dim Avr 14, 2024
dimanche, avril 14, 2024

Avec les travailleurs de VW – défendre l’emploi

Depuis des années, les annonces d'une restructuration profonde ou d'une fermeture de l'entreprise VW à Forest se sont succédées à intervalles réguliers,  produisant chaque fois davantage de stress pour les travailleurs de Volkswagen et de ses sous-traitants.

 

Ces annonces n'ont pas été sans conséquence pour les travailleurs : augmentation de la flexibilité du temps de travail, intensification de la charge de travail, dégraissage des effectifs, externalisation croissante de la fabrication des sous-ensemble,.

 

Le chantage à la fermeture permettait de faire sortir par la grande porte de l'usine un nombre croissant de travailleurs pour les faire rentrer par la petite porte des sous-traitants, à des conditions inférieures ; de même qu'il a permis de faire accepter par le personnel des conditions de travail de plus en plus pénibles.  Ainsi, entre 2000 et 2006, le nombre de travailleurs à VW est passé de 7140 à 5400 et la proportion d'intérimaires au sein de l'entreprise n'a fait qu'augmenter. Pourtant, le nombre de voitures assemblées n'a, quant à lui, pas diminué. Les travailleurs à la chaîne voient ainsi arriver une nouvelle voiture à assembler toutes les 76 secondes.

 

Face à ces concessions, les travailleurs pouvaient du moins se sentir rassurés des résultats très positifs du site situé à Bruxelles, atteignant des niveaux de productivité très élevés (jusqu'à 2 à 3 % d'augmentation de la productivité chaque année). Mais les efforts consentis de leur part et l'accroissement des bénéfices de l'entreprise se sont chaque fois traduits par encore plus de pressions et de menaces.

 

Face à celles-ci,  l'Etat belge s'est empressé de satisfaire au mieux les désirs du patronat de l'entreprise Volkswagen en mettant à sa disposition un immense terrain public de 75000m2 et en investissant plus de 35 millions  d'euros dans cet Automotive Park, permettant de renforcer la disponibilité et l'adaptabilité des sous-traitants aux besoins de l'usine. La région bruxelloise a investi500 mille euros dans un centre de formation, Iristech, destiné aux futurs travailleurs de VW et ses sous-traitants. Enfin, les cadeaux fiscaux se sont succédés qui peuvent être évalués à des centaines de millions d'euros : diminution des charges patronales, diminution des charges sur le travail d'équipe et de nuit, nouvelle disposition permettant de mettre au chômage technique (et donc sur les fonds publics) les travailleurs lorsque les commandes de l'entreprise diminuent.

 

De même, le gouvernement prévoit de changer la législation sur le temps de travail afin d'adapter le temps de travail sur une durée de 6 ans, soit la durée de vie commerciale d'un modèle automobile. Le système d'épargne-temps, qui a fait l'objet d'un protocole d'accord entre Agoria (fédération patronale de l'industrie technologique), la CSC Métal et l'ABVV Metaal Flandre en mai dernier, pousse encore plus loin cette flexibilisation du temps de travail.

Mais, comme ne le cache pas le Ministre-Président de la Région bruxelloise, C. Picqué,  c'est justement qu'est le rôle du pouvoir politique :

 

« La population a pu voir que des efforts ont été faits pour implanter durablement VW à Forest, avec ce parc mais aussi des subsides, des baisses de charges.Le politique avait donc bien fait son boulot ».1

 

Avec l'annonce des licenciements à Volkswagen, la classe dominante au pouvoir n'hésite pas à révéler l'ampleur de sa servitude aux intérêts patronaux. 

 

Mais que s'est-il donc passé ? Les travailleurs ont donné un maximum, l'Etat bourgeois a accompli parfaitement son rôle comme instrument au service des patrons.et la direction de Volkswagen a donné son verdict : 4000 travailleurs en moins ! On retire l'assemblage de la Golf ! VW-Forest, malgré les immenses bénéfices retirés, nous coûte encore trop cher !

 

C'est qu'il n'y a pas que les travailleurs de VW-Forest qui ont dû faire d'importantes concessions au patronat ; IG Metall, le syndicat unique du secteur automobile en Allemagne, a signé un accord en septembre dernier avec la direction de Volkswagen, permettant une augmentation du temps de travail sans augmentation salariale.  La contrepartie était le maintien de l'emploi mais la direction de l'entreprise a pourtant déjà annoncé une diminution de 20.000 travailleurs dans les entreprises allemandes dans les prochaines années. Ce n'est donc pas un « nationalisme allemand » qui a guidé la décision de VW mais d'abord les compromis effectués par un syndicat plus qu'impliqué dans les intérêts de la direction (on peut d'ailleurs affirmer que le syndicat allemand fait, d'une certaine façon, partie directement du patronat, étant actionnaire de l'entreprise et siégeant à la direction du conseil d'entreprise). Les travailleurs allemands risquent donc de voir leurs conditions de travail se dégrader de manière significative.

 

La méthode des directions patronales est très claire : il s'agit de mettre en concurrence les différents sites de production, et donc les travailleurs de ces sites, afin d'obtenir un maximum de ceux-ci. L'annonce de la réduction drastique des emplois à Forest vise d'abord à accroître la pression sur les quelques 1500 travailleurs qui resteront, sur ceux qui seront éventuellement ré-engagés dans un futur et éventuel plan industriel à Forest (avec l'assemblage de l'Audi pour 2009 ?) mais également sur les travailleurs des autres sites européens (et en première ligne l'usine espagnole de Pampelune).

 

Le message est clair : si les travailleurs veulent garder leur emploi, ils devront encore « faire des efforts » pour réduire les coûts, pour produire chaque fois plus de richesse en moins de temps de travail et ce, afin d'augmenter les bénéfices des actionnaires et du patronat.

 

Lors de la rencontre des syndicats européens du métal ce lundi 27 novembre, au lieu de marquer clairement la nécessitéd'un combat commun contre l'offensive patronale, le syndicat allemand IG Metall n'a pas hésité à prévenir et à conseiller les travailleurs belges, faisant le jeu du patronat : « Le tout est de savoir avec quelle rentabilité une Audi peut être assemblée à Bruxelles. En Allemagne, nous avons réduit nos coûts de 20%. Il faut voir ici avec les syndicats belges quelle peut être l'ampleur de cette réduction des coûts : 15, 20%,. ».2

 

Augmentation et flexibilisation du temps de travail, réduction des salaires, réduction des charges patronales, .jusqu'où devront aller les travailleurs, que devront-ils encore offrir d'eux-mêmes pour sauvegarder l'emploi ?

 

Les travailleurs de Forest l'ont d'ailleurs bien compris ; ceux qui resteront seront « pressés comme des citrons ». Déjà que les conditions de travail devenaient intenables pour nombreux d'entre eux, beaucoup craignent pour l'avenir de ceux que l'entreprise voudra bien garder.

 

Mais alors que les travailleurs de VW s'inquiètent de leur futur, pleurent leur désarroi, s'indignent de la brutalité de la nouvelle, et attendent des mots d'ordre de leurs directions syndicales pour se mobiliser, celles-ci sont restées étrangement préoccupées par une question : celle de garder le calme au sein de leur troupe, « de ne pas apparaître comme des sauvages mais comme des victimes ».  Alors même que les travailleurs encaissaient la nouvelle, les directions syndicales en appelaient ainsi à « conserver le calme », à se montrer responsable,.en bref elles démobilisaient par crainte des débordements d'une foule de travailleurs très légitimement en colère. Lors de l'assemblée générale qui a suivi l'annonce du licenciement par le conseil d'entreprise de VW-Forest, les représentants syndicaux ont conseillé aux milliers de travailleurs présents de « rester à la maison », et « d'attendre des nouvelles par les médias ». L'assemblée s'est dispersée laissant quelques centaines de travailleurs manifester leur colère, seuls, dans les rues de Forest.

 

Très vite, les médias, le pouvoir politique mais également les directions syndicales ont relayé un mot d'ordre : il s'agit de négocier de bons plans sociaux, d'obtenir une prime généreuse pour les travailleurs licenciés.

 

Parallèlement, surgissaient de toutes parts des promesses d'emplois aux «  futurs ex-travailleurs VW » : quelques centaines à la SNCB, quelques centaines chez Intérim Védior, quelques centaines dans le secteur de la construction en Flandre, quelques dizaines pour l'aéroport de Charleroi. Si on les additionne, ces offres seront loin de répondre aux dizaines de milliers d'emplois perdus avec la restructuration de VW (en 2003, la Banque Nationale Belge avait estimé entre 78.500 et 87.600 le nombre de postes indirects générés par VW-Forest).3 D'autre part, ces offres ne constituent pas des emplois supplémentaires ; elles ne font que promettre aux travailleurs de VW de les faire passer devant la file des chômeurs. 

 

Ces promesses de primes généreuses et d'emplois visent à démobiliser les travailleurs, à leur faire croire que même « en restant  chez eux », ils obtiendront quelque chose.

 

Face à ce genre de drame social, les politiques sont toujours mal à l'aise. Face à la colère de la population et des travailleurs, il s'agit de démontrer que ce n'est pas une conséquence du capitalisme mais au contraire du non respect de ses principes ou au contraire d'un manque de « libéralisme à visage humain ». 

 

Ainsi, pour Verhofstadt, dans le dossier VW, c'est « le principe du marché qui n'a pas joué »,4 les « considérations nationales » ayant constitué, selon le premier ministre, le fondement d'une telle décision. Pourtant, si VW licencie en Allemagne dans les prochaines années au profit d'une nouvelle usine construite en Inde (530 millions de dollars y seront investis prochainement), pourra-t-on parler de « considérations nationales » ou de protectionnisme allemand ?

 

A ce « nationalisme d'un autre âge », les dirigeants des partis dits « progressistes » (PS, Ecolo, CDH,.) ajoute une autre cause au drame de Forest, celui du manque d'une dimension sociale et humaine au capitalisme : l'origine ne serait pas dans l'exploitation du travail au profit du capital mais dans la faiblesse des protections sociales qui doivent côtoyer le libéralisme économique. Ces mêmes partis pourtant participent au détricotage de ces protections sociales et du droit du travail pour protéger la sainte « liberté économique » des entreprises, celle de faire du profit sur le dos des travailleurs et des fonds publics.

 

Et de fait, alors même que la politique des « cadeaux aux patrons » s'avèrent inefficaces pour mettre un frein aux appétits insatiables des capitalistes, comme le confirme encore la décision de VW, le gouvernement s'agenouille et propose de satisfaire encore les ultimes désirs de la direction de l'entreprise. C. Picqué, ministre-président socialiste de la Région de Bruxelles-capitale, après l'annonce de VW, proposait de « mobiliser en faveur de VW son système d'aides à l'expansion économique. Il faudrait en discuter avec la direction mais nous sommes prêts à investir à nouveau s'il le faut. ».

 

Ce « libéralisme social » tant défendu semble s'apparenter à un système de transfert permanent des fonds publics, à un écoulement des caisses de l'Etat et de la sécurité sociale au profit des intérêts privés des détenteurs de capitaux et cela, « au nom de la sauvegarde de l'emploi ».

 

Alors que ces transferts du public vers le privé nous ont bien montré comment ils ne servent aucunement les intérêts des travailleurs et de la population mais alimentent au contraire l'appétit du patronat, on propose d'approfondir encore cette politique de soumission au marché.

 

Le conseil d'entreprise de VW-Forest qui s'est déroulé ce mardi 28 novembre nous dévoile la stratégie de la direction VW, déjà annoncée et martelée par le syndicat allemand : si Bruxelles veut garder VW et ses emplois, il faudra réduire les coûts ! Sans confirmer cette nouvelle, la direction allemande laisse planer le doute : 100000 Audi A1 pourrait être assemblées annuellement à Bruxelles dès 2009.

On pouvait s'attendre à ce que la nouvelle soit accompagnée de ce message : la direction belge appelle les travailleurs à reprendre le travail, « de manière à accroître les chances d'un déroulement constructif des négociations ».5

 

Ces promesses ne constituent dans ce sens qu'une manière de lancer des miettes aux travailleurs afin qu'ils se divisent dans la lutte pour les éventuels emplois qui seraient conservés, dans des conditions qui ne laissent rien présager de bon au vu des déclarations d'IG Metall et de la direction patronale.

 

Le risque est qu'à défaut de mobilisations réelles, fortes et autour de consignes claires, les travailleurs perdent tout et d'abord leur unité. Les directions syndicales qui ont refusé jusqu'à présent l'arrêt de la grève sans garantie préalable doivent, dans ce sens, maintenir cette unité autour d'une revendication claire : un emploi pour tous sans dégradation des conditions de travail ! Cette unité doit être construite non seulement entre les travailleurs de VW et de ses sous-traitants mais également en cherchant à gagner la solidarité et le soutien dans cette lutte des plus larges secteurs des travailleurs en Belgique.

 

Cette lutte qui a reçu le soutien de travailleurs de l'entreprise VW au Brésil doit également soutenir la résistance des travailleurs espagnols de Renault qui subissent une même offensive patronale et celle des travailleurs de VW-Pampelune qui risquent à leur tour de subir les conséquences du diktat du capital.

 

Contre la stratégie patronale de division des travailleurs des différents sites de production, exigeons des directions syndicales des différents pays des actions unitaires autour de revendications communes !

Pas de licenciement à VW-Forest et dans ses autres sites !

Maintien de l'emploi sans dégradation des conditions de travail!

Remboursement par le patronat de VW des subsides et autres cadeaux reçus de l'Etat !

                       

1 L'Echo, 23 novembre 2006

2 Le Soir, 28 novembre 2006

3 L'Echo, le 18 novembre 2006

4 Le Monde, le 23 novembre 2006

5 Le Soir, 29 novembre 2006

 

Stop aux restructurations et aux fermetures !

 

Le 21 novembre dernier, la direction de VW à Forest annonçait son intention de licencier 4000 personnes, entraînant près de 9000 emplois secondaires.

 

Le gouvernement s'est dit « choqué par le drame humain qui se joue à Forest ». Mais, dans un communiqué de presse 4 jours avant l'annonce de VW, Verhofstadt rappelait que le gouvernement poursuivait une politique de réduction du coût du travail en équipes, sous la forme d'une réduction du précompte professionnel. Au 1er avril 2007, cette réduction s'élèvera à 10,7 %. Et le gouvernement, malgré les fortes mobilisations de l'année passée, a imposé le pacte de « solidarité » entre générations qui favorise la flexibilité et supprime le droit à la pré-pension !

 

Pourtant, dans le conflit à VW-Forest, le gouvernement veut se faire passer pour un allié des travailleurs. Mais il y a longtemps que les gouvernements, toutes couleurs confondues, n'ont cessé de faire des cadeaux aux patrons. Et actuellement, la police est mobilisée, non pour récupérer cet argent mais pour contenir les « débordements » de la colère des travailleurs.

 

 Les travailleurs de VW – tout comme ceux de Clabecq, de Splintex, de la Sabena et de tant d'autres grandes luttes – ne peuvent que compter sur la solidarité des travailleurs. Voilà pourquoi ils sont allés voir les travailleurs de Ford Genk, ils ont reçu une visite émouvante de travailleurs de La Louvière au piquet à Forest, ils ont reçu des messages de solidarité d'autres sites de la multinationale.

 

L'Assemblée des travailleurs et travailleuses licenciés de SEAT (Espagne) ont souligné que « Dans la division, nous ne pourrions jamais faire face aux menées anti-ouvrières de la multinationale !  ». Les travailleurs de VW du Brésil ont rappelé que chez eux aussi, VW fait d'énormes bénéfices et est copieusement subsidié par le gouvernement de Lula en détriment des besoins pour l'éducation et la santé.

 

Par contre, le dirigeant du syndicat des métallos allemands chez VW, Bernd Osterloh, dit que « les salaires en Belgique sont trop hauts ». Avec des « solidarités » pareilles, il ne faut pas s'étonner que ce monsieur vienne d'être promu à la Présidence du Conseil d'Entreprise mondial de VW, avec le soutien enthousiaste des patrons.

 

D'autre part, nos hautes bureaucraties syndicales sont aussi surtout soucieuses de « calmer » plutôt que d'organiser la résistance, Ils n'avaient qu'un mot à la bouche après l'annonce de la fermeture : « Les travailleurs de Forest sauront rester dignes. », c'est à dire, ne pas chercher à se mobiliser et attendre, chez eux, les informations de la télé.

 

Dans la lutte des classes, que cela soit en Belgique ou ailleurs dans le monde, les victoires que nous pouvons arracher aux multinationales et aux gouvernements à leur service dépendent de la fermeté dans la direction de nos luttes et de la solidarité dont celles-ci s'entourent. Nous devons exiger que nos directions syndicales ne se limitent pas à voter des motions de solidarité et organiser une manifestation. Il faut discuter à la base un plan de lutte conséquent, dont la manifestation n'est qu'un point de départ pour être suivi par des grèves sectorielles, des blocages, un combat généralisé une fois pour toutes contre les fermetures. Il s'agit de construire la mobilisation pour défendre nos emplois et ceux de nos enfants.

 

Le combat pour les emplois de VW, pour tous les emplois, et non pas pour quelques miettes de compensation ou des plans de reclassement aussi illusoires qu'inconséquents, doit être le point de départ pour une mobilisation dans tout le pays, autour d'une exigence claire et nette, manifestée sur un calicot face au piquet à l'usine:

 

Gedaan met sluiten

Stop aux fermetures

 

Ligue Communiste des Travailleurs

Ces articles peuvent vous intéresser

Découvrez d'autres balises

Artigos mais populares