Entretien avec Ángel Luis Parras, publié dans Opinion Socialiste, journal du PSTU, section de la LIT-QI au Brésil, le15 janvier 2022
La supposée révocation de la réforme du travail adoptée en Espagne en 2012, celle-là même qui inspira la réforme du gouvernement Temer en 2017 au Brésil, a été célébrée et revendiquée au Brésil par des secteurs comme le PT et des courants du PSOL. Mais, la réforme du gouvernement Rajoy d’alors a-t-elle réellement été annulée ? Pour nous expliquer ce processus, Opinião Socialista (organe brésilien du PSTU) s’est entretenue avec Ángel Luis Parras, du syndicat de base Co.bas et Corriente Roja, section de la LIT-CI dans l’État espagnol.
Opinião socialista. Le gouvernement Sánchez a diffusé la version selon laquelle il abrogeait la Réforme du travail de 2012, du gouvernement Rajoy de l’époque. Cette version est diffusée au Brésil par le PT et Lula, et aussi par Boulos du PSOL. Qu’est-ce qui a été approuvé ?
Le gouvernement de coalition PSOE-Unidas Podemos s’engagea dans son programme constitutionnel (2019) à « abroger la réforme du travail » de Rajoy (PP). De plus, la vice-présidente du gouvernement et ministre du Travail Yolanda Díaz, membre du Parti communiste, déclara que sans ancun doute ils abrogeraient cette réforme du travail. Par exemple, en octobre dernier devant le congrès CCOO (Commissions Ouvrières), la ministre déclara : « Nous allons abroger la réforme du travail malgré toutes les résistances ». Pourtant, moins d’un mois plus tard, la ministre elle-même déclarait : « Je comprends l’intérêt, surtout journalistique, d’abroger ou de ne pas abroger -la réforme du travail-, mais cela ne peut pas se faire comme ça. C’est-à-dire que je ne peux pas dicter une norme qui dit que j’abroge la réforme du travail du Parti Populaire. Entre autres, parce que techniquement ce serait impossible, et deuxièmement parce que ce ne serait pas correct ». (Noticias Antena 3, 2.11.2021)
Il n’y a donc pas eu d’abrogation de la réforme du travail du gouvernement Rajoy. C’est ainsi que les dirigeants de l’association patronale et de la droite le reconnaissent : « Il n’y a pas d’abrogation de la réforme du travail, mais des modifications de certains paragraphes », affirme le président de la Xunta galicienne et éminent dirigeant du PP, Alberto Núñez Feijóo. Dans le même sens : « Loin d’abroger celui préparée en 2012 par l’exécutif du PP, le nouveau texte consolide les aspects fondamentaux de l’existant, introduit quelques changements cosmétiques qui ne représentent pas un changement substantiel par rapport à celui en vigueur » ( 29/12/21, Editorial Expansión, journal économique le plus diffusé lié à la patronale).
Le gouvernement PSOE-UP a fait de la propagande au sujet de « l’aide européenne », mais il était bien connu que les fonds européens, qui s’élèveront à 140 000 millions d’euros, étaient conditionnés par la préservation des aspects essentiels de la réforme du travail de 2012. Ce qui a été approuvé est la préservation de la Réforme Rajoy tout en y introduisant quelques points qui à notre avis sont un pillage des salaires et approfondisent la précarité.
Opinião socialista. Le gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero (PSOE) avait déjà appliqué une réforme du travail en 2010 après la crise de 2008 en réponse aux exigences d’austérité néolibérale de l’UE. Quels changements étaient les plus importants, quel était le sens de cette réforme ? L’explosion sociale de 2011 y était-elle liée ?
Lorsque la crise a éclata (2007-2008), Zapatero la minimisa et continua en disant que l’Espagne jouait « dans la ligue des champions de l’économie mondiale ». Pendant ce temps, la bulle de la construction éclata et la vague de licenciements commença. En mai 2010, sous la dictée de l’UE, il appliqua un plan de choc pour réduire les dépenses publiques d’un montant de 15 milliards d’euros. Les pensions sont gelées, le salaire des fonctionnaires est réduit de 5 %, les mesures sociales telles que le chèque bébé (au total 2 500 € par enfant né) sont supprimées, etc.
Pendant ce temps, l´égouttement des licenciements se poursuivit via les dits ERE (Dossier de Régulation de l’Emploi). L’ERE est un mécanisme légal qui permet aux entreprises de licencier collectivement des travailleurs en alléguant des motifs économiques, techniques, productifs ou organisationnels. Entre 2008 et 2009, plus de deux millions d’emplois furent ainsi perdus.
Dans ce contexte de crise et de mécontentement social croissant, le gouvernement Zapatero, acceptant une fois de plus les exigences de l’UE pour « plus de flexibilité afin de générer de l’emploi », approuva la Réforme du travail en septembre 2010.
La réforme Zapatero avait pour objectif de faciliter davantage les mécanismes de licenciement. Ainsi, une nouvelle cause s’est ajoutée à l’ERE : prévenir l’évolution négative des entreprises ou améliorer leur situation et leurs perspectives. En d’autres termes, les entreprises n’avaient plus besoin d’alléguer des pertes économiques, il suffirait d’alléguer des « pertes prévues » ou « réduction prévue des bénéfices » ou simplement des changements organisationnels pour améliorer les prévisions.
De même, il facilita le licenciement pour « absence d’assiduité au travail, même justifiée ». L’autre aspect crucial de la réforme Zapatero fut de faciliter les emplois temporaires, les soi-disant Contrats de travail et de service, qui sont des contrats à durée indéterminée et peuvent être prolongés au gré de l’employeur jusqu’à trois ans, ce qui aggrava la précarité de l’emploi.
Faire une réforme du travail pour faciliter davantage les licenciements alors que le taux de chômage atteignait déjà 19,59 % et qu’il dépassait 50 % chez les jeunes, finit par entraîner une vague de grèves et de manifestations et une grève générale le 29 septembre 2010.
Non content de cela, le gouvernement Zapatero (PSOE) entreprit une deuxième réforme, celle des retraites, en prolongeant l’âge de la retraite à 67 ans et en allongeant la période de calcul du montant de la pension de 16 à 25 ans, ce qui en réalité signifiait une nouvelle réduction de celles-ci.
C’est dans ce scénario de crise, de protestation sociale et de mécontentement généralisé que se produisit la manifestation du 15 mai 2011, qui donna lieu au fameux 15M.
Opinião socialista. Quels furent les principaux points de la Réforme du travail imposée par le gouvernement Rajoy (PP) en 2012 et quel fut son impact sur le marché du travail ? Y a-t-il eu une réduction du chômage comme promis ?
La réforme du travail de Rajoy était un nouveau serrage d’écrou mais empruntant la voie que Zapatero avait déjà laissée ouverte.
En premier lieu, la Réforme Rajoy assouplit encore les conditions des licenciements collectifs. Des définitions plus ouvertes sont données pour que les juges acceptent l’ERE par exemple « perspectives économiques négatives », « perte de contrats » ou « introduction de nouvelles machines ».
Deuxièmement, et ceci est qualitatif, l’autorisation préalable de l’Autorité du travail n’est plus nécessaire pour appliquer une ERE. Jusqu’à cette date, lorsqu’une entreprise présentait un ERE, elle était obligée d’ouvrir une période de négociation avec les représentants des travailleurs et après cette période, elle la présentait à l’Autorité du travail afin que celle-ci donne son accord pour appliquer l’ERE.
Deuxièmement, le licenciement est moins cher. La loi précédente prévoyait qu’en cas de licenciement judiciairement irrecevable, le travailleur devait percevoir 45 jours de salaire par année travaillée avec un plafond de 42 mensualités. La nouvelle Réforme abaisse ce montant à 33 jours par an et un plafond de 24 mensualités.
Troisièmement, il supprime les salaires de traitement. C’est-à-dire que lorsqu’un travailleur était licencié et que son licenciement était déclaré abusif, l’entreprise était tenue de lui verser, en plus de l’indemnité correspondante, le salaire correspondant à la période comprise entre son licenciement et l’ordonnance judiciaire et, de plus, cette période était calculée comme rapportée à la sécurité sociale. Entre un non-lieu et l’ordonnance judiciaire, des mois s’écoulent et parfois jusqu’à deux ans.
A proprement parler, la baisse de prix qui résulte du licenciement est bien supérieure à tout cela, car dans toute modification substantielle des conditions de travail (changements d’horaires, d’équipes, de localisation du centre de travail…) que l’entreprise voudrait imposer, si les travailleurs/euses ne l’acceptaient pas, un « licenciement objectif » était produit, avec une indemnité de 20 jours par année travaillée et une limite de 12 mensualités. Mais dans la période de « consultation », les syndicats « négociaient » pour tenter d’augmenter cette indemnité (jusqu’à 45 jours par an avant cette réforme). La bureaucratie syndicale guidait et orientait les conflits, non pas pour défendre les emplois, mais pour négocier le montant des indemnités de licenciement. En assouplissant les causes de ces licenciements, comme je l’ai souligné précédemment, les « licenciements objectifs » se multiplient de manière exponentielle.
La Réforme Rajoy comportait des éléments plus pervers, mais l’essentiel était de rendre les licenciements plus faciles et moins chers, et d’augmenter le caractère temporaire des contrats de travail.
L’application de cette réforme déclencha une nouvelle vague de fermetures d’entreprises et de licenciements. Le taux de chômage monta en flèche à 27,16 % en 2013, avec plus de 6,2 millions de travailleurs/euses sans emploi. Le taux de chômage des jeunes atteingnit 57,2 %. Un véritable carnage pour une réforme présentée comme une mesure clé « pour créer des emplois ».
Opinião socialista. Co.bas dénonca que cette réforme du travail du gouvernement PSOE n’est qu’un camouflage de la réforme précédente, qu’elle n’apporte pas de changements substantiels, au contraire, qu’elle préserve les aspects les plus importants des réformes précédentes. Pourrais-tu expliquer ce que sont les ERTE et ce qui va changer de manière importante avec eux ?
Oui, comme le dit la déclaration du Comité National de Co.bas, la nouvelle Réforme laisse intacts tous les mécanismes de licenciement bon marché et massifs de la Réforme Rajoy (2012).
Premièrement, elle garantit la tranquillité des employeurs, en préservant substantiellement la réforme de 2012, c’est-à-dire celle qui permet les licenciements bon marché et faciles ; deuxièmement, elle préserve et étend les contrats à temps partiel, qui sont de plus en plus le mécanisme privilégié par les employeurs pour « créer des emplois », avec des salaires de misère et une flexibilité extraordinaire qui leur permet d’ajuster les heures de travail aux pics et aux creux de la production, en profitant du fait que faire des heures supplémentaires devient une nécessité pour des millions de travailleurs afin de pouvoir compenser leurs salaires de misère.
Mais en plus, la nouvelle Réforme étend ce dispositif dit de l’ERTE (Dossier Réglementaire de l’Emploi Temporaire) avec l’ERTE permanente. L’ERTE est donc un ERE temporaire, qui jusqu’à cette nouvelle Réforme fonctionnait de la manière suivante : L’Entreprise présente un ERE temporaire (ERTE) qui peut être une suspension temporaire du contrat pendant un certain temps, ou une réduction de la journée de travail. Dans un cas comme dans l’autre, le travailleur est rémunéré par le SEPE (Service Public de l’Emploi), qui est une agence de l’Etat. S’il s’agit d’une suspension du contrat pour la totalité et s’il s’agit d’une réduction du temps de travail, la part proportionnelle. Mais il perçoit 70% de son salaire de l’État, c’est-à-dire qu’il perd au moins 30% de son salaire et des droits sociaux proportionnels (vacances, compléments de salaire…) pendant la période de suspension.
Pendant la période la plus dure de la pandémie, ce mécanisme se généralisa et plus de 4 millions de travailleurs furent envoyés dans les ERTE. Le gouvernement présente cette mesure comme formidable, comme modèle de politique progressiste car grâce à elle les gens « ne perdent pas leur emploi » et « le chômage n’augmente pas ».
Il s’agit d’abord de préciser que cette mesure n’est ni nouvelle ni que sa paternité ne correspond à aucun gouvernement progressiste. Les auteurs de l’ERTE sont des gouvernements de droite, néolibéraux et réactionnaires. Plus précisément, la référence est le Kurzarbeit allemand, une réduction temporaire du temps de travail normal pour soulager financièrement l’entreprise par la réduction des frais de personnel.
L’ERTE est donc une mesure dont l’objectif essentiel est de sauver les grandes entreprises en réduisant les charges de personnel au prix d’un nouveau pillage des salaires et de continuer à engraisser une dette publique qui atteint déjà 1,43 milliard d’euros, dépasse 122 % du PIB et que nous, les travailleurs et le peuple, continuerons à payer.
Les ERTE sont aussi un mécanisme infâme de précarité, car les entreprises se garantissent aussi de véritables bourses de l’emploi d’où sortir ou insérer des travailleurs quand elles le jugent opportun. En échange d’un tel outrage, il n’y a aucune garantie de stabilité future et une fois la période permanente d’ERTE terminée, les mêmes causes qui ont justifié son application peuvent être utilisées pour finalement licencier.
Les ERTE permanents sont devenus la mesure phare de la ministre et de son gouvernement. Avoir du travail en échange de « n’importe quoi » n’est pas exactement un argument progressiste, il convient de rappeler qu’à l’époque de l’esclavage le « plein emploi » était garanti. Mais les élèves tardifs de Merkel copient une version plus appauvrie parce que, entre autres raisons – en plus de toucher moins -, la nouvelle réforme du travail ajoute également que les travailleurs/euses concernés, en touchant d’un nouveau fonds qui a été créé, le Fonds de durabilité (et et non la SEPE comme jusqu’à présent), il ne leur sera pas comptabilisé comme temps assimilé pour leur pension.
Opinião socialista. Est-il vrai qu’il y aura un changement substantiel pour les travailleurs des applications, comme UBER et d’autres entreprises de ce type ?
Ce gouvernement se prodigue à vendre des gros titres et à se vanter d’une façon difficile à surpasser. En mai dernier, les employeurs, le gouvernement, et les syndicats Commissions Ouvrières CCOO et UGT conclurent un accord qui deviendra deux mois plus tard la dite loi Riders, une loi sur les droits du travail des personnes dédiées à la distribution de plateformes numériques, qui dans l’État espagnol, sont estimées être entre 18 et 30 000 personnes. Sur le ton qui caractérise la ministre, elle déclara : « L’Espagne est devenue l’avant-garde internationale en la matière », et que, pour cette raison, « le monde et l’Europe nous regardent ».
La réponse à cette grandiloquence fut donnée par une déclaration publique des travailleurs eux-mêmes qui avaient été à la pointe de cette lutte pendant quatre ans et qui avaient obtenu des décisions de justice favorables à la reconnaissance de leur relation de travail. Concernant la loi approuvée, ils déclarèrent : « Un pas insuffisant, peu à célébrer » (Riders x derechos). Et sur leurs réseaux twitter ils déclarèrent à la ministre : « Accord sur la mal nommée « loi rider ». Ceux qui ont réussi à nous faire reconnaître comme travailleurs n’est pas le gouvernement, mais bien nous tous qui avons risqué notre peau dans des grèves, des manifestations et plus de 44 victoires légales ».
Dans les critiques faites par ces travailleurs/euses, il est souligné, entre autres, que la Loi « que le monde regarde » ne garantit pas la permanence des travailleurs/euses actuels ; les entreprises n’ont aucune obligation de conclure les contrats correspondants ; la porte a été ouverte à la sous-traitance pour que les entreprises actuelles puissent dériver le travail, évitant ainsi leur responsabilité ; la loi est en dessous de ce qui provoqua la lutte devant les tribunaux, car elle limite la réglementation aux riders et ne l’exige pas « pour le reste des groupes qui sont déjà ubérisés, qui pourront être contrôlés par algorithme en toute impunité, et laisse pratiquement les portes ouvertes à l’ubérisation de bien d’autres groupes ». En effet, la dernière Enquête de Population Active détecta plus de 160 000 de faux indépendants (beaucoup de travailleurs ubérisés apparaissent faussement comme des indépendants). Dans ce secteur de riders il y a beaucoup de travailleurs sans papiers, la loi omet de les régulariser, ce qui laisse ces travailleurs à l’abandon à leur sort d’être licenciés ou de continuer à travailler dans les mêmes conditions, victimes des marchands de sommeil.
Opinião socialista. Quelle est la composition et les relations du gouvernement actuel de Pedro Sánchez avec Podemos, IU et les centrales syndicales ?
Le gouvernement de Sánchez est composé de lui et de 22 ministres, 18 du PSOE et 4 de Unidas Podemos. La ministre du Travail, Yolanda Díaz, est la deuxième vice-présidente, avocate, membre du Parti communiste et dont le père (Suso Díaz) est un dirigeant historique des Commissions Ouvrières CCOO.
Ce gouvernement de coalition, présenté comme « le plus progressiste de l’histoire », est formé par un parti comme le PSOE qui a déjà eu 3 présidents et 22 ans de gouvernement. Le PSOE est un parti bourgeois responsable du démantèlement industriel, de la répression contre les nationalités, de la xénophobe et raciste Loi sur l’immigration… qui a toujours gouverné pour les banques, les multinationales, sous le diktat de la Troïka, un parti monarchiste dévot et nationaliste espagnol. Le PSOE a été celui qui a mené le plus récemment la répression contre la Catalogne et le droit de décider du peuple catalan. Comme nous l’avons dit depuis Corriente Roja au moment de sa constitution, un gouvernement présidé par le PSOE ne peut être qu’un gouvernement bourgeois, celui de la patrie et des patrons.
L’autre partie du gouvernement est Unidas Podemos, un accord entre Podemos et Izquierda Unida (PCE). Podemos a viré 180 degrés sur ses objectifs déclarés, démantelé la mobilisation du 15M et noyé la rébellion dans la ruelle antidémocratique des institutions héritées du franquisme, à commencer par la Constitution de 1978. Ceux qui rejoignirent le groupe pour mettre fin au régime de 78 et la caste, sont aujourd’hui des ardents défenseurs de la constitution de 78 et ministres d’un gouvernement bourgeois.
Le gouvernement a eu et a dans CCOO et UGT une sorte de garde prétorienne pendant tout ce temps. Maintenant qu’il arrive à mi-parcours de sa législature, il le fait avec une longue liste de promesses non tenues (la Loi bâillon qu’il n’a pas abrogée ; les expulsions qui n’ont pas cessé, le crime des immigrés qui meurent en essayant d’atteindre la terre ferme – plus de 4 400 sont morts en 2021 en tentant de rejoindre les côtes espagnoles-), etc.
Ce qui est un changement important, c’est qu’à ce jour, Unidas Podemos a maintenu son discours disant que, grâce à eux, le PSOE ne va pas à droite, et que s’ils ne peuvent pas faire plus, c’est parce qu’ils sont en minorité. Pourtant, la nouvelle Réforme du travail, qui n’abroge pas la précédente, précarise l’emploi et constitue un nouveau braquage sur les salaires, est présentée comme une initiative de Unidas Podemos et une merveille des merveilles digne d’être exportée dans le monde entier.
Le pragmatisme de la nouvelle politique proclamée par Podemos et Iglesias a abouti à quelque chose de la déjà très vieille politique : une coalition pour gestionner le capitalisme et embellir ses politiques néolibérales. Demander le soutien de ceux d’en bas pour gouverner ceux d’en haut n’est pas gratuit. Jouer Jiminy Cricket dans le gouvernement de Pinocchio, contrairement à l’heureuse fin de l’histoire italienne universelle, dans la vraie vie finit par condamner la voix de la conscience à l’enfer de la crise avec l’ensemble du gouvernement, attiser et donner une base sociale au PP et Vox.
Opinião socialista.Votre proposition est l’abrogation complète de la réforme et que le syndicalisme alternatif affronte cette réforme avec plus de luttes. Outre Co.bas, d’autres centrales rejettent-elles cette Réforme ?
En effet, Co.bas a toujours défendu, avec le syndicalisme alternatif, l’abrogation des deux dernières réformes du travail, celle de Zapatero et celle de Rajoy.
Le rejet de la Réforme du travail se généralise parmi les organisations syndicales hors CCOO et UGT. Les syndicats nationalistes majoritaires au Pays basque et en Galice (ELA ; LAB, CIG, CUT) se sont prononcés contre cette Réforme du travail ; syndicats tels que la CGT, les syndicats de la Taula Sindical (Table syndicale) de Catalogne (IAC ; CGT ; CNT ; Co.bas ; COS Solidaridad Obrera), le Bloc Combatif de classe à Madrid (Solidaridad Obrera, Co.bas ; ASC ; Plate-forme Sindical de l’EMT ; Syndicat de l’Assemblée de la Santé, CNT) le groupe unitaire de Séville (CGT ; Co.bas ; SAT ; CTA, Syndicat des chemins de fer, USTEA), etc.
En fait, ces jours-ci, des manifestations ont déjà été annoncées et les communiqués sont nombreux, mais à proprement parler, nous pensons que des efforts doivent être consacrés maintenant à expliquer le contenu et le sens de cette Réforme du travail, à contrer le bombardement médiatique de la part du gouvernement, dupatronat et de CCOO-UGT, louant la Réforme.
Opinião socialista. Quelles sont les principales propositions qu’une organisation politique révolutionnaire telle que Corriente Roja défend contre la précarité du travail ?
Depuis l’éclatement de la crise en 2008, Corriente Roja défend l’urgence de mettre en place un programme de sauvetage pour les travailleurs et la population. La crise du Covid a tout déclenché et n’a fait que dépouiller le modèle productif espagnol, un capitalisme impérialiste décadent aux airs de grandeur mais strictement périphérique et dépendant, avec une multitude de petites et micro-entreprises basées sur le travail précaire, les bas salaires, dans de nombreux des cas misérables et un chômage structurel chronique.
L’entrée dans l’Union européenne eut un prix extrêmement élevé : le démantèlement de secteurs clés de l’industrie espagnole.
Il y a sans aucun doute de nombreuses revendications partielles qui découlent de cette situation, mais dans ce domaine il y a deux principales revendications centrales : le droit à un emploi stable et à des salaires décents. Contre l’idéologie du moindre mal et le pragmatisme qui nous pousse à la résignation et au recul permanent, Corriente Roja défend que la classe ouvrière doit déclarer une guerre implacable contre la politique des capitalistes, leurs gouvernements (quelle que soit leur couleur) la lutte pour l’emploi exige l’abrogation immédiate des réformes du travail et l’établissement d’un nouveau Statut des travailleurs/euses, qui établit le droit au travail comme un droit fondamental que l’État est tenu de garantir d’une manière ou d’une autre.
Mettre fin au chômage de millions de travailleurs/euses implique la défense de l’emploi existant, c’est pourquoi l’abrogation des réformes actuelles du travail a pour objectif le plus important de mettre fin à cette saignée de l’emploi que les employeurs, le gouvernement et la bureaucratie conviennent à chaque étape via les ERE et les ERTE. Un exemple en ce moment est une autre Loi de l’administration publique, qui , au lieu de que le gouvernement garantisse l’emploi, une Loi (l’Icetazo) est établie qui peut laisser environ 800 000 travailleurs publics dans la rue, la plus grande ERE de l’histoire, de la part d’un gouvernement progressiste.
Nous défendons la réduction par la loi de la journée de travail à 35 heures par semaine comme la première étape sur la voie de l’échelle mobile des heures de travail, c’est-à-dire la répartition du travail existant entre toute la main-d’œuvre disponible et c’est ainsi que cela déterminera par la loi la durée de la semaine de travail. Et puisque cette mesure répond aux besoins fondamentaux de la classe ouvrière, la réduction du temps de travail se fera sans réduction des salaires.
La défense du système public de retraite, et donc l’abrogation des réformes des retraites du PSOE et du PP, est un mécanisme contre la privatisation et pour la défense d’un droit fondamental pour des millions de travailleurs, mais aussi un mécanisme de création d’emplois en fixant la retraite à 60 ans.
Voilà quelques-unes des mesures que nous défendons dans ce plan de sauvetage pour les travailleurs/euses et le peuple. Un plan de sauvetage comme celui que nous défendons oblige sans aucun doute à prendre des mesures résolument anticapitalistes, à confronter les banques et les multinationales, le FMI et l’Union européenne et à confronter le gouvernement bourgeois du moment, quel qu’il soit.
De la part des patrons, de leurs avocats de la bureaucratie syndicale CCOO et UGT ou du gouvernement, on nous parle de ces mesures comme utopiques, irréalisables et on nous avertit de la « catastrophe » qu’une telle mesure entraînerait. Son pragmatisme est spectaculaire : pour sauver des banquiers il n’y a pas de problème, pour financer les grandes entreprises avec des ERTE ou pour faciliter et dévaloriser le licenciement de millions de travailleurs il n’y a pas de problème non plus, tout l’argent qu’il faut ! Mais pas pour des emplois, des salaires et des pensions décentes, pour ça non !
La crise capitaliste conduit à chaque pas des millions d’êtres humains à la misère, la pandémie l’a rendu encore plus évident qu’il ne l’était déjà. Face à cette situation, le pragmatisme de la nouvelle politique progressiste comme celui de l’ancienne dont elle provient, on semble nous conseiller, comme dans le film d’Adam McKay, Don’t look up !
Nous, face à la crise de ce système, nous souvenons de ce qu’écrivait le vieux Trotsky : Il ne s’agit pas du choc « normal » d’intérêts matériels opposés. Il s’agit de préserver le prolétariat de la décadence, de la démoralisation et de la ruine. Il s’agit de la vie et de la mort de la seule classe créative et progressiste et, pour cette raison même, de l’avenir de l’humanité. Si le capitalisme est incapable de satisfaire les exigences qui naissent infailliblement des maux qu’il a engendrés, il n’a d’autre choix que de mourir. La « possibilité » ou l’« impossibilité » de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport de forces qui ne peut être résolue que par la lutte.
Source : https://litci.org/pt/a-nova-reforma-trabalhista-nao-revoga-a-anterior-e-precariza-ainda-mais-o-emprego/