mar Juil 01, 2025
mardi, juillet 1, 2025

« Dans le programme gouvernemental, il n’y a rien à négocier. »

Voici un entretien avec un délégué syndical de la FGTB, réalisé le 19 août 2016


 Que penses-tu de la réaction syndicale face aux attaques du gouvernement ?


Depuis le début de l'instauration de la suédoise, elle a toujours été timide. Au vu des résultats des actions menées, pour moi il n'y a rien eu. Il y eu une forte mobilisation, la base est partie, mais on s'est heurté à cette logique de concertation prônée par les dirigeants syndicaux. Du coté de la FGTB ou de la CSC, les dirigeants syndicaux se sont entêtés à concerter, alors que l'on sait qu'il n'y a rien à concerter ! Dans le programme gouvernemental, il n'y a rien à négocier, tout doit être rejeté. Et la réaction, je la qualifierai de timide dans le meilleur des cas et de nulle dans d’autres cas.

 


Comment la mobilisation s'est-elle passée dans ton entreprise ?

 


 


La mobilisation a été de 100 % et c'est aussi le cas d'autres entreprises. La mobilisation était forte. C'est plutôt la réaction de la bureaucratie syndicale qui a en quelque sorte cadenassé la mobilisation.


Quel était la réaction des travailleurs par rapport au plan syndical ?


Sincèrement, je vais te dire que, bon, les gens nous connaissent, connaissent nos valeurs… Mais à l'heure actuelle, après l'atterrissage de l'appareil syndical, personnellement, pour moi et la délégation, on n'ose même plus faire d’assemblées générales. Parce que les gens sont dégoutés, se sentent trahis par les syndicats et, en l'occurrence, par nous, car c'est nous qui représentons les organisations syndicales au sein de nos entreprises. La réaction est hyper-négative. Certains se demandent à quoi bon rester encore syndiqué. C'est l'incompréhension générale…


Selon toi, que faudrait-il pour organiser la lutte de manière sérieuse et pour arriver à engranger des victoires contre le gouvernement ?


La première chose, c'est de continuer à y croire. Ce serait néfaste pour le monde du travail, pour les travailleurs avec ou sans emploi, de ne plus croire en la lutte. Ce serait une erreur et un cadeau pour nos adversaires et nos ennemis, à savoir le capitalisme et ses soldats. Deuxièmement, il faut se donner les moyens de la lutte. Et quand on parle de moyens, on ne parle pas forcément de moyens financiers, mais aussi de moyens humains. Et ensuite, il faut s'organiser. Pour moi, franchement, malgré que je sois délégué et que je croie encore aux organisation syndicales, je pense qu’il faut sortir du rôle d'affilié ou de simple délégué et aller vers un rôle de militant actif au sein des organisations afin de peser sur l'appareil syndical et de l'obliger à se mobiliser. Il faut en finir avec ce rapport paternaliste que les bureaucrates syndicaux ont su instaurer. Ils ont été malins, ils ont instauré ce rapport : « j'ai un problème, donc je téléphone au permanent. C'est la règle. » Il faut sortir de cette logique et passer à un rôle de militant, c'est ce qui nous manque actuellement. Il ne faut pas attendre que l'appareil syndical vous invite à faire grève pour se mettre en grève. Il faut commencer à se projeter dans un mode différent de celui-là, à savoir de s'organiser en comité, comme cela a été le cas lorsque cela a été nécessaire. Les organisations syndicales n'ont fait que récupérer les luttes dans le passé, et pire encore : les cadenasser. C'est pour cela que j'invite les gens à demander des comptes à l'organisation syndicale, à participer aux assemblées générales, à donner leurs opinions, à s'imposer au sein des organisations syndicales et non pas simplement attendre les ordres de Goblet ou de Ska pour dire : on bouge, on rentre, et suivre le circuit qui est bien tracé. Non, on est tellement attaqués qu'on n'a plus le choix.


Qu’est ce que les militants syndicaux combatifs au sein des syndicats devraient faire pour opposer une résistance à cette bureaucratie ?


C'est vrai que fort heureusement il y a encore des militants, mais pas autant qu'on le souhaiterait. Parce qu'il ne faut pas perdre de vue que pendant les élections, c'est la porte ouverte à tout. Les organisations syndicales sont à la chasse aux mandats, peu importe la personne. Et est-ce que les bureaucraties des organisations syndicales sont encore intéressées à avoir de vrais militants ? Ça, je n'en suis pas sûr. Quand je vois le sort qui est réservé à certains des militants qui ont été trainés dans la boue, devant la justice, qui ont été tout simplement exclus par l'appareil syndical car ils estiment qu'ils sont trop combatifs à son goût… Ou alors, ils sont à la recherche de militants et de délégués « machine à café » comme je les appelle. C'est aberrant de faire ce constat mais c'est la réalité, il faut le savoir. Mais je n'en veux pas non plus à tous les délégués, en l’occurence aux nouveaux. Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir une formation politique ou idéologique. Et c'est le rôle des organisations syndicales de les former comme il faut. La formation au sein des organisations syndicales n'est plus idéologique. C'est une volonté, qu'on ne vienne pas me faire croire autre chose. On apprend à un délégué comment faire ci, comment faire ça. Bref, la gestion quotidienne des problèmes qui surviennent sur le lieu de travail. Pas plus. Donc, là aussi il y a une défaillance, et j'invite tous les militants à s'intéresser d'eux-mêmes et à ne pas attendre que l'organisation syndicale leur donne telle ou telle formation. La curiosité doit être de mise dans ce domaine. Cela ne les intéresse pas de former des militants. Et ceux qui sont super-actifs sont victimes de pressions au sein de leurs organisations. Certains sont éjectés. On a vu derrière eux des licenciements en accord avec le patron. Donc, être un vrai militant convaincu, aujourd'hui, c'est carrément suicidaire. Mais bon, on ne change pas ! Etre militant, c'est dans les gènes. Mais ce n’est pas facile tous les jours pour eux dans les organisations.


Que penses-tu de l'idée d'un réseau de syndicalistes combatifs qui puisse avoir une vision minimum commune pour pouvoir faire une sorte d'opposition dans les syndicats ?


La tentative a déjà eu lieu. Il y a eu une occupation le 11 janvier 2015 de la CGSP à Bruxelles et on a réussi à mettre un petit réseau en place pour rassembler tous les militants actifs et qui se réfèrent à une déclaration. Cela a été la catastrophe totale. Dans le sens où la bureaucratie à su cadenasser le machin en menaçant certains, en mettant des bâtons dans les roues à d'autres, en en excluant encore d'autres… Donc, cela a été le fiasco total. Pour ma part, honnêtement, cela m'a renforcé dans l'idée de combattre la bureaucratie syndicale. Mais, malheureusement, pour une partie des gens, cela a eu l'effet inverse : Cela les a dégoutés du syndicalisme et les a éloignés encore plus du militantisme car ils n'y croient plus. Car on a vu que la résistance venait réellement de l'intérieur et pas de l'extérieur. Et ça, c'est malheureux et déplorable. Mais l'idée de faire un réseau, il faut l'exploiter. C'est une bonne idée mais ce n’est pas facile. Déjà, de par la nature de la structure qui est hyper-complexe, qui est divisée entre centrales, entre couleurs,… Donc, ils ont bien cadenassé la chose mais il n'empêche qu'il va falloir, à un certain moment, s'assoir autour d'une table et étudier la question, et l'étudier intelligemment car il ne faut pas perdre de vue qu'en face, on a une machine de guerre qui est prête à tout pour garder ses privilèges et sa classe.


Merci beaucoup, est-ce que tu as quelque chose à rajouter ?


Oui. Je voudrais profiter de cet entretien pour dire aux vrais militants que la CSC et la FGTB n'appartiennent pas à Ska ou à Goblet et que vous ne devez pas vous laissez intimider par des exclusions ou par le sacrifice de certains camarades. Au contraire, on doit les soutenir, soutenir ceux qui ont été sacrifiés et je fais allusion à des camarades, notamment de la région du centre, qui ont été exclus sous prétexte qu’ils sont trop combatifs et « nuisibles à l'organisation ». Je tiens à rendre hommage à ces gens-là et qu'ils sachent qu'ils ne sont pas seuls. J'invite les autres camarades à les soutenir, à se regrouper et à commencer à construire une résistance au sein de nos organisations respectives, toutes couleurs confondues. Ne nous divisons pas, soyons unis, opposons-nous à ces bureaucraties syndicales qui, rappelons-le, sont des mandataires. Ne perdez pas de vue que, peu importe qui il est, il a un mandat et il faut essayer de construire. Et pas comme certains délégués le font en ayant plus de carnets d'affiliation, mais surtout remplir son carnet d'adresse de militants, pas d'affiliés. Essayer de travailler sur les assemblées générales, chose qui s'est perdue dans des tas d'entreprises où on ne se connait même plus. Il faut faire passer des messages et résister, et à l'intérieur des organisations et face à ce gouvernement de fascistes et de banquiers.

 

 

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