lun Nov 18, 2024
lundi, novembre 18, 2024

Macron réélu – Et maintenant ?

Les élections présidentielles viennent de se tenir en France, les 10 et 24 avril dernier[1]. Comme lors de l’élection de 2017, le second tour a opposé le président sortant, Emmanuel Macron, à Marine Le Pen. Un duel auquel les sondages et les médias nous avaient préparé.es depuis des semaines. Un duel entre un président de droite (même s’il refuse de se présenter ainsi, préférant se dire « progressiste ») à sa rivale d’extrême droite (même si ce terme est rejeté par elle, et si sa campagne a été beaucoup axée sur les questions sociales, en particulier le pouvoir d’achat). Un premier tour qui a encore mis hors-jeu tout ce qui, dans un vaste melting-pot assez confusionniste, est classé à gauche dans la vie politique française. Et le candidat favori de la bourgeoisie et de ses médias, Macron, a été réélu.

Par:  Michael Lenoir, le 5 mai 2022

Quelques rappels sur le premier quinquennat Macron

Il ne s’agit ici que de se remémorer quelques faits importants des cinq années écoulées. Ce rappel est utile pour pouvoir poser une première question : comment se fait-il au vu de son bilan (qui lui vaut une massive détestation sociale), que Macron reste chef de l’Etat aujourd’hui ? En effet, il a accumulé, pendant sa présidence, des mesures et une attitude arrogante[2] qui en ont fait certainement le président le plus haï de la Ve République, tout particulièrement parmi les classes populaires. Sa réélection semble donc à première vue paradoxale.

La présidence Macron a été, dès le début, non pas seulement celle des riches – le président des riches, c’était déjà Sarkozy – mais celle des ultra-riches[3]. Parmi les toutes premières mesures prises, on notera la suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), et la mise en œuvre de la flat tax (« ou prélèvement forfaitaire unique »)[4]. Des mesures purement en faveur des très, très riches, au détriment de ce qui est généralement appelé la « solidarité nationale », et qui conduisent à penser que Macron, est bel et bien l’exécutant de la volonté de sécession sociale de la haute bourgeoisie.

Des cadeaux aux milliardaires, d’un côté, et des coups violents assénés aux travailleurs/ses et aux milieux les plus défavorisés, de l’autre, avec en particulier l’approfondissement de la casse du code du travail dont Macron avait été déjà à l’origine alors qu’il était ministre de l’Economie de François Hollande ; et avec l’attaque brutale contre les retraites, qui a valu un grand mouvement social à l’hiver 2019-2020[5]. A la tête de l’Education nationale, le même ministre, Blanquer, a sévi pendant 5 ans, augmentant la charge de travail des personnels à tous les niveaux, démantelant les mesures spécifiques en faveur des établissements des ex-zones d’éducation prioritaire, s’attaquant au caractère national du baccalauréat, bref, mettant en place une école toujours générant toujours plus de ségrégation sociale. Le « progressisme » de Macron en matière d’immigration s’est traduit par des opérations policières violentes contre des sans-papiers, et un durcissement de la politique d’expulsion contre ces prolétaires nomades, les plus vulnérables parmi notre classe. Quant aux chômeurs/ses, leurs allocations ont été amputées à la fin de l’année 2021…

Assez vite, on a pu constater que la présidence Macron allait être riche en luttes sociales, notamment avec la lutte contre la réforme ferroviaire au printemps 2018. Mais c’est surtout à partir du 17 novembre 2018, qu’un vaste mouvement social a surgi. Le soulèvement des Gilets jaunes a balayé le pays pendant plusieurs mois, générant des occupations de ronds-points et autres lieux, de grandes manifestations très peu encadrées, des phénomènes d’auto-organisation et une mise en mouvement de couches prolétariennes généralement non organisées syndicalement et politiquement, souvent parmi les plus précaires. La révolte, qui a éclaté face à une mesure de hausse du prix du carburant, s’est vite politisée en évoluant vers la gauche et en intégrant des exigences sociales (telles que la réinstauration de l’ISF), et démocratiques (telles que le RIC – référendum d’initiative citoyenne). Ce puissant mouvement social s’est toutefois usé par manque de perspectives stratégiques et du fait d’une répression féroce, qui a beaucoup contribué à diminuer le nombre des manifestant.es. Les violences policières ont été très nombreuses, bien que niées par le pouvoir et les médias dominants. Cette période a vu des morts suspectes, malgré les dénégations et les procédures qui s’éternisent[6]. On décompte une trentaine d’yeux crevés, des amputations graves (pieds, mains). Et des arrestations massives, avec des peines d’emprisonnement pour des centaines de personnes.

Puis est arrivée la pandémie. Alors que le mouvement social contre les retraites venait de s’étioler, conduit à l’étouffement par la politique des directions syndicales, la macronie s’est retrouvée à gérer une situation sanitaire où le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’a pas brillé ! Mensonges variés et à répétition[7], autoritarisme infantilisant vis-à-vis de la population[8], politique pro-business, en particulier après le premier confinement (de mi-mars à début mai 2020), chaos dans les établissements scolaires, saturation des hôpitaux à certains moments  et… une politique de destruction de la santé publique qui a, malgré la pandémie, poursuivi la suppression de lits d’hôpitaux. Un tel culot et un tel cynisme dans un tel contexte, cela mériterait un oscar !

L’autoritarisme est un trait marquant du néolibéralisme macroniste. On a pu constater le renforcement des brutalités policières, et pas seulement contre les Gilets jaunes[9]. Et Macron a gouverné en s’appuyant sur des lois et des mesures d’exception, utilisant notamment la situation sanitaire comme prétexte. La police se veut au-dessus des lois, et Macron et son ministre de l’intérieur Darmanin l’encouragent en ce sens. La sinistre Loi dite de « Sécurité globale », initialement, prévoyait même d’interdire de filmer les opérations policières. Mais les protestations massives en 2020 ont fait échouer cette ignominie et finalement, la loi promulguée le 25 mai 2021 n’en parle pas, même si elle inclut des reculs liberticides en matière de police municipale, de sociétés de sécurité privées, d’outils de surveillance (caméras piétons, vidéoprotection, etc.) et quant à la protection des forces de l’ordre. La loi du 24 août 2021, dite « contre le séparatisme », s’en prend aux libertés publiques (culte, association, enseignement) et c’est une machine de lutte contre les musulmans, sous prétexte de bataille à mener contre l’islam politique.

En matière d’écologie et de lutte contre le réchauffement climatique, malgré les annonces présidentielles, et en dehors de ses effets de manche et de son greenwashing « progressiste », le bilan de Macron est complètement nul. Cela lui a valu le départ, annoncé sur les médias, de son seul ministre de l’environnement qui a voulu croire à la bonne volonté présidentielle en la matière, Nicolas Hulot, au bout d’un an et trois mois. Quant aux 150 personnes tirées au sort pour constituer la Convention citoyenne pour le climat (constituée en novembre 2019), leurs travaux se sont trouvés pour l’essentiel enterrés et leurs propositions rejetées à environ 90% par l’exécutif, et le référendum promis par Macron n’a pas eu lieu. La bienveillante complicité de ce dernier avec Total, notamment pour ses opérations en Ouganda, montre bien l’hypocrisie et l’irresponsabilité qui règnent en ce domaine. Ajoutons qu’à deux reprises l’Etat français a été condamné pour inaction climatique.

Sans même s’étendre sur les affaires et scandales, souvent étouffés, qui se sont multipliés pendant ces cinq années, et sur la médiocrité croissante du personnel politique et son inféodation au monde des affaires que tout cela révèle, on saisit aisément qu’au vu d’un tel bilan, une large part de l’électorat, particulièrement dans les milieux populaires, ne voulait à aucun prix voter Macron.

Une campagne présidentielle très particulière

Mais justement : l’habileté de Macron, que d’aucuns verront plutôt comme de la lâcheté politique, et les opportunités que divers évènements, en France et dans le monde, lui ont offert, ont permis que ce bilan ne soit pas vraiment discuté, et que le président-candidat n’ait pas à en rendre compte, ce qui semble assez hallucinant d’un point de vue démocratique et quand il s’agit d’une réélection.

Comment cela s’est-il passé ? Plusieurs éléments entrent en jeu. Les choix du président en place d’abord. En premier lieu, même si tout le pays s’attendait à ce que Macron soit candidat à sa réélection, ce dernier ne l’a officialisé que très tard, le 3 mars dernier[10], soit un mois et une semaine avant le premier tour. Il a donc fait le choix d’une campagne express, presque d’une non-campagne. Pour le premier tour, après une conférence de presse le 17 mars pour annoncer son programme, il a tenu son unique meeting de campagne en région parisienne le 2 avril, à une semaine du scrutin. En second lieu, et contrairement à la pratique récente, notamment en 2017, Macron a refusé un grand débat pluraliste avec les autres candidats, où les risques d’une mise en cause de sa politique et de son bilan auraient été assez élevés. Il était clair qu’il voulait se retrouver face à Marine Le Pen au second tour, et qu’il pensait pouvoir la battre. Le seul débat télévisé auquel il a participé a eu lieu face à cette dernière, entre les deux tours ; et outre la médiocrité des échanges et des thématiques, guère étonnante avec ces finalistes, l’impression dominante est qu’il s’en est plutôt mieux sorti qu’elle.

En plus de sa stratégie consistant à fuir le débat sur son bilan, et à miser sur le réflexe consistant à « faire barrage » à Le Pen, Macron a été aidé par d’autres évènements dans les derniers mois. D’abord la puissante vague du variant Omicron, qui a fait des ravages pendant l’hiver, a été fort heureusement moins létale proportionnellement que les vagues antérieures, et a reflué dans les derniers mois et semaines de la campagne présidentielle, ce que Macron a su exploiter en supprimant la plupart des contraintes de la politique sanitaire dès le 14 mars. Et quasi-miraculeusement, le Coronavirus, qui était au centre de l’actualité, a été relégué à l’arrière-plan, faisant croire à beaucoup de gens que la pandémie est déjà derrière nous. C’est aussi que la sale guerre de Poutine contre l’Ukraine est passée sur le devant de la scène médiatique. Et dans ce cadre, Macron a saisi une nouvelle opportunité de ne pas avoir à s’expliquer sur son bilan général, posant au contraire au grand chef d’Etat, au grand responsable politique du monde moderne. Ces deux éléments ont favorisé la tâche au président-candidat, dans un contexte où les luttes sociales étaient plus atones que dans la première moitié du quinquennat, tout en étant souvent ignorées médiatiquement. Mais la logique de la Constitution, en lien avec la configuration des candidatures à la présidentielle, a aussi joué en faveur de Macron.

Les candidatures du premier tour

Lors de la plupart des élections présidentielles sous la Ve République, le second tour a opposé des candidat.es appartenant à la droite classique, « républicaine » d’un côté ; et à la « gauche », généralement d’origine social-démocrate[11] de l’autre. On constate donc que la règle, sous la Ve République, c’était plutôt l’opposition de deux blocs politiques au second tour : d’un côté la droite traditionnelle ; de l’autre la gauche réformiste (même si cette dernière faisait de moins en moins de réformes, et de plus en plus de contre-réformes). Il apparait que cela a changé et ce changement semble durable. Il faut en mesurer la portée, car la logique des préférences électorales s’y est adaptée et continuer à changer en conséquence. Dans une logique d’affrontement de deux blocs (« gauche-droite ») il était admis qu’au premier tour, les électeurs/trices pouvaient facilement voter pour la candidature la plus proche de leurs vœux au premier tour, pour faire barrage au camp opposé lors du second, selon la formule : « au premier tour on choisit, au second tour on élimine ». Des électeurs/trices de gauche, en particulier, ont souvent eu le loisir de voter pour des candidatures à gauche du PS au premier tour, pour se reporter sur ce dernier au second. Mais progressivement, on a vu surgir, puis se développer, un troisième bloc, à l’extrême droite, autour du Front National, devenu Rassemblement National. On saisit aisément que si l’élection clé de la Ve République, dont le second tour ne peut opposer que deux candidat.es, se joue non plus entre deux mais entre trois grands blocs électoraux, l’un des trois blocs est nécessairement absent du second tour, ce qui diminue de beaucoup la représentativité (et donc la légitimité) de l’élection. Lors de l’élection présidentielle de 2002, le Front National de Le Pen père était moins fort électoralement que le parti de sa fille Marine aujourd’hui (J-M. Le Pen avait obtenu 4,8 millions de voix (16,86%) au premier tour, contre 8,1 millions (21,95%) à Marine Le Pen cette année), mais l’éparpillement des candidatures de la gauche en 2002 (tous courants confondus) avait placé Lionel Jospin (PS) en 3e position. En 2017, quatre blocs principaux avaient émergé et obtenu des scores rapprochés au premier tour : celui autour d’Emmanuel Macron (24%), de Marine Le Pen (21,3%), François Fillon (droite classique, 20%) et de Jean-Luc Mélenchon (19,5%). En 2017 la gauche réformiste était moins divisée qu’en 2002 ou en 2022, mais la candidature du PS (Benoit Hamon, 6,36%) avait sans doute détourné de Mélenchon des voix qui lui auraient sans doute permis d’accéder au second tour.

Quelle était la donne pour l’élection présidentielle de 2022 ? On pouvait, a priori – disons, il y a environ un an – s’attendre à voir apparaitre, ou réapparaitre (comme en 2017) quatre forces principales, autour de quatre candidatures : une probable candidature Macron, une candidature Le Pen, une candidature Mélenchon, et une candidature Les Républicains (LR, droite classique) dont le nom devait être déterminé ultérieurement. Or ce n’est pas exactement ainsi que les choses se sont passées. Pour plusieurs raisons.

Première raison : à l’été 2021, on a vu émerger, d’abord officieusement, une candidature d’extrême-droite concurrente à celle de Marine Le Pen : celle d’Éric Zemmour, devenue officielle le 30 novembre. Zemmour, polémiste raciste et islamophobe, réinventeur de l’histoire[12], adepte de la thèse du « grand remplacement »[13] semblait en mesure de donner le « la » des débats politiques et médiatiques à la fin de l’année passée, et de regrouper derrière lui non seulement une partie de l’électorat lepéniste, mais aussi de la bonne bourgeoisie réactionnaire, souvent de la droite catholique – il a été soutenu financièrement par le milliardaire Bolloré – et le ban et l’arrière ban des groupes fascistes et racistes du pays. Mais Zemmour, contrairement au RN, s’est toujours présenté comme un grand défenseur des inégalités sociales, des politiques néolibérales, de l’austérité, de la casse des retraites… A l’automne, certains sondages créditaient Zemmour de 17%, voire de 19% d’intentions de votes, passant souvent devant Marine Le Pen, qu’il semblait alors en mesure d’empêcher d’accéder au second tour. Une extrême droite divisée, c’était assez nouveau dans ces proportions, d’autant plus qu’un troisième larron, Nicolas Dupont-Aignan, déjà candidat en 2017, certes plus souvent classé dans la droite extrême que dans l’extrême droite – des subtilités médiatiques ! – et sur une base souverainiste, annonçait aussi sa candidature. Il se préparait donc un lot de trois candidatures d’extrême droite, de quoi changer la donne par rapport à 2017.

La deuxième raison de la différence entre ce qui se dessinait il y a environ un an et ce qui s’est déroulé, est à rechercher du côté de la droite classique. On pouvait penser, notamment au printemps 2021, que l’usure politique d’Emmanuel Macron, et son rejet viscéral par une grande partie de la population, pourrait pousser les secteurs dominants de la bourgeoisie à opter pour une candidature alternative, du côté LR (Les Républicains) en particulier, par exemple Xavier Bertrand, ancien ministre sous Chirac et Sarkozy, aujourd’hui président du Conseil régional des Hauts-de-France. Finalement, LR a organisé une élection primaire en son sein, où Bertrand a été éliminé au premier tour, et qui s’est soldée par un duel entre Valérie Pécresse, présidente de la Région Ile de France, et Eric Ciotti, député de Nice. De peu, Pécresse, qui s’était présentée sur une ligne plus modérée que Ciotti – plus ouvertement réactionnaire et islamophobe – s’est imposée comme candidate LR. Les choses avaient mal démarré pour elle (Sarkozy lui-même refusant de la soutenir et appelant à voter Macron!) et sa campagne s’est progressivement enlisée, après s’être entre autres basée sur une adaptation aux débats fétides sur l’immigration, l’islam et l’identité nationale, relancés en permanence par l’extrême droite et notamment Zemmour, et reprises aussi par le camp macroniste. Pécresse a vite cessé d’apparaitre comme une alternative potentielle à Macron, du point de vue des intérêts de la bourgeoisie. Créditée de 20% des intentions de vote en décembre, et apparaissant comme en mesure de battre Macron au second tour, celle-ci n’a cessé de perdre du terrain.

Laissons de côté la candidature difficile à classer, mais située autour de la demande d’une plus large démocratie bourgeoise, du député Jean Lassalle, boute-en-train rougeaud et iconoclaste de l’Assemblée nationale. Et remarquons que la troisième raison du scénario qui a finalement prévalu à cette élection présidentielle est à rechercher dans le panorama des gauches tel qu’il s’est affiché dans cette campagne.

Commençons par la gauche bourgeoise, dans laquelle j’inclus particulièrement deux partis : le PS, et EELV (Europe Ecologie Les Verts). La nature bourgeoise du PS – ou plus précisément sa transformation d’un parti réformiste « ouvrier bourgeois » tel qu’il était dans les années 1970 à un parti purement bourgeois, adepte pas toujours honteux du néolibéralisme, tel qu’il est devenu ces dernières années – a été démontrée par sa politique tout au long des dernières décennies, avec des sommets atteints sous le quinquennat Hollande. Ce parti, déjà laminé par l’élection de Macron en 2017, présentait la maire de Paris, Anne Hidalgo, à cette présidentielle. Une autre tentative issue de la mouvance du PS a fait long feu, celle de l’ancien ministre Arnaud Montebourg. Puis, alors que la campagne Hildalgo ne semblait pas devoir décoller, on a assisté à une nouvelle tentative, cette fois-ci de la part de Christiane Taubira, ancienne ministre de la justice sous François Hollande, de représenter une union large de la gauche qui semblait plus que mal partie. Mais l’opération Taubira a elle aussi tourné court, et finalement Hidalgo et Jadot (EELV) ont continué à représenter cette gauche bourgeoise à cette présidentielle. La nature bourgeoise d’EELV est peut-être moins évidente que celle du PS, mais son électorat reste ancré dans les classes moyennes supérieures sensibles aux questions écologiques, et son écologie reste globalement compatible avec le capitalisme et donc ne va pas loin. Son attachement à l’UE, en particulier, en fait un courant incapable de rompre avec la logique économique néolibérale dominante. Des courants plus proches du réformisme, plus proche de Mélenchon et de la France Insoumise, toutefois, y sont présents. Le candidat EELV à la présidentielle, Yannick Jadot, représentait l’aile la plus droitière, la plus pro-capitaliste, du parti. Sa concurrente malheureuse à la primaire EELV, Sandrine Rousseau, battue de peu, son aile plus réformiste et FI-compatible.

Difficile de classer le PCF parmi la gauche bourgeoise, vu son origine historique et ce qui reste encore de son ancrage populaire, mais force est de constater que la droitisation de ce parti qui n’en finit pas de décliner s’est encore poursuivie ces dernières années, ce qui n’empêche pas des réflexes de crispation identitaire, comme celui ayant consisté à présenter la candidature de Fabien Roussel à cette présidentielle. Le PCF a fait une campagne située globalement à droite de la France Insoumise. Défenseur de l’ordre (bourgeois), on l’a vu récemment soutenir une manifestation de policiers factieux – tout comme le PS et EELV d’ailleurs. Le réformisme du PCF est toujours plus droitier. Et parmi les vieux traits staliniens toujours présents dans ce parti, la défense de l’énergie nucléaire tient encore une bonne place. La candidature Roussel n’était finalement rien d’autre qu’une pure affirmation identitaire du PCF, doublée d’une volonté – frustrée – de prendre une revanche sur Mélenchon et la FI qui l’avait encore plus marginalisé précédemment.

Avant que le Conseil constitutionnel ne valide les candidatures, notamment en vérifiant les fameuses 500 signatures d’élu.es, on pouvait s’attendre aussi à 3 candidatures de l’extrême-gauche : Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) ; Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière (LO), et Annasse Kazib, cheminot syndicaliste à Sud Rail et candidat pour le courant CCR (lié à la Fraction trotskiste, FT-QI), qui a quitté le NPA à l’été 2021. Finalement, Annasse Kazib n’a pas obtenu les fatidiques 500 signatures et Poutou et Arthaud ont représenté l’extrême gauche.

Dans cet ensemble des gauches, c’est très clairement dans les voiles de Mélenchon et de l’Union populaire (UP) rassemblée autour de la FI que le vent a soufflé. C’était déjà vrai en 2017, et on pouvait s’attendre à ce que cela se produise à nouveau en 2022. Avec ses spécificités, certes, la FI représente en France un courant néo-réformiste que l’on a vu à l’œuvre ailleurs : en Grèce avec Syriza, au Portugal avec le Bloco de Esquerda, en Espagne avec Podemos… Misant sur la voie institutionnelle et les élections pour changer la donne politique, pour une VIe République, le programme de l’UP, intitulé L’Avenir en commun annonce des réformes économiques et sociales progressistes, une politique en faveur des services publics, le relèvement des minimas sociaux, un SMIC augmenté à 1400€ mensuels, le retour de la retraite à 60 ans, une planification écologique, etc. Mais tout cela est censé être obtenu sans affrontement majeur avec la bourgeoisie, sans l’exproprier… On pourrait relever aussi des choses critiquables aussi en matière de politique étrangère et de positionnement par rapport à l’Etat et à ses appareils répressifs. Très longtemps, les sondages n’accordaient que 8 à 10% des intentions de votes à Mélenchon. Ce dernier n’a obtenu des prévisions de l’ordre de 15% que dans les derniers jours avant le premier tour, mais en se situant toujours très loin de Macron et de de Marine Le Pen.

Un premier tour pas tout à fait sans surprises

Un des enjeux de cette élection présidentielle résidait dans le taux d’abstention. En effet, à part peut-être tout à fait à la fin de la campagne, celle-ci s’est déroulée sur fond d’une vaste indifférence populaire et d’une lassitude certaine face aux choix politiques proposés. Le désintérêt, voire le dégoût, face à la politique (au moins la politique institutionnelle) telle qu’elle est proposée n’a fait que grandir tout au long de ces dernières années. L’impression de ne pas pouvoir changer la vie par les élections grandit dans la population, et c’est tout particulièrement vrai dans les milieux défavorisés et les quartiers populaires. La montée de l’abstentionnisme se vérifie, grosso modo, dans l’ensemble des scrutins, même si la participation est traditionnellement plus élevée lors des élections présidentielles[14]. Mais déjà, la présidentielle de 2017 avait connu une abstention élevée (22,23% au premier tour, 25,44% au second)[15]. Peu après, même des élections d’impact national comme les législatives ont connu en juin 2017 une participation inférieure à 50% (51,3% d’abstention au premier tour et 57,36% au second). Certains scrutins, ces dernières années, ont connu des taux d’abstention extrêmement élevés. Les élections européennes, traditionnellement marquées par une faible participation, ont frisé les 50% en 2019 (49,88%). Aux élections municipales de 2020 l’abstention était de 55,25% au premier tour et de 58,6% au second. Les élections régionales et départementales des 20 et 27 juin 2021 ont été marquées par une abstention record (au premier tour, 66,72% d’abstention aux régionales et 66,68% aux départementales ; respectivement 65,31% et 65,64% au second tour).

Or la participation au premier tour de la présidentielle 2022, certes ne s’est pas effondrée – ce qui constitue en soi un premier succès relatif pour Macron – mais elle a tout de même diminué par rapport à 2017, avec une abstention s’élevant cette fois à 26,31%. Cette participation confirme la montée du désintérêt pour la vie politique telle qu’elle est, même si son niveau ne constitue pas une délégitimation complète du scrutin présidentiel. Néanmoins, il faut constater que cette année, les deux finalistes de la présidentielle n’ont obtenu, sur l’ensemble des électeurs/trices inscrit.es, que 20,07% des voix (Macron) et 16,69% (Le Pen), ce qui veut dire que les deux personnes restées en lice pour l’élection clé de la vie politique française n’ont obtenu, ensemble, que les suffrages d’un gros tiers de l’électorat (36,76% exactement). Dit autrement, le cumul des abstentionnistes, des votes blancs et nuls et des électeurs/trices ayant choisi d’autres candidatures représente 63,24% de l’électorat, ce qui signifie qu’il y a près des deux tiers de la population dont le choix n’a pas été pris en compte. Cela pose bel un bien un problème de représentativité, et contribue à miner la légitimité d’institutions qui représentent de moins en moins bien la volonté populaire.

Mais incontestablement, la principale réussite de Macron à ce premier tour, outre d’arriver en tête avec 27,84% des suffrages exprimés, c’est d’avoir fait exploser les deux partis traditionnels de « l’alternance molle » droite-gauche, qui a structuré la vie politique française pendant des décennies, entre ce qui s’appelle aujourd’hui LR[16] d’un côté, et le PS de l’autre. Déjà, on a vu qu’en 2017 le score du candidat PS (Benoit Hamon) avait chuté à 6,36%. Mais le score de Fillon était encore de 20% il y a cinq ans. En 2022, ces deux forces politiques en sont arrivées à une quasi-disparition : pour LR, Valérie Pécresse n’obtient que 4,78% et pour le PS, Anne Hidalgo fait encore pire (1,75%)[17], et au niveau de sa représentativité nationale, le PS semble avoir maintenant subi le même processus que le PASOK grec. Ayant obtenu moins de 5%, ni l’une ni l’autre des candidates (LR et PS) ne verront leurs frais de campagne remboursés par l’Etat. Rappelons qu’il y a dix ans seulement, le PS (Hollande) représentait 28,63% des suffrages exprimés au premier tour, et l’UMP (Sarkozy) 27,18%. A eux deux, ces partis regroupaient 55,81% des suffrages exprimés. Aujourd’hui, LR et le PS ensemble ne représentent plus que 6,53% de l’électorat! Si la marginalisation politique du PS avait commencé en 2017, en 2022 elle semble devenue définitive (au moins en termes d’audience nationale), tandis que celle de LR est bien engagée ! L’espace de la politique bourgeoise néolibérale et autoritaire qui se partageait, encore sous le quinquennat Hollande, entre la droite classique et la fausse gauche est à présent occupé par Macron qui se dit « d’extrême-centre ». Le premier tour de la présidentielle n’a donc pas fait apparaitre un bloc politique assez fort dans la droite classique, contrairement à 2017 avec Fillon.

Cette année, on a finalement vu se dessiner non pas quatre, mais trois candidatures de tête, au-dessus de 20% des suffrages exprimés, et assez proches les unes des autres : Macron (env. 9,8 millions de voix, 27,84%), Le Pen (env. 8,1 millions, 23,15%), et Mélenchon (env. 7,7 millions, 21,95%). Les candidatures suivantes sont loin derrière[18]. Les points forts de ces trois candidat.es apparaissent comme suit : pour Macron, les CSP+ et les retraité.es. Pour Le Pen, un électorat nettement plus jeune, une partie des milieux populaires (souvent des zones périurbaines, d’anciennes régions industrielles appauvries – le nord et l’est en particulier) et le Midi méditerranéen. Pour Mélenchon, un vote fort dans la jeunesse[19], des résultats  majoritaires dans les DOM[20], souvent une première place et de très bons scores dans des municipalités ouvrières et populaires. De bons résultats à Paris (30,09%) et en région parisienne, et de manière générale dans les grandes villes où il est en hausse par rapport à 2017 (31,12% à Marseille; 35,48% à Strasbourg ; 40,73% à Montpellier ; 29,06 à Bordeaux…)[21]. Les banlieues pauvres de la région parisienne ont beaucoup voté Mélenchon, tout particulièrement la Seine-St Denis, où l’UP fait reculer Marine Le Pen.

Une surprise relative de ces résultats se trouve dans le score de Mélenchon, beaucoup plus proche d’une qualification pour le second tour que les derniers sondages ne l’indiquaient (environ 7 points de plus). Le faible écart avec Marine Le Pen (environ 400 000 voix, soit 1,20%) a fait rager beaucoup d’électeurs/trices de l’UP. Mélenchon améliore son score de 2017, contrairement à ce qui était prévu par les instituts de sondage, tant en voix qu’en pourcentages (7,71 millions de voix en 2022 contre 7,06 millions en 2017, et 21,95% contre 19,58%). Il semble que les derniers jours et même les dernières heures ont vu beaucoup de personnes se décider à voter pour le candidat néo-réformiste. Des abstentionnistes potentiel.les se sont décidé.es à le faire, et des personnes qui pensaient initialement pour d’autres candidatures de gauche se sont finalement tournées vers Mélenchon, perçu comme seule possibilité d’empêcher un duel Macron-Le Pen au second tour. Mais finalement, les scores de Mélenchon prévus par les derniers sondages ont sans doute fait que beaucoup d’électeurs/trices potentiel.les de Mélenchon n’y ont pas cru. Et l’émiettement des candidatures de l’ensemble des gauches, et en particulier celle du PCF Fabien Roussel, a fait l’objet d’amères critiques.

Un autre élément doit être relevé. Finalement, la candidature Zemmour et donc la division de l’extrême droite n’a pas été fatale à Marine Le Pen, bien au contraire. Le créneau typique de cette mouvance politique, et en général du FN puis du RN (insécurité, xénophobie, islamophobie) a été principalement occupé par Zemmour. Cela a poussé Marine Le Pen, toujours en quête d’une respectabilité démocratique et qui confirme et amplifie la banalisation de son parti, à mettre l’accent de sa campagne ailleurs, et en particulier sur la défense de la population la plus modeste, avec des thématiques autour de la lutte pour le pouvoir d’achat, contre la hausse des prix, etc. Un tel choix, bien sûr fallacieux et démagogique, mais opéré dans un contexte de reprise de l’inflation et de fins de mois difficiles, s’est avéré payant. De son côté, Zemmour, qui avait réussi à recruter des cadres du RN (notamment l’avocat Gilbert Collard, et la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal), qui assurait de façon répétée qu’il serait présent au second tour, et qui semblait menacer réellement la candidate du RN, a vu la dynamique de sa campagne s’arrêter, puis s’effriter à partir de la mi-février, alors qu’il représentait encore 15% dans les sondages d’opinion. Pourquoi cela ? Plusieurs éléments semblent avoir joué : d’abord son brutal ultra-libéralisme a dû choquer une partie de son électorat potentiel. De plus, lorsqu’il a dû, par moments, parler d’autre chose que de ses obsessions racistes et islamophobes, il n’a pas semblé en capacité de répondre sérieusement à toute une série de questions qui préoccupent l’électorat : emploi, protection sociale, santé, pouvoir d’achat… Enfin, les déclarations de Zemmour sur la guerre en Ukraine l’ont fait plonger : longtemps admirateur du « patriote » Poutine, Zemmour a fait le pari que la Russie n’envahirait pas l’Ukraine, puis il a jugé que l’arrivée de réfugié.es ukrainien.nes en France risquait de déstabiliser le pays, et qu’il valait mieux que ces réfugié.es restent en Pologne. Sur ce point Marine Le Pen a su être plus en phase avec l’opinion publique : elle semble être parvenue à faire oublier son soutien passé à Poutine, notamment lors de son invasion de la Crimée, et le fait que le RN était largement financé par une banque russe proche du dictateur. Elle l’a fait en condamnant plus ouvertement l’invasion, et en se montrant bien plus accueillante vis-à-vis de ces réfugié.es.

Un nouveau duel Macron-Le Pen, remporté par le président sortant.

Dans les semaines qui avaient précédé le premier tour, Macron n’avait pas hésité à annoncer les mauvais coups antisociaux qui forment le cœur du programme pour son nouveau mandat. En particulier, deux mesures très impopulaires ont été mises en avant : le recul de l’âge de la retraite jusqu’à 65 ans, sous prétexte de s’aligner sur la moyenne européenne ; et le conditionnement du RSA (Revenu de solidarité active) destiné aux plus démuni.es, à une activité professionnelle hebdomadaire de 15 ou 20 heures. Derrière l’argument boueux de la lutte contre l’assistanat et de la nécessité de mettre la France au travail, il s’agit évidemment de procéder à de nouveaux transferts de valeur en faveur des plus riches. Ces deux mesures clés, Macron n’a donc pas hésité à les mettre en avant à la mi-mars, encouragé dans son arrogance par des sondages qui le plaçaient très largement en tête des intentions de vote. Avec ces annonces, Macron visait aussi à s’assurer les suffrages d’un électorat conservateur et assez nanti. Toutefois, les dernières études d’opinion avant le premier tour indiquaient un resserrement, avec à la fois une baisse de Macron et une forte hausse de Marine Le Pen. Les tout derniers sondages, tout en restant favorables à Macron, rendaient même crédible un score supérieur de Le Pen. Et les projections pour le second tour annonçaient des résultats de plus en plus serrés. Toutefois l’avance de Macron sur Le Pen au premier tour (environ 1,7 millions de voix et 4,7 points) s’est révélée plus forte que ne semblaient l’indiquer les derniers sondages. Et les études d’opinion entre les deux tours ont indiqué une nouvelle augmentation de l’écart entre les deux finalistes.

Après le premier tour, la plupart des candidat.es éliminé.es ont donné des consignes de vote plus ou moins précises pour le second. Pour Le Pen : Zemmour et Dupont-Aignan. Ouvertement pour voter Macron : Pécresse, Hidalgo, Jadot, Roussel. Sur le mode « pas une voix pour Le Pen », mais sans appeler à voter Macron, Mélenchon et Poutou. « Ni Macron ni Le Pen » pour Arthaud, et aucune consigne de vote pour Lassalle. Mais les enquêtes d’opinion montraient nettement qu’entre les consignes de vote des candidat.es et les intentions de vote de leurs électeurs/trices pour le second tour, il y avait un beau hiatus. Il est de plus en plus apparu que c’était essentiellement l’électorat mélenchoniste qui tenait la clé du second tour. Or cet électorat semblait globalement hésitant et divisé, se répartissant de manière fluctuante entre une large part d’intentions d’abstention ou de vote blanc ou nul, une autre large part d’intentions de vote Macron pour faire barrage à Le Pen, et une minorité d’intentions de vote Le Pen pour en finir avec Macron. Il n’est pas étonnant que cet électorat ait été particulièrement courtisé par les deux finalistes. Pour lui plaire, Le Pen a insisté sur les questions sociales. Et Macron n’a pas hésité à jouer les « négociateurs », parlant de n’augmenter l’âge de la retraite jusqu’à 64 ans (seulement !) et d’organiser un débat avec référendum sur la question. Ce cynisme n’a pas tardé à apparaitre pour ce qu’il est : dès le lendemain de la victoire de Macron le 24 avril, l’un de ses lieutenants, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire n’a pas exclu de recourir à l’article 49.3 pour faire passer en force la nouvelle contre-réforme des retraites annoncée par Macron[22]. Une nouvelle insulte aux électeurs/trices ayant voté Macron au second tour pour faire barrage au RN !

Finalement, l’écart au second tour entre Macron et Le Pen était plus large que ne le laissaient présager même les ultimes sondages : il a été réélu avec environ 18,7 millions de voix et 58,55% des bulletins exprimés, contre 13,3 millions et 41,45% à Marine Le Pen. Mais la victoire du prétentieux de l’Elysée doit être relativisée, pour différentes raisons. En premier lieu, l’abstention au second tour s’est élevée à 28,01%, en hausse par rapport au second tour de 2017 (25,44%), et aussi par rapport au premier tour cet année (26,31%). A ceci il convient d’ajouter plus de 3 millions de bulletins blancs ou nuls, non pris en considération en France (il y en avait un million de plus en 2017). En second lieu, Macron perd environ deux millions de voix par rapport à 2017 (environ 18,7 millions en 2022 contre 20,7 en 2017) et en pourcentage il recule de 66,10% à 58,55%. En troisième lieu, d’une certaine façon il y a sans doute deux vainqueurs à cette élection : Macron ET Le Pen. Jamais l’extrême droite n’avait atteint de tels scores à une élection de cette importance. En 2017, Marine Le Pen recueillait environ 10,6 millions de voix au second tour. Cette année elle approche les 13,3 millions. Il est donc clair que l’extrême droite s’est renforcée pendant le premier quinquennat Macron. Rappelons qu’en 2017, ce dernier annonçait vouloir « faire reculer les extrêmes ». Bien évidemment, LES extrêmes, cela regroupait aussi, dans l’esprit de Macron, la France Insoumise. Mais sur ces deux plans, l’échec de Macron est patent.

En fait, Macron a été largement réélu grâce aux voix d’électeurs/trices de gauche, de Mélenchon en particulier, inquiet.es de la perspective de voir Marine Le Pen accéder à l’Elysée. A part les DOM, où l’électorat mélenchoniste a clairement basculé vers Marine Le Pen pour battre le président sortant, il semble qu’une majorité d’électeurs/trices de l’UP ait finalement choisi de glisser un bulletin Macron dans l’urne, même en se pinçant le nez ! De fait, l’argument de la lutte contre le « fascisme »[23], un terme qu’il est faux de galvauder, car cette catégorie politique mériterait une étude approfondie hors du champ de cet article, a été largement mis en avant, de la droite modérée à des secteurs de l’extrême gauche. Et la peur suscitée par le RN et le « fascisme » aux portes de l’Elysée a, à nouveau, aidé Macron, même si c’est dans une moindre mesure qu’il y a cinq ans. Le président réélu en convient lorsqu’il reconnait au Champ de Mars, le soir même du 24 avril : « Nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite »[24]., Quelle conclusion politique en tirer, selon lui ? Faut-il s’attendre à des concessions, à une politique moins dure, moins antisociale ? Que nenni ! Car il faut bien voir que son mandat, contrairement aux apparences, il le tient non de l’électorat, mais de la haute bourgeoisie, et celle-ci, pour augmenter son taux de profit, a besoin d’un pouvoir politique qui continue à attaquer les acquis sociaux. Certes, Macron a déclaré vouloir être « le président de tous », incluant à la fois l’électorat de Mélenchon et de Le Pen, entre autres. Mais rappelons qu’il avait tenu le même type de discours en 2017, alors que sa politique a ensuite été un affront permanent à l’électorat de gauche. Les déclarations de Bruno Le Maire à propos des retraites, rappelées plus haut, laissent entendre que Macron II sera aussi brutal et méprisant que Macron I ! Du moins si la suite de la séquence politique le lui permet.

Les élections législatives des 12 et 19 juin

Le président sortant est réélu, mais l’ancien gouvernement (Castex) reste en place pour l’instant. La Constitution indique que le pouvoir législatif doit être renouvelé, avec des élections à la Chambre des Députés. 577 sièges sont à pourvoir, et les grandes manœuvres politiciennes dans cette perspective ont commencé dès le lendemain du second tour de la présidentielle. Rappelons que les élections législatives qui vont se tenir les 12 et 19 relèvent d’un scrutin majoritaire uninominal (à deux tours)[25] par circonscription. Les 577 circonscriptions sont très inégales quant à la population inscrite, et tout a été fait, à diverses reprises, au niveau du découpage électoral, pour rendre bien plus difficile l’élection d’un.e député.e de gauche (qui nécessite bien plus de voix dans les circonscriptions populaires) que de suffrages de droite (dans les circonscriptions aisées). Les élections législatives, telles qu’elles sont organisées, ont la particularité générale d’amplifier les majorités parlementaires. De fait, des forces électorales importantes au niveau national se retrouvent facilement avec une représentation réduite, voire nulle au niveau des sièges au parlement. Cela est en particulier le cas pour le FN puis le RN (qui n’a longtemps eu aucun.e député.e et n’en a que 6 dans l’Assemblée actuelle) et pour la FI (qui n’y a que 17 élu.es), malgré les scores de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en 2017. Le mode de scrutin des législatives, ajouté aux incertitudes politiques encore en cours, font qu’il est impossible à l’heure où cet article est écrit, de faire des pronostics un tant soit peu étayés quant au résultat de ces élections.

Néanmoins, on peut déjà percevoir quelques tendances et faire quelques observations.

Tout d’abord, il est à noter que si la chute des « partis de l’alternance molle » (PS et LR) est patente au niveau national avec les résultats de la présidentielle, les vieux appareils en question tiennent encore le coup au niveau local. Il est même frappant de constater à quel point les principales forces politiques autour des deux finalistes à la présidentielle (La République en Marche – LREM – pour Macron, RN pour Le Pen) ont un poids électoral local et un nombre d’élus à ces niveaux (municipal, départemental, régional) bien plus faibles que les forces aujourd’hui nationalement déchues (LR et PS). Comme le précise L. Crémieux, « Le PS, les Républicains et leurs élu∙es apparenté∙es sont bien plus présents dans les institutions départementales et régionales que ne l’est En Marche : 685 conseillers départementaux pour le PS et 838 pour LR, (et un nombre équivalent pour les Conseils régionaux), largement devant les 400 conseillers départementaux et 118 conseillers régionaux d’En Marche. De même, dans les villes de plus de 30 000 habitants, il y a 50 maires PS et apparenté∙es, 99 LR et apparenté∙es, 3 En Marche et alliés »[26]. Cette réalité institutionnelle paradoxale ne peut manquer d’avoir des conséquences, et à plusieurs niveaux. Du côté de Macron, qui doit absolument disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale pour imposer sa politique, l’opération réussie de destruction des appareils nationaux du PS et de LR doit se compléter nécessairement par des tactiques d’alliances et de débauchage au niveau local, à la fois du côté de la droite traditionnelle que de la gauche bourgeoise. La politique politicienne étant ce qu’elle est, les marchandages et les ralliements opportunistes devraient aller bon train dans les prochaines semaines. Du côté de l’extrême droite, toute la question est de savoir quel est l’avenir de « Reconquête », le parti monté par Zemmour pour la présidentielle. Pour le RN et Marine Le Pen, le choix fait est de détruire cet encombrant rival, et de réitérer l’opération qui a fonctionné lors de la présidentielle : imposer une sorte de « vote utile » pour le RN dès le premier tour des législatives. A ce niveau, les réseaux locaux de notables RN ne sont pas pléthoriques, mais ils sont plus denses que ceux du nouveau parti d’extrême droite, tout juste arrivé sur la scène politique. Et même s’il est hautement improbable que le RN puisse disposer d’une majorité à l’Assemblée, il est vraisemblable qu’il soit en mesure d’augmenter substantiellement son nombre de parlementaires. L’enjeu est aussi financier (les subventions aux partis en dépendent), et la présence des réseaux pro-Zemmour sur ce chemin est un obstacle à éliminer.

Mais c’est du côté de Mélenchon que les choses semblent devoir bouger le plus rapidement. En effet, son bon score semble avoir été à l’origine d’une dynamique politique unitaire qui n’avait pas existé en 2017, qui a précisément fait défaut à l’UP pour la présidentielle, et qui a coûté le second tour à son candidat. Immédiatement après la présidentielle, Mélenchon et l’UP ont pris contact avec toute une série de forces politiques présentes à la présidentielle, pour leur proposer un accord en vue de ces législatives. Depuis, des réunions se sont multipliées avec les organisations suivantes : EELV, Générations, le PCF, le NPA. Le PS, ou du moins une partie majoritaire de celui-ci a frappé à la porte de l’UP, pour faire partie d’un accord éventuel. Tout n’est pas encore joué au moment où cet article est bouclé, mais on peut déjà constater les éléments suivants.

  • Générations, le petit mouvement animé par l’ancien candidat PS à la présidentielle 2017, Benoit Hamon, et membre du Pôle écologiste[27], qui avait soutenu Jadot à la présidentielle, a été le premier à signer un accord avec la FI, pour les élections législatives de juin, dès le 28 avril, avec l’objectif de parvenir à un gouvernement de rassemblement dirigé par Mélenchon.
  • Un second accord a été conclu le 2 mai entre EELV et la FI validé par le conseil fédéral d’EELV à une très large majorité. Une « nouvelle Union populaire écologique et sociale » va voir le jour[28]. L’accord s’est fait notamment sur le SMIC à 1400€, le blocage des prix des produits de première nécessité, le retour à la retraite à 60 ans, le principe d’une « règle verte » et d’une « règle d’or climatique », et l’instauration d’une VIe République incluant le RIC (référendum d’initiative citoyenne). En cas de majorité à l’Assemblée, J.L. Mélenchon deviendrait premier ministre. Parmi les questions les plus âprement débattues, il y a eu celle de l’Union européenne, dont EELV est un défenseur acharné. L’idée avancée par la FI d’une désobéissance aux règles européennes était inacceptable pour EELV. Le compromis passé stipule que la « Nouvelle alliance » envisage de « désobéir à certaines règles européennes» (surtout économiques et budgétaires) mais maintient le « respect de l’Etat de droit » des traités européens. Autre point d’achoppement, finalement surmonté : la répartition des circonscriptions (une centaine de circonscriptions accordées au pôle écologiste, semble-t-il).
  • Mardi 3 mai, le PCF décide de rejoindre la « Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale ». Le principal point d’achoppement avec la FI était la question de l’énergie nucléaire (le PCF continue à la défendre, la FI veut en sortir), mais l’accord signé stipule que les deux partis défendront des positions différentes sur ce sujet à l’Assemblée. Sur les rares points de désaccord restant, le PCF a obtenu de garder une certaine autonomie d’expression (par exemple à propos de la nationalisation des banques). Le PCF obtient 50 circonscriptions dans cet accord, avec 11 pour les députés PCF sortants (notamment Fabien Roussel)[29].
  • Mercredi 4 mai, au moment de boucler cet article, on apprend que le PS, à son tour, et au prix d’une forte division en son sein, pouvant facilement mener à la rupture, vient de valider un accord avec la FI. Un communiqué commun FI-PS annonce : « Nous voulons faire élire des députés dans une majorité de circonscriptions, pour empêcher Emmanuel Macron de poursuivre sa politique injuste et brutale et battre l’extrême droite », cet accord devant être validé le 5 mai par le conseil national du PS.
  • Du côté du NPA, la bataille interne est très rude. Rien n’est encore décidé, mais une majorité de la direction exécutive pousse depuis le début des discussions à un accord avec la FI. Une bonne partie (combien exactement ?) des militant.es s’y opposent. Les récentes concessions faites par la FI, en particulier à EELV et au PS pour obtenir un accord – quant au principe même de l’inclusion du PS dans l’accord, vu les lourdes concessions faites, notamment sur l’UE – semblent faire gagner du terrain aux opposant.es à un tel accord. Philippe Poutou, lui-même partisan de la ligne d’ouverture du NPA vers la FI, semble désabusé et écrit : « en quelques jours, on est passés du refus catégorique de s’entendre avec le PS à une volonté FI-PS réciproque et presque enthousiaste de trouver un terrain d’entente. Cela se traduit logiquement par un programme très minimaliste et bien sûr à un partage des circonscriptions acceptable pour le PS, histoire de sauver le plus de postes possible. Plus FI cherche à s’entendre avec le PS et EELV, plus le socle commun s’arrondit et se réduit. La retraite à 60 ans devient « l’objectif » de la retraite à 60 ans, l’abrogation de la loi El-Khomri devient l’abrogation des « aspects régressifs » de la loi, la désobéissance avec les réglementations européennes est relativisée et si peu claire, sans parler de l’abandon de l’arrêt du nucléaire (pas une mince affaire) ou d’autres points importants de ce qui aurait pu constituer un programme de rupture. Donc l’unité souhaitée, légitime, y compris pour nous, cette unité prend forme effectivement mais perd en radicalité potentielle, en originalité ou même en point d’appuis pour la suite. Car même affaibli, le PS (avec aussi EELV), arrive encore à donner le ton, à fixer ses limites et mettre en avant ses revendications concernant le partage des circonscriptions »[30].

Pour conclure sur la question des législatives, disons qu’il y a de fortes chances qu’un accord très large unisse la plus grande partie des diverses gauches les 12 et 19 juin. Tout n’est pas joué, car le PS n’a pas encore validé l’affaire en interne, et parce que le NPA n’a pas encore fait son choix et connait un très fort tangage dans ses rangs. Observons que de toutes les organisations de gauche et d’extrême gauche présentes à la présidentielle, LO est la seule qui refuse clairement d’entrer dans la logique d’un tel accord avec la FI.

Et maintenant ?

Ajoutons quelques considérations générales. D’abord, on constate, comme le fait amèrement Philippe Poutou, que la logique des accords passés par la FI déporte la ligne générale vers la droite, vers moins de radicalité. La politique institutionnelle nous a déjà habitué.es à cela, mais cette loi de la « politique institutionnelle unitaire », que certain.es, notamment au NPA, voudraient faire passer en fraude pour une politique léniniste de front unique, s’applique toujours. Ensuite, même si nous manquons encore d’études précises sur ce point, la poussée unitaire à la base semble effective, en particulier dans les milieux populaires et ouvriers. Beaucoup semblent vouloir pousser les directions de la « gauche » ou même de la « gôche », à s’unir, dans l’espoir de remporter les législatives et d’annuler en partie les résultats de la présidentielle. Mais beaucoup de confusion y préside. Même si les médias parlent de la « gauche radicale » en particulier pour la FI, il est important de garder en tête que la FI est une force politique néo-réformiste, qui vise à changer la société, non pas dans un sens anticapitaliste radical, mais seulement dans un sens anti-néolibéral ; et au moyen de luttes institutionnelles, et non pas de luttes révolutionnaires et insurrectionnelles. La différence est énorme. Et il faut garder présent à l’esprit les sombres mésaventures et les échecs complets de cette « gauche radicale »-là, citée plus haut (Syriza, Podemos, Bloco de Esquerda), auxquels on devrait ajouter Rifondazione en Italie. Ce qui est commun à tous ces courants néo-réformistes, c’est qu’ils ne savent pas ou ne veulent pas voir ce qu’est l’Etat bourgeois, pour qui il est fait (la bourgeoisie), et qu’ils négligent totalement le fait que cette bourgeoisie est prête à tout pour défendre son pouvoir et ses privilèges, quoi qu’il en coûte au reste de l’humanité et à la planète entière.

Une anecdote significative de cette impréparation des néo-réformistes à l’affrontement de classe est disponible sur internet. Le philosophe et économiste Frédéric Lordon, impliqué dans les multiples luttes sociales de ces dernières années, a à plusieurs reprises exprimé l’idée que la bourgeoisie ferait tout pour mettre KO un gouvernement Mélenchon[31] : « On imagine un gouvernement La France Insoumise, et il y a un président Mélenchon qui se retrouve au pouvoir. Qu’est-ce qui se passe ? (…) Ce qui se passe, c’est que le gouvernement est torché en deux  semaines ». Et Lordon explique à la fois la spéculation financière, avec notamment ses effets sur les taux d’intérêt, et aussi la haine déchainée contre le gouvernement de gauche par les médias du capital. Que répond Mélenchon à la question de la dette française attaquée par la finance internationale. Il dit : « Ben, on va voir ». Son interlocuteur lui demande plus précisément : « Qu’est-ce qu’on fait contre la finance internationale ? ». Réponse de Mélenchon : « on se bat, on se défend. Mais j’ai des bonnes armes ». Et il ajoute : « Je pense que ce n’est pas raisonnable que la France soit attaquée (…) Le résultat pourrait être désastreux pour tout le monde (…) Je pense que les gens seront raisonnables. Ils ne feront pas trop de bêtises. Mais je ne recommande à personne de s’attaquer à la France si c’est moi qui m’en occupe ! ». Voilà, c’est tout ! Mélenchon, contrairement à Lordon, ne veut pas comprendre et dire que l’affrontement central avec la bourgeoisie, et en particulier l’expropriation de celle-ci dans les secteurs les plus importants de l’économie, est une question incontournable.

Il est encore trop tôt pour prévoir ce qui sortira des scrutins des 12 et 19 juin. Mais une dynamique autour de la FI et de la nouvelle alliance large de gauche en gestation est possible. Cette nouvelle configuration avec une union des gauches semble d’ailleurs agacer de nombreux/ses commentateurs/trices toujours prompt.es à défendre la stabilité de l’ordre bourgeois. Mediapart parle même d’un « vent de panique »[32]. On y lit notamment : « À mesure que la possibilité d’un accord de toutes les gauches et des écologistes en vue des élections législatives des 12 et 19 juin se concrétise, le « cercle de la raison » politico-médiatique flirte avec la crise de nerfs. La centralité politique du courant mélenchoniste depuis le 10 avril (fort de 22 % des suffrages exprimés), et sa potentielle capacité d’entraînement pour recomposer la gauche ne passent pas auprès des défenseurs zélés du statu quo ». Et ces défenseurs de l’ordre existant ulcérés par la gauche « radicale » en gestation se recrutent à la fois parmi les politicien.nes des ex-partis de l’alternance molle (comme Jean-François Copé, Eric Woerth ou François Bayrou du côté de la vrai droite ; François Hollande, Jean-Christophe Cambadélis ou Julien Dray dans la fausse gauche), au RN (rien de moins que son président par intérim Jordan Bardella), ou parmi la toute-médiocratie médiatique dominante, avec des prescripteurs d’opinion tels que Renaud Dély (Le Monde) ou Elizabeth Lévy (CNews). On peut d’ailleurs imaginer que la liste de ces belles âmes va s’allonger si la dynamique s’approfondit autour de la FI. Certainement, la situation politique serait différente en cas de victoire macroniste aux législatives ou si le 19 juin, la majorité parlementaire se trouvait réunie autour de Mélenchon. Mais c’est malgré tout peu probable. Et si cela arrivait, un avis de tempête politique, et peut-être sociale, serait à l’ordre du jour.

Les travailleurs/ses devraient avoir des inquiétudes inverses de tout le beau monde évoqué plus haut: comprendre qu’une unité « de gauche » institutionnelle basée sur des élections, et incluant des forces qui ont déjà montré à de multiples reprises qu’elles n’hésitaient pas à les trahir, ne pourra pas faire le poids face à la dictature de la bourgeoisie. C’est bel et bien une révolution qu’il faut préparer, et pour cela, un parti révolutionnaire est nécessaire. Malheureusement, on voit à quel point l’extrême gauche est défaillante dans ce pays : entre le NPA qui se laisse embobiner par la FI, et LO qui est plus ferme mais ne propose rien, on ne voit pas à ce stade de force politique alternative capable de proposer une véritable issue de classe aux luttes qui s’annoncent et face aux désillusions auxquelles il faut s’attendre.

[1] Selon la Constitution de la Ve République, l’élection présidentielle se joue tous les cinq ans au suffrage universel direct à deux tours. Le second tour, s’il a lieu, c’est-à-dire si aucun.e candidat.e n’obtient la majorité absolue des suffrages exprimés lors du premier, ne peut opposer que les deux candidat.es arrivé.es en tête du premier tour.

[2] Macron s’est illustré par son mépris du peuple, affiché publiquement à plusieurs reprises : que penser d’un président qui déclarait lors d’une inauguration, peu après son élection de 2017, qu’il y a « les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » ? Qui répond à un chômeur qui lui explique ne pas trouver de travail dans son domaine, l’horticulture : « Je traverse la rue et je vous trouve un travail » (15 septembre 2018) ? Ou qui parle des Français comme de « Gaulois réfractaires au changement » ? Ou qui se plaint que l’Etat mette « un pognon de dingue dans les minimas sociaux » sans beaucoup de résultats ?

[3]Titres décernés par les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot à Sarkozy puis à Macron. Cf : Le président des riches. Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy. La Découverte, 2010 ; et Le président des ultra-riches. Chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron. La Découverte, 2019.

[4] Qui taxe les intérêts du capital de façon uniforme, à 12,8%, moins que la tranche la plus basse de l’impôt sur le revenu (14%).

[5] Le mouvement social d’opposition ayant été battu, la mise en œuvre de cette réforme a été empêchée uniquement par l’arrivée de la pandémie de Covid-19. Mais Macron veut maintenant aller encore plus loin dans l’attaque, en retardant à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite (62 aujourd’hui).

[6] On peut citer par exemple la mort de l’octogénaire Zineb Redouane, le 2 décembre 2018, en marge d’une manifestation marseillaise de Gilets jaunes la veille, à la fenêtre de son appartement au 4e étage.

[7] Deux exemples seulement : mensonges du gouvernement au début de la pandémie, expliquant que les masques ne servaient à rien, pour cacher que les stocks existants avaient disparu ; mensonges sur le fait que les enfants ne seraient pas contagieux…

[8] Notamment : les autorisations de sortie à rédiger pour aller faire ses courses ou promener son chien ; le pass sanitaire et la culpabilisation des personnes non-vaccinées, que Macron a déclaré publiquement vouloir « emmerder ».

[9] Des manifestations syndicales ont été aussi brutalisées par la police, notamment pendant le mouvement contre la réforme macroniste des retraites.

[10] En janvier, il avait juste déclaré qu’il en avait « envie » mais sans avoir encore « clarifié le sujet ». https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/emmanuel-macron-officialise-sa-candidature-a-l-election-presidentielle-dans-une-lettre-aux-francais_AN-202203030607.html

[11] Cela s’est produit 7 fois. C’était le cas en 1965 (duel De Gaulle-Mitterrand), en 1974 et en 1981 (Giscard-Mitterrand), en 1988 (Chirac-Mitterrand), en 1995 (Chirac-Jospin), en 2007 (Sarkozy-Royal), en 2012 (Sarkozy-Hollande). Les exceptions ont eu lieu en 1969 (avec deux candidats de droite, De Gaulle et Poher, tandis que le principal parti d’opposition, le PCF, appelait à l’abstention), en 2002 (duel droite extrême-droite entre Chirac et Jean-Marie Le Pen) et finalement, lors des deux dernières élections, en 2017 et 2022 (Macron-Marine Le Pen).

[12] Parmi de nombreuses contre-vérités historiques, Zemmour a notamment prétendu que Pétain avait protégé les juifs.

[13] Théorie complotiste d’extrême droite, introduite en 2010 en France par l’écrivain Renaud Camus, qui affirme que la population de souche, française et européenne, serait remplacée progressivement par une population non-européenne, essentiellement d’Afrique subsaharienne et du Maghreb. Un processus voulu et organisé par une « élite » politique, pour des raisons idéologiques et économiques.

[14] L’élection présidentielle sous la Ve République a connu une diminution tendancielle significative de la participation, passant d’un taux d’abstention de 15,2% en 1965, à 22,4% en 1969, puis à 15,8% en 1974, à 18,9% en 1981, 18,6% en 1988, 21,6% en 1995, puis au record de 28,4% en 2002, suivi d’une remontée de la participation à 16,23% en 2007, et de nouvelles baisses avec 20,52% et 22,23% en 2017. Cf : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abstention_%C3%A9lectorale_en_France

[15] Ces chiffres et les suivants proviennent du même site : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abstention_%C3%A9lectorale_en_France

[16] LR est le nom du parti dont l’origine se situe dans le gaullisme (RPF). Sous de Gaulle on a eu l’UNR en 1958, puis l’UDR. Ensuite ce courant s’est appelé le RPR, puis il s’est retrouvé dans l’UMP, puis dans LR.

[17] Même dans la capitale, dont elle est maire, Hidalgo n’obtient que 2,17% des suffrages. Une véritable déroute ! Cf : https://www.liberation.fr/politique/anne-hidalgo-pas-prophete-dans-sa-ville-de-paris-20220411_K6FZWJU2NRH3ZFJFIPUX4CJASU/

[18] Zemmour (7,07%), Pécresse (4,78%), Jadot (4,63%), Lassalle (3,13%), Roussel (2,28%), Dupont-Aignan (2,06%), Hidalgo (1,75%), Poutou (0,77%) et Arthaud (0,56%).

[19] https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/presidentielle-2022-les-plus-jeunes-ont-vote-jean-luc-melenchon-les-plus-vieux-emmanuel-macron_5075344.html

[20] DOM : départements d’outre-mer. Ce sont 4 départements qui sont des colonies restées telles dans la république française : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion.

[21] https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/resultats-presidentielle-2022-comment-expliquer-la-remontee-de-jean-luc-melenchon-au-soir-du-premier-tour_5075833.html

[22] https://www.20minutes.fr/politique/3277479-20220425-presidentielle-2022-maire-provoque-polemique-refusant-ecarter-493-retraites

[23] Il faudrait au moins un long article pour discuter de ces questions. Très brièvement, disons ceci : le terme de « fascisme » est historiquement daté, et se réfère à des partis de masses interclassistes, d’essence petite-bourgeoise mais incluant des prolétaires égarés, et financés par la bourgeoisie pour écraser les organisations ouvrières. Il y a un danger d’extrême droite, et une fascisation rampante des esprits, en France et ailleurs, mais les partis de cette mouvance, qu’ils participent ou non au gouvernement (Trump, Bolsonaro, Orban par exemple) sont très différents des partis d’Hitler et de Mussolini, en particulier parce qu’ils n’ont pas (encore) les moyens politiques d’écraser le prolétariat, même s’ils le souhaitent.

[24] https://www.latribune.fr/economie/france/au-dela-de-la-victoire-de-macron-le-vote-pour-l-extreme-droite-etend-ses-territoires-915240.html

[25] Pour être élu au 1er tour, un candidat.e doit recueillir plus de 50% des suffrages exprimés et un nombre de voix au moins égal à 25% des électeurs/tries inscrit.es. Au second tour, on peut avoir : les deux candidat.es en tête au premier tour, mais aussi les suivant.es à condition que ces candidat.es aient obtenu au moins 12,5% des inscrit.es. On peut ainsi avoir, au second tour des élections triangulaires, voire quadrangulaires.

[26] http://www.inprecor.fr/article-FACE-A-L%E2%80%99HOSTILITE-POPULAIRE,-MACRON-A-IMPOSE-SA-REELECTION?id=2546

[27] Coalition politique lancée en 2020 après les élections municipales, après la victoire de listes écologistes.

[28] https://www.challenges.fr/politique/eelv-et-lfi-passent-un-accord-historique-pour-les-legislatives_811567

[29] https://www.publicsenat.fr/article/politique/legislatives-que-contient-l-accord-entre-le-pcf-et-lfi-205263

[30] https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/020522/philippe-poutou-garder-un-cap-radical-meme-s-il-est-minoritaire

[31] https://www.youtube.com/watch?v=OXhC9042YRg

[32] https://www.mediapart.fr/journal/france/030522/union-des-gauches-le-cercle-de-la-raison-panique?xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-20220503&M_BT=1976669439438

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