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dimanche, décembre 22, 2024

La LIT-QI et la lutte contre les oppressions

Le capitalisme, un système décadent et destructeur, rejette toutes ses crises et ses horreurs sur les travailleurs et la majorité de la population de la planète. Le chômage, la faim, la violence, les guerres, l’incarcération de masse et le génocide de jeunes noirs et pauvres de la périphérie des grandes villes, les féminicides et les crimes de LGBTI-phobie, la persécution des immigrants, l’expropriation des peuples autochtones… Voilà ce que le capitalisme a à offrir à tous les exploités et opprimés, tandis qu’une poignée de super-riches accumulent encore plus de capital et paradent dans les listes de milliardaires du magazine Forbes.

Par: Érika Andreassy

Les inégalités et les conséquences de la crise économique, sociale, sanitaire et environnementale frappent le plus durement les secteurs les plus exploités et opprimés de la classe ouvrière. D’autre part, l’augmentation de l’exploitation et de l’oppression augmente également la prise de conscience et les luttes contre elles. La classe ouvrière résiste depuis longtemps, menant des grèves, des révoltes et des révolutions, renversant des gouvernements, montrant qu’elle n’est pas prête à payer le prix de la crise capitaliste. Les opprimés – jeunes, immigrants, femmes, noirs, LGBTI, autochtones et autres – ont fait partie de l’avant-garde de ces processus, et la résistance et la haine contre les oppressions sont souvent le déclencheur même de luttes et de rébellions.

Le soulèvement contre le racisme aux États-Unis dans le contexte de l’assassinat de George Floyd, la résistance du peuple ukrainien contre la guerre de Poutine, la révolte des femmes iraniennes pour la liberté, la lutte pour le droit à l’avortement et le soulèvement des autochtones en Amérique latine ne sont que quelques exemples de ces luttes massives et généralisées, contre les oppressions qui sont fomentées et reproduites par le système capitaliste-impérialiste mondial en crise et en décomposition. Un système qui a de plus en plus besoin des oppressions pour surexploiter, piller et diviser le prolétariat et le dominer. Ces luttes montrent également l’énorme importance de cette question pour la classe ouvrière et les révolutionnaires.

Le capitalisme : un système d’exploitation et d’oppression

Dans le capitalisme, l’oppression joue plusieurs rôles : elle permet l’augmentation des profits des capitalistes grâce à la surexploitation de certains secteurs de la classe ; elle maintient une armée de réserve permanente qui exerce une pression sur les salaires, ce qui fait pression sur le niveau de vie de l’ensemble de la classe et le fait baisser ; elle garantit la reproduction du travail salarié grâce au travail non rémunéré effectué par les femmes dans la sphère familiale ; et elle garantit la domination bourgeoise en encourageant les idéologies réactionnaires et les comportements qui dégradent et subordonnent une partie de la classe et la maintiennent dans une situation d’infériorité et de désavantage, fournissant ainsi une couverture à ce système hiérarchique et intrinsèquement oppressif.

Le capitalisme est incapable de résoudre définitivement les problèmes d’oppression, car ceux-ci font partie de sa nature même. Il est vrai qu’il peut accorder des droits aux opprimés ici et les retirer là, mais il ne peut pas garantir une égalité totale, car aucun de ces droits, une fois acquis, n’est irrévocablement assuré. Il suffit de regarder le recul de la législation sur l’avortement aux États-Unis, 50 ans après que la bataille ait été gagnée par la montée des luttes féministes dans les années 1970.

La lutte contre l’exploitation et l’oppression, une tâche centrale du parti révolutionnaire.

Le capitalisme ne peut résoudre ces questions que de manière exceptionnelle, provisoire, partielle et incomplète. Jamais de manière généralisée, c’est-à-dire partout sur la planète et dans son essence collective, c’est-à-dire pour tous les opprimés du monde, ni dans sa dimension économico-sociale, ni même dans sa dimension politique (juridique, devant la loi). Ce n’est donc qu’avec la défaite du capitalisme et la fin de la société de classes qui le nourrit et le maintient que nous pourrons mettre définitivement fin à l’oppression.

L’importance des acquis démocratiques

Cela ne signifie pas que les acquis politiques et les avancées et/ou les reculs en matière de droits démocratiques des opprimés sont indifférents à la classe ouvrière, comme, par exemple, une législation qui garantit l’égalité des chances et des droits, qui lutte contre la discrimination et la violence, qui légalise l’avortement, le mariage homosexuel, qui criminalise la LGBT-phobie, qui sanctionne le racisme, qui permette une plus grande représentation dans les espaces de pouvoir, etc. Nous ne pouvons pas non plus négliger l’importance de dénoncer les abus, les harcèlements, la violence domestique, le génocide de noirs et d’autochtones, les féminicides et les crimes contre les personnes LGBTI, dans le combat contre les oppressions et les idéologies qui les soutiennent, en exigeant de l’État à tout moment des mesures susceptibles de mettre fin aux oppressions.

Au contraire, c’est non seulement essentiel. Il faut lutter pour chaque conquête qui peut être arrachée à ce système et exiger que les organisations de classe, les syndicats et les mouvements sociaux reprennent ces bannières dans le cadre de leur programme et de leurs luttes. Car il est également clair, dans la mesure où ce système fait de la classe ouvrière opprimée ses principales victimes, que ce secteur est celui qui ressent le plus le manque de ces droits.

L’obtention de droits démocratiques ne met pas fin à la question des problèmes de la classe dans leur ensemble, mais leur conquête permet de dévoiler la véritable cause des maux que nous vivons au sein du système capitaliste : la division de la société en classes, qui permet à une infime partie de la société, la bourgeoisie, de s’approprier les immenses richesses produites par la majorité, les travailleurs. Cette condition sociale, qui permet l’exploitation d’une classe par l’autre, utilise particulièrement les idéologies réactionnaires (sexisme, racisme, xénophobie, LGBT-phobie, etc.), qui dressent les travailleurs les uns contre les autres et dissimulent le mécanisme rigide du fonctionnement de la société capitaliste.

Combattre les oppressions pour unir la classe

Nous défendons une société différente, une société socialiste, qui permet le développement de toutes les potentialités humaines. Nous comprenons que la lutte pour la révolution et le socialisme est une lutte de l’ensemble de la classe ouvrière pour mettre fin à l’exploitation et à l’oppression capitalistes. Mais cette classe est également (et dans certains cas même majoritairement) composée de noirs, de femmes, d’immigrants, de personnes LGBTI. Et nous rejetons toute lutte pour le socialisme qui, au nom d’une prétendue totalité de la classe, nie les spécificités des secteurs qui la composent. Nous ne croyons pas que l’on puisse construire le socialisme et continuer à reproduire les oppressions. De la même manière, on ne peut pas se passer des secteurs opprimées de la classe pour réaliser la révolution socialiste.

Si l’exemple de la Révolution russe a montré, d’une part, le potentiel du socialisme pour la libération des opprimés, la contre-révolution stalinienne, d’autre part, a montré que la voie de la restauration capitaliste a été précédée par la suppression des acquis des femmes, par la criminalisation des LGBTI, par l’oppression nationale, entre autres ; et elle les a utilisé. Le prétendu « socialisme », avec machisme, avec LGBTI-phobie, avec racisme, tel qu’il a été pratiqué en URSS pendant la période stalinienne et dans les autres États ouvriers bureaucratisés, comme Cuba et la Chine, n’est pas du socialisme, c’est du stalinisme.

Les oppressions au sein de la classe divisent et affaiblissent la lutte contre le capitalisme. La lutte contre les oppressions est nécessaire pour unir la classe, et elle constitue une partie essentielle de notre programme marxiste révolutionnaire, avant, pendant et après la prise du pouvoir par les travailleurs. Nous soutenons que les bannières des opprimés pour l’égalité, contre la violence et pour des droits doivent faire partie du programme général de la classe, non seulement parce que la conquête des droits démocratiques permet aux opprimés de notre classe de prendre une part active à la lutte pour la révolution socialiste, mais aussi parce que cette lutte commune renforce les liens de solidarité entre les exploités et les opprimés et permet l’unité de classe nécessaire pour se soulever en tant que classe contre la soumission que le capitalisme nous impose.

En tant que marxistes, nous soutenons que la lutte de classes est la force motrice de l’histoire. Mais nous ne nions pas que, dans le cadre des relations sociales existantes, un secteur de notre classe « bénéficie » de l’oppression, y compris en termes matériels. Cependant, les bénéfices que ces secteurs tirent de l’inégalité – qu’il s’agisse de celle des femmes, des noirs, des LGBTI, des immigrés, etc. – sont faibles, vides et transitoires face aux lourds coûts qui l’accompagnent. Lorsque les travailleurs oppriment les femmes ou lorsque les travailleurs blancs oppriment les travailleurs noirs, ils ne font pas que reproduire les idéologies bourgeoises ; ils agissent en faveur du maintien du système d’exploitation capitaliste, car ils font de toute manière le jeu de la bourgeoisie et ils agissent contre leurs propres intérêts de classe.

Une perspective socialiste et révolutionnaire pour la lutte contre les oppressions

C’est un fait que l’oppression touche les individus de toutes les classes et pas seulement les pauvres ou les travailleurs, mais le niveau d’oppression et ses conséquences sont qualitativement différents pour les membres des différentes classes sociales. Aucune des oppressions ne touche de la même manière les exploités et les exploiteurs, ni même le prolétariat et la petite bourgeoisie. Les privilèges et les avantages matériels dont jouissent, par exemple, les femmes de la classe dirigeante signifient qu’elles ont tout intérêt à préserver l’ordre social existant. Leur existence privilégiée est payée par la surexploitation de leurs « sœurs » travailleuses, surtout dans les pays coloniaux et semi-coloniaux. La construction de l’unité des femmes au-delà des lignes de classe ne peut être obtenue qu’en subordonnant les intérêts des femmes pauvres, noires et ouvrières à ceux des femmes bourgeoises.

Mais la lutte contre les oppressions en tant que « commune à tous les secteurs sociaux » peut être utilisée par la bourgeoisie- et l’est presque toujours – pour détourner l’attention de la lutte de classes et pour maintenir les travailleurs divisés. C’est le discours, exhaustivement reproduit par ses amis réformistes, que la contradiction principale de la société est la division de genre, de race, d’orientation sexuelle, et que la bataille centrale des opprimés doit donc cibler le patriarcat, le privilège blanc, l’hétéronormativité. Tous unis dans des mouvements sans distinction de classe.

Nous avons déjà mentionné la nécessité de dépasser le capitalisme et de construire le socialisme afin de mettre définitivement un terme aux oppressions ; l’importance pour la classe dans son ensemble, et pour ses organisations, de reprendre les bannières des opprimés dans le cadre de leur programme et de leurs luttes pour unir la classe et renforcer la lutte commune contre le système. Nous avons dit que, dans ce cadre, les secteurs oppressifs de la classe doivent rompre avec leurs propres attitudes oppressives et se placer comme alliées dans la lutte contre l’oppression. La question est de savoir de quel type d’alliance les secteurs opprimés de la classe ouvrière ont besoin dans la lutte pour leur libération.

Le fait que le prolétariat soit stratégiquement confronté à la bourgeoisie signifie que, même dans les luttes démocratiques, les intérêts qui séparent les exploités et les exploiteurs ont des impacts différents pour les opprimés des différentes classes sociales. Dans la lutte contre les oppressions, le prolétariat peut (et doit même souvent) faire une unité d’action épisodique et ponctuelle avec des secteurs opprimées de la bourgeoisie autour de certaines revendications, mais même quand c’est le cas, il doit toujours maintenir son indépendance de classe. Car ce n’est que dans une perspective révolutionnaire et socialiste dans le cadre de la lutte pour le pouvoir du prolétariat et le socialisme, c’est-à-dire combinée et articulée dans un programme de transition vers la révolution socialiste nationale et internationale, que ces luttes peuvent conduire à l’émancipation totale du prolétariat et de ses secteurs opprimés.

Rassemblement du Mouvement des Femmes en Lutte (MML), Brésil 2013

Toute issue bourgeoise, réformiste ou post-moderne qui suggère qu’il est possible de mettre fin aux oppressions dans le cadre du système capitaliste et/ou individuellement n’est qu’une utopie réactionnaire. Les idéologies telles que l’autonomisation, l’esprit d’entreprise, la représentativité, bien que séduisantes, servent à détourner la lutte des opprimés et à la canaliser vers des stratégies purement électorales au sein du régime capitaliste bourgeois.

Est également erronée l’opinion de certains secteurs qui, tout en se plaçant dans le camp de la révolution socialiste, prétendent que le prolétariat a cessé d’être le sujet social de la révolution et a été remplacé par de nouveaux sujets. C’est l’une des controverses les plus importantes dans les mouvements de lutte contre les oppressions : savoir qui est le sujet social de l’émancipation des opprimés. Les femmes, les LGBTI ou les noirs, dans leur ensemble, forment un groupe polyclassiste. La classe ouvrière, quant à elle, est composée d’hommes, de femmes, de noirs, de non noirs, de LGBTI. La libération complète des opprimés ne peut se faire sans la révolution socialiste, et le sujet social de la révolution est le prolétariat, avec tous les secteurs qui le composent.

Une trajectoire de lutte et d’action de principe dans la lutte contre les oppressions

Depuis sa fondation, la LIT a toujours eu une action de principe dans la lutte contre les oppressions. En d’autres termes, pour nous, la lutte contre toutes les formes d’oppression – machisme, racisme, LGBTI-phobie, xénophobie, etc. – est plus qu’une politique ou un point de vue. C’est un principe.

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Combattre l’exploitation et l’oppression, une tâche centrale du parti révolutionnaire.

En tant que révolutionnaires, nous agissons pour renverser ce système basé sur l’exploitation et pour mettre fin à tous ses maux et à toutes les oppressions. Cependant, nous sommes intégrés dans cette société, dont les idéologies d’oppression sont tellement ancrées, tellement imprégnées, que l’oppression est exercée, vécue et perçue comme si elle était naturelle, alors qu’en réalité, il s’agit d’une construction historique.

Les organisations révolutionnaires reflètent la société dans laquelle elles vivent, mais le marxisme a un programme révolutionnaire pour changer cette société, pour la combattre. Lorsque des individus rejoignent une organisation révolutionnaire, ils ne deviennent pas automatiquement des non-oppresseurs du simple fait de leur adhésion à cette organisation. En contradiction avec le programme révolutionnaire, ils reproduisent souvent l’oppression. Cela tient en partie au fait que ces idéologies sont si profondément ancrées en chacun qu’ils les considèrent comme naturelles, et non culturelles et acquises, comme elles le sont en réalité.

Mais cette contradiction doit être résolue en faveur de notre programme, à partir d’une lutte interne et de mesures qui font que les socialistes véritablement révolutionnaires se distinguent du commun des gens et de la société machiste, raciste, xénophobe, etc. et qu’ils soient les défenseurs et les alliés de tous les opprimés dans la lutte contre l’oppression.

Sur la base de la tradition marxiste révolutionnaire, notre courant a construit un arsenal théorique pertinent sur la question des oppressions, qui montre que la lutte pour la libération des opprimés est liée à la lutte contre le capitalisme, car, en dernière instance, les oppressions servent les intérêts matériels de la classe dominante. Nous sommes fiers de notre histoire et de notre trajectoire de lutte contre les oppressions au sein de la classe et du parti. Évidemment, cette trajectoire a eu des hauts et des bas, il y a eu des moments où nous avons baissé la garde et où les idéologies des oppressions ont pénétré parmi nous, des moments où nous avons négligé l’organisation des opprimés au sein de la classe comme l’exige le programme révolutionnaire. Mais cela ne diminue en rien nos mérites. Ce n’est pas en niant l’existence des oppressions ou en balayant les problèmes internes sous le tapis que nous avons réussi à avancer, mais bien au contraire, c’est par notre capacité, même dans ces moments-là, à prendre conscience de nos faiblesses et à agir pour chercher à les surmonter, en nous appuyant sur la théorie marxiste et la tradition révolutionnaire, que nous y sommes parvenus.

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