous les territoires occupés par Israël, en disant clairement aux masses palestiniennes que les accords d’Oslo servent seulement à favoriser les plans impérialistes et sionistes, le Hamas a pour politique de continuer à négocier avec Israël, même s’il ne le fait pas directement, mais par le biais d’intermédiaires. Si cette politique se concrétise, ce qui est fort possible, le Hamas deviendra responsable d’une nouvelle frustration des aspirations du peuple palestinien, qui a pourtant voté massivement pour lui.


Le Hamas a une autre alternative : faire appel au peuple palestinien qui a voté pour lui, et même à la base d’Al Fatah, pour dénoncer le plébiscite et le chantage de la guerre civile, et appeler à l’unité pour combattre l’Etat sioniste, l’impérialisme et ses agents palestiniens. Le peuple palestinien doit exiger qu’il le fasse.


 








[1] Abdeljaleq al-Naché et Basam al-Saadi, deux dirigeants du Hamas et Yihad en prison, qui avaient signé le document, ont retiré leur signature.

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