Le 1er septembre 2022
Le Royaume-Uni est peut-être le pays qui compte le plus de grèves dans le monde aujourd’hui.
Par la LIT-QI
Depuis le mois de juin, on a assisté à des grèves successives approuvées par des scrutins à la base (cheminots, postiers, travailleurs universitaires et enseignants du service public, etc.) ; des grèves illimitées, comme celle des chauffeurs de bus dans le Nord-Ouest ; des grèves radicalisées et des protestations d’ampleur nationale, comme chez Amazon, et sur plus de 20 autres lieux de travail, comprenant des raffineries de pétrole, des centrales nucléaires, des installations pétrochimiques. Certaines de ces grèves sont considérées comme « illégales », car elles ne respectent pas la loi sur les grèves, qui impose une série d’obstacles au droit des travailleurs à se manifester.
Les travailleurs affiliés au RMT (environ 40 000 travailleurs des chemins de fer et du métro) et les conducteurs de bus de Londres coordonnent leurs grèves. Le RMT a organisé une grève de trois jours en juin et une grève de 24 heures le 19 août, et les chauffeurs de bus londoniens de Unite les ont rejoints le 20 août, pour la deuxième série de grèves. L’action commune commence donc. En outre, le CWU (plus de 115 000 postiers) a annoncé une grève de deux jours en août, qui a été menée avec un large soutien populaire, et de deux jours en septembre.
Cheminots du RMT en grève
Les employeurs offrent une augmentation de salaire de 2 à 3 % alors que l’inflation est supérieure à 11%, et en augmentation. Officiellement, elle passera à 13 % en janvier 2023. Les factures annuelles du ménage type devraient dépasser 4 200 £ à partir de janvier, dans le contexte de la plus grande crise du coût de la vie au Royaume-Uni depuis des décennies. Le prix de l’essence a presque doublé en 9 mois. Le gaz naturel, indispensable pour chauffer les habitations en hiver, a connu une énorme augmentation de prix.
Dans ce contexte, un processus de radicalisation de la classe ouvrière a commencé, qui se traduit par une vague de grèves présentant les caractéristiques suivantes :
1) De nombreux travailleurs et syndicats pensent que les grèves sont là pour rester. La colère grandit. Le syndicat des cheminots RMT pense que cette lutte durera plusieurs mois.
2) La propagation des grèves « illégales » montre la manière dont les lois antisyndicales devraient être enfreintes. Le parti travailliste et le TUC (Trades Union Congress) ont organisé d’interminables conférences depuis les années 1980, mais sans aucune action efficace pour faire face à ces lois. Le TUC regroupe aujourd’hui 48 syndicats nationaux et représente environ 5 millions de travailleurs. Dans les années 1980 et 1990, le gouvernement du Premier ministre Margaret Thatcher a attaqué et réussi à affaiblir le mouvement syndical en imposant des lois antisyndicales, telles que le vote secret par correspondance et les exigences de quorum minimum, des obstacles qui rendent aujourd’hui difficile la réalisation de grèves. Mais la vague de grève actuelle peut surmonter ces obstacles. Les syndicats affiliés au TUC soutiennent et organisent les grèves, tandis que la direction du TUC se limite à faire des déclarations. Par exemple, le 18 juin, elle a organisé une manifestation nationale à Londres, sous la piètre banderole « nous exigeons plus (we demand more) », avec la participation de 40 000 personnes, mais elle n’a entrepris aucune action pour l’unification des grèves en cours.
3) Les grèves ont lieu dans les secteurs privé et public, y compris pour les travailleurs de l’industrie (centrales électriques, centrales nucléaires, raffineries de pétrole et de gaz, avions, produits chimiques). On estime que 33 lieux de travail mènent des grèves « illégales ». Le RMT est devenu une source d’inspiration pour de nombreux travailleurs et les grèves nationales se multiplient (conducteurs de train, travailleurs des postes et télécommunications). Les travailleurs du secteur public sont également en grève (travailleurs de l’État) ou se mettent en grève (enseignants et universités), etc. En Écosse, les travailleurs du secteur public se sont mis en grève du 18 au 30 août, principalement les travailleurs municipaux chargés des déchets, le secteur de l’éducation et de la garde d’enfants et d’autres services municipaux. Ils ont rejeté une première offre d’augmentation salariale de 3,5%, puis de 5%, et menacent de reprendre une nouvelle semaine de grève à partir du 6 septembre.
4) Le RMT et l’UCW (travailleurs postaux) insistent sur le fait que ce sont des services sociaux. Le RMT organise un rassemblement (le 31 août) pour lutter pour des guichets et un système de transport public décent. Les patrons du rail et le gouvernement veulent fermer tous les guichets (et réduire de moitié l’entretien des chemins de fer).
Piquet de grève du RMT
5) Si le TUC appelait à une grève générale, il y aurait une réponse massive, mais pour l’instant il ne prévoit pas de le faire. Les travailleurs mènent des actions qui vont au-delà de ses idées et de ses revendications.
6) Il ne faut pas perdre de vue que les grèves et la crise du coût de la vie ont poussé Boris Johnson à partir.
7) La direction du Labour est contre les grèves. Starmer exige que les députés et les conseillers municipaux ne participent pas aux piquets de grève. La haine du Labour grandit parmi les travailleurs.
8) Jeremy Corbyn conserve son prestige auprès de nombreux syndicalistes et militants. Lui et la gauche travailliste participent à de nombreux piquets de grève.
9) Au début des conflits, le TUC s’est limité à organiser une marche au mois de juin. Mais la pression de la base est si forte que deux des plus grands syndicats nationaux affiliés au TUC, Unite (1,2 million de travailleurs) et Unison (1,3 million de travailleurs du secteur public, en particulier dans l’éducation, l’administration, la santé, etc.) ont écrit au TUC la semaine dernière pour appeler à des « grèves coordonnées » à l’automne sur les salaires. En d’autres termes, bien que le slogan « grève générale » ne soit pas utilisé, il existe une pression énorme de la base pour la mettre en pratique en appelant à la coordination des grèves.
10) Les dockers du port de Felixstowe (sud-est de la Grande-Bretagne) – le port le plus important pour le transport de marchandises dans le pays (70 % de l’ensemble du transport de marchandises) – ont entamé une grève de huit jours le 21 août, menaçant d’arrêter une grande partie du transport de marchandises du pays. Ils ont rejeté une augmentation de salaire de 7 % et réclament une augmentation qui corresponde au moins à l’inflation. Les cheminots du syndicat Aslef feront une grève de 24 heures le 15 septembre dans 12 entreprises, affectant le transport entre Londres et le centre et le nord de l’Angleterre, ainsi que les trains vers l’Écosse et le Pays de Galles.
11) Les mouvements de grève pourraient se poursuivre au-delà de l’été, s’étendant à l’éducation (640.000 travailleurs) ou à la santé (un million de travailleurs), etc., où des augmentations de salaire de 4% seulement ont été proposées.
12) À cela s’ajoute le récent appel au boycott des factures d’électricité et de gaz, car elles vont bondir de 80 % à partir du 1er octobre, date d’expiration du plafonnement des prix imposé aux compagnies d’électricité par le gouvernement Johnson. La campagne « Don’t Pay » se déroule sur les médias sociaux et, en moins d’une semaine, 128 000 personnes ont déjà signé, s’engageant à supprimer leurs comptes de débit automatique auprès des compagnies d’énergie.
Rassemblons-nous en solidarité avec les grèves britanniques
Cette énorme vague de grèves représente un grand défi et une opportunité pour les travailleurs et les révolutionnaires.
Il est urgent que la classe ouvrière des autres pays européens et du monde entier s’informe et discute de la situation de la lutte des classes au Royaume-Uni, afin d’organiser une grande campagne de solidarité avec nos frères et sœurs de classe.
Dans un premier temps, nous proposons que des dirigeants de syndicats ou de mouvements sociaux, dans la mesure du possible, réalisent des vidéos de salutations et de solidarité avec la vague de grève britannique et en particulier aux 40.000 cheminots, 115.000 postiers, chauffeurs de bus et dockers. Elles peuvent être envoyées à socialistvoiceisl@gmail.com.
Il est très important que les grévistes britanniques reçoivent des motions de solidarité des travailleurs du monde entier. Il nous incombe de défendre cette cause et de rendre les luttes de ces travailleurs visibles dans le monde entier. La classe ouvrière britannique nous montre la voie.