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La politique pétrolière de Chavez est-elle anti¬impérialiste ?

César Neto

Membre du PSTU, la section brésilienne de la LIT-QI

Article publié dans le Marxisme Vivant n°10 de 2004

Nous vivons des moments de grave crise du système capitaliste mondial. Les raisons sont étroitement liées à la chute constante du taux de profit des entreprises et à la crise de sur-production. Mais la crise actuelle de l’économie capitaliste s’accompagne d’une autre crise. la crise énergétique.

Dans la crise énergétique, il faut souligner la crise du pétrole, qui est un composant indispensable dans l’industrie chimique, pétrochimique et pharmaceutique.

L’économie des Etats-Unis est extrêmement dépendante du pétrole comme source d’énergie. Ce pays dispose de très peu de centrales hydroélectriques, la plupart étant des centrales thermoélectriques, c’est-à-dire alimentées en pétrole. En outre, il dépend fortement du pétrole utilisé comme matière première.

Les Américains produisent chez eux 75% du pétrole qu’ils consomment et en importent 25%. Cela signifie une importation de 12 millions de barils par jour et on prévoit que, si le niveaux actuel d’exploitation et de production persistent, dans 15 ans les importations s’élèverons à environ 25 à 30 millions de barils par jour. Entre-temps, le grand problème c’est que les réserves américaines arriveront à leur limite dans les 20 prochaines années.

Selon l’expert Pablo Hernández, (El Plan de Negocios de PDVSA: un plan privatizador -www.soberania.info) « Le Venezuela, l’Iraq, l’Iran, le Koweït, les Emirats Arabes, le Nigeria, la Russie et quelques autre pays secondaires seront les seuls producteurs de pétrole. Les Etats-Unis et le Canada auront des réserves de bitumes et de sables pétrolifères ou oléagineux, mais le pétrole conventionnel, dont le coût de production est inférieur à 3 dollars, sera réservé aux pays mentionnés « .

Comprendre l’actuelle crise capitaliste et la crise énergétique est très important pour expliquer la géopolitique et la politique quotidienne de l’Empire et des gouvernements latino-américains, ainsi que la ZLEA-TLC et la politique chaviste actuelle.

Pour affronter la pénurie énergétique qui s’approche, les Etats-Unis n’ont pas hésité à envahir l’Afghanistan et l’Iraq afin de mette la main sur le gaz naturel et le pétrole de ces pays. Pour ce qui est de l’Amérique Latine, la politique de pillage se manifeste d’une autre façon, bien qu’avec le même contenu.

Le Système d’Intégration Électrique pour l’Amérique Centrale ¬SIEPAC

Avec la pénurie de ressources énergétiques, la Banque Interaméricaine de Développement et la Banque Mondiale ont développé et ont implanté le projet SIEPAC, dans le but d’interconnecter tout le système électrique en un seul réseau, avec une seule loi et une seule norme pour la région méso¬américaine. Cette interconnexion est complémentaire à l’Anneau Interconnecté qui unifie les réseaux électriques du Pérou, de l’Équateur et de la Colombie. Actuellement, le réseau colombien est interconnecté avec celui de Panama. Dans les faits, depuis le Pérou jusqu’au Mexique, il n’y aura qu’un seul système électrique. Lourdes Melgar, directrice des Affaires Cosmopolites du Ministère de l’Énergie du Mexique affirme que l’intégration énergétique entre le Mexique, le Canada et les USA est un fait depuis mars 2002. (www.ciepac.org/bulletins). En résumé, il y a une connexion depuis le Pérou jusqu’aux Etats-Unis où un pays peut acheter de l’énergie électrique excédentaire d’un autre pays.

Quand Lucio Gutiérrez a signé l' »accord » avec le FMI, trois jours après avoir assumé le gouvernement, beaucoup de gens n’ont pas bien compris ce que signifiait un paragraphe de trois lignes qui imposait au gouvernement équatorien la concession de l’administration des entreprises électriques à des entreprises étrangères. En réalité, comme on ne peut pas privatiser ces entreprises, il vaut mieux en concéder l’administration au capital étranger, ce qui provoquerait des hausses de prix qui, à leur tour, produiront l’excédent électrique qui sera envoyé aux Etats-Unis, spécialement en Arizona et au Texas.

La politique énergétique vénézuélienne actuelle

Selon un article intitulé : « Malgré la politique, les grandes compagnies pétrolières augmentent les investissements au Venezuela », publié dans The Wall Street Journal (24/08/04) : « Le tiers de la production pétrolière est effectuée à travers ce qu’on appelle les Conventions Opérationnelles, entre PDVSA et les transnationales ». Dans ces conventions, selon le texte de Pablo Hernández, PDVSA paye 15 dollars le baril de pétrole extrait par les entreprises privées, et la même opération effectuée par l’entreprise étatique coûte 3 dollars. Ces conventions représentent pour PDVSA, dans le premier semestre de 2003 une dépense de 2.770 millions de dollars. Elle a également obtenu des royalties de 2.614 millions. Il y a plusieurs conventions opérationnelles pour 20 ans et le Ministère de l’Énergie et des Mines envisage de nouvelles conventions pour 40 ans. A l’époque du dictateur Juan Vicente Gómez, on livrait des lots de 100 km² comme concession. Actuellement, on livre des lots d’exploitation du gaz par 1.000 km² et pour 65 ans.

La convention opérationnelle pour le champs pétrolier de Tomoporo Ceuta est un important exemple de cette politique. Ce champs produit

100.000 de barils de pétrole par jour et ses réserves sont de 2.500 millions de barils. Ce champs fait partie de l’immense bassin du lac de Maracaïbo. Là, le coût de production ne dépasse pas les 1,30 dollars le baril et son prix de vente dépasse les 33 dollars. L’ex vice-ministre des hydrocarbures et actuel responsable pour les conventions opérationnelles, Luis Vierna, a dit dans une entrevue au journal espagnol Expansion (10/04/03) qu’il espère « que Repsol aura une participation de 49%, ce pourquoi il payera 700 millions ». Pour ces 700 millions, on offre à l’entreprise espagnole la possibilité de devenir propriétaire d’un champs qui peut produire et générer jusqu’à 40.000 millions de dollars!!!

D’autre part, un document de PDVSA (Sauvetage de l’Industrie -PC2003 -Tournée dans les zones ») propose « d’établir une politique et un programme orientés vers la diminution de la grande disparité sur le marché interne par rapport au marché externe », c’est-à-dire d’élever le prix interne de l’essence et faire entre-temps des concessions aux transnationales avec les Conventions Opérationnelles.

ZLEA, Plan Puebla Panamá y IIRSA

L’impérialisme combine plusieurs tactiques dans sa politique de recolonisation. La Zone de Libre Echange des Amériques ou ZLEA, une des politiques plus connues est liée à un projet plus stratégique appelé Plan Pueblo Panamá (PPP), qui est promu depuis le gouvernement de Fox au Mexique. L’IIRSA (Intégration de l’Infrastructure Régionale Sud Américaine), est une version du PPP pour l’Amérique du Sud. Stratégiquement, l’IIRSA serait intégré au Plan Puebla Panamá.

Álvaro Uribe, le big boss de l’Empire dans la région, bien connu pour son soutien à la politique guerrière de Bush et exécuteur du Plan Colombie, a visité le Venezuela en juillet 2004 et a indiqué à Chavez la nécessité de construire un gazoduc entre Maracaïbo (Venezuela) et Puerto Baleines (Colombie) pour transporter entre 150 et 200 millions de pieds cubiques de gaz, avec un coût de 235 à 270 millions de dollars, ainsi qu’un poliduc Maracaïbo -Puerto de Tribugal, dans le Pacifique colombien, qui permettrait d’ouvrir les marchés asiatiques et de l’ouest des Etats-Unis et d’intégrer ainsi le Venezuela au PPP.

En réalité, il ne s’agit pas d’une idée originale d’Uribe. C’est plutôt l’application d’un document de la BID, du 30/04/01, appelé : « Connectivité de la Proposition Régionale de Transformation et Modernisation de l’Amérique Centrale et du Plan Puebla Panamá ». Postérieurement, « le Mémorandum d’entendement en matière d’interconnexion gazière » a été souscrit. Selon Hebert López, dans l’hebdomadaire vénézuélien Las Verdades de Miguel (n° 19, 06/08/04), Alí Rodriguez, président de PDVSA, affirme qu’il sera prêt en 2006 et la construction sera à charge d’Ecopetrol et de Chevron Texaco. L’entreprise américaine Chevron Texaco s’est rendue célèbre ces derniers temps parce qu’elle est une des entreprises choisies par Bush pour commercialiser le pétrole pillé de l’Iraq.

Ce projet fait penser au gazoduc de 1.464 km qui relie le Turkménistan au Pakistan et qui passe par l’Afghanistan et continue ensuite encore 750 km pour arriver jusqu’en Inde. Ce gazoduc asiatique a causé l’invasion de l’Afghanistan et la mort de centaines de milliers de personnes dans la région. Quel sera le coût en Amérique latine et spécifiquement dans le PPP ? De la même manière qu’il y a un SIEPAC pour mener l’énergie électrique de l’Amérique du Centre et du Sud vers les Etats-Unis, maintenant, l’Empire est en train de mettre sur pied, avec l’aide Uribe et de Chavez, la construction d’un gazoduc dans le but de livrerdu gaznaturel vénézuélienauxEtats-Unis.

L’anti-impérialisme de Chavez

Le Wall Street Journal, est un des journaux les plus prestigieux des investisseurs yankees. Aussi républicain que Bush, il traite le sujet du chavisme dans ses éditions sans beaucoup de préjugés. Dans son édition du 12 septembre 2003 le titre est catégorique : « En dépit de la rhétorique, le Venezuela dépend de plus en plus des compagnies pétrolières étrangères ». Le texte ne laisse pas de doutes : « Le président du Venezuela, Hugo Chavez, aime bien parler de transformer le monopole pétrolier étatique en une ‘compagnie du peuple ‘. Mais dans la pratique, le pays devient de plus en plus dépendant des entreprises étrangères pour stimuler la production. (…) Il a approuvé une loi qui a ouvert le business du gaz naturel aux étrangers. Bien que l’intérêt dans de nouvelles entreprises pétrolières ait été atténué par des royalties plus élevés, un nombre de plus en plus grand d’entreprises étrangères tentent leur chance maintenant que le Venezuela a ouvert la seconde ronde de concurrence pour l’allocation d’exploitations de gaz naturel« . ConocoPhillips, Chevron Texaco, Exxon Mobil Corp et Royal Dutch/Shell Group sont activement en train d’investir. « Chavez a promis de créer une PDVSA ‘patriote’ qui appartienne au peuple vénézuélien, mais ses discours sont atténués par la réalité. »

Dans un autre article (24/08/04), le Wall Street Journal montre que, outre les investissements dans le gaz naturel, les transnationales sont maintenant aussi intéressées d’investir dans le pétrole. « La furieuse rhétorique anti¬américaine du président Chavez n’inquiète guère un groupe d’investisseurs : les grandes compagnies pétrolières. »

Des changements après le plébiscite révocatoire

Le 29 février 2004, Chavez a affirmé que le processus révolutionnaire était entré dans sa phase anti-impérialiste. Depuis cette date, il a lancé ses dards contre l’impérialisme yankee, spécialement contre George Bush. Mais en inaugurant les installations de Chevron Texaco, il a fait allusion aux relations avec le gouvernement de Bush de la façon suivante : « Nous espérons que ceux qui le conseillent réfléchissent un peu, parce que nous ne comprenons pas comment un pays comme celui-là, allié stratégique, partenaire stratégique, a été soumis à la pression« . Face à une éventuelle victoire de Kerry, il a dit : « nous espérons aussi qu’on entame une nouvelle étape dans des relations franches, sincères, d’affection et de coopération ».

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