La résolution approuvée par le Directoire national du PSOL sur la relation avec le gouvernement Lula est apparemment assez confuse. A tel point qu’elle a permis aux deux secteurs, dont les positions paraissaient également antagonistes, d’affirmer publiquement que la résolution donnait la victoire à leur secteur.
Par Júlio Anselmo
Lors du débat qui s’est tenu au PSOL le 12 décembre, il y avait deux positions en débat. Le 17, une résolution pratiquement unitaire a été approuvée. Pour comprendre le caractère douteux de la résolution du PSOL, il suffit de se rendre compte qu’en cinq jours, ce parti est passé d’un débat avec des positions différentes à une résolution commune votée par tous. Comment cela a-t-il été possible ? Nous allons tenter de répondre à cette question.
Lors du débat, la direction majoritaire disait clairement qu’elle défendait le soutien au gouvernement Lula et l’entrée au gouvernement, y compris l’acceptation de postes. Ils défendent l’idée selon laquelle le gouvernement serait un front de différentes classes sociales et que celui-ci ferait l’objet d’une bagarre interne, ce qui n’est pas vrai ; et nous avons polémiqué sur ce point dans un autre article [lire ici]. Et même Luiz Araújo, ancien président du PSOL, a déclaré que les opposants au principe de se bagarrer au sein de ce gouvernement devaient rejoindre le PSTU. Tandis que d’autres secteurs se sont positionnés contre l’entrée au gouvernement. Il s’agit du MES[1], du camp Semente[2] (Resistência[3] et Insurgência[4]), ainsi que de la CST[5].
Une résolution qui sert tous les secteurs du PSOL n’a été possible que parce de manière générale, tous les secteurs ont un accord politique et stratégique commun : soutenir le gouvernement Lula. A tel point qu’il a été défini comme formant partie de de la base alliée du gouvernement au sein du Congrès national. Les différences qui ont existé sont donc tactiques, dans un cadre où tout le monde est d’accord avec une politique de soutien à un gouvernement bourgeois.
Les secteurs opposés à l’entrée au gouvernement disent que le problème est que cela mettrait fin à l’indépendance ou à l’autonomie du PSOL. Le problème, c’est que la question n’est pas de savoir si le PSOL a soi-disant une « autonomie » ou non, car il n’existe pas de telle « autonomie » et encore moins d’indépendance, quand on fait partie de la base du gouvernement (que l’on ait des ministres ou non). Il s’agit donc d’une question du type « opposition ou situation ». En d’autres termes, de soutenir, ou non, un gouvernement bourgeois. Il n’y a pas de positionnement intermédiaire.
Cette argumentation-là donne des munitions au secteur majoritaire qui affirme que l’entrée au gouvernement ne signifie pas une perte d’indépendance ou d’autonomie, et la preuve en serait précisément que le PSOL ne soutiendra pas Arthur Lira (PP)[6] pour la présidence de la Chambre fédérale, contrairement à ce que fera le PT. En fait, tout parti qui fait partie d’un gouvernement peut voter contre le gouvernement sur des questions spécifiques au Congrès. Cela se produit avec tout parti qui choisit d’entrer au gouvernement. On a même vu des secteurs qui entraient dans la composition du gouvernement voter pour la mise en accusation de « leur gouvernement ».
En d’autres termes, tous les secteurs disent qu’ils soutiennent le gouvernement. Tous les secteurs disent qu’ils défendent l’autonomie et l’indépendance du PSOL. De même que tous les secteurs disent qu’ils doivent mener des luttes en dehors du gouvernement, mobiliser les mouvements sociaux, etc. La différence entre eux est de savoir si cela se fait avec ou sans postes dans l’administration fédérale.
Ce problème de postes au gouvernement n’est pas mineur. Mais même ici, la résolution autorise les affiliés et les dirigeants du PSOL à accepter les postes à condition qu’ils se mettent en congé de la direction du PSOL. En d’autres termes, ils essaient de créer une barrière légale/formelle où un éventuel ministre ou cadre du PSOL qui est au gouvernement n’influence pas les organes du parti.
Quelqu’un croit-il que cela préserverait le PSOL de l’influence et la pression politique sur ses membres en congé de parti qui seraient en fonction ? Si Sonia Guajajara[7] ou Boulos[8] acceptent d’être ministres, ou d’autres postes, étant mis en congé des organes du PSOL, n’auront-ils pas d’influence sur le cours politique du parti? Il est évident qu’il y aurait d’autres personnes liées à eux et présentes à la direction nationale et dans d’autres organes pour « porter leur politique ».
Le MES affirme qu’il s’agit d’une victoire de la minorité sur les dirigeants de la majorité, car ceux-ci ont été contraints d’utiliser un jeu de mots pour accepter des postes et ne pas le déclarer ouvertement. Mais même le cadre dans lequel s’est déroulé le débat est déjà une victoire de l’aile majoritaire sur la minorité, étant donné que le soutien au gouvernement est traité comme un fait accompli.
Le secteur qui s’oppose à l’entrée au gouvernement souffre d’une forte contradiction. Parce qu’en capitulant sur ce qui est stratégique, c’est-à-dire sur la définition du caractère de classe du gouvernement et aussi sur le soutien politique à celui-ci, ils sont incapables de fonder leur tactique consistant à rester en dehors du gouvernement. En maintenant le débat sur le terrain de la tactique pour la tactique, ils donnent raison à l’aile majoritaire du PSOL.
Ce qui justifie de ne pas entrer dans le gouvernement Lula n’est pas tactique. Il s’agit d’un problème stratégique et de principes, qui est lié au caractère de classe du nouveau gouvernement. Le problème du soutien au gouvernement, même sans y entrer, de la soi-disant bagarre à mener au sein de ce gouvernement, et d’autres choses de ce genre, est une politique qui transcende la barrière des classes. Car le gouvernement Lula-Alckmin-Biden-Boulos n’est pas celui de la classe ouvrière.
[1] MES : Movimento Esquerda Socialista (Mouvement gauche socialiste): courant de la gauche du PSOL, depuis sa fondation, représenté notamment par Luciana Genro, ancienne candidate à la présidence de la République pour le PSOL en 2014. Celle-ci avait été exclue du PT en 2003 pour avoir refusé de voter pour la contre-réforme des retraites de Lula.
[2] Semente: (graine, semence). Nom d’une plateforme constituée par plusieurs tendances et groupes du PSOL pour son 7e congrès.
[3] Resistência: courant du PSOL qui l’a rejoint après avoir scissionné du PSTU et formé le MAIS en 2016, et marqué notamment par la figure de son animateur le plus connu, Valério Arcary.
[4] Insurgência (Insurrection): tendance interne du PSOL formé en 2013.
[5] CST: Corrente Socialista dos Trabalhadores (Courant socialiste des travailleurs). Courant d’origine moréniste (Même origine que le MES qui s’en est séparé), restée au PT lorsque s’est formé le PSTU en 1994, d’emblée située dans la gauche du PSOL à la fondation de celui-ci. Sa figure la plus connue est le député Babá, exclu du PT en 2003 pour avoir refusé de voter pour la contre-réforme des retraites de Lula.
[6] Politicien bourgeois bien ancré à droite, bien trempé dans les bassesses politiciennes, voulu par Lula comme président de la Chambre des députés.
[7] Sônia Guajara : militante du PSOL, autochtone de la tribu des Guajarara, engagée sur les questions de défense de l’environnement.
[8] Guilherme Boulos : dirigeant du PSOL qui s’est fait connaitre comme dirigeant de lutte du mouvement des sans-toits.