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jeudi, septembre 11, 2025

Une « nouvelle ère de paix, stabilité et développement » ?

C'est ce que promet Joseph Kabila, gagnant très probable des élections du 29 octobre en RDC, grâce au soutient, entre autres, de F-J Nzanga Mobutu, le fils du dictateur chassé en mai 1997 par Désiré Kabila. Le président sortant a aussi l'inestimable soutien à peine voilé des anciens colonisateurs du pays. D'autre part, il est le modèle de chef d'Etat à soutenir, « un nouveau Chavez », pour le PTB (voir encadrés). Qu'en est-il ?

Les lignes directrices de l'avenir du pays sont scellées dans
– le Code des investissements,
– le Code minier,
– le Code du travail

Selon le Code des investissements1 :
« La RDC ayant opté pour une économie libérale tempérée du type "Economie Sociale du Marché", la croissance économique et le développement reposent sur le tripartite suivant :
1) L'Etat doit jouer le rôle d'organisateur et de catalyseur des forces vives en prenant en charge les infrastructures et les investissements des industries de base et en instituant un cadre institutionnel et juridique qui assure la protection des personnes et des biens ;
2) le secteur privé crée les richesses nationales et l'emploi (il doit s'occuper de la production de biens et services) ;
3) la société civile, elle, se charge de promouvoir l'homme dans toute sa dimension ».

L'Etat prend donc en charge la construction de routes et veille sur le respect de la propriété privée, afin que ce «secteur privé», c'est-à-dire les multinationales, puissent piller les ressources minières et les acheminer à bon port. Et des institutions politiques stables doivent assurer la « paix sociale ».

Voilà comment Joseph Kabila a verrouillé la reprise de l'exploitation massive du Congo par l'impérialisme  dans des lois signées de sa main. C'est sa façon de « préserver la souveraineté nationale ». C'est la « reconstruction du pays » sur laquelle Kabila doit veiller selon le PTB.
Le nouveau code minier (2002), qui libéralise les activités minières, a fait exploser l'octroi de droits miniers, de 16 concessions en 2003 à 2600 en 2006.

Nous avons analysé déjà dans Presse Internationale l'ingérence de l'armée belge en RDC, au service de la recolonisation.2 Alors que la « Communauté internationale » à observé sans broncher 3 millions de Congolais se faire massacrer dans les guerres de 1998 à 2003, maintenant le conseil de sécurité de l'ONU a voté,3 à 4 semaines des élections, la résolution 1711, qui « décide de reconduire jusqu'au 15 février 2007  l'augmentation des effectifs militaires et de police de la MONUC. ». Comme au Liban donc, on envoie des troupes pour donner un petit coup de main, et puis on y reste.

Que des avions belges tuent en RDC, cela ne mérite pas plus d'attention que quelques lignes de fait-divers dans la presse.4 On se félicite que maintenant, avec les drones, la Belgique a un regard sur ce qui se passe dans le jardin de n'importe quel Congolais. « Le lieutenant-colonel Vermeer  est aussi fier de la précision de ses photos qu'un surveillant de grand magasin qui aurait filmé des cas de vol à la tire. »5

Le cuivre et le cobalt, dont l'extraction demande de lourds investissements et des infrastructures complexes, sont à nouveau très appréciés par les marchés. Les grands investisseurs internationaux, qui sont revenus au Congo petit à petit depuis que Laurent-Désiré Kabila a été assassiné, se réjouissent du vernis de légitimité dont bénéficiera bientôt le pouvoir politique. Des institutions politiques stables et une relative « paixsociale » sont en effet indispensables à la poursuite du pillage du pays.

 Et si jamais c'est Jean-Pierre Bemba qui gagne, ce n'est pas grave. Ce fils d'un des 3 ou 4 milliardaires de l'époque Mobutu a été, depuis les accords de Sun City en 2003, vice-président et chargé de la commission « économie et finances » – collaborant à l'exécution des directives de la Banque mondiale et du FMI.

Stéphane Kabasu, président de la chambre de commerce de Kinshasa, récemment en Belgique à la tête d'une délégation de 38 hommes d'affaires congolais, a bien résumé la situation : « Nous sommes ici pour tisser des liens. C'est ensemble, en unissant nos moyens et nos intérêts, qu'il y a moyen de gagner de l'argent. »

On parle beaucoup actuellement du risque de balkanisation, d'éclatement du pays. Et les troupes de la Monuc devraient alors être le rempart  contre ce danger.

La politique de l'impérialisme a toujours été de diviser les populations de différentes régions. La mosaïque des Balkans est précisément le résultat d'une telle politique après la désagrégation de l'empire ottoman. Et l'Irak nous fournit l'exemple le plus récent. Face à la difficulté de contrôler le pays et d'en piller le pétrole, l'impérialisme provoque les contradictions ethniques et la division du pays. En RDC, la constitution votée en 2005 divise le pays en 26 provinces et leur attribue 40% du budget de l'Etat.. Entre-temps, beaucoup de jeunes ne trouvent d'autre moyen de survivre que par l'appartenance à l'un ou l'autre chef de guerre, et de cette façon les rivalités ethniques sont entretenues. L'unité de façade est établie seulement pour maintenir la stabilité minimum nécessaire à l'infrastructure de pillage.

Les multinationales hors du Congo
Les richesses du Congo au peuple congolais
Retrait immédiat des troupes belges et étrangères

1 Voir  www.anapi.org, le site de l'Agence Nationale pour la Promotion des Investissements.
2 PI n° 40, 41
3 29 septembre 2006, voir
www.monuc.org
4 Le 3 octobre, une drone belge s'est s'est écrasé à Kinshasa, tuant une femme et blessant une autre personne.
5 Le Soir, 27/10/2006

Le point de vue du PTB (1)

« La colonisation a réalisé deux choses importantes pour les Congolais. D'un côté elle a 'tiré' un immense territoire du cour de l'Afrique dans les temps modernes : un grand Etat, aussi étendu que l'Europe a été fondé. […] La période coloniale a également développé les forces productives à une allure vertigineuse. »

Ludo Martens,
Solidaire, 18/02/2006

Le point de vu du PTB (2)

« Vu les rapports de force défavorables, le soutien des Etats-Unis aux agresseurs [Ouganda et Rwanda] et la supériorité militaire et organisationnelle de ces derniers, le président Joseph Kabila a fait des concessions très importantes et a supporté bien des humiliations afin de préserver l'essentiel : l'unité du pays, la paix et la souveraineté nationale. [.] Si, lors des élections l'actuel président reçoit une légitimité, il sera finalement possible de travailler à la reconstruction du pays et il y aura de la place pour un débat ouvert à propos de la façon dont il convient de le faire. [ .] Kabila aura alors les mains libres pour mener une politique nationaliste et utiliser les matières premières du Congo pour le bien-être du peuple congolais. Un nouveau Chavez ou Morales, cette fois au cour de l'Afrique, voilà qui répugne aux Américains ».

Solidaire, 21/06/ 2006

« Nous n'oublierons jamais les massacres dans lesquels tellement d'entre nous périrent, les cellules dans lesquelles furent torturés ceux qui refusèrent de se soumettre à un régime d'oppression et d'exploitation. »

Patrice Lumumba – Bruxelles 1961, cité par Presse Internationale n°26, février 2004

« L'histoire de la République démocratique du Congo, c'est aussi celle des Belges, missionnaires, fonctionnaires et entrepreneurs qui crurent au rêve du Roi Léopold II de bâtir, au centre de l'Afrique, un Etat. Nous voulons rendre hommage à la mémoire de tous ces pionniers. »

Joseph Kabila – Bruxelles 2004, cité par Ludo Martens, Solidaire, 18/02/2004

« Cette terre est celle de nos ancêtres,  son cuivre est à nous ! »

C'est ce que criaient les mineurs de cuivre du Katanga, abandonnés à leur sort après la « restructuration » de Gécamines et revenus aux méthodes ancestrales d'exploitation de ce minerai, pour accueillir notre Ministre De Gucht en février 2006. Celui-ci avait été invité pour célébrer le 175ème anniversaire de la fondation du pays colonisateur.  (Le Soir, 06/02/2006)


 

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