Prison de Marcos Paz, le 2 octobre 2018
Aux travailleurs et au peuple, aux organisations ouvrières et populaires, aux fédérations et entités internationales
Je m’appelle Daniel Ruiz. Depuis le 12 septembre, je suis en prison pour le seul fait de manifester en décembre dernier contre les réformes des retraites et des impôts, imposées par le gouvernement national de Mauricio Macri.
Ma détention répond à un seul objectif : criminaliser la protestation sociale, faire en sorte que les travailleurs vivent dans la peur. C’est pour cette raison que le gouvernement et ses tribunaux ont choisi cette date pour ma détention, un 12 septembre, « Journée de grève nationale de l’Association de Travailleurs de l’Etat (ATE) ». Ils pensaient que le fait de me tenir en otage allait intimider le peuple travailleur.
Comme ils ont tort ! En tant que gouvernement de patrons, de PDG’s et de gestionnaires, ils sous-estiment l’ouvrier. Non seulement personne ne s’est laissé intimider, mais ils ont eu l’une des grèves générales les plus puissantes, avec une mobilisation et des piquets de grève dans tout le pays, dont beaucoup ont revendiqué ma libération.
Comme ils sous-estiment le peuple ! Nous sommes toujours debout et ces actions m’ont donné plus de force pour continuer notre combat contre la faim dans chaque foyer.
Il ne leur suffisait pas de persécuter Sebastián Romero, d’arrêter et de poursuivre Arakaki et Ponce, d’extrader Jones Huala, de maintenir Milagro Sala en otage, d’harceler et de poursuivre des syndicats et des dirigeants sociaux comme Juan Grabois, d’assassiner Santiago Maldonado et Rafael Nahuel dans le dos.
Ils me gardent en prison, avec un embargo de 200 000 pesos, parce que « le juge est convaincu et continue à expertiser ». Je les épargne le travail à ces messieurs en costume et cravate qui suivent les ordres du pouvoir de garde.
Je suis originaire de Comodoro Rivadavia, né et élevé là-bas, où du pétrole a été découvert en 1907 et où l’Etat national a passé près de 40 ans avant de payer des redevances pour la totalité du pétrole emporté, des redevances qui ne sont que de 12 % et dont l’État national et les multinationales ne payaient pas un centime pendant les 40 premières années de pillage de nos ressources. C’est-à-dire qu’ils nous doivent 40 ans de redevances !
Juge Torres : j’ai fréquenté le lycée 731, et comme il n’avait pas de nom, entre étudiants nous avons décidé de voter pour lui donner un nom, et parmi les noms proposés, c’est « Gran Malvina » qui a eu la majorité, en hommage à nos droits souverains sur nos îles des Malouines. Bien sûr, vous n’avez pas expertisé cela, car, comme le président Macri, vous avez renoncé à la lutte pour les récupérer et vous rendez hommage aux pirates.
J’ai travaillé toute ma vie, et lorsque le baril de pétrole a atteint 8 dollars, nous avons fondé, avec mes voisins et les travailleurs du secteur pétrolier au chômage, le mouvement des piqueteros pour un vrai emploi.
Sachez, Monsieur Torres, qu’entre 1998 et 2002, grâce à la lutte, 1800 emplois ont été créés dans le bassin du golfe San Jorge.
Cela a été réalisé avec l’unité, la solidarité et l’organisation, et vous devez savoir que c’est de cette manière que je suis entré dans l’industrie pétrolière ; et je suis fier d’en être un travailleur, un délégué syndical, et surtout un ami et un camarade de mes pairs de la classe ouvrière, et que tôt ou tard, nous devrons imposer un nouveau système politique, économique, scientifique et social dans lequel les principaux leviers de l’économie soient contrôlés par l’ouvrier pour le bien-être et le développement de la collectivité et des secteurs populaires.
Si ce capitalisme sauvage continue, nous devons construire notre socialisme international.
Depuis ma cellule, je n’ai que de la gratitude pour autant de manifestations de soutien et de solidarité, à la fois dans mon quartier, à l’école, dans ma ville, comme dans le pays et dans le monde.
Ma gratitude pour ma famille, mon parti, le PSTU, les organisations, mes avocats, et surtout ces travailleurs qui signent ma pétition, en particulier mes anciens pétroliers du bassin du golfe San Jorge.
A près de 100 ans de la première grève pétrolière,
à près de 100 ans de la grève des péons ruraux,
à près de 526 ans du génocide des peuples autochtones, nous continuons à résister !
Macri, dégage !
Les îles Malouines sont argentines !
Pour un gouvernement ouvrier et populaire !
Ma fille : Nous nous verrons bientôt à la maison !
Cordialement
Daniel Ruiz
27020957
Prisonnier politique de lutte