sam Sep 13, 2025
samedi, septembre 13, 2025

La tentation totalitaire d’Alan García

Alors qu'il vient de lancer une offensive contre les professeurs et les travailleurs, le gouvernement d'Alan García défend ouvertement la peine de mort, devenant par là complice du fujimorisme et de l'extrême-droite. Par ce moyen, il cherche d'une part à provoquer une polémique, afin de dissimuler son absence de solutions réelles face aux demandes populaires; mais, ce qu'il veut aussi, en réalité, c'est se maintenir éloigné des Cours de Justice supranationales, pour préserver son impunité et celle de Fujimori face aux accusations de génocide.

 

Il est très clair que cette campagne obsessionnelle pour la peine de mort – que le Congrès a déjà rejetée dans les cas de terrorisme, mais doit maintenant voter dans le cas des viols d'enfants – vise en fait à trouver un prétexte pour abandonner la juridiction liée à la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH). Pour les journalistes et les analystes politiques, elle constitue un non-sens, car le gouvernement devrait bien plutôt stimuler l'équilibre politique et le respect des traités internationaux; sinon -disent-ils- quelle serait la valeur pour l'avenir d'un traité comme celui des TLC?

 

Alan García doit donc avoir une raison déterminante pour s'obstiner dans cette stratégie absurde. Il s'agit en fait de la crise profonde qui naîtrait si le CIDH prononçait une sentence contre les responsables de l'assassinat des 120 prisonniers à El Fronton, en 1986, dans lequel García et/ou le vice-président Luis Giampietri et l'ex-ministre et ex-secrétaire général de Apra, Agustín Mantilla (actuellement en prison pour avoir reçu de l'argent de Valdimiro Montesinos) sont directement impliqués.

 

La Cour Interaméricaine a déjà prononcé une sentence favorable à l'indemnisation des familles des prisonniers morts, et a ordonné que soit menée une enquête et que soient punis "tous les responsables". Un verdict plus récent concerne l'assassinat de Saúl Cantoral en 1989, alors qu'il dirigeait une grève nationale des travailleurs mineurs. Selon la revue Caretas, "On a appris que la condamnation sera énergique et exemplaire, parce qu'il s'agit d'un des premiers verdicts rendus par la Cour, dans une affaire en relation avec les crimes commis par les paramilitaires".

 

"Le débat autour de la peine de mort a donné origine à une conjuration pour tenter de démanteler le systèmes des droits de l'homme dans le pays. Lesplus réactionnaires, maintenat alliés du gouvernement, exigent le retrait de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme et rencontrent un écho certain dans les Coryphées d'une presse de droite exacerbée". (Caretas, 25/01/07). Les sentences émises par la Cour dans les cas de La Cantuta et de l'assassinat des prisonniers de 1992, compliquent gravement la situation judiciaire de Alberto Fujimori.

 

Nous savons maintenant à quelles bombes à retardement se référait Alan García quand il a dénoncé Toledo avant la fin de son gouvernement. Toledo a, en effet, accepté que l'état péruvien se plie aux décisions de la CIDH, par rapport aux cas signalés, et accepte les verdicts rendus. C'est pour cela que le gouvernement a réagi violemment et dénoncé constitutionnellement Toledo, parce qu'il avait accepté la responsabilité de l'État dans les cas de violation des droits de l'homme, ce qui a d'ailleurs fait de lui une sorte d'icône de la démocratie – bien que sa gestion ait été aussi servile envers les multinationales que celle de García, et aussi pleine de mensonges et de trahisons envers ses promesses électorales.

 

Beaucoup se demandent jusqu'à aujourd'hui où veut en venir García. Ce qui est sûr, c'est que plus les jours passent, plus il ressemble à Fujimori. Fujimori, celui là même qui, en 1992, a fermé le Congrès et instauré un régime dictatorial civil et militaire au service des plans néo-libéraux, contre les travailleurs et le peuple; un régime dictatorial qui s'était concrétisé dans l'ordre constitutionnel de 1993, encore en vigueur jusqu'à aujourd'hui. Ollanta Humala parle de fujimorisation du régime de García. García a en effet reconstitué l'alliance politico-sociale de l'époque de Fujimori (avec l'extrême-droite, l'Opus Dei, les Forces Armées); mais, à la différence de Fujimori qui, dans les premières années de son gouvernement, avait su se fabriquer un ample appui social, fondé à la fois sur un système d'aumônes et de plans d'assistanat, et sur la construction d'ouvres publiques, grâce à l'argent qu'il avait obtenu des privatisations, García applique un plan d'austérité, pour répondre aux innombrables besoins de la masse des travailleurs.

 

L'alliance de García est par conséquent très précaire et son choix de l'autoritarisme peut être, à court terme, explosif. García veut reproduire le fujimorisme dans son moment le plus délicat (1992-1995), et dans les conditions sociales qui ont produit la décadence fujimoriste (1997-2000). Bien que l'approbation de sa gestion atteint les 57%, c'est déjà 11 points en moins qu'en Août, alors que la désapprovation est passée dans le même laps de temps de 10% à 29% (selon le sondage de Apoyo, 19/01/07).

 

Cela n'a pas empêché García de perpétrer plusieurs actes de répression autoritaires : la répression du peuple d'Abancay, l'agression du groupe Todas as Vozes, l'arrestation arbitraire de huit communautaires de Chacas, et enfin il a lancé une offensive contre les professeurs, par le biais d'une pseudo-évaluation. Et contre tous, il brandit l'épouvantail de l'accusation de terrorisme. Mais, dans plusieurs de ces cas, même des secteurs modérés de la droite l'ont critiqué.

 

Le retour du fujimorisme (ou de sa copie grotesque) avec Alan García, et de sa tendance autoritaire, s'expliquent avant tout par un contexte: la lutte démocratique de 2000 n'a jamais été achevée. Le fujimorisme a survécu, incrusté dans le système politique et dans l'ordre économique, à travers la constitution de 1993. Le questionnement de cet ordre ne peut que venir de l'extérieur par le biais de la CIDH.

 

La liquidation du fujimorisme était demeurée, pour la classe ouvrière et pour tout le peuple, une tâche démocratique à mener à son terme. Maintenant que ce régime s'est remis en place avec le gouvernement García, c'est le moment de reprendre cette tâche. La lutte démocratique doit être accompagnée d'une large plate-forme de revendications: la punition des auteurs de génocides et de ceux qui violent les libertés démocratiques, la restitution aux travailleurs de leurs conquêtes sociales, la liberté de rupture avec les AFP, la revendication de la renationalisation des entreprises privées, la dénonciation de la privatisation-municipalisation de l'éducation, de la santé, et l'exigence de la suppression des exonérations d'impôts des entreprises minières.

 

 

Le frère jumeau de García en Colombie

 

En Colombie, le gouvernement de droite d'Uribe cherche lui aussi à sortir de la CIDH, pour des raisons très similaires à celles de García: les deux sont unis par la commission de génocides et exécutions extra-judiciaires. La CIDH a signalé, dans la sentence rendue en juillet 2006, la responsabilité de l'état colombien dans le développement de stratégies paramilitaires: il s'agit des massacres perpétrés à Ituango (Antioquia) en 1996, alors qu'Uribe était gouverneur de ce département. La Cour a conclu que les "autorités n'ont pas adopté de mesures préventives, alors qu'elles savaient qu'il existait une incursion paramilitaire à Ituango" et que les massacres de Ituango ont été réalisés par des groupes paramilitaires qui ont agi en connivence avec les forces armées de la Colombie. García et Uribe se disputent le triste privilège de jouer le rôle de Bush-génocidaire en Amérique du Sud.

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