Le mardi 22 février, le président russe Vladimir Poutine a lancé l’invasion de l’Ukraine. Son objectif est de renverser le gouvernement Zelensky, de placer le pays sous sa domination, d’annexer le Donbass, d’empêcher l’Ukraine de rejoindre l’OTAN et de prévenir les anciennes républiques soviétiques de ce qui les attend si elles s’opposent à sa volonté.
5 mars 2022
Après avoir attaqué furieusement la politique de Lénine concernant les nationalités, et avoir utilisé l’excuse facile de la « dénazification de l’Ukraine », Poutine, l’ami de l’extrême droite européenne, a lancé une invasion en utilisant les mêmes méthodes que la Wehrmacht d’Hitler pour envahir l’URSS lors de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis le début de l’invasion, les troupes russes ont rencontré une résistance forte et héroïque de la part de l’armée et du peuple ukrainiens. La population civile n’a pas hésité à prendre les armes qui lui étaient offertes et à affronter les envahisseurs. Cette résistance courageuse a contrecarré les plans de conquête rapide de Poutine et a considérablement modifié le cours des événements. Si Poutine conquiert finalement l’Ukraine, il le fera sur la base de la destruction du pays et d’un horrible massacre. Au moment où nous écrivons ces lignes, plus de 2000 Ukrainiens sont morts et plus d’un million de réfugiés ont déjà franchi les frontières vers les pays voisins.
Nous soutenons la résistance du peuple ukrainien contre l’invasion russe.
Le peuple ukrainien doit prendre les armes pour vaincre l’invasion. Il a fallu beaucoup de temps au gouvernement de Zelensky pour décréter la mobilisation générale de la population et l’armement des milices. Il ne l’a décrété que trois jours après le début de l’invasion, alors qu’il connaissait bien à l’avance les plans d’invasion. Il distribue maintenant quelques armes aux civils et donne des instructions sur la façon de fabriquer des cocktails Molotov. Cependant, la distribution d’armes est limitée et se fait lentement.
En tant que socialistes révolutionnaires, nous soutenons le peuple ukrainien qui prend les armes pour repousser les troupes russes, ainsi que les mobilisations en Russie (et en Biélorussie) contre l’invasion, qui font face à une répression brutale, avec des milliers d’arrestations, beaucoup de manifestants étant matraqués par la police. L’histoire a montré que les travailleurs sont capables de vaincre les troupes ennemies s’ils s’organisent. C’est pourquoi nous soutenons le développement des milices d’autodéfense des travailleurs et du peuple. Nous appelons les organisations syndicales et de la classe ouvrière en Ukraine et dans les pays voisins à prendre en main la tâche d’organiser la défense de l’Ukraine, indépendamment des forces impérialistes étasuniennes et européennes. Nous exprimons notre solidarité également envers les réfugiés, y compris les résidents asiatiques et africains en Ukraine, qui font l’objet d’une discrimination brutale aux frontières.
Nous dénonçons le soutien criminel que les régimes cubain, nicaraguayen, vénézuélien et iranien, ainsi que les partis néo-staliniens amis de Poutine, apportent à l’invasion russe.
L’invasion ne fait que favoriser les puissances impérialistes, leur permettant d’apparaître comme les défenseurs du peuple ukrainien et de son indépendance nationale, alors qu’ils n’utilisent le peuple ukrainien que pour étendre leur force et pour leurs jeux de pouvoir. Les impérialistes européens comme l’Angleterre, la France, l’Allemagne, la Hollande, la Belgique, l’Italie, le Portugal ou l’Espagne ont laissé derrière eux des millions de morts dans leurs guerres coloniales. Quant aux États-Unis, selon l’estimation plutôt bénigne de la Brown University, depuis le 11 septembre 2001, leurs interventions militaires, avec le soutien de leurs alliés européens de l’OTAN, ont détruit des sociétés entières comme l’Irak et l’Afghanistan, causé 38 millions de personnes déplacées et 900 000 morts. Ils ont tous empêché la publication de brevets de vaccins anti-covid, ils maintiennent leur soutien à la guerre brutale au Yémen, à l’apartheid en Palestine ou à la domination néo-coloniale à Porto Rico. Macron intervient militairement en Afrique pour soutenir les régimes néocoloniaux soumis à la France. Tous maintiennent une politique raciste et xénophobe face à la vague de réfugiés et de migrants qu’ils provoquent eux-mêmes.
Les travailleurs ukrainiens qui combattent l’invasion au coude à coude avec l’armée ukrainienne ne devraient avoir aucune confiance dans l’OTAN et devraient s’opposer à l’intervention des troupes de celle-ci s’ils veulent que leur pays reste véritablement indépendant. Ils ne devraient pas non plus faire confiance à l’Union européenne, dont l’objectif est de prendre le contrôle de l’économie ukrainienne. Tout comme ils ne devraient pas apporter un soutien politique au gouvernement de Zelensky, mais exiger qu’il prenne des mesures supplémentaires pour garantir la souveraineté nationale : mettre davantage d’armes à la disposition des civils désireux de se battre, saisir les actifs des capitalistes ukrainiens, nécessaires pour soutenir les efforts de défense et pour soulager les besoins matériels de base de la population, exproprier les propriétés privées vides nécessaires pour loger les réfugiés.
En même temps, nous ne pouvons pas partager la position de ceux qui se cachent derrière une partie de la vérité (que l’OTAN et ses gouvernements sont des impérialistes cyniques, au passé ensanglanté, qui ne cherchent qu’à exploiter l’agression russe à leur profit), pour refuser de soutenir la résistance ukrainienne contre l’invasion. Nous ne partageons pas non plus la position de ceux qui, au nom d’un pacifisme abstrait (« toutes les guerres sont mauvaises ») oublient que la première obligation est d’aider à défendre un peuple qui se fait massacrer.
Nous nous opposons à l’utilisation de l’invasion pour lancer une escalade de guerre sans précédent entre les grandes puissances du monde.
En réponse à l’invasion russe, les gouvernements de l’UE et des États-Unis ont commencé à imposer diverses sanctions économiques à la Russie et ont augmenté les mouvements de troupes. Le 10 février, avant l’invasion, les États-Unis et l’OTAN avaient ensemble quelque 22 000 soldats et 22 avions de chasse déployés sur leurs lignes orientales. Les États-Unis ont leurs propres bases militaires en Europe, la plupart en Allemagne, puis en Pologne et aussi en Roumanie et en Lituanie, ainsi que dans des pays comme l’Italie et l’Espagne. Les États-Unis ont environ 90 000 soldats en Europe et le Pentagone a annoncé qu’il allait déployer des troupes supplémentaires. Au cours des trois dernières semaines, le Royaume-Uni et les pays de l’UE ont également envoyé des troupes supplémentaires sur le front oriental.
Dans ce contexte, l’annonce du réarmement allemand revêt une importance considérable. Le NYT rapporte que : « M. Scholz a annoncé une augmentation de 113 milliards de dollars (100 milliards d’euros) pour des dépenses de défense et s’est engagé à consacrer par an plus de 2 % du PIB allemand à la défense. Il a également proposé d’inscrire ce seuil de dépenses militaires dans la constitution, garantissant ainsi que les futurs gouvernements s’y conformeront. » Derrière les propos de Stolz se cache la décision de l’Allemagne de devenir une grande puissance militaire, en rupture avec sa position stratégique depuis la Seconde Guerre mondiale. Comme le dit le chancelier, l’invasion russe a fait entrer l’Allemagne « dans une nouvelle ère ».
En réponse à ces mouvements, la Russie a déclaré qu’elle avait mis ses armes nucléaires en état d’alerte. En outre, le Belarus vient d’organiser un référendum pour renoncer à son « statut non nucléaire », ce qui lui permettrait d’accueillir des armes nucléaires, tout en collaborant avec la Russie dans l’invasion militaire de l’Ukraine.
Au milieu de cette rivalité, le peuple ukrainien dispose de moins en moins d’espace pour affirmer sa souveraineté nationale. L’invasion brutale de la Russie a rapproché le gouvernement Zelensky de l’UE et de l’OTAN, qui, sous prétexte de solidarité et de défense de la liberté nationale ukrainienne, cherchent à faire de l’Ukraine une semi-colonie économique de l’UE et un avant-poste militaire de l’OTAN. C’est dans ce contexte que s’inscrit le vote symptomatique du Parlement européen reconnaissant l’Ukraine comme candidate à l’adhésion à l’UE.
Nous demandons la dissolution de l’OTAN et de l’OTSC.
L’OTAN est une organisation militaire qui sert de force d’intervention pour protéger les intérêts de l’impérialisme étasunien, ainsi que de ses alliés en Europe, en maintenant ceux-ci sous contrôle. Elle compte aujourd’hui 30 États « alliés » et a la capacité de déployer près de 3,5 millions de personnes, militaires et civils confondus.
L’Organisation a été créée par les États-Unis en 1949, après la Seconde Guerre mondiale, pour établir une alliance militaire en Europe occidentale sous domination étasunienne et pour « contenir » l’avancée de la Russie soviétique. Elle a été utilisée dans des aventures militaires telles que l’occupation de l’Afghanistan. L’OTAN a également été un mécanisme permettant de consacrer des fonds gigantesques à des dépenses militaires importantes, qui menacent notre sécurité et notre environnement, au lieu de les utiliser pour faire face à la pandémie de Covid-19 et à l’action climatique urgente après l’échec de la COP 26.
Avec l’effondrement de l’Union soviétique et du bloc de l’Est en 1991, l’URSS a dissous le Pacte de Varsovie, étant entendu que l’OTAN agirait de la même manière. Mais c’est le contraire qui s’est produit : les États-Unis, avec le soutien d’acteurs clés de l’UE, ont commencé à pousser l’expansion de l’OTAN vers l’est, et entre 1999 et 2020 ils ont absorbé 14 anciens États du Pacte de Varsovie, dont trois, la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie, étaient d’anciennes républiques de l’URSS. En réponse, la Russie a consolidé l’OTSC comme un bloc militaire chargé de réprimer tout mouvement populaire mettant en danger les dictatures soumises au Kremlin dans les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, comme ce fut le cas en janvier au Kazakhstan.
Sous l’OTAN, la classe ouvrière et les peuples d’Europe ne sont pas davantage « en sécurité » ou protégés par cette alliance militaire, bien au contraire. L’expansion de l’OTAN représente une nouvelle militarisation de l’Europe et chaque tentative d’expansion de l’OTAN a poussé la Russie à riposter.
De plus, en fin de compte, l’OTAN est l’appareil militaire que les travailleurs devront affronter et vaincre lorsqu’ils se soulèvent contre les plans d’austérité et de misère, les réductions des libertés et la militarisation sans fin. Il est certain que les troupes de l’OTAN ne resteront pas inactives lorsque les travailleurs menaceront les régimes bourgeois européens et se mettent en marche vers la révolution socialiste.
Les sanctions économiques doivent viser les oligarques russes et leur gouvernement.
Nous soutenons activement les efforts des Ukrainiens pour acquérir des armes et des fournitures pour se défendre. En même temps, il faut dire que les mesures de nos gouvernements impérialistes, telles que les sanctions, les zones d’exclusion aérienne et les troupes au sol, ont un prix élevé et ne servent pratiquement à rien pour arrêter la machine de guerre russe.
Le prix payé par les travailleurs en Russie est déjà très élevé : la chute du rouble, les fortes augmentations de prix, les pénuries, l’argent beaucoup plus cher et les difficultés à obtenir de l’argent liquide. Et ce n’est qu’un début, car un processus de fermeture d’entreprises ne fait que commencer.
D’autre part, les oligarques, représentés par Poutine, ne sont pas vraiment touchés dans les actifs qu’ils ont pillés, quoiqu’en disent nos gouvernements. Et c’est précisément là que Poutine peut et doit être frappé pour l’arrêter et le faire reculer.
Selon différentes études (Novokment, Piketty et Zucman), les grands oligarques russes ont déposé une richesse équivalente à 85 % du PIB russe dans des pays occidentaux comme le Royaume-Uni, la Suisse et d’autres, et dans des paradis fiscaux. Cependant, les gouvernements des puissances impérialistes ne saisissent pas ces avoirs, parce que des hommes d’affaires et des politiciens occidentaux influents ont des participations dans les affaires de ces oligarques et parce que, pour ce faire, il faudrait s’attaquer aux grandes institutions financières, qui blanchissent leur argent tout comme celui des magnats occidentaux.
Au lieu de punir le peuple travailleur russe, nous demandons la saisie des grandes fortunes des oligarques et leur utilisation pour armer le peuple ukrainien, reconstruire son pays, et restituer ces ressources au peuple travailleur russe.
Nous, travailleurs européens, devons faire en sorte que nos organisations de classe construisent une solidarité matérielle directe avec les travailleurs qui résistent en Ukraine, et avec les réfugiés.
Le 1er mars, le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, a déclaré que la France « allait mener une guerre économique et financière totale contre la Russie », ajoutant que « nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe » et reconnaissant que son gouvernement n’a aucun scrupule à nuire et à appauvrir le peuple russe. En définitive, les puissances impérialistes européennes, dirigées par l’Allemagne et la France, cherchent à s’emparer des ressources énergétiques et minérales d’une Russie qui ne dépendrait plus de Poutine.
Quelques leçons de l’histoire sur la lutte pour la paix
La lutte pour la paix signifie avant tout aider le peuple ukrainien à vaincre l’invasion de Poutine ainsi que défendre l’unité et l’indépendance de l’Ukraine, et empêcher celle-ci de devenir une semi-colonie militaire et économique, que ce soit de la Russie ou de l’OTAN et de l’UE.
Nous ne préconisons pas la « paix en général » et nous ne sommes pas non plus « contre la guerre en général » ; nous devons spécifier très clairement quelle est la nature de classe de la guerre et quels sont les termes de la paix pour lesquels la classe ouvrière doit lutter. Comme l’explique Lénine dans La question de la paix (1915) : la seule paix que nous acceptons est celle qui repose sur « la reconnaissance du droit à l’autodétermination de toutes les nations, ainsi que la renonciation à toutes les annexions ». Nous refusons les versions de paix de Poutine, de Macron ou de Biden, une Ukraine qui légitime les annexions, les occupations militaires ou l’assujettissement du peuple ukrainien aux caprices d’une quelconque puissance impériale extérieure. Il ne peut y avoir de paix pour la classe ouvrière et les peuples de la région tant que la Russie ne retirera pas toutes ses troupes d’Ukraine, tant que l’OTAN et l’OTSC ne seront pas dissoutes et que toutes les troupes américaines ne seront pas retirées d’Europe.
Comme le rappelait Lénine pendant la Première Guerre mondiale : « Au lieu de permettre aux charlatans hypocrites de tromper le peuple avec des phrases et des promesses sur la possibilité d’une paix démocratique, les socialistes doivent expliquer aux masses l’impossibilité de quoi que ce soit qui ressemble à une paix démocratique à moins qu’il n’y ait une série de révolutions et qu’une lutte révolutionnaire ne soit menée dans chaque pays contre le gouvernement respectif. Au lieu de permettre aux politiciens bourgeois de tromper le peuple en parlant de la liberté des nations, les socialistes doivent expliquer aux masses des nations oppressives qu’elles ne peuvent espérer leur libération tant qu’elles contribuent à opprimer d’autres nations, tant qu’elles ne reconnaissent pas et ne défendent pas le droit de ces nations à l’autodétermination, c’est-à-dire la liberté de faire sécession. »
La seule façon permanente de sortir de la crise et de la militarisation de l’Europe de l’Est est d’organiser la classe ouvrière là-bas et dans les pays impérialistes, pour pousser à des mobilisations de masses contre la guerre avec un programme clair. Nous devons être solidaires avec la résistance ukrainienne et sa lutte pour vaincre l’invasion, ainsi qu’avec tous les réfugiés fuyant la guerre ; et dans le même temps, nous devons nous opposer à l’escalade du œil pour œil dent pour dent, promue par les États-Unis, l’UE et la Russie. En Europe occidentale et aux États-Unis, nous devons suivre l’exemple de plusieurs syndicats en Russie (KRT), en Pologne, en Biélorussie et en Ukraine, qui prennent l’initiative de s’opposer aux efforts de guerre depuis la base, avec une indépendance et une solidarité claires de la classe ouvrière, et qui mobilisent les organisations ouvrières et populaires pour promouvoir des manifestations de masses et y participer.
- Toute notre solidarité avec la résistance en Ukraine et avec les manifestants russes contre l’invasion ! Basta de répression, libérez les détenus !
- Pour la défaite de l’invasion militaire russe !
Des armes pour la résistance du peuple ukrainien !
Aucune confiance en Zelensky, ni en les oligarques ukrainiens ! - Construisons un mouvement contre l’invasion et l’escalade militaire,
qui met des millions de personnes dans la rue ! - Les troupes russes hors d’Ukraine ! Restitution de la Crimée !
Les troupes et les paramilitaires russes hors du Donbass ! - Fin de toute oppression de l’Ukraine par la Russie !
À bas les griffes des États-Unis, de l’OTAN et de l’UE sur l’Ukraine ! - Dissolution de l’OTAN et de l’OTSC !
Les troupes étasuniennes et russes, de Kharkiv à Heidelberg, du Kazakhstan à Okinawa, go home, rentrez chez vous ! - Stop à la course aux armements, élimination des arsenaux nucléaires
et d’armes de destruction massive ! - De l’argent pour la santé, le logement et la justice climatique,
pas pour la guerre et l’OTAN !
Workers Voice/La Voz de los Trabajadores (États-Unis)
Partito di Alternativa Comunista, PdAC (Italie)
Em Luta (Portugal)
Corriente Roja (Espagne)
International Socialist League (Angleterre)
Ligue Communiste des Travailleurs (Belgique)