La situation et la lutte du peuple à Cuba, avec des mobilisations de dizaines de milliers de personnes dans les rues du pays le dimanche 11 juillet, brutalement réprimées par la police, sont à l’origine de nombreux débats dans la gauche latino-américaine et dans le monde. Pour illustrer nos positions, nous avons traduit ci-dessous l’article de notre camarade du PSTU brésilien, Eduardo Almeida, qui analyse la situation cubaine pour mieux débattre avec les militant.es de gauche, en particulier dans le cas présent avec un dirigeant du Parti communiste brésilien, Jones Manoel.
Par Eduardo Almeida
De nombreux militants sont dans le doute à propos de ce qui se passe sur cette île, qui revêt tant d’importance pour la révolution en Amérique latine.
Il s’agit d’un débat de première importance, et nous aimerions le mener calmement et sérieusement, avec des arguments et non des injures.
Il y a eu un changement qualitatif à Cuba
Nous, ainsi qu’une grande partie de la gauche latino-américaine, avons été des défenseurs enthousiastes de la révolution cubaine de 1959. Elle a été la première et la seule révolution socialiste victorieuse en Amérique latine.
Maintes et maintes fois, nous avons montré, avec fierté, les progrès en matière de santé et d’éducation apportés par l’expropriation de la bourgeoisie et la planification de l’économie. Depuis le début, nous répudions le blocus américain de l’île, imposé en 1960, tout comme nous avons été du côté de Cuba contre toute tentative d’intervention militaire, comme le débarquement raté de la baie des Cochons.
Mais nous avons toujours critiqué la dictature stalinienne de Fidel Castro, et montré comment elle limitait énormément les avancées à Cuba. Il n’y a jamais eu de démocratie des travailleurs sur l’île. Le nouvel État est apparu sur le modèle stalinien, à parti unique, sans démocratie ouvrière, avec une répression violente à la base, persécutant tous les opposants ou critiques, ainsi que les personnes LGBTI.
De même, nous nous sommes heurtés au gouvernement castriste lorsqu’il s’est opposé à ce que la révolution au Nicaragua soit un « nouveau Cuba » en 1979, influençant de manière négative et décisive le processus révolutionnaire à ce moment-là en Amérique centrale. Par le biais de la direction sandiniste de Daniel Ortega, elle a orienté le processus après la chute du dictateur Somoza vers un accord avec la bourgeoisie et pour éviter une nouvelle révolution socialiste. Cela a ensuite facilité la défaite des mobilisations et l’isolement de la révolution à Cuba.
Mais la réalité cubaine a radicalement changé pour le pire avec le processus de restauration du capitalisme dans les années 90 du siècle dernier, juste après la restauration dans les États d’Europe de l’Est. La partie la plus dynamique de l’économie a été privatisée, le monopole du commerce extérieur et la planification de l’économie ont pris fin.
La restauration du capitalisme a eu lieu sous le commandement de la même direction que la révolution de 1959, ce qui a provoqué et continue de provoquer de nombreux doutes. Cela a conduit à de nombreux doutes dans le monde militant et à une énorme confusion dans la gauche latino-américaine.
Mais regardons la réalité. Le secteur le plus important de l’économie cubaine est aujourd’hui le tourisme, notamment à Varadero. Ce sont les chaînes espagnoles Meliá et Iberostar qui sont les entreprises les plus importantes dans cette branche. Le célèbre rhum cubain est contrôlé par l’entreprise française Pernod. Les cigares cubains sont commercialisés par une joint-venture entre la société d’État cubaine et Altadis, du groupe anglais Imperial Tobacco Group PLC. L’aéroport international de La Havane a été privatisé au profit de la société française Aéroports de Paris.
Une nouvelle bourgeoisie cubaine est née, issue de la bureaucratie de l’appareil d’État – en particulier des militaires -, avec le Grupo de Administración Empresarial, qui contrôle entre 30 et 40% de l’économie de l’île, en plus de ses associations avec des multinationales européennes.
Il existe encore des entreprises d’État à Cuba, mais le cœur de son économie est déjà capitaliste. C’est la loi de la valeur, l’accumulation du capital, bref, l’économie de marché qui détermine les chemins que prend l’île. En termes théoriques, une économie peut être définie par la logique qui régit sa totalité. Avant, Cuba était gouverné par la planification étatique, et non par le marché capitaliste. Aujourd’hui, elle est régie par la loi de la valeur, orientée vers le marché. Par conséquent, elle est capitaliste.
La dynamique de la crise actuelle en est une preuve. La raison immédiate en est la forte réduction du tourisme, principal secteur de l’économie cubaine, par la pandémie. En d’autres termes, il s’agit d’une évolution déterminée par la loi capitaliste de la valeur. L’URSS, en pleine dans la dépression mondiale de 1929, avait une économie d’État et planifiée (même si elle était limitée par la bureaucratie stalinienne), et son industrie connaissait une croissance de plus de 10% par an.
Le blocus américain continue d’exister, même après la restauration, pour une raison : la bourgeoisie gusana[1], basée à Miami, voudrait la restauration sous son propre contrôle, avec la restitution des propriétés expropriées lors de la révolution. À cette fin, elle a tenté de renverser la dictature castriste, et cela ne s’est pas produit. Ce qui s’est passé, c’est que la bureaucratie qui contrôlait l’État et l’économie planifiée s’est transformée en bourgeoisie et a restauré le capitalisme dans le pays, en association avec les impérialismes européen et canadien.
Le blocus est un fait majeur, qui a des conséquences désastreuses pour le peuple cubain. C’est pourquoi nous nous sommes toujours positionnés contre le blocus. Mais le régime castriste fait de ce blocus l’explication de toute la crise, ce qui n’est pas vrai. Entre autres choses, parce que le blocus est uniquement nord-américain. Les multinationales européennes sont présentes et pillent le pays.
Les partis staliniens du monde entier, ainsi qu’une partie du reste de la gauche, ne regardent que la continuité du PC cubain au gouvernement et affirment que Cuba « continue d’être socialiste ».
Ils font la même erreur en Chine, où le capitalisme a également été restauré, depuis le gouvernement de Deng Hsiao Ping, à la fin des années 1970, et le PC chinois est toujours au gouvernement. La Chine est devenue une référence mondiale pour le capitalisme, soutenue par des salaires très bas et une répression violente contre les travailleurs. Mais les partis staliniens considèrent toujours la Chine comme « socialiste ».
Rappelons une notion de base de la dialectique marxiste. Il n’est pas vrai que « A » est toujours égal à « A ». Le Cuba d’aujourd’hui, même s’il est dirigé par le parti communiste (qui n’a de communiste que le nom), n’est pas le même qu’il y a 30 ans. Ce n’est plus un État ouvrier bureaucratisé. Il s’agit d’une dictature bourgeoise/capitaliste.
Il y a des secteurs de la gauche latino-américaine qui comprennent qu’il y a un processus de restauration capitaliste à Cuba, mais qui pensent qu’il n’est pas achevé. Ce n’est pas notre avis. Nous pensons qu’il existe une globalité capitaliste à Cuba, dont l’économie fonctionne sur la base de la loi de la valeur capitaliste, autour du marché. Et à l’intérieur de cela, il y a encore des secteurs d’Etat sur l’île.
Mais même si l’opinion des secteurs qui pensent qu’il y a une restauration en cours mais inachevée était correcte, il serait nécessaire d’identifier que c’est le régime castriste lui-même qui est le moteur de cette restauration. C’est l’État cubain qui dirige la restauration. Et le caractère de l’État est défini, dans le marxisme, par les relations de production qu’il défend et promeut. Tant qu’il y avait une économie nationalisée et planifiée à Cuba, c’était un État ouvrier bureaucratisé. Aujourd’hui, le régime castriste préside un État bourgeois, qui a dirigé la restauration, continue de protéger les multinationales présentes sur l’île et a généré une nouvelle et forte bourgeoisie qui contrôle 30 à 40% de la production.
Et que la population cubaine réagit contre les conséquences de ce processus de restauration. C’est une dictature capitaliste.
Cuba de l’intérieur
J’ai visité Cuba en 1996, au début du processus de restauration, à un moment de crise aiguë qui a été connu sous le nom de « période spéciale ».
Il serait important que les militants honnêtes qui défendent Cuba puissent faire un test de réalité : visiter l’île et parler aux gens, en dehors des « itinéraires » et des « guides » officiels.
S’ils font cela, ils verront que la majorité de la population déteste le régime castriste. Cela existait déjà lorsque j’ai visité l’île, et aujourd’hui cela doit être vrai dans une mesure bien plus grande.
En marchant dans les rues, j’ai parlé à une ouvrière, assise devant son usine pendant sa pause déjeuner. Elle m’a dit : « Ici, on est payé en fonction de la tâche qu’on accomplit. Si on parvient à terminer la tâche déterminée par le manager pour cette journée, très bien. Si on n’y arrive pas, on doit la terminer le jour suivant. On est payé pour les tâches accomplies et non par journée de travail. Si je réussis à accomplir toutes les tâches chaque jour, je gagne 110 pesos (plus ou moins 3 dollars) » par mois.
Comme je suis médecin urgentiste, je suis entré dans un hôpital et j’ai conversé avec un collègue, un chirurgien. Une fois surmontée la méfiance initiale, il m’a raconté : « Je travaille dans cet hôpital 70 heures par semaine, mais c’est vraiment comme un travail à temps partiel, en termes de salaire. Je gagne 340 pesos (un peu moins de 10 dollars) par mois. J’arrive à faire vivre ma famille en louant une chambre que je possède, pour les touristes. » Il m’a montré l’hôpital, très similaire aux conditions des hôpitaux publics brésiliens, montrant le début de la régression de ce qui était l’exemplaire santé publique cubaine.
Lors d’une conversation avec un jeune homme, celui-ci a été surpris d’apprendre que j’étais de gauche. Car, pour le peuple cubain, toute la gauche latino-américaine soutient le régime castriste. Cela montre la tragédie causée par le stalinisme et ses partisans. Lorsque le peuple cubain se révolte, il voit à la radio et sur les réseaux sociaux la droite impérialiste défendre cyniquement la « liberté », tandis que la « gauche » soutient la répression.
Je suis retourné au Brésil avec la certitude qu’il est fondamental que le peuple cubain voie et ressente le soutien des travailleurs du reste du monde dans leurs luttes contre la dictature castriste.
La crise actuelle
L’économie cubaine a reculé de 11% l’année dernière, en grande partie à cause de la chute du tourisme. Le gouvernement de Miguel Díaz-Canel met en œuvre un plan économique appelé « Tâche de classement », annoncé en décembre 2020.
Il s’agit d’un plan néolibéral, qui serait répudié dans n’importe quel pays du monde par des militants honnêtes, non embrouillés par le stalinisme. Les principales mesures comprennent la dévaluation de la monnaie de 2300%, la libre circulation du dollar, des facilités encore plus grandes pour les entreprises étrangères et la réduction des subventions sur les tarifs tels que l’électricité (autrement dit, les factures d’électricité sont devenues plus chères pour toute la population).
Une « augmentation de salaire » a été annoncée pour que les travailleurs ne se plaignent pas. Mais le salaire minimum actuel à Cuba est de 87 dollars, soit plus ou moins 450 réals. C’est un festin pour la surexploitation des entreprises privées multinationales, cubaines et même capitalistes d’État. Et il ne reste rien du panier alimentaire de base qui était autrefois garanti aux Cubains. Il s’agit de 450 réals pour acheter des produits dont les prix sont similaires à ceux pratiqués au Brésil.
L’impérialisme américain tente de tirer profit de la crise
Le gouvernement américain, avec Biden à sa tête, a cyniquement « soutenu » le peuple cubain. Le même gouvernement qui maintient le blocus sur Cuba se dit « préoccupé » par la situation sur l’île. Le même gouvernement qui soutient le régime fasciste d’Israël et la monarchie meurtrière d’Arabie saoudite tente de se faire passer pour un « défenseur des libertés » à Cuba !
En fait, l’impérialisme veut tromper les masses cubaines et reprendre le contrôle direct de Cuba, dans une semi-colonisation de l’île sous son contrôle, et non celui de l’impérialisme européen, comme c’est le cas aujourd’hui.
Bolsonaro a cherché à capitaliser sur les mobilisations, pour dénoncer le « socialisme ». Lui, justement, qui défend l’implantation d’une dictature au Brésil.
Qui se bat contre qui ?
Les mobilisations du 11 juillet à Cuba ont la même toile de fond que celles qui se déroulent en Colombie, et qui ont déjà eu lieu au Chili, en Équateur, au Nigeria, au Belarus et dans de nombreux autres pays. La combinaison de la crise économique capitaliste et de la pandémie entraîne une forte augmentation de la misère dans le monde. Ce n’est pas par hasard que les gens dans les rues de La Havane disaient avoir faim.
Les mobilisations ont été facilitées car depuis 2018, internet est autorisé sur l’île, et depuis lors, les marches ont été organisées. Peu après les mobilisations, le gouvernement a coupé l’accès à Internet dans tout le pays.
D’un côté, des travailleurs dans les rues protestant contre la faim et le plan néolibéral, et exigeant la démission de Díaz-Canel. De l’autre, une répression violente, déterminée par une dictature bourgeoise.
Nous ne savons pas comment le processus va évoluer. La dictature parviendra-t-elle à étouffer les mobilisations, ou celles-ci reviendront-elles, et dans quelle mesure ? Mais la réalité cubaine est déjà marquée par une nouvelle situation de crise, qui ne s’est pas produite depuis des décennies.
Pour débattre avec Jones Manoel et le PCB
Jones Manoel, du PCB, est un historien qui défend certaines positions similaires aux nôtres pour la conjoncture brésilienne, comme la lutte pour renverser Bolsonaro maintenant. Pour cette raison, il a même été la cible d’une attaque raciste de la part de Mário Frias, le ministre de la culture de Bolsonaro. Nous nous solidarisons avec Jones par rapport à l’attaque raciste de ce gouvernement génocidaire. Mais sur la question de Cuba, nous avons des positions très différentes.
Jones Manoel et le PCB tentent de montrer qu’il s’agit d’un gouvernement socialiste réprimant les contre-révolutionnaires. Cependant, il suffit de voir les photos et les vidéos des personnes dans les rues pour constater qu’il ne s’agit pas d’une mobilisation de la classe moyenne supérieure, mais des gens simples et des travailleurs.
Comment les staliniens peuvent-ils expliquer la présence des pauvres dans les rues lors des manifestations contre le régime ? Comment peuvent-ils expliquer que parmi les personnes arrêtées figure Frank García Hernández, un journaliste marxiste qui a organisé à Cuba la première réunion Léon Trotsky en 2019 ?
Qui se bat contre qui à Cuba ? Qui tente d’appliquer un plan néolibéral, qui, s’il était prôné par Bolsonaro, serait rejeté par le PC et Jones Manoel ?
Qui est dans les rues pour lutter contre cela ? Les pauvres, qui méritent le soutien de tous ceux qui, dans le monde, luttent contre l’exploitation.
Pour nous, la position révolutionnaire à Cuba consiste à soutenir les mobilisations contre le gouvernement, à montrer que le régime n’a rien à voir avec le socialisme, à répudier le cynisme impérialiste et à défendre l’auto-organisation des masses. Nous défendons la liberté d’expression et d’organisation à Cuba, parce que la tâche est de réaliser une nouvelle révolution socialiste, qui reprenne et étende les conquêtes de 1959, qui aujourd’hui ont été enlevées, et cette fois avec la démocratie ouvrière et l’internationalisme. Pour cela, les travailleurs et le peuple cubain devront affronter cette dictature capitaliste, le blocus des Etats-Unis, mais aussi les autres impérialismes.
Nous demandons au PCB et à Jones Manoel : n’est-il pas correct de défendre à Cuba la révocation des privatisations et la nationalisation des principaux secteurs de l’économie ? Ne le feriez-vous pas au Brésil ? N’est-il pas correct de défendre le retour de la planification de l’économie et du monopole du commerce extérieur ? N’est-il pas juste d’avoir un État cubain avec une démocratie des travailleurs, comme les soviets russes de 1917 ?
Pour cela, il est nécessaire de soutenir ces mobilisations, dans la perspective d’une nouvelle révolution socialiste à Cuba. Si c’est la position des staliniens, soutenant la dictature castriste, qui s’impose, la fausse campagne de « liberté » de l’impérialisme est facilitée. Il n’est pas possible de vaincre l’impérialisme (ni celui des Etats-Unis, ni celui de l’Europe) en soutenant la répression d’une dictature capitaliste et pro-impérialiste contre la lutte des travailleurs contre l’exploitation et la pandémie.
Cette position du PC brésilien et de Jones Manoel est la même par rapport à la Chine. Lors de son XIVe Congrès, le PC brésilien a discuté d’un document intitulé « Socialisme : bilan et perspectives » dans lequel il se réclame de « l’expérience » chinoise et ne dit pas un seul mot du massacre de la place Tian’anmen. Sur cette place, en juin 1989, les chars de la dictature chinoise ont tué des milliers d’étudiants qui protestaient.
Jones Manoel, après plusieurs vidéos faisant l’éloge de la Chine, a déclaré qu’il « ne savait pas » si ce pays était capitaliste ou socialiste. Or cette évaluation devrait être centrale pour définir tout programme ou toute politique, n’est-ce pas ? Mais sur le site du PC brésilien, il y a encore quelques jours, il y avait une lettre adressée au PC chinois, le saluant pour la tenue de son congrès.
Une pratique typique du stalinisme, que Jones Manoel utilise malheureusement, est l’amalgame, la déformation, la simplification et la falsification des positions de ceux auxquels il s’oppose. Ainsi, selon lui, le peuple n’a pas de volonté propre, donc ceux qui descendent dans la rue font partie des « contre-révolutionnaires infiltrés » ou sont de pauvres bougres manipulés par l’impérialisme. Après 60 ans de « socialisme cubain » – selon eux – tous ceux qui descendent dans la rue et s’opposent à la dictature castriste « sont des instruments de l’impérialisme ». Pour lui, la faim du peuple cubain doit alors être un mensonge, ou une conséquence directe du blocus américain, sans aucune responsabilité du gouvernement et du capitalisme cubains.
C’est ce que faisaient les PC du monde entier à l’époque de Staline. Tous ceux qui prenaient position contre la politique de Staline étaient considérés comme des contre-révolutionnaires. Cela simplifie le monde au point d’en devenir une caricature, où il ne peut y avoir aucune opposition à leur gauche, aucune lutte des travailleurs contre les dictatures chinoises ou cubaines. Tous sont considérés comme « contre-révolutionnaires ».
Pourtant, Staline a promu un massacre des bolcheviks, liquidant la majeure partie du comité central du parti qui a pris le pouvoir, et des centaines de milliers de militants. Comment le PC et Jones Manoel expliquent-ils cela ?
C’est intéressant, car Jones Manoel dit qu’il n’est « pas un stalinien ». Mais il fait l’éloge de Staline et cherche à le réhabiliter en justifiant et en minimisant ses crimes, il défend les mêmes positions que les partis staliniens du monde entier et reproduit la même méthodologie stalinienne.
C’est important, car nous pouvons avoir des accords conjoncturels au Brésil, comme la lutte pour le Fora Bolsonaro já, et d’autres. Mais cette discussion internationale révèle des stratégies opposées : nous défendons le socialisme révolutionnaire avec la démocratie ouvrière, l’internationalisme et la révolution mondiale. Jones Manoel défend une stratégie stalinienne.
Le socialisme n’a rien à voir avec le stalinisme.
En fait, la répression féroce sur la place Tian’anmen, ainsi que la violence policière à La Havane, sont les moyens de défense de dictatures bourgeoises. Il existe une bourgeoisie chinoise, il existe une bourgeoisie cubaine, issues des bureaucraties qui dirigeaient autrefois ces États.
Les partis staliniens défendent également d’autres dictatures bourgeoises sanglantes comme celle de Maduro au Venezuela, d’Ortega au Nicaragua et d’Assad en Syrie. Maduro est un représentant de la « bolibourgeoisie », une puissante bourgeoisie, propriétaire de banques, d’industries et de fermes, issue de la haute administration de l’armée chaviste. Ortega est désormais l’un des plus grands bourgeois du Nicaragua, et a noyé dans le sang, avec 400 morts, les mobilisations contre la dictature en 2018. Ortega est revenu au pouvoir après quelques années pour imposer une dictature qui persécute tous ses anciens camarades qui dirigeaient le Front sandiniste et qui s’opposent aujourd’hui à lui. Assad est un génocidaire, qui a tué 500 000 personnes en dix ans de protestations contre sa dictature. Nous sommes d’accord pour dénoncer Bolsonaro pour les 500 000 morts du Covid au Brésil. Mais la direction du PCB et Jones Manoel défendent un autre génocide en Syrie.
Pendant des décennies au XXe siècle, le stalinisme a sali l’image du socialisme dans le monde entier. La bourgeoisie impérialiste tenait à associer la répression et la médiocrité bureaucratique du stalinisme pour montrer que « c’est ça le socialisme ». Après la chute des dictatures à l’Est, la propagande impérialiste a célébré la « fin du socialisme ».
Maintenant que la crise économique et la pandémie montrent au monde le visage horrible du capitalisme, la sympathie pour les idées socialistes recommence à croître dans le monde. Et c’est précisément à ce moment qu’à nouveau, les partis staliniens et les directions réformistes servent les objectifs de la propagande impérialiste en essayant de montrer que Cuba et la Chine sont « socialistes ».
Nous pensons qu’il faut s’y opposer. Les travailleurs brésiliens ont le droit de savoir qu’en Chine et à Cuba, il existe des dictatures bourgeoises qui n’ont rien à voir avec le socialisme, bien que leurs gouvernements se prétendent « communistes ».
Les travailleurs cubains doivent savoir qu’au Brésil et dans le monde entier, il existe une gauche socialiste et révolutionnaire qui n’est pas stalinienne et qui soutient leurs luttes.
Il doit y avoir beaucoup de militants honnêtes qui n’ont pas une connaissance précise de ce qui se passe à Cuba, ou qui ont des doutes sur ce qui se passe. Mais qui ont un réflexe naturel de solidarité lorsqu’ils voient les pauvres lutter dans la rue et être réprimés. Nous appelons tout le monde à soutenir les mobilisations des travailleurs et à défendre les prisonniers politiques.
Jones Manoel a qualifié les militants du PSTU de « soutiens de l’impérialisme ». Le stalinisme a cette méthode, de calomnier les opposants politiques. Il a également menacé de faire « donner une volée » à un militant de l’USP, connu sous le nom de Chavoso, pour avoir critiqué le PC.
Nous, du PSTU, ne calomnions pas, ne menaçons pas de violence les autres militants de gauche. Nous préférons les arguments dans un débat. C’est pourquoi nous proposons à Jones Manoel un débat public sur la réalité de Cuba aujourd’hui, avec des règles convenues en commun, et diffusé par internet. En cas d’accord, le débat pourra se dérouler dans de meilleures conditions.
[1] Gusano: ver de terre. Terme péjoratif pour désigner les cubains contre-révolutionnaires vivant aux Etats-Unis.