ven Mar 29, 2024
vendredi, mars 29, 2024

Nous sommes des travailleurs et nous n’allons pas au PSUV

Nous reproduisons la déclaration émise, le 8 avril 2007, par l’Unité Socialiste des Travailleurs (UST) du Venezuela. L’UST est née dans une assemblée plénière qui a eu lieu en août 2006 et elle prépare actuellement son congrès de fondation. Elle regroupe des militants et des cadres provenant de différentes expériences trotskystes et de gauche, dont les militants de la LIT-QI dans le pays.


 


Nous, qui nous constituons comme Unité Socialiste des Travailleurs, nous sommes tous des révolutionnaires, des travailleurs, et nous avons décidé de ne pas aller au PSUV. Pourquoi nous n’y allons pas ? (…)


 


Nous devons analyser le Mouvement de la Cinquième République (MVR) et les autres partis au gouvernement.


Le PSUV n’a pas encore été créé formellement, et il y a beaucoup de questions auxquelles on ne peut répondre qu’en analysant les caractéristiques du Mouvement pour la Cinquième République (MVR), PODEMOS, Patrie Pour Tous (PPT), le Parti Communiste Vénézuélien (PCV).[1] (…) Ce sont des partis qui soutiennent les riches et appliquent une politique économique qui favorise ceux-ci, au bénéfice de la bourgeoisie et au détriment des travailleurs et du peuple. (…)


Les entreprises transnationales de l’automobile sont exemptes du paiement de la TVA dans toute la chaîne de production, grâce au Programme Venezuela Mobile.


Les propriétaires des banques, nationales ou étrangères, n’ont pas à se plaindre : les affaires avec les Bons du Trésor argentin, les Bons du Sud et les Bons de PDVSA[2] ont permis et permettent aux banques des profits fabuleux.


Les banquiers internationaux sont très satisfaits, étant donné que le Venezuela fait des paiements anticipés de la dette externe.


Le secteur agricole a obtenu l’exonération de la TVA dans la production, le transport, la distribution et la commercialisation, de même que les producteurs de viande et autres secteurs alimentaires. C’est un grand cadeau à ce secteur de la bourgeoisie, plus que le double de ce qui est destiné comme budget pour les projets de logements et de développement urbain.


Analysons maintenant les nationalisations : nous considérons très important que les secteurs de la téléphonie, de l’électricité et du pétrole retournent au contrôle national, mais cela a regrettablement été « une bonne affaire » pour les entreprises impérialistes. Pourquoi personne n’a-t-il vu le patronat yankee dénoncer les nationalisations ? Ce qu’on a vu, c’est plutôt que les Yankees étaient contents de quitter le pays, comme c’est le cas de l’exécutif de l’entreprise électrique de Caracas qui disait : « Cela a été une des meilleures affaires durant ces dernières années ».


 


Le MVR & Cie font de petites concessions aux travailleurs


Après huit années dans le gouvernement, nous devons faire un bilan sur les avancées que le MVR a obtenu en matière de conquêtes pour les travailleurs. Beaucoup de camarades honnêtes nous disent: « regarde les Missions, les bourses ». Expliquons ce que nous disons :


Le chômage n’a pas diminué. Les statistiques sont en baisse et les colporteurs augmentent.


Les bidon-villesprolifèrent autour des grandes villes, et la politique du logement est une catastrophe. En 2006, le Ministère du Logement n’a même pas pu construire 34.000 logements.


La politique salariale favorise seulement le profit des chefs d’entreprise. Le panier d’aliments de base à lui seul coûte plus que le salaire minimal.


Le salaire minimal de nos jours ne garantit pas le panier alimentaire, sans parler du panier des besoins élémentaires de 1.400.000 bolivars (700 dollars).


Une inflation annuelle de 18% corrode les salaires.


Les Contrats Collectifs. Le MVR est le pire patron du pays : les travailleurs du Mercal sont déjà presque 2 ans sans contrat; les employés publics, 4 ans; ceux de l’INCE, 9 ans, et les travailleurs du Ministère du Travail lui-même, 16 ans ! (…) Beaucoup s’imaginent que les travailleurs pétroliers gagnent de hauts salaires, mais un travailleur de la dotation fixe de PDVSA gagne moins de 150.000 bolivars par semaine (moins de 70 dollars).


 


D’autre part, on observe une offensive contre le mouvement ouvrier. Le samedi 24/03, il y a eu un rassemblement important au Théâtre Teresa Carreño pour la construction du PSUV. Le discours de Hugo Chavez a été clair, limpide et direct : « les syndicats ne doivent pas être autonomes, il faut en finir avec ça ».


Chavez se permet d’insulter les dirigeants syndicaux sans broncher : « J’ai beaucoup d’amis dirigeants syndicaux, mais ils se battent entre eux, l’un par-ici, l’autre par-là. Je ne les reçois pas, aussi longtemps qu’ils ne seront pas unis. »


(…) L’autonomie syndicale signifie avoir le courage de dénoncer que l’Etat vénézuélien est un patron très mauvais, étant donné qu’il embauche des travailleurs sans garantie de travail, comme n’importe quel gars propriétaire d’un magasin (…). S’il n’y a pas d’autonomie syndicale, qui combattra alors pour le salaire des employés publics, qui s’opposera aux vexations dont ils font l’objet ?


 


Le PSUV naît sous le signe du club d’amis


Lors du rassemblement au Théâtre Teresa Carreño, il a été possible de voir comment fonctionnera le futur PSUV. L’entrée était réservée aux chers amis. Les mêmes politiciens que les masses commencent à répudier, étant donné leur enrichissement rapide et inexplicable, étaient présents sans avoir été élus par personne.


Les secteurs de l’UNT qui sont critiques envers la politique économique et salariale du gouvernement, n’ont pas pu entrer. Les camarades de la Force Socialiste de Professionnels, Techniciens et Intellectuels non plus. (…) S’ils n’ont pas pu participer à la fête, ils ne pourront pas non plus participer au débat du programme et de la composition de la direction ou à d’importantes délibérations. Ce sera un parti en plus, où il nous sera permis de participer avec notre vote mais pas avec nos idées.


 


La majorité de la gauche marche vers le PSUV de façon allègre et irresponsable


(…) Il y en a qui marchent la tête basse et d’une façon résignée, d’autres joyeusement. Pourquoi la gauche vénézuélienne agit-elle de cette manière ? (…) Serait-ce la première fois que ce problème se pose pour notre classe ? (…) Les maîtres de la classe ouvrière, Marx, Lénine et Trotsky, entre autres, ont étudié déjà à fond ces processus et ont recommandé à la classe ouvrière de maintenir son « indépendance politique ».


Le problème le plus grave est que la gauche vénézuélienne est devenue tellement opportuniste, que la valse des cadeaux qu’on est en train de distribuer aux transnationales, aux banquiers, aux industriels et à la bourgeoisie agricole, ne fait même plus l’objet de commentaires. La gauche marche allègrement vers le parti qui continuera à appliquer ces politiques.


 


Cela suffit


(…) Comme travailleurs, nous devrons faire clairement le constat que cela fait 8 ans de gouvernement déjà, qu’on n’a pas résolu le problème du chômage et de la pauvreté, et qu’en même temps, il y a un gaspillage du revenu pétrolier en faveur de la bourgeoisie.


(…) Certains nous diront qu’agir et penser ainsi, c’est faire preuve de sectarisme, qu’il faut accompagner l’expérience et la conscience des masses. Nous répondons que celui qui fait de la politique à partir de la conscience des masses, finit toujours, et inévitablement, par capituler au retard de celle-ci (…). D’abord l’indépendance de classes, ensuite celle de la conscience.


En ce sens, nous considérons comme une erreur la lettre qu’a envoyé un groupe de camarades dirigeants syndicaux de la CCURA (www.aporrea.org, 27/03/07) au Président Chavez concernant le « manque d’autonomie des syndicats ». Cette lettre ne dit rien de la politique économique du chavisme. Comment les masses peuvent-elles arriver à tirer leurs conclusions politiques, et à avancer dans leur conscience, si leurs dirigeants ne disent pas toute la vérité ? Un autre problème grave est que la lettre part de la supposition que le gouvernements et les travailleurs se trouvent dans le même camp, comme si cette société n’était pas divisée en classes.


La lettre dit aussi que : « nous défendons le droit des travailleurs de faire de la politique et de se joindre au PSUV » et que « nous ne voyons pas de contradiction entre construire le PSUV et soutenir la révolution ». Quand les milliers de travailleurs des services publics, les travailleurs du secteur pétrolier, ou les retraités de CANTV[3] commencent à faire leur expérience avec ce gouvernement et voient que leurs dirigeants demandent d’entrer au PSUV, ils peuvent penser, de manière erronée, que « maintenant les choses vont changer, il ne s’agit déjà plus du vieux MVR, il s’agit du nouveau PSUV ». Ceci aide-t-il au développement de leur conscience ?


 


(…) C’est pourquoi, la première mesure à prendre est d’être conséquents avec le congrès constitutif du CCURA, qui a approuvé, dans la résolution sur « l’UNT dont nous avons besoin, nous les travailleurs », que « les organisations syndicales doivent être indépendantes et autonomes par rapport à l’impérialisme, l’Etat, le gouvernement, les patrons et les partis politiques ».


 


Un front de gauche est nécessaire


L’UST, un groupement de révolutionnaires et défenseurs inconditionnels de l’indépendance politique de la classe ouvrière, de l’unité syndicale indépendante et autonome, considère qu’il y a différents groupes avec des orientations semblables dans le pays. Nous ne croyons pas que ces groupes ont individuellement la force pour imposer un plan économique des travailleurs. Mais, si nous rassemblons nos forces, nous pouvons arriver à construire un grand front de gauche et avancer dans l’organisation indépendante des travailleurs. (…)


L’autre alternative est d’entrer au PSUV et de se soumettre à sa politique économique en faveur des capitalistes, de maintenir un silence complice face à l’occupation de Haïti, de se soumettre à la volonté des gouverneurs qu’on connaît, des maires et des députés, de se soumettre à un parti sans démocratie interne, déjà depuis ses actes constitutifs.


Nous considérons que ce n’est pas le chemin à suivre, et nous appelons les camarades du CCURA qui ont signé la lettre mentionnée à rompre avec le PSUV et, qu’ensemble, nous construisions l’outil politique indépendant dont la classe ouvrière vénézuélienne a besoin.


 


 






[1] Le MVR est le parti de Chavez, le parti le plus important au Venezuela. PODEMOS (« Nous pouvons ») et PTT ont leur origine dans le PCV, duquel ils se sont séparés dans les années 60. PODEMOS, PTT et PCV ont manifesté des réticence à se dissoudre dans le PSUV.



[2] Petróleo de Venezuela Sociedad Anónima, la compagnie pétrolière de l’Etat



[3] La principale entreprise de télécommunications du Venezuela

Ces articles peuvent vous intéresser

Découvrez d'autres balises

Artigos mais populares