Donald Trump a entamé ses premières semaines en tant que président des Etats-Unis. On peut qualifier de différentes façons ce qui se passe ces jours-ci, mais certainement pas de tranquille.
D'une part, Trump a publié une salve de décrets (executive orders) sur divers sujets, en essayant de prouver qu'il voulait frapper vite et que ses propositions de campagne n'étaient pas que des promesses. D'autre part, la division entre les différents secteurs de la bourgeoisie étasunienne (et mondiale) s'est accentuée ; et il y eut – événement sans précédent dans l'histoire du pays pour un président qui vient de prendre ses fonctions – de nombreuses manifestations importantes dans tout le pays contre son gouvernement et contre certaines de ses mesures. Les Etats-Unis semblent être entrés dans une de ces périodes où l'histoire s'accélère et se concentre, et où se produisent des situations nouvelles et inimaginables.
Nous publions sur notre site (onglet International / Etats-Unis) une série d'articles de Alejandro Iturbe, de la LIT-QI. Voici des extraits des deux premiers (du 24.2.2017 et du 2.3.2017).
Une hypothèse qui commence à se confirmer
Plusieurs articles de la LIT-QI ont analysé le fait que l'élection de Trump était l'expression d'éléments croissants de crise dans le système politique de la bourgeoisie impérialiste étasunienne et de ses deux partis (le républicain et le démocrate) ; que la base objective de ce processus était la détérioration continue des conditions de vie des travailleurs et des masses étasuniennes, et donc la fin du « rêve américain » (le progrès économique constant) pour les masses, gage de stabilité de ce régime. Cela se manifeste dans une méfiance croissante envers le système politique à deux partis, que de plus en plus de secteurs des masses voient comme le système du « 1 % riche » (comme disait le mouvement Occupy).
Dans le cas du parti démocrate, ce mécontentement se manifeste à l'intérieur et à l'extérieur du parti. Tout d'abord, dans le score élevé de Bernie Sanders, qui se présentait comme « de gauche » lors des primaires. Par la suite, Sanders a abandonné ses adeptes, puisqu'il a appelé à voter pour Hillary Clinton et refusé de promouvoir une alternative indépendante, en faisant valoir que cela « ouvrirait la porte à Trump ».
Enfin, lors des élections, cela s'est manifesté d'abord dans l'appréciation négative voire le rejet des deux candidats chez de nombreux électeurs potentiels ; et, ensuite, dans le pourcentage élevé d'électeurs « mécontents » du manque d'options disponibles.
Voilà autant d'éléments de crise du régime, affectant de façon inégale les deux partis. Depuis la défaite du projet de Bush Jr., ces éléments étaient beaucoup plus profonds chez les républicains, divisés en trois fractions presque autonomes : l'ancienne Garde républicaine (autour de figures comme Bush ou McCain), le Tea Party, et le secteur pro-Trump. Les démocrates étaient moins divisés, mais la frustration autour d'Obama et ses promesses, et le manque total de charisme de Hillary Clinton se sont manifestés dans l'usure électorale et la rupture d'un segment minoritaire mais non négligeable de leur électorat. Cela s'était déjà manifesté dans des processus indépendants de mobilisation tels ceux de la communauté et de la jeunesse noires (la traditionnelle base démocratique) contre la violence et les assassinats de la police.
L'apparition de Trump et sa victoire électorale s'expliquent comme une expression de ce processus, dont il a su profiter avec sa démagogie populiste, remportant la présidence avec le soutien d'une partiede l'électorat.
Nous notons que, bien que la possibilité que Trump mette en échec le mouvement de masse et puisse ouvrir de ce fait une période de stabilité réactionnaire soit réelle, nous crûmes que l'hypothèse la plus probable était que son gouvernement aggraverait le cadre de crise.
Pour cette deuxième hypothèse, nous considérions que les propositions de Trump allaient, d'une part, entrer en conflit avec la politique que les secteurs centraux de la bourgeoisie impérialiste étasunienne et mondiale étaient en train de mettre en œuvre (moyennant la réaction démocratique). Et que la mise en œuvre de ces propositions ouvrirait un clivage profond avec ces secteurs bourgeois.
D'autre part, en transformant ces propositions en mesures concrètes, il y avait la possibilité d'une réponse du mouvement de masse, déjà en germe dans les manifestations du jour où le résultat des élections était connu. Bien que la durée de gouvernement soit encore très courte et qu'il serait prématuré d'avancer des conclusions fermes, il nous semble que les évènements de ces semaines semblent confirmer l'hypothèse ci-dessus.
A cet égard, Trump et ses mesures approfondissent la polarisation de la politique et dela lutte de classes, accentuant les processus vers la gauche et vers la droite dans la superstructure et dans les secteurs sociaux, processus pointant déjà à l'horizon tout au long de la période précédente.
Le profil de Trump
Nous devons qualifier politiquement et idéologiquement le gouvernement dirigé par Trump comme d'extrême droite, bien qu'il ne fasse pas appel à des méthodes fascistes. Il a commencé d'emblée à décharger des coups durs sur les masses. Mais il ne naît pas comme un gouvernement fort. Tout d'abord, à cause des divisions interbourgeoises qui s'y manifestent. Deuxièmement, pour avoir obtenu moins de voix populaires qu'Hillary Clinton et n'avoir comme base que 25 % de l'électorat potentiel. Troisièmement, pour n'avoir réuni que 40 % d'approbation dans les sondages au moment de son investiture, le pourcentage le plus faible pour un gouvernement fraîchement installé, depuis que cet indice est mesuré. Avant même son entrée en fonction, il a dû faire face à des protestations.
D'autre part, il a le soutien de certains secteurs bourgeois (comme nous le verrons par la suite), ainsi que d'une partie importante des travailleurs blancs, qui ont des espoirs en lui. Et il a aussi le soutien d'une partie importante de la bureaucratie syndicale (exprimé par la direction de l'AFL-CIO), tandis qu'une autre, sans le soutenir, reste passive ou paralysée.
Dès qu'il a eu les rênes en main, Trump a commencé avec une vague de décrets pour montrer que ce qu'il avait dit au cours de la campagne électorale n'était pas du blabla et qu'il agirait rapidement. Il y a là un facteur qui, sans être le centre des processus historiques, devient maintenant très important : le rôle des individus et de leur personnalité, dans la mesure où Trump dirige maintenant le gouvernement du principal Etat impérialiste. Trump arrive en politique "de l'extérieur" (c'est un outsider). Il est un important homme d'affaires qui a l'habitude de gérer de façon arbitraire ses entreprises et qui dispute avec acharnement les affaires et les parts de marché. Un profil psychologique qui s'est manifesté dans son émission de télévision The Apprentice (dans laquelle plusieurs candidats sont en compétition pour une place de cadre junior dans ses entreprises), quand il éliminait un participant avec la phrase « You are fired » (vous êtes viré).
Jusqu'à sa candidature en tant que précandidat présidentiel républicain, sa relation avec la politique impérialiste bourgeoise était de financer des candidats et d'acheter (ou de s'assurer) des mesures qui favorisent ses entreprises. C'est un homme de faible niveau de culture générale, qui ne comprend pas les facteurs structurels et superstructurels complexes qui se combinent dans la politique internationale et nationale, et qui ne connaît pas de l'intérieur les mécanismes de négociation permanente de la démocratie bourgeoise. Moins encore comprend-il les processus de la conscience des masses, en particulier ceux qui génèrent la lutte de classes.
Quand il s'agissait d'affronter d'abord l'appareil républicain, puis le démocrate, Trump a utilisé habilement la crise de ces partis, et il est devenu le président élu. Mais quand il s'agit de gouverner, cette autosuffisance et la politique qui en découle entrent en collision avec les limites de la réalité, et il doit déjà en supporter le coût. Pire, il semble agir comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Voilà pourquoi toute définition tranchante serait prématurée. Il nous semble que tend à se confirmer l'hypothèse d'une aggravation des deux processus (des éléments de crise du régime et l'augmentation de frictions interbourgeoises, d'une part, et une possible montée des travailleurs et des masses d'autre part). Comme nous l'avons dit, il s'agit d'une situation en grande partie sans précédent aux Etats-Unis. Ce n'est donc que le premier d'une série d'articles dans lesquels nous allons développer les divers aspects de cette nouvelle réalité.
Trump et la bourgeoisie étasunienne
Voyons deux exemples. Trump a exigé de la General Motors (GM) et de Toyota de transférer leurs usines du Mexique (spécialisées dans les petites voitures) vers les Etats-Unis, et a menacé d’appliquer un impôt de 20 % à l’importation de ces voitures en cas de refus. La société japonaise Toyota (deuxième entreprise automobile mondiale) a répondu que Trump n’avait pas le pouvoir de décider où leurs voitures seraient fabriquées. GM (liée et dépendante de l’Etat yankee depuis sa « reconversion », il y a quelques années) va peut-être se voir obligée d’obéir et de fermer son usine au Mexique. Mais elle prépare déjà les conditions pour remplacer cette production par ses usines au Brésil et en Argentine.
Ce qui est certain, c’est que ces décisions ont généré un véritable chaos dans l’application du « muslim ban ». Les politiques locales (dépendantes des municipalités), se divisent, selon l’orientation donnée par les maires, entre celles qui ne l’appliquent pas et celles qui le font. Il s’est passé la même chose avec les autorités aéroportuaires. De son côté, le DHS (Département de la Sécurité Intérieure, un organisme fédéral) s’est discipliné à Trump et l’a mise en application. Tout cela s’est passé dans le cadre de mobilisations contre la mesure, qui ont encerclé les aéroports et, dans le cas de l’aéroport JFK (New York), avec une grève du syndicat des taxis et l’affluence de nombreux avocats venus assister gratuitement les détenus. Même Sally Yates, procureur fédéral des Etats-Unis, a ordonné aux avocats du département de la Justice de ne pas donner suite à cet ordre, la considérant « inappropriée ». Elle fut relevée de ses fonctions par Trump peu de temps après.
Même si le décret était approuvé par la Cour Suprême, cela n’éliminerait pas deux éléments. D’un côté, l’important coût politique et institutionnel qu’il payera pour cela. De l’autre, le fait que les organisations qui ont appelé aux mobilisations dans les aéroports ont déjà annoncé qu’elles recommenceraient si de nouvelles détentions et interdictions d’entrées dans le pays devaient se reproduire.
http://economia.estadao.com.br/noticias/geral,as-multinacionais-em-maus-lencois,70001645932
Ce qui a mené à appeler cette orientation de “Trumpeconomics”, en analogie avec la “reaganomics.
No al Veto. No al Muro. ¡Refugio para todos! – http://litci.org/es/mundo/norteamerica/estados-unidos/no-al-veto-no-al-muro-refugio-para-todos/