Récemment, des troupes des armées syrienne et russe ont pris le contrôle de la ville kurde de Kobané, la même ville qui, il y a quelques années, était un symbole de l’héroïque défense et victoire kurde contre les forces de l’Etat islamique. À cette époque (début 2015), nous avions célébré cette victoire1 et souligné le rôle central qu’y avaient joué les femmes kurdes.2 Une victoire qui, par ailleurs, consolidait l’autonomie que le peuple kurde avait acquise, en 2012, dans la région du nord-est de la Syrie où il est largement majoritaire, et qu’ils appellent le Rojava.
Alejandro Iturbe
Ligue Internationale des Travailleurs Q.I. 25.11.2019 .
En fait, c’était l’embryon d’un Etat kurde dans ce territoire. Le contrôle de Kobané par les armées syrienne et russe est maintenant un signe que cet embryon d’Etat que représentait le Rojava a disparu. Il s’agit évidemment d’une défaite du peuple kurde dans la lutte pour son autodétermination.
Il ne s’agit cependant pas d’une défaite militaire, possible dans n’importe quelle lutte. Les troupes syro-russes ont pris ce contrôle avec le plein accord des dirigeants kurdes du Rojava, qui voient dans ces troupes une sorte de cordon sanitaire, contre l’armée turque qui les attaque à leur frontière nord et les chasse vers le sud et l’est. En cette matière, comme nous l’avons déjà dit sans équivoque,3 nous soutenons et nous défendons le camp militaire kurde contre l’attaque turque et nous appelons pour cela à l’unité internationale la plus large.
Cependant, vu l’importance actuelle de cette tâche de soutien, une analyse de ce qui s’est passé au Rojava ne peut se limiter à ce point. Pour de nombreux secteurs de la gauche, le Rojava était devenu l’embryon d’une nouvelle société, une référence adoptée tant par des courants anarchistes que par des marxistes, à partir d’approches différentes.
Par exemple, des personnalités internationales très prestigieuses, parmi lesquelles Noam Chomsky, Angela Davis, José Mario Branco et David Harvey, ont publié un communiqué de solidarité avec le Rojava dans lequel ils déclarent que : « La commune du Rojava est le premier effort au Moyen-Orient d’un projet politique anticapitaliste sur la base d’une confédération démocratique… »4
Nous respectons les signataires de la lettre, nous saluons leur solidarité avec le Rojava, et nous serons ensemble dans cette action. Mais nous ne partageons pas leur caractérisation du processus qui s’y est déroulé. Il s’agit d’un débat que nous avons développé ces dernières années,5 et nous pensons qu’il y a lieu de faire un bilan de cette expérience.
En même temps, tout en préservant le développement absolument nécessaire de la campagne de solidarité, il nous semble nécessaire de faire le point sur la politique menée par la direction kurde du Rojava, le Parti de l’Union Démocratique (PYD), sur laquelle nous avons attiré l’attention ces dernières années, ainsi que sur sa responsabilité dans le cadre actuel de la situation.6
Dans ce qui suit, nous reviendrons sur les analyses, les définitions et les débats que nous avons abordés dans plusieurs contributions précédentes dédiées au Kurdistan.7 C’est une question très complexe qui ne peut être envisagée sans prendre en compte le polygone complexe et changeant des forces nationales et internationales, d’actualité au Moyen-Orient. Veuillez donc nous excuser d’avance pour l’étendue de ces considérations.
Le peuple kurde et son autodétermination
Le peuple kurde est la plus grande nationalité sans Etat propre du Moyen-Orient, quelques 40 millions de personnes, privés de ce droit par le traité de Lausanne (1923) qui a reparti les territoires de l’empire turco-ottoman, vaincu lors de la Première Guerre mondiale. Les Kurdes ont été répartis en quatre pays (la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie), dans lesquels ils sont une nationalité opprimée, sévèrement réprimée quand elle luttent pour tenter de renverser cette situation.
En tant que marxistes révolutionnaires, nous ne sommes pas favorables à l’atomisation des Etats existants. Au contraire, nous luttons pour la formation d’Etats plurinationaux et fédératifs, librement constitués et de plus en plus amples. Mais si une nationalité opprimée définit qu’elle veut son indépendance, nous soutenons alors cette décision et la défendons, sans poser des conditions.
Le cas kurde est particulier : il est évident qu’il s’agit d’une nation opprimée, mais elle ne l’est pas au sein d’un seul pays ; elle est éparpillée et opprimée dans quatre pays. La seule façon d’exercer son autodétermination est donc de briser cette division et de se réunifier. De ce fait, comme point de départ, nous reconnaissons et nous défendons son droit de séparer ses territoires historiques des Etats où elle est actuellement incorporée, et de constituer son propre Etat indépendant. Et nous appuyons pleinement sa lutte à cet égard. Il nous semble que, dans ce cas, il ne s’agirait pas d’une atomisation mais, au contraire, d’une réunification progressiste.
Deux organisations se disputent la direction politique du peuple kurde : le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), actuellement dirigé à partir de Basur (au Kurdistan irakien) par Massoud Barzani ; et le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), fondé en Turquie par Abdullah Öcalan (Les partis influencés par les Kurdes adoptent toutefois des noms différents dans les différents pays où ce peuple est éparpillé.). À propos du PDK et de Basur, nous recommandons l’article « Plébiscite massif pour l’indépendance à Basur ».8 Dans ce qui suit, nous traitons surtout du PKK, étant donné son influence dans le PYR du Rojava.
Les Kurdes en Syrie
Lors de la signature du Traité de Lausanne, les Kurdes de Syrie n’étaient pas si nombreux et n’avaient pas de « zones propres ». Mais, en raison de la brutale persécution dont ils furent victimes en Turquie au cours des décennies suivantes, « l’immigration kurde en Syrie augmenta […],. il y a des villes entièrement kurdes et le peuple des Kurdes syriens est concentré dans une partie des territoires de la Syrie ». C’est ce qu’affirme Salameh Kaileh, un intellectuel marxiste syrien de renom, déjà décédé, persécuté par le régime d’Assad, dans un article publié il y a quelques années.
De cette façon s’est constituée le Rojava, une région kurde en Syrie qui a une continuité géographique et de profonds vases communicants avec le territoire kurde de la Turquie. Ces Kurdes sont largement majoritaires dans les cantons autour des villes d’Afrin, Jazira et Kobané, dans la bande nord-est de la Syrie (limitrophe de la Turquie au nord et de l’Irak à l’est). Ces cantons totalisent environ 15 000 km2, avec un peu plus de 2 millions de Kurdes, et des minorités d’autres origines. Il n’y a pas de continuité géographique sur le territoire syrien entre Afrin et les deux autres cantons, séparés par des zones non kurdes. À titre d’exemple de l’oppression que les Kurdes subissaient en Syrie : jusqu’à il y a quelques années encore, ils n’avaient pas le droit à la citoyenneté syrienne.
La création de l’autonomie du Rojava
En 2012, dans le cadre de la guerre civile entre les forces rebelles et le régime de Bachar al Assad (alors totalement à la défensive), le PYD et les milices kurdes (les YPG) prirent le pouvoir au Rojava et déclarèrent son autonomie. Assad, incapable de faire face directement à ce processus, conclut un accord : il reconnut ces Kurdes comme citoyens syriens et leur accorda l’autonomie de fait, en échange de ne pas se séparer du pays et de ne pas rejoindre les « rebelles ».
Ce contrôle d’une région autonome s’ajoutait à ce que les Kurdes avaient déjà obtenu auparavant à Basur (en Irak). Il s’agissait, en réalité, de deux Etats, ou embryons d’Etat, propres aux Kurdes. Les processus qui ont conduit à leur émergence furent très différents, mais les deux impliquaient des accords, avec l’impérialisme yankee en Irak et avec le régime d’Assad en Syrie, ce que nous avons vivement critiqué.
Malgré ces critiques, nous pensons que ces autonomies obtenues à Basur et au Rojava étaient une avancée dans la direction d’un Etat kurde unifié, et elles devaient donc être défendues. Elles ne doivent toutefois pas être considérées comme « l’objectif final », mais être mises au service de la lutte pour obtenir cet Etat unifié.
Dans ce cadre, nous n’apportons aucun soutien aux directions kurdes actuelles et nous n’appelons pas à leur faire confiance, tant à cause de leur caractère de classe (bourgeois ou petit-bourgeois) qu’en raison de la politique qu’ils mènent, d’abandon de la lutte pour l’Etat kurde unifié. Cela signifie que, tout en optant pour le camp de la lutte du peuple kurde, nous appelons à combattre la politique de ces directions, telle que les accords avec l’impérialisme, Assad, Poutine ou Erdogan, et nous exigeons qu’ils impulsent la lutte pour un Etat kurde unifié.
Le caractère de classe de l’Etat du Rojava
Comme nous l’avons déjà vu, certaines organisations marxistes ont défini l’expérience qui se développait au Rojava comme un nouveau processus de transition vers le socialisme. Le Rojava serait alors un nouvel Etat ouvrier, le seul au monde après la restauration du capitalisme en URSS, en Chine et dans d’autres pays. Sur ce point très important, je veux être particulièrement prudent car je ne travaille qu’avec des informations journalistiques, et « de l’extérieur », sans connaissance directe de la situation. Nous pensons que cette définition est erronée, et nous définissons le Rojava comme un « Etat capitaliste atypique ». Vu l’importance du sujet, nous allons étendre un peu notre argumentation.
Sous le contrôle syrien, il n’y avait pas de bourgeoisie kurde au Rojava au sens strict du terme. Pour être plus précis, je dirais que c’en était une très faible : presque une proto-bourgeoisie ou une petite bourgeoisie agraire, commerciale et artisanale. Cet aspect est très important dans l’analyse de la situation ultérieure.
En 2012, un Etat kurde émergea de fait au Rojava. Nous le définissons comme « Etat » car, bien qu’il ne revendiquait pas l’indépendance par rapport à la Syrie et n’était pas reconnu internationalement comme tel, il avait son propre gouvernement autonome et ses propres forces armées (les milices YPD). Cet Etat hérita les terres et les services publics qui auparavant étaient la propriété de l’Etat syrien. C’est-à-dire qu’il devint propriétaire des principales ressources économiques, et qu’en même temps il s’appuyait sur une structure économique arriérée, presque sans bourgeoisie. Telle était la base objective de la situation qui suivit.
C’était une situation très spéciale, presque exceptionnelle dans l’histoire moderne. Nous pouvons caractériser le PYD comme une direction non ouvrière ou petite-bourgeoise qui prit le pouvoir et contrôlait un Etat. Un fait de cette nature n’est pas nouveau, ce fut le cas auparavant dans des pays comme l’ex-Yougoslavie, la Chine, Cuba, le Nicaragua … Dans ces situations, il y eut une forte contradiction entre la superstructure (le régime et le gouvernement), non contrôlée par la bourgeoisie, et la structure économique du pays (toujours capitaliste).
Une contradiction qui pouvait être résolue de deux façons. Dans une première, cette direction dépasse ses intentions initiales par sa rupture avec la bourgeoisie et l’impérialisme, et les exproprie, entamant ainsi la construction d’un nouvel Etat ouvrier. C’est ce qui s’est passé dans l’ex-Yougoslavie, en Chine et à Cuba. L’autre alternative est que la direction n’avance pas dans la rupture ou l’expropriation et reconstruit un Etat bourgeois « normal ». C’est ce qui s’est passé avec le sandinisme au Nicaragua et avec le FNL en Algérie. Il n’y a pas d’alternatives « intermédiaires ».
La situation du Rojava présente une différence avec celle des pays auxquels nous avons fait référence. Alors qu’il y avait un certain développement capitaliste dans ces derniers, et donc des bourgeois nationaux et impérialistes à exproprier, au Rojava, étant donné le développement historique antérieur, les principaux leviers de l’économie restèrent entre les mains du nouvel Etat, qui planifiait les activités économique de façon centralisée. Mais cette situation fut atteinte sans que la direction n’eût à promouvoir une politique d’expropriation.
Un élément très important à prendre en considération est qu’il s’agissait d’un Etat très petit, avec une base économique très faible. Ce qui s’imposait alors, c’était un développement presque initial, on dirait une « accumulation primitive », voire, dans le cas de Kobané, la reconstruction de cette base très faible, afin de garantir un fonctionnement économique élémentaire.
La politique du PYD dans le domaine économique
Etant données les conditions objectives, la gestion du PYD aurait pu progresser dans cette accumulation primitive à travers la construction d’un petit Etat ouvrier. Nous serions alors en présence d’une variante très particulière de « l’hypothèse hautement improbable » soulevée par Trotsky dans le Programme de transition. Même dans ce cas, nous ne serions pas d’accord avec la définition de « socialisme de base » utilisée par certains courants. Essentiellement parce que, comme nous l’ont enseigné nos maîtres à penser du marxisme, on ne peut vraiment parler de « socialisme » que si l’on part, au minimum, du plus haut niveau de développement économique atteint par le capitalisme. De toute façon, nous serions confrontés à un stade très précoce d’une économie de transition vers le socialisme.
Que fit la nouvelle administration kurde ayant pris possession de toutes ces propriétés ? Il distribua une partie des terres à des coopératives auto-organisées qui travaillaient à l’expansion du bétail et à l’extenation et la diversification des cultures. Après avoir vaincu l’Etat islamique et étendu sa domination vers le sud, elle continua à extraire le pétrole (bien qu’avec de nombreuses difficultés à cause du manque de pièces de rechange), le raffinait en un diesel de mauvaise qualité et le vendait dans le canton respectif ou le distribuait aux coopératives et autres institutions.
La production des coopératives était vendue au détail ou achetée par l’administration centrale (qui contrôlait l’ensemble du processus et des prix). L’administration fournissait à chaque famille une ration de pain et de nourriture de base. (Voir Rojava : une révolution dans la vie quotidienne, de Rebecca Coles). À Kobané, et en partie à Jazira, l’attaque de l’Etat Islamiste soumit ce système à une « économie de guerre », mais à Afrin (non affecté par ces affrontements), il continua de se développer.
Dans une interview, Amaad Yousef, ministre de l’économie du canton d’Afrin, expliquait que la région avait toujours été caractérisée par la pauvreté car, de la part du gouvernement central syrien, « il n’était pas permis d’ouvrir des usines, ni de développer la moindre forme d’enrichissement de la région ».9 Au cours de ces années, plusieurs petits et moyens producteurs d’olives et d’huile d’olive fermèrent leurs portes.
Dans le même entretien, le ministre expliquait qu’à partir de la formation du gouvernement autonome, en plus de la relance des coopératives agricoles et de la petite production de diesel, il y avait déjà dans le canton « 50 usines de savon, 20 installations d’emballage d’olives, 250 usines de traitement de l’huile, 70 usines de fabrication de matériaux de construction, 400 ateliers textiles, 8 usines de chaussures, 5 usines de production de nylon, 15 usines de transformation du marbre », auxquelles s’ajoutaient deux moulins (pour traiter le blé) et deux hôtels. En outre, « un barrage a été construit pour fournir de l’eau potable ». Dans ce processus, la population du canton doubla, avec des Kurdes venant de Kobané ou revenant des villes syriennes, ainsi qu’un secteur d’Arabes non kurdes (cette population est estimée à 200 000). Selon Yousef, à cette époque, il y avait le plein emploi dans le canton.
Concernant le fonctionnement financier, le ministre expliquait qu’ils utilisaient encore la monnaie syrienne (la livre), mais que les banques d’Etat syriennes ne fonctionnaient plus et que des entités bancaires kurdes avaient été fondées dans les cantons. Le recouvrement d’intérêts était très contrôlé, bien que, selon ministre, « les gens épargnent en gardant leur argent sous l’oreiller ». Il ajouta pour finir que « le capital privé n’est pas interdit, il est compatible avec nos idées et notre système. Nous sommes en train de développer un système autour des coopératives et des communes. Cependant, cela ne prouve pas que nous sommes contre le capital privé. Ils se compléteront. Nous pensons que lorsque le système coopératif sera développé, un capital privé moral pourra être ajouté à certaines parties de l’économie. » Par exemple pour des travaux d’infrastructure, de plus grande envergure, tels qu’une usine et une installation de production d’engrais, il était prévu de faire appel aux capitaux internationaux.10
La Constitution du Rojava
Ce projet de capitalisme d’Etat fut incarné dans le Contrat Social (Constitution) approuvé dans le cadre de l’autonomie.11 En ce qui concerne l’économie et la propriété, il est établi que « les ressources naturelles, situées sur et sous terre, sont la richesse publique de la société. Les processus d’extraction, de gestion, de licences et autres accords contractuels concernant ces ressources seront réglementés par la loi. » En outre, il est établi que « les immeubles et les terrains sont propriété de la société » et « gérés par le gouvernement ». Il est établi également que tous les résidents ont « le droit d’utiliser leurs biens privés et d’en profiter ».
La Constitution affirme que « le système économique doit être orienté vers le bien-être général, et, en particulier, un financement est accordé à la science et à la technologie. Il visera à garantir les besoins quotidiens des personnes et à garantir une vie digne. Le monopole est interdit par la loi. Les droits des travailleurs et le développement durable sont garantis. » Pour finir, « le capital privé n’est pas interdit, mais bien en accord avec nos idées et notre système ».
En d’autres termes, sur la base spécifique que nous avons analysée (faible développement économique antérieur et très haut niveau de propriété de l’Etat), le projet de « confédéralisme démocratique » du PYD n’était pas d’avancer dans la construction d’un petit Etat ouvrier en transition vers le socialisme, mais bien de construire un Etat bourgeois « atypique », différent de ceux que nous connaissons habituellement, tant pour la base objective à partir de laquelle il est né que pour l’expression partielle de cette idéologie propre.
C’était un projet du genre que Trostky définissait dans son livre La Révolution trahie comme « capitalisme d’Etat » : « quand un Etat bourgeois prend le contrôle direct des entreprises industrielles ». Si l’on veut une analogie historique : il présente une certaine similitude avec ce qui s’est passé pendant toute une partie du 19e siècle au Paraguay, après son indépendance, avec les gouvernements de Gaspar Rodríguez de Francia, Carlos López et Francisco Solano López. Autrement dit, il ne s’agissait pas de construire une économie non capitaliste mais, une fois une certaine base productive établie, de développer le capitalisme.
Cette réalité s’explique à la fois par le caractère de classe petite-bourgeoise de la direction du PYD, et par celui de sa base sociale, également petite-bourgeoise, avec des secteurs à aspirations bourgeoises, en absence de la pression ou de l’action d’un prolétariat fort pour ses propres revendications et son propre programme.
Nous n’étions pas les seuls à percevoir ce caractère capitaliste du projet du PYD. Andrea Glioti est une journaliste italienne basée à Londres, qui sympathise avec le processus du Rojava. Elle s’est rendue dans la région et elle a passé plusieurs mois à voir cette expérience sur place et à relater. De retour à Londres, tout en étant sympathisante du processus, nous le répétons, elle publie un article pour la page d’Al Jazeera dans lequel elle adresse plusieurs critiques au gouvernement du PYD au sujet des fortes contradictions entre sa proposition « sur papier » et ce qu’il faisait en réalité : « La propriété privée est officiellement inscrite dans la Charte [la Constitution du Rojava], une disposition qui protège les privilèges des propriétaires fonciers tout en les encourageant à investir dans des projets agricoles parrainés par les autorités du Rojava. » En d’autres termes, le gouvernement du PYD impulsait l’émergence d’une « bourgeoisie foncière ».12
Ce fait a été confirmé par le magazine britannique The Economist qui analyse l’économie du Rojava et constate qu’elle commençait à être « viable » parce que, en plus d’assurer l’approvisionnement, elle avait déjà des excédents dans la production de pétrole brut, de bétail ovin, de céréales (on ne consommait que 30% de ce que se produisait) et de coton, un excédent qui commençait à être exporté par la frontière avec le Kurdistan irakien (Basur), ouverte dès les premiers mois de 2016.13
Le débat avec l’anarchisme et le « non Etat »
Dans notre article Sur la lutte du peuple kurde de décembre 2015, nous avons mené un débat avec des courants qui considéraient qu’au Rojava « des concepts anarchistes sont appliqués : gouverner et défendre un pays à partir de la base de la population et sans l’existence d’un Etat ». Avec eux, nous sommes dans le même camp de la défense du peuple kurde et nous soutenons sa lutte. Mais leur vision du processus était fausse, leurs propositions politico-militaires ne répondaient pas aux besoins de la lutte, et en cas d’être appliquées, elles ouvriraient une voie très dangereuse vers la défaite.
Le vieux débat entre marxistes et anarchistes refaisait ainsi surface, dans lequel nous réaffirmions la position de nos maîtres à penser : dans les conditions actuelles de développement de l’humanité, un pays ne peut être gouverné ni défendu sans un Etat et ses institutions.
Outre ce débat théorique, cette définition ne reflétait pas la réalité. Au Rojava, il y avait bel et bien un Etat qui, en réalité, était très fort par rapport à l’envergure du pays. Tout d’abord, il y avait une force armée à commandement centralisé (les YPG), le pilier principal de tout type d’Etat. Puis il y avait des institutions politiques centralisées en un parlement et un gouvernement. Enfin, cet Etat et ce gouvernement jouaient un rôle décisif dans la planification et la relance de l’économie.
L’existence d’un Etat étant établi, reste à préciser le type d’Etat dont il s’agit. Tout d’abord, son caractère de classe, un problème conceptuel que les anarchistes ne prennent pas en considération. Pour nous, comme nous l’avons déjà signalé, il s’agit d’un « Etat bourgeois atypique ».
Cela dit, quel est le mécanisme de fonctionnement de ses institutions ? Les définitions de l’anarchisme reposent sur une fausse prémisse : que tout Etat, quel que soit son caractère de classe, est l’instrument central d’exploitation et est donc antidémocratique. En conséquence, toute structure démocratique construite d’en bas vers le haut applique les principes anarchistes.
Cette fausse prémisse repose sur une double contradiction. D’une part, avec les démocraties bourgeoises, dans lesquelles la démocratie est effectivement de forme et non de contenu puisque, comme le définissait Marx, elles sont une forme déguisée de dictature bourgeoise. D »autre part, avec celle de l’URSS bureaucratisée par le stalinisme, dans laquelle il n’y avait pas de démocratie politique pour les travailleurs et les masses, et qui était présentée comme le « modèle du socialisme ». Mais cette URSS bureaucratisée était en réalité (dans le domaine des institutions politiques) une caricature profondément défigurée du véritable modèle des institutions et du fonctionnement d’un Etat ouvrier tel que nous le proposons pour la transition vers le socialisme.
Un modèle qui, sous la direction de Lénine et de Trotsky, fut mis en pratique entre 1917 et 1919, jusqu’à-ce qu’une guerre civile très dure ‑ provoquée par l’attaque conjointe de plusieurs armées impérialistes et des contre-révolutionnaires russes contre le jeune Etat ouvrier ‑ obligea à l’abandonner temporairement. Ce modèle était basé sur les soviets, les conseils des députés ouvriers et paysans, en tant qu’institution centrale.
Ce modèle constitue une démocratie construite à partir de la base : les travailleurs votaient pour leurs représentants dans les usines et les lieux de travail, et les paysans dans leurs assemblées. C’est-à-dire que des millions de personnes intervenaient directement dans la vie politique. À partir de là, des représentants étaient élus aux soviets de district, provinciaux et nationaux. Les représentants et les députés soviétiques pouvaient être révoqués et remplacés par leur base s’ils ne remplissaient pas le mandat voté lors des réunions et des assemblées. Le gouvernement central était élu par le soviet national qui, tout comme les niveaux inférieurs, fonctionnait à la fois comme un organe législatif et exécutif : il était responsable de la mise en œuvre des résolutions approuvées. C’était un Etat basé sur une démocratie construite d’en bas vers le haut et qui avait en même temps un contenu de classe : les ouvriers en alliance avec les paysans pauvres. La bourgeoisie, ou quiconque exploitait les travailleurs, ne pouvait ni voter ni être élu aux soviets, qui étaient en même temps destinés à réprimer la bourgeoisie et à l’éliminer en tant que classe.
Comme élément complémentaire, disons que la plupart des courants anarchistes russes de l’époque s’opposèrent à cette construction en raison de la prémisse de lutter contre toute forme d’Etat, bien que certains dirigeants ouvriers anarchistes la soutinrent individuellement. En fait, ces courants s’allièrent à l’opposition contre-révolutionnaire, et les secteurs les plus extrêmes commirent un attentat contre Lénine en 1918.
Comme nous l’avons dit, le gouvernement de Lénine et de Trotsky dût abandonner temporairement cette pleine démocratie à cause de la guerre civile, mais leur projet était de la reprendre complètement, une fois terminée cette guerre. Le stalinisme transforma « la nécessité en vertu » et progressa qualitativement dans la bureaucratisation de l’Etat et de ses institutions, disant que c’était ça « le vrai modèle ». Mais Trotsky et les trotskistes russes combattirent le stalinisme et la bureaucratisation de l’URSS, et tentèrent de défendre la démocratie soviétique. En tant que trotskistes, nous ne nous considérons pas comme responsables de la caricature construite et défendue par le stalinisme, ni de son échec.
Une question centrale : le problème militaire
Un autre débat avec les anarchistes concernait la question militaire qui, à l’époque, reposait sur des groupes de milices populaires. La structure de milices et les tactiques de guérilla propres à cette modalité peuvent être très efficaces, d’autant plus s’il existe une morale révolutionnaire et un soutien de masses, quand il s’agit d’une lutte défensive contre un ennemi qui, bien que militairement supérieur, manque de base populaire.
Si toutefois la tâche est supérieure et offensive, les milices ne peuvent pas être l’outil militaire central, bien qu’elles peuvent tres bien être un élément complémentaire. Les milices kurdes pouvaient défendre Kobané contre les forces de l’Etat islamique, mais pour le vaincre définitivement, un outil militaire supérieur était nécessaire : une armée complète, avec ses divisions et un commandement stratégique centralisé. La réalité a montré qu’il en était bien ainsi : pour vaincre l’EI, les FDS (Forces Démocratiques Syriennes) ont été constituées sur la base des YPG, une véritable armée centralisée.
Ce que nous disions concernant l’EI était encore plus valable lorsque la tâche était de lutter contre les forces du régime d’Assad (soutenues par les troupes russes), et surtout lorsqu’il s’agit de lutter pour un Etat kurde unifié, qui devra faire face à l’armée turque et à l’iranienne. Peu après, la réalité rendit la lutte contre l’armée turque une nécessité immédiate.
Proposer des milices populaires comme forme éternelle, la formule pour un non-Etat, est un idéalisme utopique qui ne prépare pas la construction de l’outil militaire nécessaire aux tâches politiques posées par la réalité. C’est par contre un chemin sûr vers la défaite.
Une « démocratie à partir de la base » ?
Au delà de ces débats sur la théorie politique, l’économie du Rojava et les questions militaires, cette vision des anarchistes se heurta au fonctionnement profond des institutions qui existaient dans cet Etat.
Quand le PYD disait qu’il était en train de construire une « démocratie populaire » au Rojava, avec une structure pyramidale de comités populaires définissant la politique « d’en bas vers le haut », pour les anarchistes c’était vrai. Cette description ne correspondait pourtant pas à la réalité. Premièrement, la force dominante au Rojava, le PYD-PKK, conservait depuis son époque stalinienne-maoïste une structure d’intervention « d’en haut vers le bas », fortement centralisée. Et dans la pratique, elle transféra ce mécanisme au nouvel Etat et à ses institutions.
Dans une interview très intéressante, Joseph Daher, un analyste politique syrien de gauche, affirma que « le PYD maintient l’autorité suprême de décision, réduisant les Conseils à un rôle essentiellement symbolique pour tout ce qui dépasse la distribution de carburant et de l’aide humanitaire. L’institution municipale, un des éléments clés du système du nouveau Rojava, dont le rôle est de fournir l’aide humanitaire aux habitants des environs, a été accusée de servir à renforcer le contrôle des organisations liées au PYD. »14
Et entre-temps, le PYD réprimait systématiquement les partis qui lui faisaient opposition politiquement (comme les Yekiti et le CNK) et les opposants non alignés à son parti. Il y avait plus de cent prisonniers politiques, des chefs de l’opposition furent expulsés du Rojava, et des médias furent fermés, comme la radio indépendante Arta en 2014 et en 2016, etc. Ces informations ont été confirmées par plusieurs sources fiables : les articles déjà cités de Joseph Daher et de Andrea Glioti, ainsi que l’excellent ouvrage de Robin de Yassin-Kassab et Leila al-Shami à propos du conflit syrien.15 Il s’agit d’une répression systématique en défense d’un Etat bourgeois, qui nie dans la pratique la « démocratie d’en bas » que le PYD se dit construire au Rojava.
Les dangereuses alliances faites par le PYD
La caractérisation politique et de classe de la direction du PYD est très importante pour comprendre à la fois le type d’Etat qu’elle construisait au Rojava, et la politique d’alliance qu’elle développait pour défendre et consolider cette autonomie, une question que nous avons abordée dans plusieurs articles. Nous nous référons, d’une part, à la trêve de fait avec le régime dictatorial d’Assad, qu’elle avait instaurée à partir de 2012, et d’autre part au fait de mettre l’alliance avec l’impérialisme étasunien au centre de sa politique.
Cette collaboration commença à se forger dans la lutte contre l’Etat islamique pour la défense de Kobané, et elle se renforça ensuite lors du siège et de la prise de Racqa par les Forces Démocratiques Syriennes, qui reçurent d’importantes fournitures d’armes, un entraînement et un soutien aérien des Yankees.
Pour nous, il s’agit d’une question tactique et non de principe qu’un mouvement luttant dans un camp militaire progressiste reçoive des armes de l’impérialisme. C’est une tactique valable si elle est utile à ce combat. Ce fut le cas, par exemple, pour les forces combattant l’invasion japonaise en Chine pendant la Seconde Guerre mondiale, ou pour l’exigence que les impérialismes « démocratiques » (les Etats-Unis, l’Angleterre et la France) envoient des armes aux républicains espagnols dans leur guerre contre les fascistes.
Le problème commence quand on cesse de dire aux masses qu’il ne s’agit que d’une coopération occasionnelle, un court épisode de coïncidence temporaire avec notre principal ennemi que nous devrons certainement combattre à l’avenir. C’est pire encore lorsqu’on appelle à faire confiance à cet ennemi. Tel est le chemin emprunté par le PYD / PKK.
Au cours des années précédentes, nous avons signalé que cette politique impliquait une cécité stratégique. L’impérialisme peut utiliser divers pions dans les tactiques régionales avec lesquelles il défend ses intérêts. Mais ce ne sont que cela, des pions qui seront sacrifiés dès qu’ils ne seront plus nécessaires, comme ce fut le cas avec les talibans en Afghanistan. La réalité actuelle, l’attitude du gouvernement étasunien face à l’attaque turque, a démontré très vite la justesse de cet avertissement.
Entre-temps, la politique du PYD d’établir une trêve de facto avec le régime d’Assad a isolé les Kurdes du Rojava de ceux qui devraient être leurs véritables alliés : les secteurs les plus progressistes des forces rebelles combattant la dictature. Pire encore, lorsque les YPG / FDS avancèrent en territoire non kurde, ils ont souvent combattu ces forces et expulsé violemment les populations arabes syriennes.
Ce fut le cas, par exemple, en 2017, lorsque les FDS tentèrent de profiter de la bataille pour le contrôle d’Alep afin d’établir un couloir de liaison entre les cantons d’Afrin et de Jazira, une tentative qui fut vaincue par une invasion préalable de l’armée turque. Cette très grave erreur politico-militaire du PYD contribua à ce que de nombreuses forces rebelles considèrent les Kurdes comme des « ennemis », et elle contribua également à justifier la politique tout aussi erronée de certains bataillons de l’ALS (l’Armée Libre Syrienne combattant le régime d’Assad), de faire partie de l’attaque réactionnaire turque contre les Kurdes.
Le moment actuel
La situation en Syrie est un « polygone de forces » complexe et changeant. Ces forces interviennent et définissent leur politique dans une combinaison d’intérêts stratégiques et de besoins conjoncturels et spécifiques. Le « jeu d’échec syrien » non seulement change constamment dans les domaines territoriaux que chaque secteur détient, mais aussi dans les alliances et accords en cours de configuration. Dans ce jeu, nous ne devons jamais oublier que, comme aux échecs, il y a des rois, des fous et des pions.
Donc, si nous observons objectivement ce cadre complexe, une chose saute à l’œil : derrière l’attaque turque, il se cache un accord contre-révolutionnaire entre Erdoğan, Poutine, Trump, Assad et les ayatollahs iraniens, contre les Kurdes. C’est le même accord qui contribua à infliger de lourdes défaites à une partie importante des rebelles syriens, et à renforcer Assad.
Il ne sert à rien de déplorer que Trump les ait « poignardés dans le dos ».16 C’était quelque chose qui pouvait être anticipée depuis de nombreuses années. Il n’y a pas que nous qui l’avons dit. Manuel Martorell, auteur du livre Kurdos, publié en 2016, avait anticipé l’année dernière, avant l’attaque turque, que : « ce qui s’est passé à Afrin va se répéter dans le nord de la Syrie. […] Cela provoquera un terrible désastre humanitaire. Peut-être que des millions de personnes devront fuir par la frontière avec l’Irak.[…] Les Etats-Unis ont fait comme toujours, ils ont suivit leurs intérêts stratégiques. »17
C’est une conclusion que les Kurdes doivent tirer clairement : les « grandes pièces » (les EE.UU. et la Russie) font leur propre jeu en défense de leurs intérêts, et les « pions » peuvent toujours être sacrifiés. L’aveuglement stratégique de la direction du PYD / PKK concernant la politique et les alliances (trêve avec le régime al-Assad, rejet d’une alliance avec les rebelles syriens, priorité accordée au soutien de l’impérialisme étasunien) coûte désormais très cher.
Certes, le peuple et les milices kurdes du Rojava se battront avec l’héroïsme qu’ils ont démontré les années précédentes contre l’Etat islamique. Mais malgré la grande sympathie que leur lutte a suscité dans le monde, leur situation est très difficile : ils sont attaqués par l’armée turque, bien supérieure en troupes et en armes ; ils sont affaiblis dans leurs approvisionnements ; et les dirigeants kurdes ont dû conclure un accord avec le régime Assad et les forces russes.
Nous savons que bien des fois, lorsque les conditions sont extrêmement difficiles, la lutte militaire exige la conclusion d’accords temporaires qui ne sont pas agréables, comme cette unité d’action militaire objective avec les forces russes et le régime d’Assad, afin de ne pas être massacrés. Face à cela, nous réitérons l’avertissement que nous avons lancé concernant l’impérialisme yankee.
En 2015, nous écrivions: « La politique internationale de la direction du PYD est erronée et dangereuse. Une aile majoritaire propose une alliance avec Poutine et la Russie (dont le véritable axe aujourd’hui est d’attaquer les rebelles anti-Assad). Un autre secteur propose d’approfondir une alliance avec l’impérialisme yankee (selon le modèle du leader kurde irakien, Barzani). Ce sont des politiques qui peuvent temporairement offrir certains avantages, mais qui ne prennent pas en considération qu’à l’avenir, les Kurdes du Rojava seront à nouveau la « monnaie d’échange » de ces « alliés » dans le jeu suprême de leurs intérêts en Syrie et au Moyen-Orient. Le terrain conquis au Rojava par les Kurdes ne peut être véritablement défendu que si, d’une part, l’alliance avec les rebelles syriens (qui contribua à vaincre l’Etat islamique de Kobané) s’approfondit et s’étend à la lutte pour renverser Assad, et d’autre part, cette alliance sert de plateforme pour faire avancer la lutte pour un Etat kurde unifié. Le Rojava survivra comme composant de cette lutte régionale (et plus généralement, de la révolution au Moyen-Orient), ou il sera, malheureusement, condamné à périr. »
Nous déplorons que cette prévision se soit réalisée : l’embryon de l’Etat du Rojava n’existe plus ; et l’objectif d’obtenir un Etat kurde unifié est aujourd’hui encore plus éloigné. De nombreux ennemis ont combattu une avancée en ce sens, mais la politique de la direction du PYD / PKK a contribué à cette défaite.
Dans ce contexte, il est nécessaire que le peuple kurde comprenne que la fin de l’oppression dont il souffre, et la conquête de son propre Etat, ne seront jamais atteintes par Trump ni par Poutine. Bien qu’on puisse profiter des contradictions entre ceux-ci, ils seront toujours stratégiquement les ennemis de ce peuple, et ils préféreront toujours maintenir en jeu leurs fous (comme Assad, Erdoğan ou les ayatollahs iraniens) plutôt que les pions.
Tout d’abord, la lutte des Kurdes ne peut réussir qu’avec l’unité du peuple kurde lui-même, quel que soit le pays dans lequel il est opprimé. Il faut exiger des peshmergas de Basur d’aller défendre leurs frères du Rojava. Il faut exiger des milices du PKK en Turquie d’aller au-delà des simples déclarations et d’apporter, dans la mesure du possible, leur soutien de l’autre côté de la frontière.
Deuxièmement, il est très important que les Kurdes du Rojava comprennent que la politique suivie par le PYD-YPG-FDS (faire une trêve avec Assad et attaquer les bataillons de rebelles syriens et des populations qu’ils contrôlent) était un crime politique. Il un virage de 180 degrés dans cette politique, et la recherche d’une alliance avec les secteurs les plus progressistes des forces d’opposition à Assad qui se battent encore. Enfin, il faut appeler à la solidarité internationale des travailleurs et des masses du monde entier.
Nous voulons terminer, tout d’abord, en réaffirmant notre position de soutien et de défense du camp militaire kurde contre l’attaque turque approuvée par Trump, et nous appelons à une grande campagne internationale unitaire pour cela.
Deuxièmement, nous nous battons et nous continuerons à le faire, pour le droit à l’autodétermination du peuple kurde et pour la construction d’un Etat fédéral unifié de ce peuple, actuellement dispersé dans la Syrie, la Turquie, l’Iran et l’Irak.
Troisièmement, compte tenu de la position des directions kurdes (tant le PKK / PYD que le PDK) qui ont abandonné cette lutte, il est plus que jamais nécessaire de construire une direction révolutionnaire kurde disposée à la mener à la victoire.
Enfin, nous pensons que cette tâche de construction d’un Etat kurde unifié ne peut être accomplie que dans une lutte commune avec tous les travailleurs et peuples du Moyen-Orient, dans la perspective de former une grande fédération de républiques socialistes des nations arabes et musulmanes.
Nous mettons cette proposition de bilan au service de l’objectif de développer cette lutte vers la victoire.
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1 https://litci.org/es/menu/mundo/medio-oriente/siria/la-victoria-del-pueblo-kurdo-en-kobane/
2 https://litci.org/es/menu/opresiones/mujeres/la-lucha-de-las-mujeres-kurdas/
3 https://litci.org/es/menu/mundo/europa/turquia/repudiamos-el-ataque-del-ejercito-turco-contra-rojava-kurdistan-sirio/
4 https://www.esquerda.net/artigo/carta-solidaria-com-rojava/63895
5 https://litci.org/es/menu/mundo/medio-oriente/siria/rojava-kurdistan-sirio-un-estado-burgues-atipico-parte-1/
6 https://litci.org/es/menu/mundo/medio-oriente/siria/rojava-kurdistan-sirio-las-alianzas-peligrosas-del-pyd/
7 La serie complète des articles sur le Kurdistan est disponible dans https://litci.org/es/categoria/menu/mundo/medio-oriente/kurdistan/. Nous recommandons spécialement « Sobre la lucha del pueblo kurdo ».
8 https://litci.org/es/menu/mundo/medio-oriente/irak/masivo-plebiscito-la-independencia-basur-kurdistan-iraqui/
9 Publié initialement dans Özgür Günden et partiellement reproduit dans l’article de Leandro Albani, dans une édition spéciale du bulletin Resumen Latinoamericano Incógnitas, desafíos y realidades – La economía en Rojava, territorio liberado kurdo.
10 http://www.economist.com/news/middle-east-and-africa/21628887-syrias-kurds-are-enjoying-more-autonomy-striking-out-their-own
11 https://rojavaazadimadrid.org/contrato-social-de-la-federacion-democratica-del-norte-de-siria/
12 http://www.aljazeera.com/indepth/opinion/2016/08/rojava-libertarian-myth-scrutiny-160804083743648.html
13 http://www.economist.com/news/middle-east-and-africa/21628887-syrias-kurds-are-enjoying-more-autonomy-striking-out-their-own
14 https://syriafreedomforever.wordpress.com/2016/11/28/le-mouvement-national-kurde-en-syrie-objectifs-politiques-controverses-et-dynamiques/ (original en francais)
15 Yassin-KassabB, Robin et al-Shami, Leila, Burning country: Syrians in Revolution and War, Pluto Press, New York, 2016.
16 https://www.youtube.com/watch?v=dAt3fmVmSW0
17 https://elpais.com/internacional/2019/10/15/actualidad/1571149380_027433.html