Au Brésil, le meurtre récent de Moïse Kabangabe, un migrant congolais réfugié dans le pays, et les nouvelles horribles d’attaques xénophobes en Afrique du Sud, nous montrent la dimension du problème qu’est d’être une personne en transit dans le monde, et nous mettent dans la nécessité d’une campagne internationale de solidarité avec les migrants congolais, en particulier en Afrique du Sud, où la situation est considérée comme extrêmement grave.
Allons-nous mieux comprendre ?
Par : César Neto, le 04/02/2022
Congo : les racines de la diaspora
Le Congo est occupé par la Belgique en 1885 et devient la propriété du roi de Belgique, Léopold II. Le roi a fait fortune avec l’exploitation et la vente du cahoutchouc congolais pour l’industrie naissante de l’automobile et des pneumatiques. Dunlop, Firestone, Goodyear, entre autres, ont bénéficié du caoutchouc congolais. Pour extraire ce caoutchouc « des propriétés de Léopold II », le roi a réduit des milliers de Congolais en esclavage, leur a imposé un quota quotidien et ceux qui ne s’y conformaient pas recevaient 100 coups de fouet de peau de rhinocéros. Même dans ce cas, lorsque les objectifs n’étaient pas atteints, le roi ordonnait que les mains des « sujets » soient coupées. Il a instillé la peur et la terreur. Malgré cela, il était presque impossible d’atteindre les objectifs fixés et la punition consistait à mutiler les mains et les pieds des enfants, afin d’intimider les parents asservis.
Le Congo est parmi nous
Mia Couto, l’écrivain mozambicain, déclare : « L’Afrique est présente au Brésil d’une manière que les brésiliens eux-mêmes n’identifient pas. C’est vrai, dans notre musique, notre danse et notre cuisine. Les Congolais adorent le « soso na dongodongo », comme ils disent en lingala, ou le « nkuku na dongodongo », comme ils disent en swahili, pour le très populaire plat brésilien poulet avec gombo. Mais ce n’est pas tout. Dans le sang brésilien coule beaucoup de sang congolais apporté de force par les corps asservis par les colonisateurs portugais.
Le Congo aujourd’hui : vol des ressources naturelles, milices, occupation militaire
De nos jours, le Congo paie pour avoir une forêt de la taille actuelle de la forêt Amazonienne et ses bois sont volé par les capitalistes chinois et européens. L’énorme fleuve Congo est contaminé par l’exploitation minière prédatrice. Les téléphones portables, les ordinateurs portables et les ordinateurs modernes n’existeraient pas sans le coltan, un minéral que l’on trouve presque exclusivement dans ce pays. Les futures voitures électriques ne pourront exister qu’avec du cobalt et du lithium congolais.
Pendant des décennies, le vol de matières premières s’est accompagné de l’expulsion de familles de leurs terres, sous la menace des armes, aux mains des milices, des forces armées et des troupes d’occupation de l’ONU, la MONUSCO, que ainsi que la MINUSTAH (Haïti), était commandée par l’officier militaire brésilien Carlos Alberto dos Santos Cruz.
La diaspora : jusqu’à présent la seule alternative pour les Congolais
Avec leurs organisations détruites par des décennies de dictatures successives, sans instruments de lutte, la classe ouvrière et les pauvres cherchent dans la migration le rêve d’une vie en paix, avec du travail et de la dignité.
Le rêve est subitement interrompu par des naufrages lors de la traversée de la mer, la persécution par la police des migrations, l’emprisonnement dans les centres d’hébergement pour migrants. Après avoir surmonté toutes les barrières, ils vont vivre dans les rues de Los Angeles, dans les quartiers pauvres des capitales européennes ou dans les favelas et les quartiers périphériques des villes brésiliennes.
Beaucoup arrivent en parlant trois, quatre ou cinq langues et avec des diplômes universitaires. Malgré cela, ils sont considérés comme incapables et il ne leur reste que les travaux manuels de nettoyage et d’aide générale dans les entreprises.
Défaits lorsqu’ils quittent leur pays, humiliés au cours du long voyage, ils arrivent finalement dans ce qui serait l’Eldorado tant rêvé. Dans le nouveau pays, l’humiliation continue sous d’autres formes.
Afrique du Sud : nation de l’arc-en-ciel ou perpétuation de l’apartheid ?
Nelson Mandela aimait à dire que l’Afrique du Sud serait une « nation arc-en-ciel ». Un pays pour toutes les couleurs. Cependant, comme il n’a pas touché aux propriétés des blancs qui s’étaient enrichis pendant l’apartheid, ni à ceux des multinationales, ces dernières sont progressivement revenues au pouvoir. Ils sont revenus en cooptant l’ANC (African National Congress), la COSATU (centrale syndicale) et le Parti communiste d’Afrique du Sud, qui dirigent de fait le pays depuis 27 ans et ont appliqué des politiques de désindustrialisation, générant du chômage et augmentant la pauvreté. D’où la fameuse phrase : « Aucun Africain n’est étranger en Afrique – sauf s’il est en Afrique du Sud ! ». (AchilleMbembe)
Afrique du Sud : les formes de répression et ceux qui les appliquent
Avec un taux de chômage avoisinant les 45%, nous avons assisté au mois de juin/juillet 2021 à une vague de pillage et de répression qui s’est soldée par le meurtre de plus de 380 personnes ! On assiste également à un nouveau cycle de grèves de travailleurs qui ne s’étaient pas manifestées avec une telle intensité depuis des années.
Puis la crise sociale est devenue l’ordre du jour dans une année préélectorale. Tout le monde parle du chômage, personne n’a le courage de s’attaquer aux structures capitalistes, arriérées et dépendantes, et à la fin, ils rendent les migrants responsables de cette situation.
Pour avoir une idée de la situation, les migrants sont empêchés de vendre dans la rue ou de travailler dans les magasins, un enfant né de migrants mais né en Afrique du Sud est considéré comme un étranger et ne peut pas aller à l’université. Il en va de même pour les soins de santé, qui imposent des restrictions aux migrants locaux. Les politiques dignes de l’apartheid.
Le gouvernement de Cyril Ramaphosa s’est servi de la pandémie pour fermer le ministère de l’intérieur (l’organisme chargé de légaliser les étrangers) il y a deux ans. Comme tous les six mois, chaque étranger doit régulariser ses papiers, les Affaires Intérieures ayant été fermées il y a deux ans, ces personnes sont en situation irrégulière et peuvent être arrêtées et expulsées du pays.
Voir la vidéo ci-dessous d’une femme mozambicaine dont les documents ont expiré et qui est emmenée au poste de police. Comme d’habitude, on sait qu’elle sera arrêtée et expulsée du pays. Humiliée, elle sera expulsée sans même récupérer ses affaires à la maison. Et si elle a des enfants, qui s’occupera d’eux ? Peu importe, elle est une étrangère dans la nation de l’arc-en-ciel.
Populisme : Les Economic Freedom Fighters (EFF) sont un parti populiste qui s’est toujours présenté comme une alternative de gauche au gouvernement CAN-Cosatu-Parti Communiste. Il est même allé jusqu’à affirmer que l’Afrique ne devait pas avoir de frontières et que tous les Africains pouvaient s’installer où ils le souhaitaient. Maintenant, cela a changé. Ils forment des brigades qui se rendent sur les lieux de travail, expulsent les travailleurs étrangers et menacent les propriétaires de magasins pour qu’ils n’engagent plus de migrants.
L’extrême droite, représentée par le parti ACTION SA de Herman Mashaba, ancien maire de Johannesburg, par l’ANC, prône ouvertement la violence contre les migrants. Ce sont eux qui ont publiquement encouragé, notamment par des affiches, l’opération dite « Dudula », qui signifie « repousser » en zoulou. C’est ça, forcez à quittez le pays.
Dans le cadre de « l’Opération Dudula », les militants d’ACTION SA se présentent en uniforme et attaquent les vendeurs de rue, saisissent leurs marchandises, mettent le feu à leurs biens et si le migrant réagit, il peut être tué.
Voir la vidéo ci-dessous de la destruction des marchandises des vendeurs de rue :
La situation déplorable des migrants en Afrique du Sud
Ils ne peuvent pas travailler car ils n’ont pas de documents. Ils n’ont pas de documents car le Ministère de l’Intérieur est fermé depuis deux ans. Étant illégaux (provoqués par le gouvernement), ils sont attaqués sur leur lieu de travail par des membres de l’EFF ou voient leurs biens saisis et brûlés par ceux d’ACTION SA. À tout cela s’ajoute une longue histoire de violence contre les migrants au cours des dix dernières années, avec des horribles scènes comme le fait de jeter des personnes hors d’un train en marche ou d’agresser des enfants étrangers dans les écoles.
Les migrants ne peuvent pas travailler, n’ont pas de revenus et souffrent de la faim. Telle est leur réalité en Afrique.
Une campagne de dénonciation du comportement du gouvernement sud-africain est nécessaire.
Les migrants en Afrique du Sud ont besoin d’un soutien international. Dans le pays, la principale centrale syndicale, COSATU, ne dispose même pas d’une ligne sur son site Internet dénonçant la situation des migrants[1]. L’ANC, le parti qui dirige la coalition gouvernementale depuis 27 ans, gouverne par l’intermédiaire de Ramaphosa, qui est un ancien directeur de Lonmin et a été accusé d’être responsable du meurtre de 34 travailleurs lors d’une grève, connu sous le nom de massacre de Marikhana. Le PC, qui fait également partie de la coalition au pouvoir, est un parti stalinien sclérosé, incapable de dénoncer la violence à l’encontre des immigrants [2] – il suffit également de visiter son site web pour s’en rendre compte.
Seuls nos frères et sœurs travailleurs et les pauvres – noirs, blancs et jaunes – pourront dénoncer ensemble la véritable chasse que subissent les migrants pauvres dans le pays et la complicité des partis bourgeois avec le grand capital étranger. Il est très emblématique de savoir que Ramaphosa a été directeur de la société minière britannique Lonmin, qu’il entretient des relations de propriété étroites avec la chaîne McDonalds, et qu’il encourage la persécution des étrangers avec la fermeture des Affaires Intérieures.
Le gouvernement Ramaphosa connaît parfaitement les crimes commis contre les migrants et sait qui en sont les auteurs. Mais le boucher de Marikhana, comme on l’appelle communément, ne veut pas perdre de voix aux prochaines élections et permet à son opposition, c’est-à-dire ACTION SA, EFF et DA de poursuivre la politique criminelle contre les noirs des pays voisins, appauvris par l’exploitation impérialiste et soumis à la violence des milices et aux guerres civiles.
Arrêtez la persécution des immigrants pauvres !
La xénophobie est un crime contre l’humanité !
Travailleurs du monde entier, unissez-vous contre la xénophobie !
[1]http://www.cosatu.org.za/ – consulté le 03.02.2022
[2] www.sacp.org.za – consulté le 03.02.2022
Traduction Silas Teixeira