sam Juil 05, 2025
samedi, juillet 5, 2025

De la crise des « subprimes », a celle du systeme capitalist

Partie d’un evenement qui, rapidement, n’a eu plus rien de conjoncturel, « la crise a 2 000 milliards de dollars » (1), pour reprendre l’expression d’un chroniqueur de la radio France Info, en est desormais a depasser le cadre d’une crise structurelle du systeme capitaliste pour devenir, purement et simplement, une « crise systemique », en ce sens qu’elle pourrait menacer le capitalisme dans ses fondements memes. Au-dela des centaines de milliards de dollars deverses par les banques centrales dans des operations de sauvetage a courte vue, au-dela meme des consequences sur l’economie reelle, les debats sur les « questions d’ethique », outre-atlantique, montrent que les capitalistes se preparent a faire face a l’etape suivante : defendre bec et ongles la legitimite d’un mode de production condamne de longue date par l’histoire. 


 


Ce n’est qu’un debut…


 
La liste est longue des banques touchees par la crise des subprimes et ses consequences. L’ete dernier, on a vu la Northern Rock et ses files d’attente de deposants. Mi-mars 2008, on voit couler la Bear Strearns, cinquieme banque d’investissement US ; ses clients, de gros speculateurs, n’ont pas eu, eux, a faire la queue dans la rue. Dans un premier temps, cette banque a ete rachetee en catastrophe par JP Morgan Chase, pour 236 millions de dollars, a peine le tiers de la valeur estimee de son siege social. Dans le jargon bancaire, c’est une vente « a la casse », meme si le montant de la vente a ete revu a la hausse par la suite… Entre-temps, un des 60 fonds de placement de Carlyle Group (en partie gestionnaire de la fortune des Bush et des Ben Laden) est en passe de terminer sa courte vie de sept mois, laissant une ardoise de pres de 17 milliards de dollars.


Citons encore un exemple : celui de la Societe Generale. Cette banque qui, fin 2007, avouait 200 millions d’euros de pertes dues aux « subprimes », en a subrepticement admis 2 milliards, lors de la conference de presse qui a lance « l’affaire Kerviel » ; laquelle affaire a ete estimee a quelque 5 milliards…


Pourtant, cette crise est loin d’etre terminee et, tout comme le nuage de Tchernobyl, elle ne contournera point le pays merveilleux des Nicolas, Carla et Marie-Segolene., n’en deplaise a Christine Lagarde, ministre de l’economie et des finances.


En effet, aux USA, les defaillances d’emprunteurs non solvables se poursuivent. Pour faire simple, ces derniers doivent choisir maintenant entre le remboursement de leur maison et celui de leur(s) carte(s) de credit ; des cartes garanties par la valeur depreciee de la maison. Dit autrement, les faillites personnelles et leurs effets sur l’immobilier s’etendent desormais au credit a la consommation. Sur les banques de ce secteur, l’impact sera immediat et egal a celui de l’immobilier, a savoir : des faillites et des milliers de licenciements. Si la consommation recule, la production des biens de consommation reculera aussi, y compris dans les « pays emergents ». Et puis, les echanges ralentiront a l’echelle du monde, l’investissement s’arretera et reculera : ce sera alors la Grande Depression de 1929, mais en plus rapide.


Ce qui affole particulierement les responsables des banques centrales qui, eux, veillent a la perennite du systeme capitaliste, c’est la conjonction de trois facteurs : la deflation (recul des prix) dans l’immobilier, l’inflation due a la speculation sur les matieres premieres (petrole en tete), accueillant les capitaux fictifs en mal de rentabilite et le ralentissement de « la croissance », voire son recul a l’echelle du monde, la recession. Apres 30 ans de dereglementation, une vieille controverse refait surface : les banques centrales doivent-elles intervenir ? Et si oui, pour quoi faire ?


« Too big to fail… »


Le debat fait rage aux USA a propos de « l’alea moral », un concept du domaine des compagnies d’assurance. Simplement, quand quelqu’un est assure, il a tendance a prendre plus de risques (c’est l’alea moral) et, dans ce cas, il faut le menacer, voir le « punir » pour empecher que le risque ne se realise et devienne un sinistre. C’est pourquoi les capitalistes veulent que les emprunteurs remboursent quoi qu’il leur en coute ; ils s’opposent donc par principe a toute solution, publique ou non, qui viendrait « aider » les menages en difficulte a etaler leurs remboursements, sur la base d’interets plus bas. Sinon, disent ces messieurs de la finance, les emprunteurs, les menages ouvriers, seraient incites a prendre des risques inconsideres a l’avenir…


Pour eux-memes, bien entendu, les capitalistes ont tendance a inverser les termes du raisonnement qu’ils appliquent aux menages, aux travailleurs. Mais, que voulez-vous, il y va de la legitimite du systeme capitaliste, et certains banquiers estiment que le principe doit s’appliquer a tous, ou presque. Les memes estiment que ce fut une erreur en 1998 (faillite de LTCM), comme en 2000 (eclatement de la bulle internet) d’avoir sauve les « players » (speculateurs a haut risque) en ouvrant les vannes du credit. Les « players » auraient alors compris le message suivant : nous pouvons recommencer, la « Fed », la Banque centrale europeenne, la Banque d’Angleterre, du Japon et d’autres continueront a payer…, avec l’argent des « contribuables », c’est-a-dire des travailleurs.


Appliquer le principe a tous ou presque… Car si les banquiers sont prets a « faire la part du feu » en acceptant la faillite de petits ou moyens etablissements, ils changent d’avis quand il s’agit de grosses banques assises sur une pyramide de papier formee de centaines de milliards de dollars. Ainsi, a travers le sauvetage de Bear Strearns, la « Fed » s’est engagee a… garantir ses engagements ! « Too big to fail » (trop gros pour faire faillite), dit-on a Wall-Street. Quant aux ouvriers et employes qui se retrouvent a la rue, seraient-ils « too small not to fail » (trop petits pour ne pas faire faillite) ? Il y a la une double contradiction, politique et sociale, explosive qui se developpe au coeur meme de la citadelle imperialiste. D’ou la multiplication des declarations dans le sens d’une moralisation du capitalisme…



Moraliser le capitalisme ?


Aujourd’hui conseiller de Sarkozy, Henri Guaino s’etait essaye a l’exercice, debut 2007, dans les Echos : le capitalisme est base sur la confiance, et la morale est necessaire a la confiance ! Vont dans le meme sens Sarkozy et bien d’autres, dont les altermondialistes (pour ne pas parler du PS ou meme du PCF) qui, eux aussi, se situent souvent sur ce terrain moralisateur. Mais derriere le discours de moralisation, la realite du capitalisme n’abdique pas ; et Hermes, dieu des voyageurs, des commercants et des voleurs, vient donc de parler par la bouche de son Oracle, A. Greenspan, responsable de la « Fed » de 1987 a 2006, lequel est sorti de sa « reserve » le 17 mars dernier (puisque c’est toute sa politique sur dix-neuf ans, qui est malmenee aujourd’hui).


Car en effet, la crise des credits « subprimes » trouve sa source dans les mesures prises par la « Fed », en 2000, pour tenter d’amortir les effets de l’explosion de la « bulle internet » par une politique de credit facile. Celui qui appreciait se voir sollicite comme un gourou, Greenspan, se trouve maintenant sur la defensive, mais pour autant, il ne perd pas le nord et ce qu’il dit est edifiant : « L’actuelle crise financiere aux Etats-Unis va etre vraisemblablement jugee comme la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette crise laissera de nombreuses victimes. Le systeme d’evaluation des risques actuellement en place sera particulierement touche (…). Mais j’espere que l’une des victimes ne sera pas le systeme de surveillance mutuelle et plus generalement l’autoregulation financiere comme mecanisme fondamental d’equilibre du secteur financier mondial » (C’est nous qui soulignons, NDLR). Il poursuit : « Il est important, voire essentiel, que toute reforme et ajustements dans la structure des marches et leur regulation ne remettent pas en question nos garde-fous les plus fiables et efficaces contre les defaillances economiques, a savoir la flexibilite des marches et la libre concurrence » (Idem) (Les Echos du 17 mars 2008, reprise du Financial Times [Crise financiere : Greenspan evoque « la plus grave depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale »]).


Comme si le « systeme de surveillance mutuelle », « l’autoregulation » pouvaient etre des « garde-fous fiables et efficaces », alors que tous les dispositifs, a commencer par les trop fameuses « agences de notation », n’ont fait qu’accrediter la solidite la ou il n’y avait que du vent. En realite, ces garde-fous sont d’authentiques pousse-au-crime ! Aussi, au-dela d’un reel cynisme, A. Greenspan reste tres clair : pour lui, il ne faut rien toucher a l’edifice ultra-liberal construit ces trente dernieres annees, car ce sont bien les travailleurs qui doivent payer.


En effet, cet edifice permet au systeme capitaliste d’esperer reporter les echeances de l’Histoire en faisant peser le cout exorbitant de ces echeances sur les travailleurs et les peuples opprimes. C’est-a-dire, continuer a detruire des forces productives a commencer par l’homme lui-meme, briser la resistance des travailleurs et des paysans, les jeter dans la course a la misere, repartir dans une nouvelle phase de concentration du capital. C’est le remede de Greenspan ; c’est le remede des capitalistes. Pour cela, ils exigent d’avoir les mains totalement libres et un credit illimite. Privatiser les profits, socialiser les pertes, a l’exemple de la Bear Strearns : voila, leur solution.


Il existe pourtant une alternative : rassembler largement les exploites et renverser ce mode de production depasse, caracterise par la propriete privee des moyens de production et d’echange, l’exploitation du travail salarie, la concurrence entre les plus humbles. Il y a une necessite historique : mettre en place un nouveau mode de production, base sur la propriete collective des moyens de production et d’echange a l’echelle du monde : le socialisme. Le passe de l’humanite est dans la concurrence, et son avenir, dans la cooperation entreles hommes, dans la liberation des forces productives et leur developpement.


(1) Au sujet de la crise actuelle, voir l’Internationaliste : n°66 de mars 2007 (La course folle du capitalisme vers la barbarie), n°70 de septembre 2007 (La bulle immobiliere aux USA a eclate) et n°73 de janvier-fevrier 2008 (Un systeme parasitaire condamne).

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