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jeudi, décembre 19, 2024

Afrique: nationaliser et étatiser la production minérale pour vivre

Ce texte vise à présenter la suite de la discussion entamée dans « Le capital financier impérialiste en Afrique – La surexploitation de la classe ouvrière et le vol des richesses naturelles » (lire ici), dans lequel nous avons abordé la question des sociétés minières, du capital financier et de leurs relations avec les gouvernements impérialistes et les gouvernements locaux. Dans ce texte, nous souhaitons aborder la question de savoir comment les pays africains ont évolué vers une économie mono-exportatrice de minéraux, se sont désindustrialisés, analyser le rôle de la Banque mondiale et du FMI dans la mise en œuvre de ces politiques et, enfin, comment lutter pour la nationalisation et l’étatisation des minéraux.

Par Yves Mwana Mayas et Cesar Neto d’Afrique du Sud

Depuis 1885, lorsque les grandes nations impérialistes ont partagé l’Afrique entre elles, les peuples africains ont commencé à résister. Il y a eu des décennies de luttes jusqu’à ce que, entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, l’indépendance soit acquise dans la plupart des pays. Ces processus ont donné lieu à d’innombrables luttes dans les villages, les villes, les États et les pays. À cette fin, des réunions, des rencontres et des débats ont été organisés, qui ont encouragés les luttes. Cependant, il y a eu aussi de nombreuses défaites et avec elles, de nombreuses leçons. Il s’agit donc d’un processus très riche qui a abouti à l’indépendance.

L’indépendance des pays africains a été avant tout une victoire spectaculaire du mouvement de masse contre les puissantes nations impérialistes. Une victoire partielle dans la mesure où le centre du problème n’a pas été résolu: les relations capitalistes de production et de domination. Cela signifie que le contrôle de l’économie des pays indépendants est resté entre les mains des monopoles capitalistes et des grandes puissances impérialistes.

Aujourd’hui, nous vivons un nouveau cycle de l’histoire africaine vécu après la montée en puissance des gouvernements africains. Cependant, les masses découvrent que leurs propres gouvernements sont les agents directs de l’impérialisme contemporain et qu’elles doivent les renverser. C’est ainsi que nous assistons à la chute de nombreux dictateurs et qu’il y a une liste à abattre (lire la suite ici).

À titre d’exemple, le peuple chilien, qui nous a donné ces derniers mois tant de leçons de résistance et de combativité, a de belles chansons de lutte et l’une d’entre elles dit précisément: « parce qu’il ne s’agit pas de changer de président. C’est le peuple qui va construire un Chili très différent ». Et nous pensons que c’est la bonne chose à faire: il faut renverser tous les dictateurs qui gouvernent les pays africains et aux nouveaux présidents nous ne pouvons exprimer la moindre confiance et il faut en même temps imposer la volonté des travailleurs et du peuple. Mais pour cela, nous devons comprendre notre histoire et nos défis.

Parmi les différents exemples historiques que nous pourrions citer, il y en a deux qui sont emblématiques et qui résument une grande partie de l’expérience africaine dans la période post-coloniale. La première est la question de la dette extérieure, que nous examinerons à travers l’expérience concrète qui s’est produite en République démocratique du Congo et qui a également été appliquée à d’autres pays. L’autre exemple est le processus de désindustrialisation et de chômage en Afrique du Sud dans le cadre de la négociation pour la fin de l’apartheid appliquée par le CNA-COSATU-Parti communiste. Ce même processus de désindustrialisation s’est produit dans divers pays d’Afrique subsaharienne, y compris ceux qui avaient déjà un faible niveau d’industrialisation.

Dette extérieure : la continuité des relations impériales, mais sous une autre forme

Lors de la cérémonie de proclamation de l’indépendance de la R.D. du Congo le 30 juin 1960, le roi Balduino de Belgique a revendiqué le rôle du génocidaire Léopold II et plus encore, a déclaré que la Belgique avait contribué à « civiliser » les Congolais. Patrice Lumumba, le premier président, ne s’est pas incliné devant la prépotence et a répondu : « Nous savions qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les Blancs et des cases en ruine pour les Noirs, qu’un Noir n’était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens ; qu’un Noir voyageait dans la coque des péniches, aux pieds du Blanc dans sa cabine de luxe ». Et encore « qui oubliera enfin les fusillades dans lesquelles tant de nos frères sont morts, les cachots dans lesquels ont été brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime de justice de l’oppression et de l’exploitation »?

Apparemment, c’était un cri de coeur de Lumumba. Et pourquoi Lumumba a-t-il répondu si durement à l’attitude hautaine du roi Balduino? En fait, derrière les rideaux, ce qui était en litige était de savoir qui allait payer la dette extérieure contractée par l’empire belge.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pays impérialistes étaient économiquement fauchés et se sont tournés vers la Banque mondiale qui a accordé des prêts à la Belgique, à la France et à l’Angleterre. Toutefois, ces prêts ont été contractés au nom des colonies. La Belgique a reçu les prêts qui ont été comptabilisés dans les comptes de ses colonies (République démocratique du Congo, Rwanda et Burundi), l’Angleterre a reçu et comptabilisé dans les comptes du Kenya, de l’Ouganda, de la Tanzanie, du Zimbabwe, de la Zambie, du Nigeria, de la Guyane anglaise (Amérique du Sud) et la France dans les comptes de l’Algérie, du Gabon, de la Mauritanie, du Sénégal, du Mali, de la Guinée Conakry, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Burkina Faso et du Bénin.

Eric Toussant, spécialiste des processus de formation de la dette extérieure, affirme que : « Dans le cas du Congo belge, les millions de dollars qui lui ont été prêtés pour des projets décidés par la puissance coloniale ont été presque entièrement dépensés, par l’administration coloniale du Congo, pour l’achat de produits exportés par la Belgique. Le Congo belge a « reçu » un total de 120 millions de prêts (en trois tranches), dont 105,4 millions ont été dépensés en Belgique. Pour le gouvernement de Patrice Lumumba, il était inconcevable de payer cette dette à la Banque mondiale, alors qu’elle avait été contractée par la Belgique pour exploiter le Congo belge »[1].

Le refus du gouvernement Lumumba de reconnaître et de payer la dette contractée par l’empire belge, a conduit au complot dirigé par les deux pays, les États-Unis et la Belgique, qui a abouti à l’assassinat de Patrice Lumumba en janvier 1961.

De cette façon, le coup d’État et l’assassinat de Lumumba ont eu la participation directe de Mobutu Sese Seko. Ainsi, en 1965, Mobutu a fait un coup d’État et a imposé une dictature sanguinaire qui a duré 32 ans.

En ce sens, l’indépendance du Congo (ex-Zaïre) a commencé par deux faits pertinents: le premier était la reconnaissance d’une dette qui n’était pas la leur et le second l’imposition d’un gouvernement sanglant soumis à l’impérialisme.

Ce n’est pas seulement l’histoire du Congo. C’est un exemple qui est reproduit dans plusieurs processus similaires qui ont eu lieu dans divers pays africains au cours de la période post-coloniale.

La fin de l’apartheid et la désindustrialisation

La lutte héroïque contre l’apartheid en Afrique du Sud était pleine de grandes luttes comme celles de Shaperville, Soweto, District Six, etc. Également par des grèves d’usine, des grèves régionales et des grèves générales. Sans compter les gigantesques manifestations des chômeurs et celles contre les politiques racistes.

Le renversement du régime d’apartheid a été une victoire spectaculaire du mouvement noir contre le gouvernement de la minorité blanche. Cette lutte a permis de gagner d’importants droits démocratiques qui étaient refusés à la majorité noire. Cependant, bien que cela ne soit pas dit ouvertement, cette victoire a été éclipsée par les énormes concessions économiques qui ont été faites à la bourgeoisie raciste et impérialiste.

A cet égard, la grande alliance qui a joué un rôle de premier plan dans ces luttes, CNA-Cosatu-Parti communiste « a mis de côté le programme de nationalisation de la Charte de la liberté de la CNA, approuvée en 1955, et avec le Parti national, a formulé une politique économique basée sur la croissance économique par la compétitivité (plus grande exploitation de la classe ouvrière), et de « l’encouragement » aux investissements du secteur privé (argent public pour la bourgeoisie), la privatisation des entreprises publiques, l’indépendance de la Banque centrale »[2] et l’ouverture du marché national à l’importation de biens et de marchandises produites à l’étranger. L’industrie sud-africaine, dont la technologie et la productivité sont faibles, n’a pas résisté aux produits importés et, en fin de compte, on a assisté à un profond processus de désindustrialisation et à la croissance consécutive du chômage.

Dans le graphique ci-dessous, nous pouvons observer le processus concomitant de désindustrialisation et d’augmentation du chômage. Cependant, certains chercheurs soutiennent que le chômage généré était encore plus important et que les données étaient « étouffées » en raison de la création d’emplois précaires dans les administrations municipales et étatiques qui utilisent cette main-d’œuvre dans les services généraux, en la payant à moitié et sans accès aux droits sociaux. Ainsi, les données mises en évidence par le graphique peuvent représenter des problèmes bien plus graves.

L’analyse des données ci-dessus, nous permet d’observer le processus accéléré de désindustrialisation et la réduction conséquente du nombre de travailleurs employés. Une fois encore, nous le disons, la fin de l’apartheid a été une victoire importante, mais en ne s’attaquant pas aux relations capitalistes de production et d’exploitation, elle s’est circonscrite aux limites des droits démocratiques.

L’empire contre-attaque : La Banque mondiale impose l’exploitation minière comme stratégie pour l’Afrique subsaharienne

Dans les années 1980, nous avons connu la grande crise connue sous le nom de « crise de la dette extérieure », au cours de laquelle de nombreux pays du monde entier n’ont pas pu continuer à payer leurs dettes. Certains pays ont même déclaré des moratoires et d’autres ont suspendu momentanément les paiements. En Afrique, où de nombreux pays venaient de sortir de la période coloniale et avec des dettes énormes héritées des colonisateurs, comme nous l’avons expliqué dans l’exemple du Congo, la crise de la dette a été violente. Puis, en 1993, devant l’impossibilité de payer les dettes, la Banque mondiale a présenté une alternative à travers le document : Stratégie pour les mineurs en Afrique.

De cette manière, la Banque mondiale a été très claire. La stratégie était fondée sur la maximisation, c’est-à-dire sur l’exploitation maximale des ressources minérales, laissant de côté le contrôle des ressources ou la création d’emplois. Examinons donc l’intégralité de la citation : «  La principale conclusion du rapport est que le redressement du secteur minier en Afrique nécessitera une réorientation des objectifs du gouvernement vers un but premier, à savoir maximiser les recettes fiscales de l’exploitation minière sur le long terme, plutôt que de poursuivre d’autres objectifs économiques ou politiques tels que le contrôle des ressources ou l’amélioration de l’emploi ».[3]

Le rapport intitulé « Strategy for Minners in Africa », également connu sous le nom de « World Bank Technical Paper Number 181 », s’attaque à deux piliers fondamentaux de la souveraineté nationale des pays africains. De cette façon, les deux piliers qu’ils attaquaient étaient: a) la souveraineté sur les ressources naturelles et b) l’exploitation de ces ressources par des entreprises d’État. Voyons comment ces attaques se sont déroulées.

1. a) Après l’indépendance, la plupart des gouvernements cherchant à souligner leur souveraineté sur les ressources minérales ont imposé des règles et des réglementations qui ont souvent empêché les investissements rentables dans le secteur. Dans de nombreux cas, les gouvernements ont nationalisé ou pris le contrôle des sociétés minières et, en tant qu’exploitants, ont commencé à les gérer pour les contrôler et percevoir un maximum de rentes à court terme

2. b) Les grandes entreprises contrôlées par l’État qui dominent aujourd’hui le secteur minier dans plusieurs pays africains ont généralement vu leurs performances s’effondrer. Elles sont soumises à l’intervention de l’État à des fins souvent sans rapport avec l’efficacité des performances et leur fonctionnement tend à être moins productif que celui des entreprises privés.

Le rapport détaille en outre les mesures spécifiques que les gouvernements africains doivent prendre. Le rapport – en termes succincts – propose aux gouvernements le programme d’action suivant pour les années 1990:

* Continuer à faire évoluer les programmes d’ajustement économique pour rembourser la dette ;

* Les gouvernements doivent définir clairement leurs stratégies de développement minier. Le secteur privé doit prendre l’initiative;

* Les encouragements pour les investisseurs miniers doivent être clairement déterminées dans la législation sur les investissements.

* La fiscalité minière doit tenir compte des niveaux d’imposition dans les autres pays miniers afin de maintenir ou d’établir la compétitivité de l’industrie nationale.

* La législation minière doit réduire les risques et les incertitudes pour les investisseurs potentiels et garantir un accès facile aux permis d’exploration et aux concessions minières.

* Les institutions gouvernementales devraient cesser d’exercer des fonctions opérationnelles et de marketing.

* Contrôler l’exploitation minière artisanale.

Nous soulignons que ce rapport a été le guide pour l’application d’une politique qui a déterminé la fin de la souveraineté minière pour le peuple africain et, plus encore, a imposé la fin des sociétés minières d’État.

Regagner la souveraineté minérale : les minéraux sont à nous

Après trois décennies d’application de la « stratégie minière pour l’Afrique » de la Banque mondiale, la dette extérieure n’a cessé de croître, les pays se sont désindustrialisés, le chômage a augmenté, la pauvreté et la destruction de l’environnement ont progressé et les conditions de vie de la population se sont dégradées. Tout cela avec la bénédiction de gouvernements dictatoriaux sanguinaires qui sont (ou étaient) au pouvoir pendant 10, 20, 30 et même 40 ans.

Nous devons retrouver notre souveraineté sur les minéraux. Nous devons dire en langage clair : les minéraux sont à nous. Et mettez dehors les transnationales, le FMI, la Banque mondiale et les gouvernements complices. Il s’agit d’un combat immense qui, peu à peu, se précise et montre sa nécessité. La bourgeoisie tente rapidement de détourner cette lutte qui s’approche. Méfiez-vous donc des pièges qui apparaissent.

Le premier piège : c’est notre faute. Nous sommes corrompus !

Le Fonds monétaire international a publié en mai 2011, un texte apparemment destiné à un pays, le texte nommé Ghana: sera-t-il béni ou maudit, dans lequel il explique qu’avec la découverte de pétrole dans le pays, les opportunités qui s’ouvrent, et les risques qu’augmentent.

« Ce document étudie l’impact des revenus des ressources naturelles sur la trajectoire de croissance d’une économie ; et applique les résultats de cette analyse au Ghana. Pour ce faire, un ensemble de données de 150 pays à revenu faible et intermédiaire de 1973 à 2008 est analysé. Les résultats montrent qu’un piège de pauvreté existe pour les pays pauvres en ressources et les pays riches en ressources en raison de leur faible qualité institutionnelle. En revanche, pour les pays dotés d’une bonne gouvernance et d’une gestion macroéconomique solide, la richesse pétrolière peut être utilisée pour atteindre une croissance économique plus élevée ».[4]

De cette façon, le principal risque, selon le FMI, est la faible qualité des institutions. Cela signifie que le pays n’a pas d’institutions fortes, ce qui facilite le vol et la bénédiction des ressources devient une malédiction. C’est donc notre faute ! Ils ne disent pas un mot sur le vol, le pillage de nos ressources minérales par les sociétés transnationales. Ils ne font pas la moindre référence au fait que sur l’ensemble de l’uranium exporté par le Niger, le pays n’en reçoit que 5%. Il ne dit pas non plus que sur l’or exporté par le Ghana, seul 1,7 % entre dans la banque centrale du pays et que les communautés touchées ne reçoivent que 0,11 % de ce que le pays a reçu. Ils ne mentionnent toujours pas qu’en Zambie, le cuivre a été exploité par une société d’État entre 1970 et 1998, et qu’aujourd’hui, avec la privatisation totale, quatre sociétés, dont le Barrick Gold Group, contrôlent plus de 80% de l’exploitation et le pays n’en reçoit que 3%.

Cependant, nous ne nions pas l’existence de gouvernements et de fonctionnaires corrompus. Mais qu’en est-il des sociétés transnationales, qui sont-elles et que font-elles ? C’est une grande question. Pendant ce temps, on nous parle de « bonne gouvernance » et de lutte contre la corruption, mais il s’agit en réalité d’une façon de détourner notre lutte pour la nationalisation des ressources de notre territoire national. C’est une façon de couvrir le scandaleux vol de nos richesses nationales par des multinationales étrangères. Cependant, le texte « Ghana: il sera béni ou damné » est devenu un guide pour tous les pays.

Le deuxième piège : la solution électorale

Dans un autre texte, nous avons montré comment, ces dernières années, plusieurs dictateurs sont tombés et il existe une liste de ceux qui doivent encore tomber. Cependant, le remplacement de ces dirigeants n’a pas permis de recouvrer la souveraineté sur les ressources nationales. Et pourtant, aucun de ces gouvernements n’a parlé ou ne parle de la nationalisation des ressources. Par conséquent, nous ne pouvons avoir et ne pouvons exprimer aucune sorte de confiance dans ces gouvernements qui sont de véritables administrateurs coloniaux des impérialistes à l’heure actuelle.

Le troisième piège : les groupes politiques réformistes

Le capitalisme dans son stade supérieur actuel, c’est-à-dire le capitalisme impérialiste, ne laisse aucune place à la réforme du système capitaliste. Mais certains réformistes vont jusqu’à accuser l’impérialisme, d’autres parlent du passé colonial, et d’autres encore, un peu plus avancés, parlent d’un impérialisme contemporain. Et c’est tout ce qu’ils obtiennent. Cependant, ils ne disent pas qui sont les impérialistes, qui sont leurs agents dans le pays et ils ne montrent pas non plus, comment lutter pour la souveraineté des nos ressources naturelles.

Nationaliser l’exploitation minière: les minéraux sont à nous

En nationalisant la production minérale, nous aurons immédiatement un problème et un grand débat devant nous. À qui remettons-nous la production minière nationalisée ? Nous avons ici deux voies : l’une consiste à la confier à un secteur de la bourgeoisie ou aux banques nationales. Et l’autre moyen est de construire une entreprise d’État destinée à l’exploitation minière.

La première hypothèse – remettre à la bourgeoisie ou aux banques nationales – signifie le maintien des mêmes relations capitalistes de production et d’exploitation des travailleurs.

En créant une société d’État à cette fin, nous aurons davantage de possibilités de discuter des salaires, des rythmes de production, de l’élimination des matières premières nocives pour la santé humaine et l’environnement, etc.

Les opposants à la création d’entreprises publiques pourront utiliser l’argument selon lequel il s’agit d’entreprises déficitaires, comme c’est le cas des compagnies sud-africaines d’électricité et d’aviation, Eskom et South Africa Airways, qui sont pratiquement en faillite. Nous n’excluons pas que ces deux entreprises sud-africaines soient pratiquement en faillite après plus de 25 ans de règne du CNA. Et c’est pourquoi la solution à ce problème est que les travailleurs contrôlent la production, car ceux qui travaillent décident de la direction de l’entreprise! Telle est la devise.

En défendant la nationalisation sous contrôle ouvrier, nous précisons que lorsque nous parlons de contrôle ouvrier, nous parlons du contrôle des travailleurs directement liés à la production. Et nous ne parlons pas des dirigeants syndicaux. Les dirigeants syndicaux, étant éloignés de leurs bases et dirigeant des syndicats qui se limitent souvent à des actions en justice, gèrent les syndicats sans démocratie, et par conséquent génèrent des épisodes comme ce qui s’est passé au Nigeria, comme nous le verrons.

Dans le processus de privatisation du secteur de l’électricité au Nigeria, les travailleurs ont reçu un pourcentage des actions de l’entreprise privatisée. Avec les licenciements massifs, l’ancien secrétaire général du syndicat des retraités du Nigeria a pris les actions de ces travailleurs et a créé un fonds d’investissement privé. Avec cela, les travailleurs n’ont pas reçu un seul centime de cette privatisation. [6]

Dans un texte, de 1938, Léon Trotsky (dirigeant de la Révolution Russe et constructeur de l’Armée Rouge) mettait en garde contre ce type de risque et proposait :

« Il est ici nécessaire de préciser que lorsque nous disons contrôle de la production par les travailleurs, cela ne signifie pas le contrôle de la production par les bureaucrates des syndicats nationalisés, mais le contrôle par les travailleurs de l’entreprise elle-même et la lutte pour l’indépendance des syndicats vis-à-vis de l’État » [7].

Nationaliser et étatiser : un plan de luttes

Le minerai est à nous. Dehors les transnationales : Après des décennies de gouvernements dictatoriaux et sanguinaires, la mémoire de la lutte anti-coloniale a été effacée par les balles. Et ce que nous observons, c’est que les nouvelles générations ne se réclament pas de la lutte

anti-coloniale, la connaissent peu et ne connaissent donc pas l’origine du présent. Et par conséquent, rares sont ceux qui savent que pendant une courte période, après l’indépendance, les minéraux ont été exploités par leurs États nationaux et souvent par des sociétés d’État.

La première tâche consiste donc à mener une campagne pour dénoncer le vol de minéraux et la nécessité de ré-nationaliser et de re-étatiser la production de minéraux dans chaque pays.

Lier les luttes spécifiques à la lutte pour la nationalisation des minerais: Chaque jour, nous avons différents types de luttes dans toute l’Afrique subsaharienne. Les travailleurs et les pauvres se battent donc désespérément pour des droits élémentaires comme la nourriture, le logement et la santé. Ces luttes héroïques, le plus souvent, ne sont pas considérées comme faisant partie des luttes pour la nationalisation des minéraux, pour la seconde indépendance et pour le socialisme. Comme le disait Trotsky : « Il faut aider les masses, dans le processus de leurs luttes quotidiennes, à trouver le pont entre leurs revendications actuelles et le programme de la révolution socialiste »[8].

Lorsqu’un travailleur se bat pour des salaires, comme dans le cas de Marikhana, il est en train de dire : « je veux une plus grande part de l’exploitation minière ». Bien que la lutte soit pour les salaires, il faut soutenir cette lutte et la relier à la lutte pour la nationalisation des minéraux.

Lorsqu’une communauté lutte contre le déplacement forcé de son lieu d’habitation, elle le dit aussi : « cette terre est à moi ». Il faut les aider à dire « cette terre est la mienne et non celle des compagnies minières étrangères ».

Lorsqu’une communauté défend l’environnement, nous devons être en première ligne de cette lutte et les aider à comprendre que l’exploitation minière doit se faire sans détruire l’environnement et que cela ne peut se faire que dans l’intérêt national et que pour cela nous devons exploiter avec des entreprises publiques contrôlées par leurs travailleurs.

Lorsque les étudiants se battent pour un enseignement public, gratuit et de qualité ; lorsque les familles se battent pour de meilleurs soins de santé, contre le coût de la vie et pour un logement décent. En réalité, tous, sans exception, même si c’est inconsciemment, se demandent : « et à quoi servent nos minéraux » ? Il est nécessaire d’aider ceux qui luttent à construire ces ponts entre les luttes spécifiques et la lutte pour la nationalisation et l’étatisation de la production minérale.

Enfin, et surtout, il est nécessaire de coordonner ces actions. Et de cette façon, créer des organismes qui sortent de ces luttes. Mais il ne s’agit pas d’unité pour l’unité. Et oui, c’est l’unité pour la lutte.

De cette façon, unis entre ceux qui luttent, nous construirons les voies de la nationalisation et de l’étatisation, pour une seconde indépendance et surtout la construction d’une société juste, solidaire et fraternelle. Une société socialiste.

Traduction : Silas Teixeira

[1] Une figure emblématique du FMI et de la Banque mondiale devant la justice suisse – http://www.cadtm.org/Uma-figura-emblematica-do-FMI-e-do

[2] SANTOS, Adriana Gomes, org. São Paulo : Editions Sundermann, 2019, pag. 94

[3] La Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale . Stratégie pour l’exploitation minière en Afrique – Washington/DC – 1993

[4] Fonds monétaire international. Le Ghana : sera-t-il doué ou maudit ? – 2011

[5] Le capital financier impérialiste en Afrique – https://www.pstu.org.br/o-capital-financeiro-imperialista-na-africa/

[6] www.roape.net/2019/05/28/the-roots-of-the-crisis-in-nigeria-interview-with-femi-aborisade

[7] Trotsky, L. Discussion sur l’Amérique latine https://www.marxists.org/espanol/trotsky/ceip/latin/25.htm

[8] Programme de transition. https://www.marxists.org/portugues/trotsky/1938/programa/cap01.htm#1

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