Les perspectives en France ne sont pas très différentes de celles des autres pays de l'Union européenne (UE) : d'une part, un ralentissement de l'économie ; d'autre part la lutte des travailleurs qui prend de l'ampleur. Pourra-t-il y avoir un automne chaud cette année ?
Le ralentissement de l'économie et la hausse du chômage
L'économie française s'essouffle. Dans le deuxième semestre de 2012, sa croissance s'est réduite à zéro, et depuis la fin de l'année, elle patine entre une croissance nulle et très faible. La reprise de 2010 (1,5 %) et de 2011 (1,7 %) a donc perdu sa force. Selon les principaux analystes, l'économie française et celle de l'ensemble des pays de l'Union européenne ont tendance à entrer en récession. Un indice intéressant est le rythme de création d'entreprises en France : une diminution de -5,5 % pour le mois d'août dernier et de -1,1 % pour l'ensemble de l'année passée.[i]
Ce ralentissement de l'économie va de pair avec une hausse du taux de chômage, qui a augmenté de 0,6 % en un an. En France métropolitaine, le taux de chômage a atteint 9,7 % au deuxième trimestre 2012. C'est le pire niveau depuis 1999. Si l'on considère aussi les Départements d'outre-mer, comme l'île de La Réunion et Guyane, il a atteint 10,2 %.[ii] Le taux de chômage est plus élevé chez les jeunes (15 à 24 ans) : 22,7 % en France métropolitaine.
Dans cette perspective de récession, la tendance à l'augmentation du nombre de chômeurs se manifeste concrètement dans plusieurs entreprises en France, qui ont annoncé des plans de licenciements massifs. PSA Peugeot Citroën, une des plus grandes entreprises françaises, a annoncé un plan de restructuration avec 8000 licenciements, y compris la fermeture d'une usine dans la ville d'Aulnay-sous-Bois, près de Paris. L'entreprise Doux, du secteur avicole, a déposé son bilan et va licencier au moins 960 de ses 1700 travailleurs. Il y a plans de licenciements chez le géant de l'acier Arcelor Mittal, chez Carrefour (l'un de plus grands employeurs de France) et dans d'autres sociétés. Selon une étude, les PME avec moins de 20 employés devraient licencier jusqu'à 100 000 travailleurs, entre octobre et décembre de cette année, en raison de problèmes financiers[iii].
Le changement n'était-il pas maintenant ? Hollande comme continuation de Sarkozy
Si la situation est mauvaise, le moins qu'on peut espérer de la part du gouvernement est une politique qui permettrait de stimuler l'économie et de combattre le chômage. C'était avec cette intention que des millions de Français ont voté pour Hollande. Le président du Parti socialiste avait comme slogan de campagne « le changement, c'est maintenant ». Mais après 4 mois de gouvernement, une majorité ne voit aucun changement. Il n'y a que 43 % des Français qui lui accordent leur confiance, alors que 53 % ne croient pas que Hollande fera le changement.[iv]
Le gouvernement Hollande n'a pas tardé à prendre des mesures contre les travailleurs. D'emblée, le gouvernement a annoncé un gel dans l'embauche de fonctionnaires. Le pays étant un des principaux « maîtres » de l'UE, qui doit appliquer la règle du maximum de 3 % pour son déficit budgétaire de l'année prochaine, le gouvernement va signer en octobre le Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance européenne (TSCG).
En ce qui concerne le budget, le gouvernement a bien montré quelles sont ses priorités. Pour réussir le déficit de 4,5 % en 2012, il a annoncé une « loi de finances rectificative ». Parmi les mesures annoncées pour augmenter les fonds disponibles pour le paiement de la dette, il y a, entre autres, la réduction des dépenses publiques, le gel des crédits alloués par le gouvernement (où l'environnement est la principale zone affectée), les restrictions sur l'assurance maladie et une réduction de 2,5 % du nombre de fonctionnaires (par le non-remplacement des départs). Le gouvernement veut réduire le déficit pour 2013 à 3 %, ce qui signifie encore davantage d'assainissements. Le projet est simple : pas un euro de plus pour le domaine social, augmentation des impôts indirects, des coupes dans le secteur public, bref, la plus grande coupe dans le budget de la République (environ 30 milliards d'euros). C'est une véritable politique d'austérité, même si Hollande préfère appeler cela un « effort », et tout cela, pour payer les intérêts sur la dette aux banques.
Pour réussir cet objectif, le gouvernement a besoin de « partenaires sociaux ». Les 9 et 10 juin de cette année, une grande « conférence sociale » a été organisée. Elle a réuni le Mouvement des entreprises de France (Medef), les syndicats des travailleurs et legouvernement. Cette conférence a prévu de nouvelles mesures pour « baisser le coût du travail ». A ce propos, la déclaration du ministre du Travail, Michel Sapin, a été claire : la France a besoin d'une « réforme en profondeur du Code du travail », qui comporte, entre autres, l'extension du « chômage partiel ». Il s'agit d'un type de licenciement, pour les entreprises « en difficulté » ou « en restructuration », où l'Etat paie au chômeur un salaire, inférieur à celui payé précédemment par l'entreprise, pendant une certaine période, sans aucune garantie de retour au travail pour le travailleur.[v]
Dans ce véritable pacte contre les travailleurs, le gouvernement et les syndicats discutent, en outre, de la réforme des retraites, de l'augmentation des impôts indirects tels que la Contribution sociale généralisée (CSG) et de la subordination de l'augmentation du salaire minimum (SMIC) à la croissance de l'économie.[vi]
En ce qui concerne les entreprises qui vont fermer ou licencier, Hollande et ses ministres se limitent à des larmes de crocodile. Ils disent que le licenciement des travailleurs est absurde et que les entreprises devraient revoir leur comportement, mais jusqu'à présent, le gouvernement n’a pris aucune mesure effective pour interdire les licenciements ou empêcher les fermetures qui ont lieu. Un rapport récent, concernant les comptes de PSA, a mis à nu la stratégie de la bourgeoise française : avec la surproduction et la baisse des ventes, elle fait chantage au gouvernement : soit le gouvernement donne des cadeaux fiscaux et plus d'argent pour l'industrie, soit les entreprises vont faire appel à une main d'œuvre moins chère dans les pays semi-coloniaux, comme les pays de l'Est européen.
C'est dans ce cadre que le gouvernement Hollande a annoncé un programme de « l'emploi de l'avenir ». La logique est bien simple : les entreprises qui souscrivent au programme peuvent choisir entre l'embauche avec des contrats à durée indéterminée (CDI) et l'embauche avec des contrats à durée déterminée (CDD), un choix pas très difficile pour l'entreprise… Le contrat aura une durée minimale d'un an et maximale de trois ans. Une partie du salaire sera payé par le gouvernement (de 35 à 75 %). C'est-à-dire, ce programme n'est rien d'autre qu'un cadeau pour les entreprises, car les profits réalisés par ce travail des jeunes seront tous pour les actionnaires. Il n'est pas étonnant que la ville sélectionnée pour l'expérience pilote avec ce programme soit Amiens. Cette ville au nord du pays a récemment été touchée par des conflits entre les jeunes des banlieues et la police française[vii].
D'autre part, la politique contre les immigrants n'a pas changé : le gouvernement attaque les camps de Roms à travers le pays et renvoie ceux-ci en Roumanie. Le ministre del'Intérieur, Manuel Valls, a voyagé récemment en Roumanie et y a signé un accord pour essayer d'« empêcher » l'immigration des Roms en France.
On dirait que rien n’a changé après l'époque de Sarkozy.
Les travailleurs résistent
Ceci étant, la résistance des travailleurs ouvre des perspectives pour les révolutionnaires. Plusieurs manifestations ont lieu à travers le pays.
La lutte de Fralib, dans la ville de Geménos, au sud du pays, dure depuis plus de 700 jours. L'entreprise, avec environ 180 travailleurs, appartenant au groupe UNILEVER, attend l'aide du gouvernement pour pouvoir maintenir l'emploi et continuer à fonctionner.
Les travailleurs de PSA d'Aulnay luttent contre la fermeture de l'usine : après avoir attendu la mise en œuvre des mesures promises par le gouvernement Hollande, environ 200 travailleurs ont occupé un péage à Senlis, près à Paris, le 14 septembre dernier, laissant le passage libre pour les voitures. La propriétaire du péage est une des actionnaires de PSA. La semaine prochaine, les travailleurs feront un rassemblement à Paris pour exiger du gouvernement des mesures effectives contre la fermeture.
Parmi d'autres luttes, il y a celle de Sanofi, une entreprise du secteur pharmaceutique que prétend fermer le site de Toulouse et une partie de celui de Montpellier. Les travailleurs de Montpellier célèbrent les « jeudis de la colère », où les travailleurs font des assemblées et des manifestations, bloquant les rues de la ville, contre les plans de restructuration de l’entreprise.
Deux mobilisations nationales sont prévues. Le 30 septembre, en front commun de plusieurs partis de gauche, de syndicats et de mouvements sociaux, il y aura une manifestation contre la ratification du TSCG. Ce traité veut imposer une restriction du déficit budgétaire à 0,5 % afin de garantir le paiement de la dette aux banquiers. Malheureusement, la CGT, la principale centrale syndicale, et l'UNEF, le principal syndicat des étudiants, qui s'opposent au traité, n'appellent pas à la mobilisation.
La direction de la CGT invite à des manifestations le 9 octobre, en défense de l'industrie et des emplois. Malgré les limites de ce programme pour combattre le chômage, cette journée pourra être le théâtre d'une mobilisation importante des travailleurs contre les politiques du gouvernement Hollande et de la bourgeoise française. Si ces luttes avancent, l'autonome français promet d'être chaud.
[i] www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=41&date=20120914
[ii] www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=14
[iii] www.leparisien.fr/espace-premium/actu/100000-postes-menaces-dans-les-petites-entreprises-12-09-2012-2160829.php
[iv] www.nationspresse.info/?p=186737
[v] http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE88D02M20120914
[vi] Hélène Bertrand, La grande conférence sociale: "un cap nouveau" ?. Revue L'émancipation syndicale et pédagogique, septembre 2012.
[vii] Sur les conflits, voir : www.litci.org/pt/index.php?option=com_content&view=article&id=3263:leonardo-marques-nunes&catid=134:francia


