Article du PSTU, section de la LIT-QI au Brésil
Par Eduardo Almeida – 28/09/2021
Le congrès du PSOL a voté contre le lancement de sa propre candidature, en soulignant le soutien dont bénéficie déjà Lula pour le premier tour des élections de 2022.
La définition finale de la tactique a été transférée à une conférence électorale au premier semestre de l’année prochaine. Mais, comme cette conférence sera composée des membres de la direction élus dans ce congrès, le rapport de forces sera probablement le même.
C’est la première fois que le PSOL ne présentera pas de candidat à une élection présidentielle. Ce qui se discute ici, ce n’est pas la possibilité d’un vote critique pour Lula au second tour, si la polarisation Lula / Bolsonaro persiste. Mais le soutien à Lula, et ce dès le premier tour.
Qui plus est, comme l’a dénoncé l’aile gauche de ce parti, il y a un mouvement de la majorité de la direction qui ne s’arrête pas là. Ce qui se prépare, c’est la participation du PSOL à un futur gouvernement Lula.
Le soutien à Lula n’a aucun fondement dans la réalité
La défense du soutien à Lula est justifiée par des arguments d’origines et de colorations idéologiques diverses. Mais elle est structurée en premier lieu sur la nécessité de vaincre Bolsonaro. En d’autres termes, elle part correctement d’une nécessité pour défendre une politique erronée.
Bolsonaro est réellement à la tête d’un gouvernement génocidaire, sexiste, raciste, LGBT-phobe, qui impose des attaques brutales contre les travailleurs, qui précarise les relations de travail et les retraites. Il représente une véritable menace pour les libertés démocratiques, en exprimant publiquement qu’il n’acceptera pas une défaite électorale. Toute sous-estimation de cette réalité serait une grave erreur politique.
En ce moment, il n’y a pas de conditions politiques pour qu’un coup d’État réussisse, car ni l’impérialisme ni la majorité de la bourgeoisie ne le soutiendraient. Mais on ne peut pas ne pas envisager l’hypothèse que Bolsonaro tente un coup d’État, en raison de son projet dictatorial, de sa base sociale (minoritaire) et militaire.
Il est nécessaire de se mobiliser pour le renversement de Bolsonaro maintenant, et non en 2022. Cela n’a rien à voir avec le fait de soutenir Lula au premier tour des élections. Cela ne se justifie pas non plus en termes électoraux. Même si Bolsonaro se relance, ce qui n’est pas garanti, Lula pourrait atteindre le second tour. Et alors la discussion sur le fait de voter ou non pour Lula contre Bolsonaro au second tour relèverait du domaine de la tactique. Au contraire, le soutien à Lula au premier tour contribuera à mettre la classe ouvrière à la remorque du PT.
Tout le monde sait que la direction du PT ne veut pas faire tomber Bolsonaro maintenant, car cela pourrait favoriser l’émergence d’une troisième voie et menacer sa victoire en 2022. C’est pourquoi il est très probable que le PT ne donnera pas suite aux manifestations du 2 octobre avec de grandes actions de masse et une grève générale pour renverser Bolsonaro.
Confusion délibérée
Le récit de la « nécessité de faire tomber Bolsonaro » confond donc intentionnellement la nécessité de l’unité d’action dans la rue pour faire tomber le gouvernement avec une tactique électorale consistant à se mettre à la remorque du PT qui joue aujourd’hui contre l’élargissement de la mobilisation.
L’unité d’action dans la rue pour faire tomber Bolsonaro est une chose. Une autre, complètement différente, est un projet de gouvernement avec la bourgeoisie, comme le veut le PT. Cela met fin à l’indépendance de la classe et conspire contre le renversement de Bolsonaro.
Faux arguments
Valério Arcary, leader de Resistência[1], participant à ce débat, défend le soutien à Lula et ses arguments se réfèrent à la tactique du front unique développée par la Troisième Internationale. Citant Lénine, il a défendu le front unique comme la proposition de Lula « avec un programme de gauche ».
Valério a été pendant des décennies un militant du PSTU et se revendique trotskyste. Il sait parfaitement que son argumentation n’a rien à voir avec Lénine ou la Troisième Internationale.
Il sait que le front unique est une tactique de revendications et de dénonciations envers les directions réformistes, proposant des actions directes des masses. Si ces directions acceptent, le mouvement avance. Si elles refusent, elles se démasquent devant les masses.
La première erreur est d’étendre cela au terrain électoral. Lénine n’a pas utilisé cette tactique du front unique aux élections, mais a plutôt mis l’accent sur la présentation du programme révolutionnaire. La deuxième erreur est que Valério ignore la part fondamentale que revêt la dénonciation des directions dans la tactique du front unique, car il sait que Lula n’accepte aucun « programme de gauche » contre la bourgeoisie. Pour cela, il ignore délibérément les 13 années de gouvernements pétistes, réalisés avec et pour la grande bourgeoisie nationale et multinationale.
À la veille du congrès du PSOL, Valério a laissé de côté les citations de Lénine et a commencé à se baser essentiellement sur deux arguments : la « menace Bolsonaro » et la conscience actuelle des masses pro-Lula. Dans son texte « Sept notes sur le congrès du PSOL », il agite la menace Bolsonaro, sans expliquer pourquoi soutenir Lula au premier tour faciliterait la défaite du projet de coup d’État. Comme nous l’avons vu, cela ne tient pas la route.
Il aborde ensuite la conscience actuelle des masses : « L’expérience des masses avec le lulisme reste incomplète… Mais l’hypothèse la plus probable est que la candidature de Lula occupera tout l’espace politique de l’opposition de gauche comme une tendance imparable« , dit-il.
Le soutien majoritaire à Lula parmi les masses laborieuses est un fait indéniable. Cependant, un marxiste utilise un critère de classe et évalue l’histoire pour comprendre la réalité. Les mêmes masses laborieuses qui soutiennent aujourd’hui Lula ont rompu avec le PT après les 13 années de gouvernement du PT. Bolsonaro a été élu, tout le monde le sait, en surfant sur le rejet du PT à la base. Même dans les usines de l’ABC[2], le PT a été battu par Bolsonaro.
Un futur gouvernement plus à droite
Aujourd’hui, le PT se renforce à partir de la haine de Bolsonaro et du souvenir des premières années de Lula, lorsque la crise économique n’existait pas encore. S’appuyer sur la conscience actuelle des masses, sans critère de classe, en ignorant l’histoire, cela n’a rien à voir avec le marxisme. Il suffit de regarder l’avenir et de voir qu’un nouveau gouvernement Lula sera à nouveau un gouvernement bourgeois, mais avec beaucoup plus de limites qu’auparavant en raison de la crise économique. Les masses pourraient finir par rompre à nouveau avec le PT.
Lula n’a même pas pris l’engagement d’abroger les réformes des retraites et du travail de Bolsonaro et de Temer. Lula veut faire entrer dans son gouvernement les secteurs majoritaires de la bourgeoisie qui étaient aux côtés de Bolsonaro il y a encore quelques mois. Ignorer le désastre des précédents gouvernements pétistes ne fait que préparer de nouvelles défaites.
Elire des parlementaires
Plus loin, Valério plaide contre une candidature propre du PSOL : « Si le PSOL se positionne dans la campagne de manière critique par rapport à Lula, à la lumière du bilan des erreurs des gouvernements PT d’il y a une décennie, il pourrait être, irrémédiablement, sanctionné lors des élections des députés, risquant même de ne pas franchir la clause barrière, ce qui serait fatal. »
Laissant de côté toute « demande de programme de gauche » et même « toute critique du PT », Valério expose sa position jusqu’au bout, exprimant la nécessité « fondamentale » d’élire des parlementaires.
Telle est, nous semble-t-il, l’essence de la justification de la tactique votée au congrès du PSOL. Compte tenu de la conscience actuelle des masses, le fait de suivre le PT au premier tour peut faciliter l’élection d’un plus grand nombre de parlementaires. Pour un parti électoral et réformiste, c’est une logique plus réaliste que les dizaines de citations erronées sur Lénine et la Troisième Internationale utilisées par Valério.
Contester le gouvernement de l’intérieur ?
Cependant, cette argumentation, se fondant sur la conscience actuelle des masses, pourrait parfaitement justifier l’entrée dans un éventuel gouvernement Lula. La justification serait toujours le soutien des masses et la nécessité de « combattre le gouvernement de l’intérieur ».
Les mêmes intérêts matériels, avec l’élection de parlementaires, qui justifient aujourd’hui la tactique de soutenir Lula au premier tour, pourraient pousser le PSOL à entrer dans le gouvernement du PT. Participer à un gouvernement fédéral signifierait avoir accès à des milliers de postes et de subventions, de ministères et d’ambassades.
Cela pourrait s’avérer catastrophique pour le PSOL, qui est né en rupture avec le PT après la première réforme des retraites du gouvernement Lula. A tort ou à raison, le PSOL s’est construit en capitalisant sur l’usure qui a sapé le PT pendant ses gouvernements. Pour cette raison, son image est celle d’un parti « plus à gauche » que le PT. Cela s’effondrerait avec son entrée dans un nouveau gouvernement Lula, qui sera beaucoup plus à droite que les précédents.
Expérience internationale
Les expériences internationales des partis « anticapitalistes » comme le PSOL sont de bons indicateurs. Podemos, en Espagne, est entré dans le gouvernement du PSOE et vit aujourd’hui une crise ouverte. La Refondation communiste, en Italie, a participé au gouvernement Prodi en 2006-2008 et est entrée dans une crise extrêmement forte.
Certains de ceux qui ont voté pour la thèse majoritaire au congrès du PSOL nient cette possibilité. La thèse de Resistência, de Valério, par exemple, est contre cette perspective en général. Cependant, cette tendance s’est opposée, lors d’un vote au congrès de São Paulo, à une motion contre l’entrée dans un éventuel gouvernement du PT.
QUE FAIRE ?
Un appel à la réflexion
Il y a beaucoup de militants et de groupes qui défendent un projet socialiste, qui étaient regroupés dans l’aile gauche du PSOL, défendant la candidature de Glauber Braga. Il serait important que la défaite dans ce congrès amène ces camarades à une réflexion sérieuse.
Il nous semble que parier sur un changement de position lors de la conférence électorale de 2022 est une illusion. Comme nous le savons tous, l’équilibre des forces restera le même.
Certains peuvent se bercer d’illusions avec le discours selon lequel « Lula va tellement vers la droite qu’il sera possible de changer la résolution ». Nous ne pensons pas que les membres de la direction élue ignorent les projets actuels et futurs de Lula. Au contraire, dans les mois à venir, la pression en faveur de la candidature de Lula devrait augmenter, et non diminuer.
Cela laisse une question pour les camarades : vont-ils accepter d’être l’aile gauche de la campagne de Lula, même si elle est soutenue par une partie importante de la grande bourgeoisie ? Ne serait-ce pas aussi donner la priorité à l’élection de parlementaires au détriment de l’indépendance de classe ?
Nous avons une autre proposition, que nous construisons avec des camarades que vous connaissez, qui sont dans les luttes ouvrières. Nous n’acceptons pas de soutenir Lula parce que nous savons qu’il s’agira d’un gouvernement bourgeois avec un programme capitaliste.
Nous dirons aux travailleurs, dans les luttes et lors des élections, qu’une alternative socialiste est nécessaire au Brésil. Nous nous battrons pour renverser Bolsonaro par l’action directe, sans être à la remorque du PT (et donc de la bourgeoisie), qui veut mettre un frein à ces luttes. Et nous présenterons un programme socialiste et révolutionnaire dans les luttes directes et dans les élections.
Pour cela, nous construisons un Pôle Socialiste et Révolutionnaire[3]. Nous voulons vous inviter à nous rejoindre et à construire ce Pôle ensemble.
Pensez-y.
[1] Résistência est une tendance du PSOL, dont l’origine se situe il y a plusieurs années lors de la scission d’une partie du PSTU.
[2] L’ABC est une grande région industrielle située à la périphérie sud de São Paulo. C’est le berceau du PT.
[3] Voir notre article intitulé « Avec plus de 1.400 personnes, l’assemblée plénière a lancé le manifeste pour la construction du Pôle Socialiste et Révolutionnaire »