Par Fabio Bosco, le 17 janvier 2025
Le 15 janvier, le Premier ministre qatari Mohammed al-Thani a annoncé un accord de cessez-le-feu global entre l’État d’Israël et la résistance palestinienne dirigée par le Hamas à compter du 19 janvier. Alors que l’accord était en cours de négociation, Israël a continué à bombarder Gaza.
Outre la cessation des hostilités, l’accord prévoit l’échange de prisonniers, y compris de prisonniers politiques palestiniens condamnés à la prison à vie, le retrait des troupes israéliennes de Gaza à l’exception d’une bande frontalière de 700 mètres, l’entrée généralisée de l’aide humanitaire, la libre circulation des Palestiniens à l’intérieur de Gaza, un plan de reconstruction et l’extension du gouvernement de l’Autorité palestinienne à Gaza sur la base de forces militaires provenant de pays arabes. L’accord sera mis en œuvre en trois phases et supervisé par les États-Unis, l’Égypte et le Qatar.
Le gouvernement israélien avait d’autres projets pour Gaza : l’étranglement de la résistance palestinienne, l’occupation militaire permanente, l’expulsion de la population palestinienne du nord de Gaza et son remplacement par des colonies sionistes. Mais ces objectifs se sont heurtés à la résistance héroïque des Palestiniens et de leurs alliés.
Le peuple palestinien a survécu à 15 mois de génocide sciemment mis en œuvre par les sionistes à travers les bombardements, les balles, la faim, le froid et la fin des services de santé. Au moins 65 000 Palestiniens ont été tués à Gaza, dont 70 % de femmes et d’enfants, et 800 autres en Cisjordanie, où des milliers de personnes ont été arrêtées. En outre, 70 % des bâtiments, y compris les écoles et les hôpitaux, ont été détruits. La résistance palestinienne héroïque, affaiblie, a recruté de nouveaux membres et a mené des attaques à l’arme à feu et au couteau contre les soldats israéliens à Gaza.
La résistance palestinienne a aggravé la crise économique israélienne, entraînant l’exode des capitaux et de centaines de milliers de sionistes libéraux. En outre, il existe un conflit entre l’État israélien et la population haredi orthodoxe qui refuse de participer à la conscription militaire. Enfin, la situation humiliante des prisonniers israéliens à Gaza a mobilisé les familles et les amis et gagné la sympathie de la majorité de la population. Sur le plan extérieur, l’isolement international croissant et la perte de soutien au sein de la population, en particulier parmi les jeunes et la communauté juive aux États-Unis, entravent le projet sioniste dans son ensemble.
Qui paie l’orchestre, choisit la musique.
Mais rien de tout cela ne semble déranger Netanyahou et son cabinet d’extrême droite. Jusqu’à ce que son principal sponsor, les États-Unis, par l’intermédiaire de l’émissaire de Trump, rapporte le 11 janvier au soir la position du nouveau président en faveur d’un cessez-le-feu immédiat compte tenu de l’impasse dans laquelle se trouve Israël qui, face à la résistance, ne parvient pas à établir une occupation militaire effective à Gaza ou au Sud-Liban. La presse israélienne a rapporté qu’il s’agissait d’une imposition, et on ne sait pas si un feu vert a été négocié pour d’autres objectifs sionistes tels que l’annexion de la Cisjordanie. Trump veut certainement s’appuyer sur cet accord de cessez-le-feu comme levier pour mettre en œuvre l’« Accord d’Abraham », initié sous sa première administration et bloqué par la guerre de Gaza, qui vise à normaliser les relations d’Israël au Moyen-Orient en commençant par l’Arabie saoudite.
Le fait est que l’État d’Israël dépend du financement, des armes et du soutien diplomatique des États-Unis pour exister, et il serait imprudent de contredire Trump.
Outre l’impérialisme américain, d’autres pays impérialistes qui soutiennent Israël bénéficient également de cet accord, comme les Européens qui livrent des armes, la Russie, qui exporte du pétrole, et la Chine, qui est le principal partenaire commercial des sionistes. L’impérialisme européen s’attend à une réduction de la vague de mobilisations populaires contre le soutien au génocide israélien, et la Chine pourra reprendre les routes commerciales de la mer Rouge, obstruées par les Houthis yéménites en solidarité avec la Palestine.
Parmi les pays arabes, l’Égypte bénéficiera de la normalisation du trafic maritime dans le canal de Suez et des revenus que lui procurera le contrôle du poste frontière de Rafah. Le Qatar s’affirme, une fois de plus, comme le régime arabe le plus populaire auprès des Palestiniens avec les Houthis. Et les autres peuvent reprendre les accords de normalisation honteux avec l’État d’Israël, sans s’exposer à une énorme fureur populaire.
Un nouveau Moyen-Orient ?
Le président Joe Biden, infatigable pourvoyeur d’armes pour le génocide à Gaza, en Cisjordanie et au Liban, a déclaré que son administration était responsable du cessez-le-feu parce qu’elle avait forcé le Hamas à l’accepter depuis la formation d’un nouveau Moyen-Orient avec l’affaiblissement du Hezbollah et la chute de Bachar el-Assad.
Le Hamas avait déjà accepté l’accord de cessez-le-feu annoncé par Joe Biden en juin 2024. En d’autres termes, le véritable obstacle au cessez-le-feu était Netanyahou, qui peut poursuivre le génocide grâce au financement, aux armes et à la protection diplomatique du propre gouvernement de Joe Biden, et avec le soutien ou la complicité d’autres pays impérialistes.
En ce qui concerne le Liban, il y a effectivement une avancée dans la politique américaine après l’élection du général Joseph Aoun et la nomination de Nawaf Salam au poste de Premier ministre, tous deux soutenus par les États-Unis et l’Arabie saoudite. Mais de là à désarmer le Hezbollah, il y a un long chemin à parcourir.
En Syrie, le maintien du dictateur génocidaire Bachar al-Assad a été soutenu à la fois par les États-Unis et par Israël. Assad a protégé l’occupation israélienne du plateau du Golan pendant 50 ans et a pris ses distances avec le régime iranien. En outre, il maintient plusieurs membres de la résistance palestinienne dans les tristement célèbres prisons de Sednaya et dans la « branche palestinienne ». Les seuls pays qui ont aidé, d’une manière ou d’une autre, à l’offensive militaire et populaire qui a conduit à la chute d’Assad sont la Turquie, le Qatar et les services secrets ukrainiens qui ont fourni la technologie des drones à des fins militaires. Mais le facteur décisif a été la haine de la population syrienne contre Assad, qui a supprimé sa base sociale et a permis le triomphe de l’action combinée de l’offensive militaire menée par le HTS à partir d’Idlib et du soulèvement populaire dans le sud et l’agglomération de Damas.
Le nouveau régime syrien cherche à reconstruire le pays en collaboration avec tous les pays impérialistes et les puissances régionales telles que la Turquie et l’Arabie saoudite, ainsi que les pays voisins. C’est pourquoi il se limite à des protestations diplomatiques contre l’occupation israélienne du Golan. Mais au sein de la population syrienne, la sympathie pour la cause palestinienne a toujours été et reste majoritaire. A moyen terme, elle se retournera contre l’occupation israélienne, sous une forme ou une autre, sans qu’une dictature sanguinaire ne protège les sionistes.
Conscient de cette réalité, l’État d’Israël a bombardé 800 cibles militaires et de renseignement syriennes, dans la plus grande opération aérienne de l’histoire des sionistes, et veut promouvoir une conférence pour la partition de la Syrie en trois États : un druze au sud, un kurde au nord-est et un Damas syrien. Bien entendu, ce plan dépend de sa mise en œuvre par les Etats-Unis.
Enfin, la question iranienne. Le régime iranien privilégie un accord avec l’impérialisme occidental basé sur la reprise de l’accord nucléaire en échange de la fin des lourdes sanctions économiques. Dans le même temps, il signe un accord de soutien mutuel avec l’impérialisme russe pour faire face à une éventuelle agression militaire impérialiste d’Israël, dont le gouvernement est prêt à attaquer des installations nucléaires, militaires ou pétrolières. Une fois de plus, cela dépend entièrement du soutien américain.
Une conquête partielle, mais la lutte doit continuer
Dans ce contexte régional et international, nous pouvons affirmer que la fin du génocide est une conquête partielle des Palestiniens. Ce n’est pas un hasard si l’annonce de la trêve a été accueillie par des manifestations de joie dans toute la Palestine. Le peuple palestinien, une fois de plus, par sa résistance héroïque, empêche Israël, malgré son écrasante supériorité militaire, d’atteindre tous ses objectifs.
Mais il ne s’agit pas d’une véritable paix. Nous sommes face à un processus très fragile, au milieu d’une catastrophe humanitaire indescriptible, où il n’est même pas certain qu’Israël respectera les termes de l’accord. Ce cessez-le-feu ne signifie pas la fin de la violence du sionisme génocidaire. Il n’y aura pas de paix sans la fin de l’occupation israélienne et tant qu’il n’y aura pas une Palestine libre du Jourdain à la Méditerranée.
Cette trêve ne peut pas non plus servir à faire oublier le génocide commis par Israël avec la complicité de tous les gouvernements impérialistes. Nous devons continuer à exiger que les criminels sionistes soient arrêtés comme l’ordonne la Cour pénale internationale et jugés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Ce résultat partiel ne sera maintenu et élargi qu’avec le renforcement de la résistance palestinienne, par la mobilisation populaire et l’autodéfense armée, en coordination avec la solidarité internationale de la classe ouvrière et de la jeunesse arabes et du monde entier, afin de renverser des régimes comme celui de la Syrie et de paralyser la machine militaire des pays impérialistes.