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samedi, juillet 27, 2024

« Femmes, vie, liberté ! »: Manifestations en Iran pour l’égalité des genres et la justice sociale

Par Alborz Koosha, article écrit pour Workers’ Voice

Le 22 Septembre 2022

En mars 1979, des dizaines de milliers de personnes, en majorité des femmes, protestaient à Téhéran contre la nouvelle politique de hijab obligatoire (tête couverte et vêtements amples pour les femmes) instituée par la nouvelle République islamique, ainsi que contre d’autres mesures qui restreignaient les droits des femmes, notamment en matière de droit de la famille. Elles scandaient : « Nous n’avons pas fait la révolution pour revenir en arrière ». Leur message était clair. Les femmes ont participé à la révolution iranienne de 1979 pour la justice sociale et économique, contre la dictature du Shah soutenue par les États-Unis. Pourtant, son remplacement par une nouvelle dictature, celle de la République islamique, a signifié la trahison de leurs rêves de liberté.

Aujourd’hui, des milliers de personnes descendent à nouveau dans les rues d’Iran, comme elles l’ont fait de manière quasi permanente au cours de la dernière décennie (et même plus longtemps, selon la façon dont on considère l’histoire de la résistance populaire iranienne). Elles suivent les traces des femmes de mars 1979. Elles ont un message pour le monde : « femmes, vie, liberté ».

Le meurtre brutal de Mahsa (Zhina) Amini par la Police des mœurs de l’État (gasht-e ershad) la semaine dernière, pour avoir porté un hijab d’une façon jugée inappropriée, a suscité leur indignation. Pourtant, cela ne les a pas effrayées au point de les soumettre, mais cela les a plutôt enhardies pour renouer avec la résistance. Zhina, une femme kurde dont la communauté est victime de discrimination ethnique en Iran, est morte en garde à vue dans des circonstances suspectes. L’État refuse de rendre compte de sa mort de manière transparente.

Au moins neuf manifestant.es ont été tué.es jusqu’à présent, et le bilan s’alourdit. Lundi, une grève générale a été lancée dans tout le Kurdistan iranien. Les manifestations de rue se sont rapidement étendues à au moins 50 villes dans tout l’Iran. Les manifestant.es exigent la fin de la dictature, la dissolution de la Police des mœurs, que le hijab soit facultatif selon le choix personnel de chacun.e, et bien d’autres revendications.

  Photo: Mahsa Amini pictured in Iranian newspaper. (Getty Images)

 La surveillance du corps des femmes doit cesser. Pourtant, ces protestations dépassent la question de la tenue vestimentaire et s’inscrivent dans une lutte beaucoup plus large pour la justice de genre, sociale et économique. Pour comprendre comment, regardons les récentes grèves des enseignant.es à travers l’Iran depuis décembre 2021. Au moins 60% des enseignant.es iraniens sont des femmes. En plus de résister à leurs administrations qui les harcèlent souvent parce qu’elles ne portent pas correctement le hijab, de nombreuses femmes leaders du mouvement des enseignant.es formulent un certain nombre d’autres revendications interdépendantes. Elles exigent la construction de davantage d’écoles dans les zones rurales, notant que les filles ont moins de chances que les garçons d’être envoyées dans des écoles en dehors de leur localité. Elles exigent l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, et un salaire digne en général, car les salaires actuels de tous les enseignant.es n’atteignent même pas le seuil de pauvreté officiel du pays.

De nombreux enseignant.es demandent également la transformation du contenu de l’enseignement et des manuels scolaires pour mettre en avant l’égalité des genres. Pour l’avoir déjà fait de leur propre initiative, de nombreux/ses enseignant.es sont contraint.e.s de soumettre leurs plans de cours aux administrations. Ils et elles exigent une éducation sexuelle autour des questions de santé sexuelle, de contraception et de harcèlement sexuel. Ils et elles exigent aussi l’extension du congé de maternité et la création de crèches sur le lieu de travail.

Beaucoup expriment également leur solidarité avec d’autres travailleurs/ses iranien.nes engagé.es dans leurs propres grèves pour la dignité. La majorité du système d’éducation publique iranien ayant été monétisé et privatisé et les administrations percevant des frais auprès des étudiant.es (en violation de la constitution iranienne elle-même), ils et elles exigent la gratuité de l’enseignement comme un droit pour chaque étudiant.e. Ces demandes d’éducation gratuite trouvent un écho dans le monde entier, dans d’autres pays où l’éducation est devenue une marchandise sous le capitalisme. Ils et elles exigent la fin de l’embauche croissante d’enseignants sous contrat temporaire, une pratique d’exploitation qui touche la plupart des travailleurs en Iran et dans le monde entier à notre époque néolibérale. C’est l’ensemble de tout ceci que signifie « Femmes, vie et liberté ».

Aujourd’hui, dans le monde entier, les femmes, les personnes trans et non-binaires, ainsi que leurs partisan.es, se battent à nouveau pour l’égalité des genres. Alors qu’en Iran, on proteste contre le hijab obligatoire, aux États-Unis, on proteste contre l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade et pour le droit des femmes à l’avortement. Si nous réfléchissons profondément à ce combat, nous constatons l’incroyable hypocrisie des politiciens états-uniens qui privent les femmes de leur droit de choisir aux États-Unis et qui affirment ensuite soutenir les droits des femmes en Iran.

Nous constatons également cette hypocrisie lorsque les États-Unis, sous les administrations démocrates et républicaines, imposent des sanctions qui exacerbent les conditions économiques auxquelles sont confrontées les femmes en Iran, déjà soumises à des pressions économiques de la part de leurs propres dirigeants égoïstes et de leur élite économique nationale. Cela n’apparaît nulle part plus clairement que lorsque ces sanctions entravent l’accès des femmes aux soins de santé en matière de procréation. En outre, les dirigeants des États-Unis ne peuvent pas sauver le peuple iranien, car leur histoire d’ingérence dans les affaires de ce pays, et de nombreux autres, montre qu’ils ne répondent qu’aux intérêts de leurs entreprises et à leurs propres intérêts politiques.

Aujourd’hui, il incombe aux personnes conscientes du monde entier d’amplifier l’appel du peuple iranien pour « les femmes, la vie, la liberté ». Il nous incombe d’amplifier les revendications des manifestations actuelles contre le hijab obligatoire et pour les droits des femmes en général. D’amplifier les exigences de la classe ouvrière iranienne et les luttes des personnes opprimées, pour la fin de la dictature de la République islamique.

Il incombe également aux personnes conscientes de résister à la cooptation et à l’exploitation de la lutte du peuple iranien pour la liberté par l’empire états-unien et par les opportunistes étrangers, et d’amplifier leur lutte pour l’autodétermination démocratique. Tant que les pouvoirs en place, au niveau local et international, les opprimeront de toutes parts, les gens en Iran continueront à résister. Ils et elles sont fort.es, et ils et elles obtiendront un jour leur liberté.

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