Sous l’occupation violente et l’apartheid israélien, les Palestiniens voient de façon explicite le racisme et l’hypocrisie des puissants, de leurs organisations et de leurs médias capitalistes hégémoniques, tout comme les Noirs et les pauvres qui sont confrontés au génocide de l’État avec les armes israéliennes, et encore d’autres personnes opprimées. Le sentiment d’abandon, le racisme qui impose deux poids deux mesures sont massivement dénoncés sur les réseaux sociaux en pleine invasion criminelle de l’Ukraine par la Russie.
Par: Soraya Misleh, 6 mars 2022
Ce sentiment est légitime et juste. Les Palestiniens sont indignés. Comment pourraient-ils ne pas l’être ? La Nakba (une catastrophe qui s’est matérialisée par la formation de l’État d’Israël le 15 mai 1948 au moyen d’un nettoyage ethnique planifié) dure depuis 74 ans. Il y a des attaques tous les jours par les colons et les forces d’occupation sionistes, absolument ignorées par les moyens de communication au service de l’impérialisme, complices de la tragédie palestinienne.
Et ici, il convient d’ouvrir une parenthèse : parmi eux, que personne ne se trompe, outre les États-Unis et les gouvernements du monde entier, il y a aussi Poutine, dont la proximité avec Israël est affirmée même par d’anciens diplomates sionistes. Poutine est l’héritier de Staline et de ses méthodes déplorables, dont la contribution à la Nakba a été décisive. Zelensky, le président de l’Ukraine, est un sioniste avoué : lors d’un nouvel épisode de nettoyage ethnique contre le peuple palestinien en mai 2021, il s’est montré solidaire de la puissance occupante – Israël. Au cours de ce mois, comme le souligne le site Middle East Monitor, dans la seule bande de Gaza, pendant 11 jours de bombardements sionistes, 254 Palestiniens ont été tués, dont 66 enfants, 39 femmes et 17 personnes âgées, plus de 1 900 ont été blessés et 75 000 ont été déplacés de chez eux. Sous la direction de Zelensky, l’Ukraine s’est retirée en janvier 2020 du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien aux Nations unies. Rien de nouveau sous le soleil : c’est un sioniste, et sans masque ; les vies des Palestiniens ne comptent pas pour lui. C’est ce que révèlent également les protestations israéliennes contre l’invasion russe de l’Ukraine en Palestine occupée.
Il est utile de rappeler que pour la colonisation de la Palestine, dont le résultat a été la Nakba, l’immigration des Juifs d’Europe de l’Est a été décisive, et il y a des milliers de Russes et d’Ukrainiens (et d’autres) qui vivent sur les terres dont les Palestiniens ont été expulsés depuis 1948. Rien qu’en 2021, selon le portail Middle East Monitor, 13 006 Juifs de la région ont immigré dans les territoires occupés.
Dans les médias sionistes, on peut même trouver une insatisfaction quant à la corde raide sur laquelle Israël marche par rapport à l’invasion russe, dans une médiation entre ses deux alliés présentée comme une quête pour devenir un « interlocuteur pour la paix ». Samedi (5/3), Poutine a reçu personnellement Naftali Bennett, Premier ministre israélien, pour une nouvelle étape de ce processus, puis celui-ci s’est entretenu une nouvelle fois au téléphone avec Zelensky. L’un des sujets abordés, selon le portail UOL, était la « communauté juive au milieu du conflit ». Dans cet équilibre délicat, Israël – il ne pouvait en être autrement – a vu dans l’agression militaire contre l’Ukraine une occasion de poursuivre son expansion coloniale criminelle. Son ministère de l' »Immigration » a annoncé sa volonté d’accueillir des milliers de Juifs d’Ukraine. Il en a également profité pour donner au monde l’image de quelqu’un qui a des préoccupations humanitaires et qui recherche la paix. Une mascarade.
Sur une population de 43 millions d’habitants, les Juifs ukrainiens représentent environ 56 000 personnes (0,13%, selon les données de l’Association of Religion Data Archives (The Arda) pour 2015). 200 000 autres – en vertu de la loi coloniale post-Nakba à laquelle on donne le surnom fallacieux de « loi du retour » – peuvent également immigrer pour occuper des terres palestiniennes parce qu’ils ont un grand-père ou une grand-mère juifs et obtenir instantanément la citoyenneté israélienne. Pendant ce temps, les 5 millions de réfugiés légitimes de leur terre et les milliers de personnes vivant dans la diaspora – les Palestiniens – se voient refuser ce droit inaliénable et non négociable. Il n’est jamais superflu de rappeler que sous le commandement de Staline, l’URSS bureaucratisée a voté contre ce droit à l’ONU, garanti par la résolution 194 du 11 décembre 1948. Et maintenant, Poutine, son élève, a fourni à Israël la justification idéale pour cette nouvelle étape de l’expansion coloniale. Dans les semaines à venir, Israël a annoncé qu’il accueillerait 10 000 Juifs ukrainiens – jusqu’à présent, quelque 6 000 d’entre eux auraient posé leur candidature pour cet « accueil ». Il semble évident qu’on ne peut attendre des Palestiniens qu’ils saluent ceux qui viendront usurper leurs terres, qu’ils soutiennent des colons sionistes qui les tuent et les agressent chaque jour, d’où qu’ils viennent. C’est à eux qu’est réservée la résistance héroïque et historique. Il est évident qu’il n’y a pas non plus de possibilité de soutenir le sioniste bourgeois Zelensky. Cependant, ne pas être solidaire du peuple ukrainien en ne faisant pas de distinction entre la majorité de cette population et une telle minorité serait comme ne pas être solidaire des Brésiliens dans cette même situation sous prétexte que leur président est Bolsonaro, un sioniste également.
On ne rappellera jamais trop que la quasi-totalité de la population ukrainienne, dont plus de 60 % vit dans la pauvreté, est bien loin de cela : plus de 99 % ne sont pas juifs, ils ne bénéficient donc pas de la « solidarité » sélective et raciste d’Israël, qui a même renvoyé des réfugiés ukrainiens en Europe parce qu’ils ne sont pas juifs. Sur ces plus de 99%, plus d’1% sont d’ailleurs des musulmans. Il convient également de noter que la plus grande communauté arabe d’Ukraine est palestinienne : elle compte 4 000 personnes, dont beaucoup sont des réfugiés en raison de l’occupation sioniste. « La guerre russe en Ukraine ne fait pas de différence entre les Ukrainiens et les autres communautés », a ajouté Amr Amro dans une interview accordée au Monitor. Tous subissent les bombardements russes et résistent comme ils peuvent face à l’offensive de la deuxième plus grande puissance militaire du monde, la Russie.
D’ailleurs, une autre critique juste a été l’utilisation d’images de la résistance palestinienne, comme celle de la jeune Ahed Tamimi – qui est blonde et donc, selon la vision raciste et orientaliste, ne saurait être palestinienne ! – faisant face à un militaire sioniste avec ses poings de jeune fille, comme si elle faisait partie de la courageuse résistance ukrainienne du moment. A noter, une chose non seulement inutile, mais une insulte : les Palestiniens ont été qualifiés de terroristes et leur résistance légitime à l’apartheid est criminalisée par les mêmes personnes qui usurpent maintenant leur image pour saluer la juste lutte du peuple ukrainien.
La campagne de solidarité internationale centrale, BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) sur Israël, est également confrontée à cette disqualification et à ce rejet, alors que les impérialismes et les gouvernements imposent à juste titre des sanctions à la Russie. Il serait important d’écouter les Arabes, les Palestiniens et leurs partisans qui dénoncent l’hypocrisie et réclament le même traitement. Toute allégation infondée contre le boycott de l’apartheid israélien tombe à l’eau.
Le soutien aux opprimés, une marque de fabrique palestinienne
Une partie de la société palestinienne a donné un exemple de conscience et de dignité, honorant la tradition de toujours se tenir aux côtés des opprimés et des exploités dans le monde. Dans un texte plein d’humour qui convient à l’un des aspects de la résistance palestinienne, le sumud (un mot arabe qui signifie fermeté, combinant résilience et persévérance), Doaa Alremeili, une Palestinienne de Gaza, a écrit au Monitor : « En tant que Palestiniens, voir les Ukrainiens fuir leurs maisons, les bâtiments bombardés, la roquette qui a été filmée lorsqu’elle est tombée dans la rue sans exploser, les bruits des bombardements, le sang sur les visages des gens et les enfants terrifiés, c’était comme voir des flashbacks de notre ancienne-nouvelle misère. Avec les violations israéliennes répétées et sans fin à l’encontre des Palestiniens de Jérusalem, de la Cisjordanie et même des Palestiniens vivant en Israël, Gaza ne pourra jamais rester immobile et se contenter d’être un observateur. » Elle poursuit: « Quand vous étiez à l’école, quand les choses étaient beaucoup plus claires pour vous et que vous pouviez distinguer entre le vrai et le faux, si vous voyiez votre frère ou votre sœur se faire battre par la brute de l’école, vous jetiez votre sac à dos et vous sautiez sur le dos de ce méchant grand garçon, n’est-ce pas ? ».
Également Palestinienne de Gaza, Hayda al-Husary a déclaré au New Arab qu’elle suit les actualités de la guerre minute par minute. « Malheureusement, ce sont les civils qui paient le prix de la guerre (…) Quand je vois les avions de guerre survoler l’immeuble résidentiel, je me souviens des avions israéliens quand ils attaquaient notre région et tuaient notre peuple », a-t-elle déclaré sur le portail, elle qui est mère de six enfants.
Les Palestiniens de Gaza, qui font face à un blocus israélien criminel depuis 14 ans et à des bombardements fréquents, massifs ou ponctuels, loin des caméras hypocrites du monde, ont exprimé leur solidarité et se sont identifiés à la douleur du peuple ukrainien. Et ils appellent les gens, toujours selon The New Arab, à s’élever contre l’agression russe et à lancer des campagnes de solidarité.
Dans un article paru dans The Nation, le Palestinien Youssef Munayyer souligne : « Ma première pensée, lorsque l’invasion russe de l’Ukraine a commencé la semaine dernière, a été pour la population civile ukrainienne, qui allait être confrontée au fardeau le plus lourd lorsqu’une force beaucoup plus puissante tenterait de lui imposer sa volonté. Combien doivent mourir ? Combien de civils seront tués par des « bombes de précision » qui sont tout sauf précises ? Dans combien de temps gagneront-ils leur liberté ? La verront-ils de leur vivant ? Ou verront-ils, comme nous les Palestiniens, la lutte se poursuivre pendant des générations ? J’espère, pour leur bien, que non. » Dans le même temps, il exprime la stupéfaction des Palestiniens de voir que « du jour au lendemain, le droit international semblait à nouveau compter. » Et il souligne : « La juste manifestation de soutien à l’Ukraine nous enseigne que l’Occident peut condamner l’occupation quand il le souhaite. »
Cette dénonciation s’est accompagnée de l’expression de la solidarité avec le peuple ukrainien, contre l’invasion de son pays et pour le droit à l’autodétermination. Dans des twitters, des interviews et même des posts sur les réseaux sociaux, de nombreux Palestiniens se sont exprimés de cette manière en répudiant l’hypocrisie et le racisme des impérialismes états-uniens et européen, qui ne se limitent pas aux Palestiniens et aux Palestiniennes, mais touchent aussi les pauvres et les noirs. Parfois, l’hypocrisie est tombée, à travers les déclarations de gouvernants qui saluaient l’arrivée de réfugiés blonds et aux yeux bleus, bien différents de ceux qui franchissent habituellement leurs frontières, ou à travers les dénonciations d’Arabes et d’Africains qui se trouvaient en Ukraine et qui ont fait face au racisme des puissants dans leur recherche de refuge dans les pays voisins.
En cherchant à profiter en ce moment du massacre russe, les puissants se présentent comme des sauveurs, ce qui n’est rien d’autre qu’un paravent pour eux, à travers leur criminelle Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), afin d’obtenir des avantages au prix de la vie des populations attaquées. Il ne faut pas non plus se laisser prendre au conte de fées selon lequel Poutine aurait envahi l’Ukraine pour des raisons de sécurité – les Palestiniens connaissent bien ce film : Israël, avec la complaisance de ces mêmes impérialistes et aussi au nom de ses intérêts géopolitiques et stratégiques, allègue toujours la « sécurité » ou la « défense » pour promouvoir de nouveaux massacres.
En plus de rejeter l’hypocrisie des puissants et d’exiger le boycott de l’apartheid israélien, nous devons exiger la destruction de l’OTAN, dénoncer l’agression criminelle de Poutine et faire preuve de solidarité avec les victimes de cette offensive. Nous ne pouvons plus accepter deux poids deux mesures.