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Gorbatchev : le personnage clé de la restauration capitaliste en ex-URSS

31 août 2022

Mikhaïl Sergueïevitch Gorbatchev, qui fut président de l’ex-Union soviétique à la fin des années 1980 et au début des années 1990, est décédé hier à Moscou à l’âge de 91 ans. Les médias occidentaux rendent hommage à « l’un des hommes les plus importants de l’histoire mondiale de la fin du 20e siècle ». En Russie et dans la région de l’ex-URSS, son souvenir n’est pas si rose.

Par Alejandro Iturbe

Gorbatchev est né en Russie. Il rejoint très jeune le Komsomol (jeunesses communistes) dans le cadre de la domination absolue du pays par l’appareil bureaucratique stalinien. Il a mené une longue et fructueuse carrière au sein du Parti communiste (PCUS), qui a abouti à son élection au poste de secrétaire général en 1985. Peu de temps après, il a également été élu président de l’URSS.

La perspective historique permet de comprendre que l’ascension de Gorbatchev aux plus hautes sphères du pouvoir représentait un projet bien précis : restaurer le capitalisme dans l’ex-URSS. C’est-à-dire transformer une économie centralisée et planifiée de l’État en ce qu’on appelle par euphémisme une « économie de marché » (au service des profits du capitalisme). Ce projet a reçu le nom de Perestroïka.

Gorbatchev, Reagan et Bush, à New York, 1988

Ainsi, l’une des alternatives proposées par le révolutionnaire russe Léon Trotsky dans son livre La Révolution trahie dans les années 1930 s’est réalisée : soit la classe ouvrière jetait la bureaucratie stalinienne hors du pouvoir et reprenait le chemin de la construction du socialisme, soit cette bureaucratie finirait par restaurer le capitalisme.

Le projet de Gorbatchev était de suivre le modèle appliqué en Chine depuis 1979, sous la houlette de Deng Xiaoping : restaurer le capitalisme en s’associant à l’impérialisme, mais en maintenant le contrôle de l’appareil d’État par le Parti communiste. Cependant, alors qu’en Chine le modèle avait pleinement réussi, dans l’ex-URSS, il est devenu très compliqué.

D’une part, un différend s’est élevé entre différentes fractions de la bureaucratie à la fois sur le rythme du processus de restauration et sur l’usufruit de ses bénéfices. D’autre part, les masses de l’URSS sont descendues dans la rue contre les conséquences socio-économiques des mesures restaurationnistes et à la perte de conquêtes sociales que ces mesures impliquaient, et aussi pour exiger de plus grandes libertés démocratiques après des décennies de stalinisme.

Le résultat a été que le régime stalinien-restaurateur du PCUS s’est effondré et en 1991, l’URSS a été dissoute. Le processus avait déjà eu des expressions dans d’autres pays du soi-disant bloc de l’Est : par exemple, la chute du mur de Berlin en 1989 et la réunification ultérieure de l’Allemagne sous la domination impérialiste.

La querelle entre les factions se disputant le butin de la restauration s’accentua et devint plus violente. Une situation qui prit fin avec la prédominance de la faction de Vladimir Poutine, après la guerre contre-révolutionnaire en Tchétchénie. En ce sens, on peut dire que Poutine et son régime dictatorial, au service d’un groupe d’oligarques bourgeois, est l’un des héritiers de Gorbatchev.

Gorbatchev et Poutine

Nous avons parlé de la perte de gain que la restauration capitaliste a signifié pour les travailleurs et les masses dans des domaines tels que la santé publique et l’éducation ou le droit au travail. En termes macroéconomiques, entre 1985 et 1991, le PIB a chuté de 11 % et la valeur du rouble par rapport au dollar a été cent fois réduite. Pour les travailleurs et les masses, ces chiffres ont eu une signification très dure : chute brutale de l’espérance de vie, diminution de la population, augmentation exponentielle des maux sociaux comme l’alcoolisme et la prostitution…

Pendant ce temps, l’impérialisme a rendu hommage à Gorbatchev pour les « services rendus » : en 1990, il lui décerna le prix Nobel de la paix ; en 1995, le Portugal l’a décuré de la Grande-croix de l’Ordre de la liberté… Après sa tentative infructueuse de retour en politique russe (en 1996, sa candidature à la présidence recueille à peine 1 % des voix), il a crée une fondation à son nom et s’est consacré à donner des conférences dans le monde entier, recevant des dizaines de milliers de dollars pour chacune d’entre elles.

La figure de Gorbatchev s’est estompée et a quitté les premières pages des médias ; il n’a été rappelé que lors d’anniversaires d’événements historiques tels que la chute du mur de Berlin ou la dissolution de l’URSS. Aujourd’hui, les médias impérialistes lui rendent hommage et versent une larme en son nom. Nous répudions son rôle néfaste dans l’histoire en tant que représentant d’une bureaucratie qui a fini par liquider l’expérience la plus importante que, jusqu’à présent, l’histoire de l’humanité a produite dans sa tentative d’avancer vers le socialisme. Nous n’avons pas versé une seule larme pour sa mort. Au contraire, comme l’a dit un poète « Ce ne sont pas les morts que nous pleurons ».

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