Nous sommes confrontés à un nouveau tournant dans la guerre en Ukraine. La surprenante résistance ukrainienne – dont les forces armées ont été gonflées par le recrutement d’une majorité significative de travailleurs et de membres de la classe ouvrière – a mis la deuxième plus grande armée du monde sur la défensive et a fait de l’Ukraine l’épicentre de la confrontation entre la révolution et la contre-révolution à l’échelle mondiale.
Cette résistance prouve qu’elle peut gagner la guerre, car elle développe une activité coordonnée entre l’artillerie et l’infanterie, ainsi que l’action des combattants volontaires et des partisans qui effectuent des sabotages à l’intérieur des territoires occupés. Mais ils ont besoin d’armes adéquates, supérieures et plus efficaces pour les batailles à venir.
Par: Americo Gomes et Pavel Polska, Ligue Internationale des Travailleurs – QI
17 novembre 2022
L’impérialisme refuse d’envoyer ces armes, prétendant qu’il a peur qu’elles tombent entre les mains de contrebandiers et de l’armée russe. Il « craint qu’elles soient utilisées contre le territoire russe et que la guerre s’intensifie », mais la vérité est qu’il craint les conséquences qu’une victoire catégorique de la résistance ukrainienne aura pour tous les peuples du monde.
La presse bourgeoise dissimule le rôle de la résistance courageuse formée par de simples travailleurs des métiers et professions les plus divers, qui prennent les armes pour se défendre contre les envahisseurs russes. Une population prolétarienne armée, alors que la bourgeoisie fuit le pays et prétend continuer à faire des affaires depuis l’étranger.
Un nouveau tournant dans la guerre
Au cours des presque neuf mois de combats, nous avons été confrontés à plusieurs moments du conflit, tels que l’offensive russe et le siège de Kiev, puis le retrait vers l’est de l’armée russe. Aujourd’hui, on assiste à un changement de positions, l’armée russe abandonnant la ville de Kherson et toute la rive ouest du Dniepr, ce qui montre que la Russie est sur la défensive et se retranche sur la rive gauche pour tenter de défendre la Crimée. Nous ne devons toutefois pas sous-estimer leurs actions, les dommages qu’ils causent et la possibilité d’une nouvelle offensive.
La résistance ukrainienne a réussi à vaincre la guerre éclair russe, à épuiser l’offensive et à inverser le cours de la guerre. On estime qu’environ 80 000 soldats ukrainiens ont dû mourir pour prouver que la cause ukrainienne vaut la peine d’être défendue et que l’aide et la défense fonctionnent.
A Kiev, cela a été crucial grâce aux combattants volontaires issus de la classe ouvrière.[1]
La résistance de Kiev
Le 25 février, les militaires ont été contraints de distribuer des milliers de fusils AK aux citoyens de Kiev en prévision de la résistance, soit environ 18 000.[2] « Des gens très normaux », mais tous prêts à se battre jusqu’au bout dans les rues ou sur les champs de bataille de Bucha et d’Irpin, beaucoup d’entre eux ne comptant que sur les cocktails Molotov pour affronter les chars. Ils partagent la nourriture, dorment dans des locaux communs et se réveillent souvent ensemble au son de l’artillerie ennemie.[3].
Pendant ce temps, les convois russes se déplaçant sur les routes forestières ukrainiennes sont pris en embuscade par des unités ukrainiennes. En certaines occasions, ces unités ont laissé passer les chars pour attaquer les camions de carburant qui suivaient les véhicules blindés. En conséquence, les chars sont rapidement tombés à court de carburant et ont dû s’arrêter, en position d’être capturés intacts.
Pour faire face à l’avancée des hordes russes, l’armée ukrainienne a décentralisé le système de commandement et de contrôle et a confié l’autorité aux chefs du terrain, qui connaissaient mieux la situation. Les formations ukrainiennes, plus motivées, plus flexibles et plus efficaces, étaient de petites unités très mobiles, à même d’éviter de devenir des cibles importantes et faciles pour les attaques russes.
Entre février et mars, les combats à Kiev ont été rapides – cinq semaines. Et les envahisseurs ont fui, mais les pertes ukrainiennes ont été terribles. C’était ça le chemin vers la victoire dans la Bataille de Kiev.
La résistance ukrainienne à l’offensive
Pour l’instant, on peut dire que l’offensive militaire est entre les mains des Ukrainiens. Ils libèrent une vaste zone territoriale autour de Kharkiv et progressent vers le sud et l’est. Il y a des nouvelles de localités libérées à Lougansk et Donetsk, qui ont obligé la Russie à se retirer. Comme Kupiansk, qui était un important centre d’approvisionnement oriental pour les forces russes. Le ministère russe de la Défense a déclaré que ses troupes s’étaient également retirées du centre militaire d’Izyum voisin, ainsi que de Balaklyia, pour « se regrouper ».
Selon les spécialistes militaires, c’est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale que des unités russes entières sont perdues. La combinaison d’attaques massives à la roquette sur l’arrière des Russes et d’attaques réussies sur leurs principales lignes de front, comme à Davydiv Brid, a fini par porter ses fruits.
En ce moment, la ville de Kherson est reconquise et la population, qui résistait à la présence des troupes russes et à la déportation forcée (que le Kremlin appelle évacuation), accueille les troupes ukrainiennes comme de véritables libérateurs. C’est l’un des événements les plus importants de la guerre et il aura des conséquences sur son issue. Pour la Russie, cela signifie que ses chances de prendre Mykolaiv et Odessa sont éliminées. Une défaite humiliante pour ceux qui, il y a un mois, revendiquaient la souveraineté sur Kherson et la région.
Les combats se concentrent désormais sur la rive orientale du Dniepr, les forces russes étant fortifiées sur les rives est et sud, selon les images satellite, avec trois lignes parallèles de défense, de 100 kilomètres de long, composées de tranchées, de nids de mitrailleuses, de bunkers et de véhicules blindés. Pour que les Ukrainiens gagnent, il faut une supériorité aérienne, qui ne peut être obtenue qu’en les équipant d’avions et d’artillerie capables d’atteindre une distance de 300 kilomètres, ainsi que de systèmes supplémentaires de défense aérienne. Autant de moyens que le gouvernement étasunien a jusqu’à présent refusé de fournir.
Le travail partisan de résistance clandestine à Kherson
Le siège de Kherson s’accompagnait du travail clandestin des partisans à l’intérieur de la ville. Pour les empêcher de communiquer, les Russes coupaient l’internet dans la région. Et les partisans se servaient donc de radios, ou de téléphones portables analogiques lorsque les tours de relais fonctionnaient.
Les officiers russes avaient fait croire aux soldats qu’ils seraient accueillis comme des libérateurs du peuple ukrainien contre les oppresseurs « nazis ». Beaucoup d’entre eux étaient donc étonnés et non préparés à l’accueil qu’ils ont reçu dès les premiers jours : non seulement ils n’ont pas été accueillis avec des fleurs, mais ils ont été activement détestés. Cette haine alimente le mouvement partisan dans les territoires ukrainiens occupés.
Être un partisan ne signifie pas nécessairement être directement impliqué dans le sabotage. Beaucoup de gens transmettent massivement le mouvement de colonnes et de groupes d’envahisseurs en temps réel aux troupes ukrainiennes, souvent simultanément par des dizaines d’observateurs situés dans des bâtiments longeant une rue ou une avenue.
Les Ukrainiens disposent d’une application de service public sur leur téléphone, appelée Diia (Дія –action, acronyme pour « l’État et moi »), qui permet de transmettre des copies électroniques certifiées de documents pour la police ou les gardes-frontières, tels que les passeports, les permis de conduire, les certificats de vaccination, etc. Depuis février, cette application est utilisée pour faire des dons à l’armée ukrainienne, pour acheter des bons militaires de soutien à l’armée, et elle permet l’ accès, réservé ainsi aux citoyens ukrainiens, au Groupe « eVorog » (e-Ennemi, en ukrainien) sur Telegram qui permet de signaler en temps réel un mouvement de convois ennemis, l’endroit où ils passent la nuit, les personnes qui coopèrent avec eux.[4]
Depuis septembre, plus de 368 000 Ukrainiens ont utilisé le chat sur eVorog. Les rapports couvrent également les mouvements des chemins de fer, les dépôts de munitions, les stations radar, les positions d’artillerie, les aérodromes d’hélicoptères, et même la localisation des commandants des troupes russes. D’autre part, eVorog permet aux utilisateurs actifs d’obtenir une aide, éventuellement par des techniciens, pour les déterminations par géolocalisation.
À Kherson, il y a le groupe de supervision, qui a coordonné les premières manifestations de protestation dans la ville contre la présence russe et est devenu un réseau de renseignement ukrainien dans la région. Il compte 42 000 abonnés, qui suivent actuellement l’offensive des VSU (Forces Armées Ukrainiennes).
Moyennant eVorog, on collecte également des fonds pour aider les unités ukrainiennes à libérer la région. Cet argent est utilisé pour acheter du tout, des caméras thermiques aux gants thermiques.
Parmi ces partisans, on trouve des héros individuels et des groupes auto-organisés. Ces groupes, en plus de fournir des informations, attaquent également les patrouilles russes et s’emparent de leurs armes, allant parfois jusqu’à justicier des membres des troupes d’occupation. D’autres sont des spécialistes dans certains domaines, ou simplement des éclaireurs.
Parmi les informateurs partisans, il y a des grands-parents qui, avec leurs petits-enfants, signalent les mouvements des chars ou les endroits où les Russes ont installé leur quartier général. Le centre des partisans organise les informations et les catalogue individuellement et en groupes, assurant ainsi le flux d’informations vers les forces combattantes.
D’autres stockent des armes et préparent des embuscades. Il n’y a pas de grand réseau qui organise tout, bien que des groupes spéciaux de combattants soient entrés et continuent d’entrer dans le territoire occupé.
Bien entendu, les Russes réagissent par des Camps de filtrage et de contrôle, que les forces d’occupation utilisent pour détenir, interroger et déporter des centaines de milliers d’Ukrainiens, dans certains endroits 100 % de la population masculine. À Kherson, tous les hommes, à partir de 16 ans et sans limite d’âge, ont été arrêtés, battus pendant quelques jours, emprisonnés dans des fosses creusées par eux-mêmes. Avec des opérations de nettoyage de population, comme à Dniéper. Il y a les recherches à domicile, les vérifications téléphoniques. Il y a les camps de concentration formés avec des civils, comme près de Mariupol, avec de nombreux prisonniers, des jeunes de moins de 18 ans. C’est le cas de la colonie 17 à Henichesk ; la 90 ; le centre de détention temporaire à Kherson ; et le centre de détention provisoire à Nova Kakhovka. Sans compter des lieux de torture comme l’école professionnelle de Henichesk, où ils ont équipé un kativno (bourreau).
La Russie est considérée comme un leader mondial en matière de capacités et de tactiques avancées de Guerre Électronique (GE), un ensemble d’actions militaires qui utilisent l’énergie électromagnétique, des ondes radio aux rayons gamma, pour prendre le contrôle du rayonnement de l’ennemi. Grâce à ces transmissions (vocales, par radio, par radar, par micro-ondes), les informations, les renseignements, les données, les images, les ordres et les rapports circulent. Et les Russes brouillent, neutralisent et bloquent donc les transmissions HF, VHF et UHF de l’ennemi. Ils tentent d’aveugler ou de falsifier les émissions au-dessus du territoire ukrainien des systèmes de géo-localisation (GPS – étasunien, GLONASS – russe, Galileo – européen et Beidou – chinois) afin de rendre difficile le suivi de la trajectoire des missiles à moyenne portée utilisés sur le théâtre d’opérations.[5]
Lorsque rien de tout cela ne fonctionne, ils coupent tout simplement l’électricité et les communications dans certaines villes, pendant un jour ou deux. Malgré cela, la résistance dans les territoires occupés continue de fonctionner.
La défense territoriale
Dans certaines zones libérées, des Forces Territoriales de Défense de l’Ukraine ont été créées ; officiellement considérées comme une composante militaire de réserve des Forces Armées de l’Ukraine, elles ont été formées suite à la réorganisation des Bataillons de Défense Territoriale. Ce sont des milices de volontaires, composées de réservistes à temps partiel, généralement des anciens combattants et des volontaires civils locaux pour la défense du territoire, techniquement sous le commandement du ministère de la Défense, et formalisées en 2022 comme un corps de défense unifié.
Beaucoup de ces miliciens sont d’anciens combattants vaincus dans les conflits de 2014, dans la guerre de Crimée ou dans les combats de la guerre du Donbass initiés par les séparatistes soutenus par Moscou. Ces séparatistes étaient alors mal préparés, mal équipés, ils manquaient de professionnalisme, de moral et de combativité, et le haut commandement était gravement incompétent. Dès lors, des milices de volontaires et des groupes paramilitaires ont été formés pour les combattre. Ces Bataillons de Défense Territoriale et ces Bataillons de Volontaires ont eu le mérite de tenir la ligne contre les forces séparatistes et de permettre à l’armée ukrainienne de passer à l’offensive.
Le 11 février 2022, le nombre de volontaires est passé de 1,5 million à 2 millions.[6] Avec l’invasion russe, de nombreux civils ont rejoint les groupes locaux des Forces Territoriales de Défense pour lutter contre les envahisseurs. Le 6 mars, près de 100 000 personnes se sont portées volontaires pour les Forces Territoriales de Défense. [7] Tant de personnes que certaines unités ont cessé d’accepter des volontaires lorsqu’elles ont atteint leur limite opérationnelle. Selon certaines informations, des volontaires ukrainiens auraient payé des pots-de-vin ou utilisé des relations pour rejoindre les Défenses Territoriales (DT).
Dans les DT, quand elles sont devenus officielles, tous sont des volontaires, mais ils signent des contrats, reçoivent des armes et un salaire. Leur statut n’est pas différent de celui d’un soldat ; la loi permet même d’envoyer des unités DT au front en-dehors de leurs régions.
Il y a des villes proches du front, comme Toretsk, ou des villages de quelques milliers d’habitants, comme Plakhtyanka, qui ne peuvent créer que des formations volontaires. Leurs membres reçoivent des armes, mais ils ne signent pas de contrat et ne reçoivent pas de salaire. Ils ont donc créé leurs propres ressources : des gilets pare-balles qu’ils ont pris à la police, des armes défensives et de chasse, des hérissons moulés anti-char, et ils ont bloqué l’entrée du village. Ils se sont organisés en équipes et ont élu un chef. Et ils se sont connectés avec le SBU (Service de Sécurité de l’Ukraine).
Ils étudient les tactiques de combat, la littérature militaire. Quand les Russes attaquent les villes, ils cachent les archives et les ordinateurs et enlèvent les drapeaux des bâtiments publics. Ils demandent constamment des armes ; on les leur promet, mais la plupart du temps, elles n’arrivent pas.
Il était une fois un pont
Nous avons récemment assisté à l’explosion du pont traversant le détroit de Kerch en Crimée. L’attaque a endommagé une artère stratégique d’approvisionnement et de logistique pour les forces russes et a fortement remonté le moral des Ukrainiens, prouvant que la Russie n’est pas invulnérable. Le renseignement russe dit que c’était un camion piégé ukrainien.
Le pont semblait invulnérable, surtout pour une Ukraine dépourvue d’armes à longue portée suffisamment puissantes pour causer des dommages à ce pont de béton et d’acier. Car l’impérialisme refuse de fournir de telles armes ; l’armée de l’air ukrainienne ne fait pas le poids face aux batteries anti-aériennes russes S-300 ou S-400 ; l’armement des drones TB2 est uniquement adapté à la destruction de véhicules et de postes de commandement.
En outre, le pont était fortement patrouillé par des troupes d’élite, des patrouilles aériennes de combat, des hélicoptères d’attaque et des unités de guerre électronique à proximité, formant ainsi une formidable défense pour cette cible des plus précieuses du conflit.
D’un point de vue militaire, la majeure partie de la logistique approvisionnant le front sud, centralisé dans la ville de Kherson, passe par la Crimée, ce qui a un impact important sur les forces russes assiégées et écrasées par la contre-offensive ukrainienne. Le réapprovisionnement en munitions et en armes pour les combats offensifs est assuré par des bases logistiques situées de l’autre côté du fleuve. L’attaque du pont du détroit de Kerch a affaibli cette ligne d’approvisionnement et a aggravé la situation de combat pour les Russes.
En termes de propagande ukrainienne, c’était un choc pour les civils russes qui se remettaient déjà de l’impact de la mobilisation forcée. Poutine lui-même avait inauguré le pont de Crimée en 2018, en traversant le détroit au volant d’un camion. La destruction du pont, construit par un de ses alliés, a eu lieu le lendemain de son 70e anniversaire. Une fois de plus, l’efficacité de la Russie dans la conduite de la guerre a été mise en doute.
Le FSB, le Service de Sécurité de la Russie, effectue un contrôle de sécurité intensif. Il recherche le conducteur du camion et la route qu’il a empruntée avant de traverser le pont, mais peu d’informations ont été rendues publiques.
Le mérite de cette attaque revient à la résistance ukrainienne opérant dans les territoires occupés. Depuis le début de l’invasion, ils se sont chargés d’assassiner les dirigeants locaux considérés comme des collaborateurs de Moscou. Il y a quelques semaines, cinq officiers du FSB et deux officiers militaires russes de haut rang ont été tués dans un hôtel de Kherson.
Les attaques se sont multipliées depuis que la Russie a annexé frauduleusement les quatre territoires ukrainiens en septembre. Ces attaques isolées sont devenues de plus en plus efficaces lorsque ces groupes ont commencé à se coordonner avec le commandement militaire ukrainien. Les attaques sporadiques deviennent plus ciblées, et délibérées dans le cadre d’une stratégie globale.
Les forces d’opérations spéciales ukrainiennes forment, encadrent et arment des groupes de partisans dans l’art du sabotage, de la tactique du « hit-and-run », des communications secrètes et de la capacité à rester caché au sein d’une population tout en causant des ravages chez l’ennemi.
À l’intérieur de Kherson, l’activité principale était la surveillance avec des observateurs et le suivi des mouvements militaires et de sécurité russes, les informations étant ensuite transmises à l’armée ukrainienne.
Les partisans opèrent non seulement à Kherson, mais aussi dans la ville ferroviaire de Melitopol et à New Kakhovka, près du fleuve Dniepr, et près du barrage et de l’embouchure du canal de Crimée du Nord, vital pour l’approvisionnement en eau douce de 85 % de la Crimée. Plus de 20 000 soldats russes sont piégés de l’autre côté du fleuve Dniepr.
Le bombardement du pont enhardit les guérillas et les groupes de résistance dans les zones occupées, de sorte que les attaques vont augmenter en fréquence et en portée, en se concentrant sur les lignes d’approvisionnement de la Russie, car la dépendance excessive du transport ferroviaire facilite grandement la tâche des guérillas ukrainiennes.
L’explosion du pont vient s’ajouter au naufrage du navire de guerre Moslva et à l’effondrement possible à Donetsk.
Poutine recule en frappant à son tour
Poutine recule, mais il frappe fort dans ce repli : il a réalisé la fraude scandaleuse des référendums dans les quatre territoires, afin de justifier qu’étant territoire russe, il pouvait tout faire pour le défendre, y compris utiliser des armes atomiques ; et il réalise des attaques de drones et de missiles iraniens sur les infrastructures ukrainiennes, dans le but de les endommager irrémédiablement avant l’hiver, en perturbant l’accès aux services de base et en causant de grandes souffrances à la population civile, dans l’intention que les souffrances du froid démoralisent une partie de la résistance.
Ces attaques ont privé plusieurs régions du pays d’électricité et d’eau potable, affectant ainsi environ 40 % des infrastructures ukrainiennes. À Kiev, et dans au moins sept autres régions d’Ukraine, il y a des coupures dans l’approvisionnement en énergie. Ces attaques sont considérées comme « dévastatrices » de l’infrastructure énergétique du pays, un pays où les températures hivernales peuvent descendre jusqu’à moins 30 degrés Celsius.
Poutine pense également que le froid ralentira le rythme des opérations militaires ukrainiennes, ce qui aiderait la Russie à maintenir ses lignes de défense, à retenir les territoires capturés et à rétablir un approvisionnement normal pour ses troupes.
Malgré cela, les frappes de drones « Shahed-136 » ne sont pas une démonstration de force, même si elles causent beaucoup de dégâts ; ce sont de drones, pas des troupes ; et qui sont iraniens, pas russes.
Les déportations forcées constituent un autre aspect de la politique de Poutine. À Kherson, il avait ordonné la réinstallation de 70 000 habitants dans des endroits plus éloignées de la région à l’est de la rivière Dnipro. Il y a même une menace qu’un dynamitage du barrage de Kakhovka, contrôlé par la Russie, puisse inonder la région.
La résistance prend les formes nécessaires
Alors que les attaques russes à répétition contre les systèmes de chauffage et d’électricité hivernaux par des missiles de type drone kamikaze font leur effet, les travailleurs ukrainiens qui réparent le réseau électrique travaillent d’arrache-pied, tandis que la population économise l’électricité en s’abstenant d’utiliser les machines à laver et autres appareils consommateurs d’énergie.
Dans les principaux centres urbains de Kiev, l’éclairage public est éteint à la tombée de la nuit. Le vendredi soir, cependant, il reste allumé dans certaines rues du centre pour que les musiciens de rue puissent jouer leur musique et que les gens puissent danser.
La victoire est possible
Selon les experts, les avancées de l’Ukraine sur le champ de bataille ont été obtenues en coordonnant « des chars avec des véhicules blindés, avec un soutien d’artillerie pour percer les défenses russes, identifier les faiblesses et les exploiter, en déplaçant les forces rapidement ». Sans compter l’action des partisans à l’intérieur du territoire occupé, qui génère panique et terreur chez les troupes d’occupation russes.
Il appartient au mouvement ouvrier en général et à ses organisations et institutions de redoubler la campagne pour exiger l’envoi des armes nécessaires aux Ukrainiens pour vaincre l’armée de Poutine, et de dénoncer le fait que les gouvernements impérialistes ne fournissent pas d’armes en qualité et en quantité suffisantes, puisque leur politique centrale est de négocier un accord pour mettre fin à la guerre au détriment de la souveraineté ukrainienne et de la cession d’une partie du territoire à l’Est.
La livraison d’armes par l’impérialisme a augmenté (sous la pression de la résistance et de la campagne internationale), mais elle reste insuffisante. Par exemple, aucun avion n’a été envoyé jusqu’à présent. L’impérialisme étasunien continue de refuser l’envoi d’avions et la formation de pilotes ukrainiens.[8] Les Ukrainiens demandent des F-15, des F-16 et des A-10 Thunderbolt (spécialisés dans le soutien aérien contre des forces terrestres d’infanterie). En outre, l’impérialisme n’envoie pas d’armes à technologie avancée, sous le prétexte qu’elles pourraient tomber entre les mains des Russes.
De même, la livraison de roquettes M142 du système Himars (Roquettes d’Artillerie à Haute Mobilité), d’une portée de 80 km, a permis d’isoler les unités russes de leurs unités de soutien. (Les roquettes russes ont une portée jusqu’à 90 km.) Mais les Ukrainiens continuent de réclamer des missiles ATACMS compatibles avec le système Himars, d’une portée de 300 km. Les engins actuels permettent de détruire les centres de commandement et les dépôts de munitions. Ceux de plus longue portée permettraient d’attaquer les Russes dans leurs unités de soutien. La justification est qu’ils ne sont pas sûr que la résistance s’abstiendrait d’attaquer le territoire russe avec eux et les avions.[9]
Des missiles anti-char Javelin ont été envoyés, ainsi que des drones turcs Bayraktar TB2 et des chars polonais T 72. L’envoi de véhicules d’infanterie allemands Marder constitue également une percée. Mais le gouvernement allemand n’a pas encore envoyé les chars Leopard 2 de dernière génération (construits par la société d’armement Krauss-Maffei Wegmann, basée à Munich), essentiels pour soutenir les troupes qui puissent libérer les régions de l’Est de l’Ukraine.
Lors des élections au Congrès étasunien, les candidats républicains, principalement pro-Trump, veulent réduire l’aide à l’Ukraine. La députée Marjorie Taylor Greene a déclaré lors d’un rassemblement dans l’Iowa qu’« avec les républicains, pas un centime n’ira à l’Ukraine ». Le leader de la minorité de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, qui espère devenir président de la Chambre, a déclaré qu’un Congrès contrôlé par le Parti Républicain ne donnerait pas un « chèque en blanc » à l’Ukraine. Les critiques contre l’aide militaire et financière à l’Ukraine tentent de trouver un argument dans la crise économique croissante aux États-Unis. Près de la moitié des républicains (48 %) estiment que le pays envoie trop de soutien à Kiev.[10]
Soutenir la résistance ouvrière et populaire par des armes et le soutien politique.
En Ukraine, la classe ouvrière et le prolétariat sont armés et organisés pour le combat. Cette organisation manque toutefois encore d’indépendance politique : de nombreuses illusions subsistent quant au gouvernement Zelensky, qui, bien qu’il n’ait pas fui le pays (comme l’a fait la bourgeoisie nationale), est en fait au service des oligarques et des sociétés étrangères et du projet impérialiste de transformer le pays en semi-colonie, ce qui explique la promulgation de nombre de ses lois anti-ouvrières.
La victoire à Kherson, qui a surpris beaucoup de monde, montre que la résistance ukrainienne peut vaincre la puissante armée russe de Poutine, mais pour cela elle a besoin du soutien et de la solidarité de notre classe. C’est pourquoi il est nécessaire d’intensifier la campagne « Des armes pour l’Ukraine ! Pour la défaite militaire de Poutine ! » ; elle doit être reprise par les syndicats et les organisations du mouvement ouvrier, elle doit s’étendre aux usines et aux lieux de travail des travailleurs du monde entier. Les combats sur la rive orientale du Dniepr seront également très difficiles et violents, mais il est prouvé que la résistance peut chasser l’envahisseur russe commandé par Poutine. Pour cela, l’action, indépendante, de notre classe est essentielle.
C’est ça l’action exemplaire menée avec les deux convois internationaux réalisés par le Réseau Syndical International auxquels a participé la CSP-Conlutas du Brésil : apporter une solidarité politique et matérielle et montrer que la résistance ukrainienne a le soutien des travailleurs du monde entier.
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Traduit du portugais :
<https://litci.org/pt/2022/11/17/a-resistencia-militar-ucraniana-e-o-novo-momento-da-guerra/>
[1] Les décisions difficiles sont payantes, 28 octobre 202221:38 par Illia Ponomarenko.
[2] https://www.bbc.com/news/live/world-europe-60517447
[3] Les décisions difficiles sont payantes, 28 octobre 202221:38 par Illia Ponomarenko.
[4] https://www.youtube.com/watch?v=VTAxA3Omfmw
[5] https://atalayar.com/en/content/unseen-and-unknown-electronic-war-ukraine
[6] https://www.politico.eu/article/ukraine-russia-military-citizen-reservist-defense/
[7] https://ua.interfax.com.ua/news/general/808104.html
[8] La Chambre a voté l’envoi, mais pas le Sénat. Il est bloqué au sein du Comité des Services Armés du Sénat.
[9] https://noticias.uol.com.br/ultimas-noticias/afp/2022/07/19/ucrania-pede-aos-eua-mais-sistemas-de-foguetes-de-precisao.htm
[10] https://www.nbcnews.com/politics/congress/republicans-try-allay-concerns-us-aid-ukraine-ahead-election-day-rcna56016