Depuis le 30 mars, les travailleurs/euses du SIVOM de la Vallée de l’Yerres et des Sénarts, basé à Varennes-Jarcy (91) étaient en grève pour 9% d’augmentation de salaires, pour de meilleures conditions de travail, et contre le harcèlement dont ils et elles font l’objet. Tout ceci se situe dans le cadre de la réforme des retraites que Macron veut nous imposer : les grévistes ne s’imaginent vraiment pas travailler deux ans de plus. Le SIVOM (Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple) regroupe quinze communes aux confins de l’Essonne (91), du Val de Marne (94) et de la Seine et Marne (77)[1]. Du point de vue des travailleurs/ses, le SIVOM a trois grands départements : la collecte des déchets, leur traitement, ainsi que la propreté urbaine.
Dans la matinée du mardi 2 mai, au lendemain d’une belle manifestation parisienne qui a permis de collecter beaucoup d’argent pour la caisse de grève, l’AG des grévistes a décidé la reprise du travail, sans victoire mais dans l’unité, avec la fierté de la dignité défendue, contre un employeur brutal et méprisant, qui, espérons-le, devra bientôt s’expliquer sur les mystères de sa gestion ! Avec cette reprise du travail, il s’agit de récupérer des forces pour pouvoir lutter à nouveau, tout en restant vigilant.es ; mais en évitant les déchirements. Les grévistes et leurs délégué.es syndicaux/ales disent avoir beaucoup appris dans cette lutte, la première sur ce SIVOM. Le patron n’a cédé sur rien, mais a proposé un protocole d’accord de fin de grève complètement nul, qui n’a pas été signé par les responsables syndicaux.
Durant la grève, la présence des soutiens a été très importante, non seulement lors des actions menées dans les communes environnantes, mais au quotidien auprès du piquet de grève : étudiant.es, travailleurs/ses du même secteur ou d’autres branches, chômeurs/ses, retraité.es… Cette solidarité a été saluée comme un facteur qui a donné courage et énergie aux grévistes. Ils et elles ont également pu compter, malgré la gêne causée par la grève et la fermeture des déchetteries, sur le soutien moral des contribuables des communes concernées, nombreux/ses à avoir souhaité que les grévistes obtiennent une augmentation, même si cela devait faire augmenter leurs impôts, et qui sont choqué.es, à défaut d’être surpris.es, par l’entêtement de Guy Geoffroy – le président du SIVOM – à refuser tout geste en direction des grévistes. Ces dernier.es, qui tiennent à exprimer toute leur reconnaissance pour ces témoignages de solidarité, veulent maintenant organiser une soirée festive, où leurs nombreux soutiens seront conviés.
Le 6 mai 2023
Par Michaël Lenoir
Est-ce que vous pouvez vous présenter rapidement ?
Moi c’est Céline. Une des femmes de ce piquet de grève. Au SIVOM depuis bientôt 4 ans. On a commencé lors d’une réunion et depuis on n’a pas lâché.
Moi je suis Nathalie. Je suis contrôleuse-trieuse à la déchetterie de Moissy-Cramayel. Je suis déléguée CSE, syndiquée FO. J’y suis depuis le début de cette grève, pour nos revendications qui sont autour du salaire, du matériel, du harcèlement… Voilà.
Moi, c’est Aurélien. Je suis à la propreté urbaine. Syndiqué à la CGT. En grève depuis le 30 mars. On a acté la fin du mouvement. Nos revendications, c’est 9% d’augmentation de salaire ; les conditions de travail, qui sont déplorables. Et jusqu’ici, malheureusement, on n’a rien obtenu.
Peut-être quelques mots sur la manière dont la grève a démarré. Quels rapports avec le mouvement de lutte contre la réforme des retraites en général ? Comment est-ce que ça a été décidé ici ?
Nathalie :
En fin de compte, notre grève a été décidée parce qu’on a eu des réunions avec la direction où on n’obtenait rien. On leur a expliqué qu’on allait faire grève ; ils ne nous ont pas trop crus. Ça fait plus d’un mois qu’on est en grève. Par rapport aux revendications, c’est vrai qu’il y a aussi l’histoire de la retraite. Et on a du mal à imaginer un ripeur aller à 64 ans derrière un camion. En encore, quand on dit 64 ans, c’est s’il a toutes ses annuités. S’il n’a pas ses annuités, il risque d’aller à 65, 67… Et je ne vois pas comment il pourra monter et descendre du camion régulièrement, toute la journée. Enfin ce n’est pas nous qui décidons mais à première vue l’État estime qu’ils seront assez en forme pour pouvoir faire leur travail…
Dans quel cadre la grève a-t-elle été décidée ? Une AG ? Un mot d’ordre syndical ? Intersyndical ?
Céline :
Comme ma collègue l’a dit, on a eu plusieurs entretiens avec la direction. On leur a demandé de faire le nécessaire. Comme l’a dit ma collègue, ils ne nous ont pas crus. On est arrivés au point où le dernier recours, c’était la grève.
Peut-être quelques chiffres : combien y a-t-il de salarié.es ici ? Réparti.es comment en termes de services ? Et en termes de syndicalisation, quelles forces y a-t-il ? Pouvez-vous donner quelques précisions là-dessus ?
Nathalie :
Nous sommes à peu près 200 ouvriers, avec des fonctionnaires et des salariés du privé. On est 25% à faire grève. On a deux syndicats principaux : pour les fonctionnaires, c’est la CGT ; et pour le privé, c’est FO.
Pour rester un peu sur cette question syndicale : est-ce que vous avez l’impression que les syndicats se sont renforcés dans cette grève ? quel impact a cette grève à ce niveau ? Et peut-être aussi une question sur les rapports entre le syndicat local, les instances au-dessus : et le niveau confédéral : que pouvez-vous dire là-dessus ?
Nathalie :
Pour les instances syndicales : pour FO, on n’a pas vu grand monde ; on a eu le soutien d’autres fédérations (spectacle, enseignement).
A quel niveau ?
Nathalie :
Au niveau départemental.
Du côté de FO, nous leur avons demandé de nous aider financièrement.
Du côté de la CGT, pour les fonctionnaires, on a eu Stéphanie qui est venue plusieurs fois, qui nous a beaucoup aidés, qui a apporté beaucoup de soutien, qui nous a aidés à faire des papiers, etc. Donc, là, on peut dire qu’on a eu un soutien. Elle nous a promis qu’une aide financière nous serait remise. On sait qu’on l’aura. Ce n’est qu’une question de jours.
Pour la grève elle-même, comment ça s’est échelonné les différentes semaines ? Comment ça a évolué, en termes de participation ? Éventuellement aussi en termes de mots d’ordre, d’axes de combat ? Et quelles actions extérieures avez-vous menées ?
Nathalie :
Tout ce qu’on a fait, de toutes façons, ça a été décidé aux AG, qu’on faisait tous les jours. C’est ensemble qu’on a décidé de continuer. Et pour les actions, chacun a fait des propositions. On a décidé de faire certaines actions en commun. Avec ceux qui pouvaient, aussi, parce que nous n’habitons pas tous dans le même coin. Certains ont trois quarts d’heure de route à faire tous les jours pour venir travailler. Donc ils ne peuvent pas venir plusieurs fois par jour… surtout quand on n’est pas payé. Voilà le problème !
Pour les actions, il y a eu le voyage à Yerres, où vous avez reçu un chèque de soutien. Il y a eu aussi une visite à Combs-la-Ville, récemment. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Nathalie :
A Combs-la-Ville, il y en a eu deux.
Il faut peut-être expliquer à propos de Combs-la-Ville…
Nathalie :
Le maire de Combs-la-Ville est le président du SIVOM. C’est lui qui nous met des barrières.
Mon avis personnel, c’est qu’on aurait peut-être obtenu des choses si ça n’avait pas été M. Geoffroy qui avait été président du SIVOM.
Maintenant, le mouvement vient de prendre fin. Qu’est-ce qu’il faut en tirer comme leçons selon vous ?
Céline :
Même si le mouvement prend fin physiquement, il y a du boulot à faire derrière. On a commencé des actions. Malheureusement, c’est le temps qui nous donnera raison.
Nathalie :
Voilà. C’est une question de temps, maintenant. On a lancé des procédures, on verra ce que ça donne…
Parce qu’il y a des irrégularités au niveau de la gestion…
Nathalie :
Tout à fait. En tout cas, nous pensons qu’il y a des irrégularités et c’est pour cela que nous lançons des procédures, parce que ce sont ces procédures qui nous prouveront si, oui ou non, nous avions raison. Tout simplement.
Aurélien :
Tout ce mouvement nous a permis de nous renforcer, de faire connaissance. Ça nous a appris beaucoup de choses. Et ça nous apprend pour le futur.
Propos recueillis par Michaël Lenoir le 2 mai 2023.
[1] Les villes de Brunoy et Yerres, par exemple, sont dans l’Essonne ; celles de Villecresnes et Marolles-en-Brie sont situées dans le Val de Marne ; celles de Brie-Comte-Robert, Combs-la-Ville et Moissy-Cramayel appartiennent à la Seine et Marne.