jeu Sep 12, 2024
jeudi, septembre 12, 2024

Macron dégage ! Préparer la grève générale pour gagner sur les revendications !

Presque deux mois après le vote du 7 juillet, Macron a enfin nommé un nouveau Premier ministre. Cette décision confirme le mépris total de l’Élysée pour les résultats du second tour des législatives anticipées. Non seulement Michel Barnier lui offre toutes les garanties pour poursuivre la même politique autoritaire d’austérité, de casse sociale, mais ses orientations anti-immigration sont un gage offert au Rassemblement National. Nous allons maintenant voir se mettre en place la poursuite de la politique macroniste, mais sous contrôle du RN !

Par : Michaël Lenoir – groupe sympathisant de la LIT-QI en France.

Le 26 août, Macron avait déjà rejeté officiellement la nomination de Lucie Castets, proposée comme Première ministre par le NFP. Depuis, les consultations se multipliaient mais l’hôte de l’Élysée pataugeait dans l’incertitude, sans solution de remplacement. Ces derniers jours, les deux prétendants les plus souvent cités, Bernard Cazeneuve (ancien ministre de Hollande, droite du PS) et Xavier Bertrand (LR), semblaient assurés d’être immédiatement éjectés par une motion de censure à l’Assemblée, votée à la fois par le NFP et par le RN. Proposée notamment par Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, la figure de Michel Barnier relève aussi de la droite classique, LR… Mais ce nom, contrairement à celui de Xavier Bertrand, fait l’objet d’une plus grande bienveillance de Marine Le Pen. Le RN semble majoritairement considérer que Barnier « respecte le RN » et ne traite pas ses élus « comme des pestiférés »[1]. Contrairement à ce que le RN avait annoncé dans l’éventualité d’une nomination au sein du NFP, de Cazeneuve ou de X. Bertrand, le groupe RN ne devrait pas opter d’emblée pour la censure automatique et « attendra la déclaration de politique générale pour se positionner »[2]. Un feu vert envoyé à Macron par le RN pour la nomination de Barnier.

Coalition tacite Macron – LR – RN

Barnier est un politicien de droite expérimenté. Parlementaire puis quatre fois ministre, il a pris des positions réactionnaires : opposé à la dépénalisation de l’homosexualité en 1981 ; mais aussi bien plus récemment. Sécuritaires pour commencer. Contre l’« assistanat » des pauvres et les chômeurs, avec Wauquiez. Et aussi sur les flux migratoires, notamment pour la primaire LR de 2021, quand il réclamait un « moratoire » sur l’immigration, le rétablissement de la double peine et un durcissement du regroupement familial. Une caractéristique majeure de Barnier, c’est qu’il est une figure importante de l’UE, à laquelle il a consacré une large part de sa carrière politique : il a bâti et renforcé ses structures néolibérales, comme commissaire à la Politique régionale de 1999 à 2004, puis commissaire au Marché intérieur et des Services de 2010 à 2014, avant d’être nommé négociateur en chef de l’UE sur le Brexit. Il est donc au cœur des mécanismes néolibéraux et antipopulaires de l’UE. Le seul point où il est venu contrarier sa politique, c’est précisément la question migratoire, où on l’a vu faire cause commune avec Viktor Orbán, le président hongrois, pour désobéir aux règles de l’Union sur les droits humains afin de mettre en place un bouclier migratoire en France[3].

Le choix d’un tel profil constitue une main tendue de Macron au RN, au moins pour éviter sa censure à l’Assemblée et maintenir les chances d’une certaine durabilité. Et c’est en même temps une garantie de continuité avec la politique qui a été menée depuis 2017. Le choix de Barnier est même l’expression d’une coalition qui ne dit pas son nom entre la macronie, LR et le RN. Un bloc droite-extrême droite est ainsi constitué, dont les différences programmatiques s’estompent toujours plus, et qui a pour socle commun la poursuite de l’offensive antisociale, une hostilité accrue aux migrant.es, sans oublier le maintien d’une politique militariste et colonialiste. Très vraisemblablement, nous allons très vite devoir combattre de nouvelles mesures anti-migratoires, ainsi que la politique d’austérité voulue par Barnier, nous opposer au plan d’ajustement fiscal de l’UE, lutter pour que le budget militaire soit transféré aux services publics, etc. Pour sûr, l’autoritarisme et la répression macronistes – qui ont si cruellement frappé les Gilets jaunes, les jeunes des banlieues etc. – tendront à s’aggraver avec un pareil gouvernement. De même pour ce qui est de la brutalité colonialiste – la solidarité avec la Kanaky va nous occuper ! – ainsi que le soutien aux génocidaires sionistes à Gaza et en Cisjordanie. Ce gouvernement, ennemi des travailleurs/ses, des jeunes, des migrant.es, des peuples colonisé.es doit être combattu dès maintenant dans la rue.

Ce bloc politique de fait permet l’accès au pouvoir du RN, pour l’instant de manière indirecte. Pour un camp présidentiel qui mettait en avant le « front républicain » contre l’extrême droite, c’est plutôt fort de café ! Mais cela n’est pas surprenant si l’on comprend que Macron avait dissout l’Assemblée pour placer le RN au gouvernement !

Cette « démocratie » est une farce. Derrière Macron, il y a le grand capital !

Résumons brièvement la situation politico-institutionnelle à laquelle nous parvenons. Macron choisit comme Premier ministre un politicien d’une force politique qui, avec ses 47 député.es et ses 5,41% de voix obtenues au second tour des législatives, n’est que le quatrième bloc à l’Assemblée. Macron fait ce choix parce que la troisième force, le RN et ses allié.es « ciottistes » ne s’y montrent pas d’emblée hostiles, et que l’Élysée a la ferme volonté de poursuivre coûte que coûte la politique générale menée par le camp présidentiel, désavoué dans la rue et dans les urnes, et qui ne représente plus que le deuxième bloc. Il veut aussi éviter de nommer à la tête du gouvernement la personne proposée par le NFP, premier bloc à la Chambre des députés. Dans de nombreuses démocraties bourgeoises, le choix se serait d’abord porté sur le bloc politique le plus fort, pas le quatrième. En macronie, non ! Et cela se voit : selon un sondage publié par BFMTV le 6 septembre[4], 74 % des Français.es estiment que Macron n’a pas respecté le résultat des élections législatives du 7 juillet. Une partie des Français.es ne s’en plaint pas. Néanmoins, une majorité de 55% des interrogé.es dans le même sondage sont d’accord avec les propos de Jean-Luc Mélenchon, qui avait affirmé qu’Emmanuel Macron avait « nié officiellement le résultat des élections législatives » et que « l’élection a été volée au peuple français« .

Cette nouvelle situation n’est pas seulement le fait de la psychologie de Macron. Certes, son arrogance et son déni systématique de la réalité en font un forcené. Mais ses agissements se nourrissent des traits autoritaires de la Ve République, une « démocratie » des riches qui s’avère toujours plus être une farce. Toutefois, au-delà-même de la Ve République, le vrai pouvoir, dans cette société, c’est celui du grand capital.

Si le personnel politique en place ne fait plus le job correctement de son point de vue, les milliardaires et patrons du CAC 40 lui trouveront des remplaçants. De ce point de vue, on a assisté ces derniers temps à un double phénomène : d’une part, l’idée du départ de Macron de l’Élysée, notamment évoquée suite à la candidature d’Edouard Philippe à la prochaine présidentielle, n’est plus un tabou ; d’autre part, le Medef s’est empressé d’exiger le maintien des politiques pro-business et a chaleureusement remercié Bruno Le Maire pour son action à Bercy[5].

Malgré cela, chasser Macron est une nécessité démocratique élémentaire, et c’est un verrou qu’il faut faire sauter d’urgence !

Pas de confiance dans les institutions et le NFP !

La situation présente est aussi la conséquence des choix faits par les directions politiques et syndicales majoritaires du mouvement social. Leur tendance permanente à vouloir résoudre la crise et la polarisation sociale par des moyens institutionnels – et notamment le soi-disant « front républicain » – n’arrête pas l’extrême droite, elle change seulement les modalités de son ascension : dans le bloc politique dirigeant qui se met en place, le programme appliqué sera ce qu’accepte le RN.

Le NFP pourra voter toutes les motions de censure qu’il souhaite, le véritable juge de la politique menée par le gouvernement Barnier, ce sera le RN. Pour mettre en échec les nouvelles attaques du pouvoir et, a fortiori, pour obtenir des mesures favorables aux travailleurs/ses et aux classes populaires et des avancées démocratiques, ce n’est que la rue et la lutte populaire qui pourront changer la donne.

Nous ne devons pas faire confiance aux leaders et aux parlementaires du NFP. Une fraction de cette coalition semble décidée à contester le choix antidémocratique de Macron et appelait à manifester ce samedi, ce qui est juste. Il faudra observer l’impact de cette mobilisation, qui ne pourra en aucun cas s’arrêter là. Mais hormis LFI et quelques autres, qui veulent combiner censure parlementaire, lutte institutionnelle pour la destitution de Macron et mobilisation dans la rue, le reste du NFP, PS en tête, semble ne vouloir mener qu’une guéguerre strictement parlementaire contre le coup de force de Macron.

Nous organiser à la base !

La classe ouvrière, les quartiers populaires, la jeunesse, ont un besoin urgent de s’organiser à partir de la base pour gagner sur tous nos objectifs, avec une politique d’indépendance de classe face à toutes les voies bourgeoises. La dynamique d’une telle organisation irait d’ailleurs au-delà d’une mobilisation pour chasser Macron et pour respecter les résultats des élections. Pour avancer dans cette voie, nous pouvons nous appuyer sur des expériences récentes.

L’histoire ne sert jamais deux fois les mêmes plats, mais l’expérience d’un mouvement populaire contrôlé démocratiquement par en bas peut notamment se baser sur les acquis des Gilets Jaunes. Pareil mouvement, autoorganisé et fondé sur l’indépendance de classe, gagnerait sans doute à associer les assemblées citoyennes locales et celles fondées sur les lieux de travail. Toutes les forces, politiques et autres, qui prétendent représenter les intérêts populaires, notamment celles qui constituent le NFP, devraient leur rendre des comptes.

Mais porter des exigences ne suffit pas. Pour gagner, c’est aussi un vaste mouvement de grève qu’il faut préparer.

Préparer la grève générale !

Nous avons connu, l’an passé, une longue vague de lutte contre l’obligation que nous fait Macron de travailler deux années de plus. Il n’a pu s’imposer que par le 49.3, la répression et la stratégie pourrie des journées d’action à laquelle restent attachées les directions syndicales. Cette stratégie n’est remise en cause ni par le NFP, ni par LFI. Aujourd’hui, cette question est toujours d’actualité. Mais soyons réalistes : si nos ennemis de classe n’ont pas peur des « journées d’action » et des promenades syndicales République-Nation, un spectre les inquiète toujours, celui d’une explosion sociale. Ce qui fait peur à la classe possédante, c’est l’idée que le pays pourrait s’arrêter, que l’économie pourrait être bloquée, et avec elle la machine à profits. Une grève générale illimitée s’impose donc.

Parvenir à une telle grève implique de combattre, de l’intérieur et de l’extérieur des syndicats, la politique de collaboration menée par les directions confédérales, et qui, quel que soit leur discours, nous conduisent de défaite en défaite. L’autolimitation des luttes, c’est l’échec assuré. Compter sur les élections pour changer la donne – comme l’ont souvent suggéré les directions syndicales – on voit aussi maintenant que cela se heurte à la fois aux institutions et au monarque élyséen. Il faut donc trouver les voies d’une politique alternative, celle d’une lutte de classe intransigeante. Celle-ci implique de regrouper toutes celles et tous ceux qui veulent bâtir un vrai mouvement de grève – ce qui ne s’oppose pas à d’autres formes d’action – afin de bloquer le pays. Les revendications ne manquent pas, tant les attaques et les régressions sociales et politiques ont été vastes ces dernières décennies. Mais ce qui suit devrait être au cœur de la lutte à construire.

  • Macron, dégage !
  • A bas le colonialisme ! Solidarité avec le peuple kanak !
  • Solidarité avec le peuple palestinien ! Halte à la complicité avec les génocidaires sionistes ! Rupture des relations commerciales et diplomatiques avec Israël, arrêt des ventes d’armes !
  •  Organisons-nous pour préparer la grève générale.

    – Pour le retrait de la réforme des retraites

    – Pour l’augmentation du SMIC et des minima sociaux

    – Non à l’augmentation des dépenses militaires et au plan d’ajustement des déficits imposé par l’UE !

    – Plus de moyens pour sauver nos services publics, étranglés par l’austérité : santé, éducation, transports…


[1] https://www.mediapart.fr/journal/politique/050924/barnier-matignon-la-gauche-ecoeuree-les-macronistes-perplexes-le-rn-savoure

[2] Idem.

[3] Voir https://www.mediapart.fr/journal/politique/050924/michel-barnier-un-faux-modere-pousse-par-wauquiez-et-kohler

[4] https://www.bfmtv.com/politique/elysee/sondage-bfmtv-barnier-premier-ministre-3-francais-sur-4-estiment-que-macron-n-a-pas-tenu-compte-des-resultats-des-legislatives_AN-202409060604.html

[5] Siège du ministère de l’Économie et des Finances.

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