17 février 2025
Par Taras Shevchuk
Le 24 février marque le troisième anniversaire de l’invasion et de l’occupation à grande échelle de notre territoire. Trois ans de bombardements constants, de destruction de nombreuses villes, de tortures et d’exécutions sommaires de combattants ukrainiens faits prisonniers par les troupes russes. Des dizaines de milliers de civils ont été tués et près de 100 000 enfants ont été enlevés et emmenés en Russie pour y être « rééduqués ». Les crimes de guerre de Poutine sont une réplique amplifiée des crimes commis par les occupants nazis envoyés par Hitler entre 1941 et 1944. Une extermination qui a pour pendant le génocide sioniste à Gaza. Les peuples du monde ne doivent pas oublier ces crimes contre l’humanité et exiger le châtiment de ces criminels de guerre que sont Poutine et Netanyahou !
L’agression a commencé en 2014

Cette agression impérialiste a commencé bien avant février 2022. Elle a commencé comme une réponse contre-révolutionnaire au triomphe de l’immense rébellion populaire qui a renversé le président Ianoukovitch en février 2014. Le premier épisode a été l’annexion forcée de la Crimée en mars 2014 – maquillée par un soi-disant référendum organisé sous le feu des paramilitaires russes du FSB – et le début de l’invasion du Donbass en avril 2014 – camouflée par la farce des « républiques populaires » autoproclamées de Louhansk et de Donetsk.
Et quelle a été la réaction des soi-disant « puissances démocratiques occidentales » à cette époque ? Elles n’ont fait qu’exprimer d’hypocrites « profondes inquiétudes » ! Cependant, le 24 mars, après l’annexion, la chancelière allemande Merkel a continué à s’entretenir au téléphone avec Poutine pour « analyser le statut de la Crimée », avant la réunion du G7. Et c’est ainsi qu’ils ont continué jusqu’à aujourd’hui, en augmentant même leurs achats de gaz et de pétrole bon marché à la Russie, même après l’invasion actuelle !
En 2015, Merkel et Macron ont organisé une autre farce, dont le format consistait à les réunir tous les deux plus Poutine et Porochenko, le président ukrainien de l’époque, sous le nom de « Négociations de Minsk ». Porochenko – l’oligarque connu sous le nom de « roi du chocolat » pour sa célèbre entreprise internationale de confiserie – a été un véritable traître à la souveraineté ukrainienne, agissant comme un complice passif pendant que Poutine envoyait des trains d’armes dans le Donbass – à travers le territoire ukrainien – sous couvert de « convois humanitaires ». Et il a continué à faire fonctionner ses usines dans la région russe de Lipetsk pendant toutes ces années d’agression contre l’Ukraine.
Depuis lors, des milliers de combattants sont morts en défendant la souveraineté ukrainienne sur le Donbass. Cependant, le gouvernement Porochenko, ainsi que le gouvernement actuel, n’ont jamais eu de politique visant à protéger véritablement l’indépendance nationale, à contrer l’agression massive et le pillage. Au contraire, ils ont favorisé la capitulation devant le capital international, y compris l’impérialisme russe.
L’invasion à grande échelle en février 2022
Encouragé par l’inaction de l’impérialisme « occidental » et la lâcheté des dirigeants ukrainiens, Poutine décide en 2022 que sa « deuxième armée la plus puissante du monde » sera capable de « prendre Kiev en trois jours », de renverser le gouvernement et de le remplacer par sa marionnette – l’ancien président Viktor Ianoukovitch, destitué en 2014 par la rébellion populaire du Maïdan. La seule chose que la Maison Blanche a proposée à l’époque à l’actuel président était de fuir à l’étranger « avant qu’il ne soit trop tard », à bord d’un avion de son armée de l’air !
Cependant, l’énergie révolutionnaire du Maïdan – restée latente parmi les masses malgré les détournements réactionnaires et les fausses alternatives électorales – a jailli comme un torrent de patriotisme irrépressible pour résister aux envahisseurs de la frontière du Belarus au nord, à la région de Kiev. Il y avait dix volontaires pour chaque arme : des hommes, mais aussi des femmes de tous âges, et même des adolescents de moins de 18 ans, tous rivalisaient d’ardeur pour obtenir des armes et partir au combat !
C’est ainsi que, malgré un armement maigre et rudimentaire, et avec le téléphone portable comme seul mode de communication, l’héroïsme ukrainien a contraint les hordes de Poutine à se replier vers le nord. Ces forces spéciales et ces parachutistes russes ont laissé une traînée d’équipement de guerre sur leur parcours de fuite. Mais ils ont aussi semé l’horreur dans leur sillage. Des habitants pacifiques ont été assassinés les mains liées dans le dos dans les zones qu’ils avaient occupées, comme à Bucha ou à Irpine. Ces aberrations resteront comme un témoignage objectif du caractère génocidaire de l’agression poutinienne.
C’est grâce au sacrifice des gens ordinaires que le président n’a pas eu à fuir. Quelle que soit l’issue de cette guerre et ses conséquences politiques, la prouesse du peuple ukrainien, qui a tout fait pour chasser les envahisseurs et sauver Kiev, restera dans la mémoire du monde entier.
Dès le premier jour et dans les mois qui ont suivi, des centaines de milliers de simples travailleurs se sont enrôlés comme volontaires. Avant l’invasion, l’armée comptait 50 000 soldats mal entraînés. Au cours de ces mois et dans le courant de l’année 2022, elle a atteint 450 000 soldats. En outre, les donations populaires ont explosé : dans chaque supermarché ou magasin, il y avait des boîtes de collecte de fonds pour les Forces de défense de l’Ukraine (FDU), pour l’achat d’équipements et d’armes. Des milliers d’ateliers ont été organisés pour confectionner des uniformes et des filets de camouflage. Plus important encore, le développement des Défenses territoriales (TRO), qui se sont avérées être la plus efficace de toutes les initiatives de défense dans le pays. Ces défenses se sont révélées être une véritable auto-organisation des masses pour la lutte.
Cependant, cet afflux massif de combattants issus des classes exploitées, qui se sont armés et ont commencé à s’entraîner au combat, et qui étaient potentiellement capables de vaincre l’agression de l’une des plus grandes machines militaires, a suscité la méfiance et la crainte parmi les impérialistes occidentaux eux-mêmes, qui sont censés « soutenir la cause ukrainienne ». Et ils ont commencé à faire pression avec leurs conseillers spécialisés en géopolitique. Ce chœur pervers a été mené par l’idéologue impérialiste décrépit – aujourd’hui décédé – Henry Kissinger, ancien secrétaire d’État américain sous l’administration Nixon, qui, après l’effondrement de l’URSS, a publiquement affirmé que « l’ordre mondial tacitement accepté par les grandes puissances est légitime ».
Après l’occupation de la Crimée par Moscou en 2014 et son intervention armée pour approfondir le conflit séparatiste au Donbass, Kissinger a continué à considérer l’Ukraine comme faisant partie de la sphère d’intérêts de la Russie. Il s’est rendu à Moscou en 2017. Il s’est fait l’apologiste de l’impérialisme moscovite, reconnaissant que la Russie, en tant que grande puissance, a le droit légitime de dominer sa « sphère d’influence », au mépris – en bon impérialiste – des intérêts et des aspirations des nations en développement, non seulement dans l’ex-URSS, mais aussi dans le monde entier.
Dans un commentaire pour le Washington Post, moins d’un mois après l’annexion de la Crimée par Moscou, Kissinger a déclaré : « Pour la Russie, l’Ukraine ne pourra jamais être simplement un pays étranger ». Il a appelé les « dirigeants ukrainiens les plus sages » à « choisir une politique de réconciliation entre les différentes parties de leur pays »… Et tout au long de ces trois années, ces idées ont été adoptées comme lignes directrices par le directeur de la CIA Bill Burns et le conseiller à la sécurité nationale Jack Sullivan de l’administration de Joe Biden. Même si, selon l’occasion, ils ont montré « un autre visage » à travers le chancelier Antony Blinken.
La « solution finale » de Trump

Il ne faut pas s’étonner que Trump, avec son style cinglant et brutal, continue essentiellement dans la même veine que Kissinger, cherchant à conclure des accords avec Poutine dans le dos de l’Ukraine. Et pour la marionnette Zelensky, le message de Trump est « Nous vous trouverons une place à la table ». Mais personne ne demande au peuple ukrainien, l’interlocuteur légitime, et surtout pas à la résistance ukrainienne et à la classe ouvrière, qui en est l’épine dorsale !
Ces négociations n’abordent même pas la juste cause de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Non, elles ne l’abordent pas ! Le nouveau secrétaire à la défense, Pete Hegseth, l’a déjà dit avec audace à Varsovie : « Pour l’Ukraine, il est très irréaliste de viser à récupérer tous les territoires occupés par la Russie ».
L’objectif de Trump, qui est un véritable « vautour », est de profiter de la conjoncture où l’offensive russe se ralentit sur tous les fronts, avec l’épuisement de ses troupes, de ses blindés et de son matériel militaire, avec l’échec jusqu’à présent de l’intervention des troupes nord-coréennes. En d’autres termes, profiter de la fragilité de l’économie russe et de l’affaiblissement du régime pour convenir avec Poutine d’une « trêve », qui permet la colonisation de l’Ukraine de part et d’autre de l’occupation russe par les entreprises étatsuniennes et cherche également à compromettre la coopération future avec les entreprises russes.
Prenons en particulier l’exemple des fameuses réserves de métaux stratégiques sur le territoire ukrainien, les « terres rares ». L’ultimatum lancé par Trump à l’Ukraine : « Un accès sans restriction à ces réserves en échange de la reprise de nouvelles livraisons d’armes » a déjà fait le tour du monde. Zelensky a déjà remis sa réponse écrite de capitulation. Mais ce qui est moins médiatisé, c’est que près de 40 % de ces stocks se trouvent dans des territoires occupés par la Russie. Avec qui Trump va-t-il négocier pour éviter d’être pris par la Chine ?
L’OTAN et l’UE mettent à nu leur crise et leur essence impérialiste

Les conversations téléphoniques et les propositions de Trump à Poutine, puis l’annonce « qu’ils se sont engagés à travailler ensemble » sans l’UE et les autres membres de l’OTAN, ont provoqué une crise majeure au sein de l’impérialisme européen. Il en va de même pour les déclarations tonitruantes de ses émissaires, comme Pete Hegseth lors de la réunion de l’OTAN: « Nous ne voyons pas de place pour l’Ukraine dans l’alliance ». Face à cela, Zelensky a répondu par de pitoyables appels à « des garanties de sécurité avant d’aller négocier avec Poutine ». Il a également proposé de former une armée commune avec les impérialismes européens pour garantir la sécurité du continent. De son côté, JD Vance, vice-président de Trump, s’est lancé à corps perdu dans le soutien aux partis européens d’extrême droite à la veille des élections et a rendu les principaux gouvernements européens actuels responsables de « ne pas être capables de répondre aux menaces de l’extérieur qui ne sont pas aussi grandes que celles de l’intérieur », en pointant du doigt les vagues migratoires.
En résumé : crise et impuissance du bloc impérialiste de l’UE et contradictions exacerbées qui paralysent l’OTAN.
Cela montre que placer un espoir dans les « garanties de sécurité » par le biais de l’adhésion à l’OTAN ou par l’envoi de troupes impérialistes européennes sur le territoire ukrainien, comme Zelensky le demande depuis longtemps, est une utopie réactionnaire, que nous rejetons, car elle exacerbe la subordination coloniale de l’Ukraine aux différents impérialismes.
Après tout, ce sont les travailleurs armés qui ont « garanti la sécurité » en chassant les hordes russes de la région de Kiev ! Ce n’est pas l’OTAN impérialiste !
La sécurité de l’Ukraine est menacée par sa propre oligarchie
Le peuple ukrainien est de plus en plus conscient que le point le plus vulnérable du pays a été et continue d’être la politique de l’actuel gouvernement de Kiev. Au début, de nombreux alliés et agents de l’impérialisme russe – tels que l’oligarque Medvedchuk, copain de Poutine – étaient encore enracinés dans le régime et exerçaient une influence significative sur les décisions du gouvernement. Beaucoup d’entre eux, mais pas tous, ont déjà été purgés. Mais toutes les « institutions » du pouvoir, qui représentent les intérêts des grands oligarques, du capital local et des sociétés étrangères, n’ont pas mis et ne mettront pas l’économie au service de la défense nationale et des intérêts sociaux des travailleurs.
– C’est pourquoi le pays est contraint de s’endetter auprès des bailleurs de fonds du FMI et d’obéir à leurs diktats !
– C’est pourquoi ils vendent les meilleures terres fertiles et les minerais, comme le titane, à des sociétés étrangères, et maintenant à Trump également les « terres rares » en échange d’armes indispensables !
– C’est pourquoi, lorsque le pays est en pleine guerre, les usines sidérurgiques sont paralysées et les inégalités sociales s’aggravent !
– C’est pourquoi, pendant cette guerre, en 2023, l’oligarque Kolomoïsky – encore emprisonné pour ses nombreux crimes – a vendu sa part de l’usine minière et métallurgique KZRK à Krivyi Rih au célèbre oligarque russe Voïevodine ! Cela a conduit à la paralysie de l’entreprise et à une crise de subsistance pour des milliers d’ouvriers.
– C’est pourquoi, après trois ans d’invasion, la production de munitions n’est toujours pas suffisamment développée et les efforts ne portent pas sur la production de masse de drones !
– C’est à cause de cette composition oligarchique de la Rada (parlement monocaméral) que des lois sur la conscription ont été adoptées avec la formation de centres de conscription territoriaux (TZK), ce qui provoque des irritations et des conflits violents vu son action compulsive envers les secteurs exploités et pauvres, tout en laissant de côté les riches qui paient pour les dérogations.
La sécurité de l’Ukraine sera garantie par sa propre souveraineté.
L’Ukraine mérite de parvenir à la libération nationale et à une véritable indépendance. Malgré l’épuisement de la classe ouvrière et du peuple ukrainiens suite au sacrifice de trois années de guerre à grande échelle, malgré les griefs croissants envers leur propre gouvernement qui ont érodé la volonté initiale massive, ils continuent à résister stoïquement. De nouvelles avancées ont été réalisées dans le territoire de Koursk et maintenant à Briansk, et les occupants ont été contraints de reculer à certains endroits clés du territoire du Donbass.
Les brigades spécialisées dans la guerre des drones entrent dans l’histoire en frappant des cibles militaires à des centaines de kilomètres à l’intérieur du territoire russe. Elles ont réussi à détruire des parties importantes de raffineries, des bases d’approvisionnement et des postes de commandement des troupes russes. D’autre part, il convient de noter que la «partisanchina», le mouvement de résistance des partisans, continue d’opérer dans les territoires occupés, punissant les collabos, les actes de sabotage et informant les services de renseignement ukrainiens de l’emplacement et des mouvements des troupes russes. Et ce mouvement se développerait de manière exponentielle en cas de capitulation du gouvernement sur ces territoires. C’est pourquoi nous sommes convaincus de la capacité militaire à surmonter les obstacles de cette guerre.
Les grands obstacles se situent sur le plan politique et international. Pour y parvenir, les travailleurs ukrainiens doivent réaliser leur libération sociale. Et pour cela, nous avons besoin d’une organisation politique indépendante de la classe ouvrière. La LIT-QI est engagée dans cet effort, poussant de toutes ses modestes forces vers la seule garantie fiable : la solidarité de la classe ouvrière internationale et des peuples opprimés du monde.