Dossier
De la rue, au parlement?
Quatre ans après l?occupation du béguinage et la procédure de régularisation de 1999, les premières mobilisations réapparaissent avec les Equatoriens suite aux rafles et aux expulsions. Puis, avec les ordres de quitter le territoire, sont venues les grèves de la faim des Afghans, des Iraniens, etc. jusqu?au mouvement actuel de mobilisation à une échelle nationale sans précédent avec l?UDEP. Alors qu?ils étaient encore isolés, la peur au ventre, que la condition de sans-papiers était encore méconnue ou sous-évaluée par la population belge, ils ont commencé à se lever pour revendiquer leur dignité, leur droit à de meilleures conditions de logement, de traitement ou de travail.
Les batailles n?ont pas toujours été gagnées, même si le gouvernement nous pousse toujours à crier Victoire pour nous faire baisser la garde, mais chaque expérience a permis au mouvement d?avancer, à chaque organisation de se construire. Sont apparues tout d?abord les assemblées de voisins, puis la CRER et après un long travail, l?organisation des sans-papiers, l?UDEP. Géré par les sans-papiers eux-mêmes, toutes communautés confondues, cet organisme s?est vite propagé à travers tout le pays. Elle se renforce avec les organisations de soutien qui se mettent à son service et dont leur existence même a été jusqu?à être criminalisée.
Depuis août 2005, avec l?accord entre Fedasil et la direction du Petit Château, l?incarcération et la libération de Dédé, le mouvement n?a pas arrêté de se renforcer. On se souvient du crescendo des 2.000, 5.000, des 10.000 personnes dans la rue sous une même enseigne lors dela première manifestation nationale. Une nouvelle force politique s?installe. L?occupation, puis la victoire de ceux de Saint-Boniface. Le gouvernement a plié et les sans-papiers, plus impatients que jamais, ont compris le message et occupent rapidement plus d?une vingtaine d?églises.
C?est le fruit de toutes ces générations de lutte, tout ce mouvement, massif, et le soutien que les sans-papiers ont trouvé parmi les Belges qui ont finalement, trois ans plus tard, imposé le débat parlementaire, rien QUE ça ! Cette étape parlementaire est contradictoire parce qu?elle est pleine d?espoirs, mais également pleine de dangers.
La bourgeoisie belge ne veut pas abolir le sort de ces 150.000 « clandestins », les fondements de ses profits en dépendent. C?est ainsi que tout en disant ne pas pouvoir héberger toute la misère du monde, ces travailleurs immigrés sont bel et bien plongés dans la misère pour embellir les résultats financiers de notre pays, pour qu?il reste « le bon élève européen ». Voilà ce que défendent au fond mêmes ceux qui se disent ?socialistes? au gouvernement, ceux qui sont empêtrés dans la corruption, qui s?en mettent plein les poches et qui se débattent pour garder leur(s) poste(s). Pour sauvegarder les bénéfices, ils ne sont pas prêt à couper court à cette discrimination selon le lieu de naissance. Et si du même coup ils propagent l?idéologie de l?extrême droite en continuant, de fait, à considérer ces travailleurs comme des criminels, c?est sans scrupule. Mais dans le jeu de la démocratie bourgeoise, ils doivent également faire bonne figure vis-à-vis des électeurs, contexte préélectoral oblige.
Au parlement, c?est tout d?abord l?examen des deux projets de loi du ministre Dewael, et ensuite pas moins de 17 propositions supplémentaires, qui devront être discutées : droit d?asile ou droit de séjour, commission permanente sans objectifs déterminés, critères « précis » pour on ne sait pas encore quoi, circulaire ou loi, etc. Autant de pièges juridiques que les sans-papiers devront déjouer pour obtenir un maximum de régularisés, chacun est une victoire. Mais face à cet espoir, ce sera le désespoir de ceux qui resteront sur le carreau, avec le risque de démobilisation.
Mais jusqu?à quand ? Le défi des organisations est d?ores et déjà de renforcer et d?orienter le mouvement pour garantir de solides victoires. Car s?il y a une chose à retenir, c?est que seule la lutte paie. Pour nous, cela passe par la syndicalisation et la coordination internationale des organisations de sans-papiers. Les premiers pas ont été faits dans ce sens.
Pour la régularisation de tous les sans-papiers !
Vers une coordination internationale
Le 12 octobre 2006, José Manuel Barroso et Louis Michel présenteront à la Commission européenne un plan nommé « Stratégie européenne pour l'Afrique », avec le sous-titre « Vers un pacte eurafricain qui accélère le développement ». Le but est de combattre à l'origine le problème de l'immigration. Ce serait une sorte de Plan Marshall. Ce « Plan Afrique » sera alors présentéau Conseil européen en novembre, avec l'intention qu'il soit approuvé par les chefs d'Etat en décembre.
Après avoir participé à une réunion de Ministres de l'Intérieur des pays limitrophes de la mer méditerranéenne occidentale en octobre 2005, Soledad López, du Ministère de l'Intérieur espagnol, a défendu « la nécessité de continuer à renforcer la collaboration […] pour faire face avec plus d'efficience au terrorisme international, à l'immigration illégale et au crime organisé. »1.
Entre-temps, le Plan a été approuvé le 19 mai 2006 aux Îles Canaries, particulièrement impliquées dans le flux de migration, ce qui doit « aider à mettre un terme au phénomène de l'immigration irrégulière » selon le secrétaire général du parti socialiste de l'île. A partir de juin, huit pays de l'Union européenne vont contribuer avec des agents, des patrouilles navales et des moyens aériens pour vigiler les côtes africaines dont partent les embarcations avec des « illégaux ».
Le principal objectif est d'arriver à un accord pour renvoyer immédiatement au pays d'origine n'importe quelle embarcation avec des « clandestins ».
Il y aura aussi une promotion (c'est-à-dire des subsides avec l'argent du contribuable) pour que des entreprises multinationales s'installent en Afrique, ce pourquoi on va améliorer le réseau de transport et la sécurité juridique, tout cela dans le but avoué que « les gens restent chez eux ». Le loup disait bien au petit chaperon rouge : c?est pour mieux vous manger?
Face à cette politique qui a clairement une envergure européenne, les sans-papiers doivent aussi s'organiser sur une échelle plus large, au-delà des frontières de chaque pays.
Un pas a été fait dans ce sens, le samedi 27 mai 2006, avec une réunion internationale à Bruxelles, avec la participation de la Belgique (UDEP), de la France (CNSP) et de l'Espagne (ATRAIE), les camarades de l'Angleterre ayant envoyé un message de soutien à l'initiative. En réponse au « Plan Afrique », lors de cette réunion, le camarade d'ATRAIE disait que « S'il ne veulent pas nous donner des papiers, s'ils ne veulent pas nous reconnaître, nous n'accepterons pas non plus leurs multinationales chez nous. ». Il a été décidé de mettre sur pied une coordination internationale à l'occasion d'une rencontre déjà programmée pour la rentrée. Une série de mesures concrètes ont également été prises (voir encadré).
Décisions prises par les représentants des trois organisations :
1) Une déclaration internationale (commune) sur la situation des immigrés aux Iles Canaries sera élaborée.
2) Le Manifeste international (France, Espagne, Etats-Unis et Belgique) sera diffusé largement.
3) Chaque organisation établit un compte rendu de la situation nationale de la lutte.
4) La CNSP (France) entreprend les démarches vers une autre initiative internationale (Italie, Suisse, Pays-Bas, Allemagne) : envoi du compte rendu de Bruxelles etproposition d?une rencontre entre les deux initiatives à la rentrée. ATRAIE s?occupe des contacts avec le Portugal.
5) Les contacts avec des organisations démocratiques, syndicales, etc., issues des pays d?origine (Mali, Bénin, Sénégal, etc.) seront centralisés.
6) Pour la première fois, des actions internationales seront coordonnées, à l?occasion des 10 ans de l?expulsion des sans-papiers de l?église St-Bernard en France le 23 août (à l?origine de la création de la CNSP), et de la commémoration de l?assassinat de Sémira Adamu
7) Pour 2007, des actions et déclarations communes seront programmées dans le contexte électoral généralisé, ainsi qu?une mobilisation coordonnée pour le premier mai.
8) L?UDEP fait le compte rendu de la réunion.
Interview avec Ali Guissé, coordinateur et porte-parole de l?Union pour la Défense des Sans-Papiers (UDEP).
PI : A la manif du premier mai, tu annonces que tu revenais d?Espagne. Qu?as-tu été faire là-bas ?
J?y ai été pour les journées culturelles de l?Association des Travailleur Immigrés Espagnols (ATRAIE). C?est quasi la même chose que l?UDEP. La différence est que l?UDEP est un mouvement des sans-papiers géré par les sans-papiers. ATRAIE est un mouvement des travailleurs immigrés avec ou sans papiers, les autochtones avec les allochtones, tous dans la même association. Mais nous défendons la même cause, à savoir la régularisation des sans-papiers, l?accès au travail des sans-papiers et tout ce qui suit. Donc on défend les droits fondamentaux. C?était leurs journées culturelles et l?UDEP, notamment, a été invitée. J?ai donc participé aux débats avec une prise de parole. J?ai expliqué comment s?organisait le mouvement. J?ai fait le point du mouvement ici en Belgique. Il y avait également des représentants des mouvements de sans-papiers de Russie.
PI : Y avait-il encore d?autres pays représentés ?
Oui. La France et les Etats?Unis se sont excusés car ils étaient invités. Il y avait aussi une association panafricaine qui a un siège à Madrid et à Londres, ils représentaient des sans-papiers de Londres. Chacun a fait le point de la politique d?immigration de son pays. Ce qui m?a touché c?est qu?en Espagne je n?étais pas considéré comme représentant d?un mouvement de sans-papiers mais comme un Belge. Au moment même je n?y ai pas fait attention mais quand je suis allé au lit j?ai commencé à cogiter sur la journée et je me suis rendu compte que, là où j?ai pris la parole, il était mis « Belgique». Quand on me présentait on disait « notre ami belge. ». Et là je me suis dit que ce mouvement est devenu aujourd?hui tellement fort et que le combat des sans-papiers est devenu tellement légitime au niveau de l?Europe, que quand on bouge on ne nous voit plus comme « sans-papiers » ou représentant d?un mouvement de sans-papiers mais comme ressortissant de ce pays. Donc, sans le vouloir, on nous considère comme un ressortissant du pays duquel on vient. Cela m?a vraiment fort touché.
PI : Est-ce que tu as observé des différences entre les situations des sans-papiers dans d?autres pays ?
Non, au contraire. J?ai vu que la politique de l?Europe forteresse se répercute partout. On est confronté à une politique beaucoup plus répressive vis-à-vis de l?immigration, vis-à-vis des sans-papiers, vis-à-vis même des travailleurs, etc. C?est toujours la même chose que cela soit en France, que cela soit en Belgique, en Allemagne, en Hollande ou en Espagne. C?est toujours la même chose donc il n?y a pas de différence entre les pays. C?est la raison pour laquelle on s?est dit qu?il faut qu?on réagisse, il ne suffit pas de s?asseoir et de faire des colloques d?un pays à l?autre pour résoudre le problème mais d?être acteur. Et pour être acteur il faut créer la coordination internationale des immigrés et essayer de travailler tous ensemble. Car on répond à l?Europe forteresse, à ce qu?ils ont créé, l?OTAN, l?ONU, le FMI, la Banque Mondiale, etc. Donc pour répondre aussi à cela ? bon, on dit pas qu?on va créer l?alter mondialisme ? de notre point de vue, on doit être acteur et créer une coordination qui pourra défendre les sans-papiers et les travailleurs en général.
PI : Est-ce que tu penses que cela va aider les sans-papiers dans leur lutte ici ? Et si oui, comment ?
Oui, je pense que cela peut porter ses fruits. Comme tout mouvement, au début c?est difficile de faire passer l?information, et même si on fait passer l?information, les gens la reçoivent mal. Je me souviens de l?UDEP ici à Bruxelles, on traînait à quatre pattes. Personne ne venait à nos réunions, on se retrouvait seul dans les réunions qu?on organisait chaque samedi. Et puis, aujourd?hui on fuit même les réunions ! C?est pour dire qu?au début il est toujours difficile que les gens prennent conscience. Et c?est la même chose actuellement, en Belgique, pour faire comprendre aux sans-papiers qu?il y a un mouvement international qui prend forme. Même s?ils le savent, ils ne vont pas venir car ils ont un besoin urgent, leur cas d?abord. Il faut régulariser à travers les occupations d?églises. Pour créer le mouvement international, on ne doit pas être 200 personnes. Je pense que si les organisations sont représentées par 2 à 3 personnes, au niveau européen, y compris Bruxelles et la Belgique, on pourra avoir un nombre de 60 personnes pour créer le mouvement. Donner un nom du mouvement comme première étape, puis faire une charte ou règlement d?ordre international (je ne dirais pas intérieur !). Au début, on appel d?abord à faire les fondations et ensuite, c?est ouvert à tout le monde et chacun pourra participer. Au début, on a donc d?abord besoin d?un noyau dur, solide et avec une confiance mutuelle.
PI : Sur quelles bases va se faire le mouvement ?
Ce sera un mouvement de défense des droits fondamentaux. Le mouvement est beaucoup plus large que l?UDEP, car ça concerne les sans-papiers, ça concerne les travailleurs sans papiers et ça concerne les travailleurs autochtones aussi. C?est un mouvement qui englobe la précarité en général, qui réunit tout le monde.
Ce que ATRAIE fait m?a inspiré car ils ne font pas la différence entre l?autochtone espagnol, l?immigré qui à son sac sur le dos ou le sans?papiers qui vit en Espagne. Tous ensemble pour défendre une cause, celle du travailleur immigré ou sans papiers. Sans ce mouvement, on veut déjà avoir la même façon de faire pour éviter que si quelqu?un a par exemple un problème avec son employeur, le mouvement ne reste pas sans rien faire. Non, on se réunit tous et on fait quelque chose, on ne va pas attendre que cela soit un sans-papiers ou Ali. On ne veut donc pas se focaliser seulement sur les sans-papiers mais faire quelque chose de plus large et qui est ouvert à tout le monde.
PI : Le mot d?ordre de la manif du premier mai était : « Avec ou sans papiers, nous sommes tous des travailleurs ! ». Pourquoi est-ce que l?UDEP a lancé ce slogan ?
Ce slogan est venu de façon spontanée. C?était lors de la manif des syndicats (le 25 octobre 2005). On y a participé en tant que mouvement d?occupants de l?église Saint-Boniface. On a participé à cette manif nationale sachant qu?il y a des travailleurs sans papiers et que l?on parlait du problème de la prolongation du contrat de travail, le « pacte de solidarité entre les générations ». On s?est dit que si on régularise les sans-papiers qui travaillent au noir, cela pourrait remplir les caisses de la sécurité sociale et on pourrait résoudre ce problème de pacte entre les générations.
Lors de la manif il y a quelqu?un qui a crié « Avec ou sans papiers, on est tous des travailleurs », et là, c?était spontané et c?était réel aussi. Donc là, on ne défend plus le travailleur belge, on ne défend plus le travailleur sans papiers, mais on défend tous les travailleurs ! Ici, le problème d?identité n?a pas d?importance, le plus important c?est qu?on contribue. On est des consommateurs mais on est aussi des producteurs. Ainsi, c?est pour dire : « avec ou sans papiers », nous contribuons à l?économie du pays, « avec ou sans papiers » nous travaillons tous, « avec ou sans papiers », nous sommes solidaire, tous ensemble, pour montrer qu?on est tous unis contre ce que le gouvernement veut faire.
PI : Et que penses-tu de la manif du premier mai à Bruxelles ?
Moi je dis que c?était positif. Pourquoi ? Parce que l?année dernière il y avait peu de sans-papiers, 500. Cette fois-ci, on était trois fois plus. Il y a eu plus de 1.500 personnes dans les rues cette année et voir que, aujourd?hui, les sans-papiers réclament leur droit au travail, leurs droits qui sont là, moi je trouve cela positif.
C?est pourquoi je dis que l?UDEP a atteint son premier objectif qui est de sensibiliser les sans-papiers. Dire aux sans-papiers qu?il est temps que nous nous levions et que nous réclamons nos droits.
Comme je l?avais dit à Saint-Boniface, au début de l?occupation : on a tous entendu la chanson de Bob Marley « Get up, stand up. Stand up for your rights ». On l?a toujours écouté, chanté dans nos douches, dans nos chambres, avec nos amis, dans les boîtes de nuits, partout, mais ça n?avait pas de sens. Aujourd?hui cela a un sens et aujourd?hui les sans-papiers ont compris ce « Get up, stand up for your rights » et que c?était l?heure pour nous. Bob Marley l?a chantée il y a plus de 25 ans mais aujourd?hui cela a un sens pour nous. Nous comprenons cette parole et nous nous battons pour cela. Donc cela veut dire que notre objectif est atteint et que l?UDEP a dit : « Levez-vous et réclamons nos droits ». Les sans-papiers n?ont pas entendu et nous l?avons répété, et répété. Et aujourd?hui, sans même que nous le disons, ils s?organisent eux-mêmes dans des villes où je n?ai même jamais été comme Arlon, Eghezée, Tournai, ils s?organisent et font appel à l?UDEP.
Nous avons toujours dit que tu cours moins de risque d?être expulsé en sortant et en réclamant tes droits, qu?en restant assis et en se cachant pour aller acheter un pain à la boulangerie. Tu cours plus de risques à la boulangerie à acheter un pain que de sortir et de réclamer tes droits !
PI : Pourquoi est-ce que l?UDEP organise ce mouvement d?occupation et quelles en sont les perspectives ?
Nous avons rédigé une proposition de loi qui sera discutée à la chambre le 23 mai. Ce débat, et sans trop jeter des fleurs sur le mouvement, c?est le mouvement qui l?a créé. Ce débat n?était pas à l?ordre du jour dans l?agenda politique. En novembre-décembre 2005, on ne parlait pas de cela. Il a fallu que le mouvement se lève, que les sans-papiers se lèvent, que l?UDEP se lève et fasse une proposition de loi et la déposer à la chambre, par un parlementaire, et encore pousser le débat. Aujourd?hui, tous les partis politiques déposent une proposition de loi, même le CD&V du coté flamand a fait une proposition de loi pour régulariser les sans-papiers. C?est pour dire que seul le combat paie, seule la lutte paie. Si on n?avait pas forcé l?agenda politique, je ne pense pas qu?on aurait parlé toi et moi de cela aujourd?hui. Actuellement, notre objectif est à moitié atteint parce qu?on a fait la moitié du chemin : c?est déjà au parlement. Ce qui était impossible, impensable pour certaines personnes, est aujourd?hui possible. Donc on a rendu l?impossible possible et c?est la raison pour laquelle moi je dit à tous les occupants : « l?impossible n?existe pas, la seule chose qui existe c?est de ne pas oser ». Tant qu?on n?ose pas sortir, tant qu?on n?ose pas faire ce qui est impensable, on ne va jamais atteindre quelque chose.
PI : Et concernant l?objectif des occupations ?
C?est qu?il y ait une régularisation avec des critères clairs et permanents, inscrit dans la loi. Pas de circulaires, mais inscrit dans la loi, c?est l?objectif des occupations. Donc on ne compte pas rester dans les occupations pendant 10 ans, mais on pense que les choses vont bouger dans peu de temps. On se dit que d?ici peut-être six mois on aura une réponse de la part du gouvernement. On aura une réponse positive ou négative. Il y aura des élections, donc on aura une réponse et c?est à nous de nous organiser. Si c?est positif, qu?est-ce qu?on devra faire pour que tout le monde puisse être régularisé? Si c?est négatif, que doit-on faire pour leur répondre. Car maintenant c?est, on contre-attaque, c?est un rapport de force : ils répliquent, nous répliquons et ainsi de suite.
Notre objectif avec ces occupations c?est qu?il y ait une loi de régularisation avec des critères clairs et permanents.
PI : En prenant en compte le contexte international et le niveau de répression en Belgique comme les opérations TAM-TAM, comment vois-tu l?avenir du mouvement ? Es-tu optimiste ou pessimiste ?
Optimiste, je le suis. Moi, j?ai toujours été optimiste depuis la création du mouvement et c?est cet optimisme qui m?a permis de toujours continuer le combat. Avec tous ce qui se passe, les opérations TAM-TAM, c?est la réponse du ministère de l?intérieur au mouvement. Parce que le mouvement pousse, il va de l?avant. Il est provocateur car on a obligé le gouvernement à parler d?une régularisation à la chambre, et ils en discutent. C?est une réponse, car quand il y a attaque, il y a toujours contre-attaque. Nous, on a attaqué dans la démocratie, dans la citoyenneté, et lui, il contre-attaque dans la force car c?est tout ce qu?il a : il a la police, il a les centres fermés, il a la possibilité d?expulser les gens. C?est avec cela qu?il peut répondre. Donc je me dis que c?est positif. S?il n?y avait pas de retour cela voudrait dire qu?il y a quelque chose qui ne va pas. Mais quand on lutte, il y a toujours une force contraire qui vient pour contrecarrer. C?est la défense du ministre de l?intérieur et je me dis que c?est parce qu?on le gêne. On le gêne, sinon il nous laisserait aller, il se dirait que ce n?est pas grave, qu?on aboutira à rien? c?est pour cela que je suis optimiste. Il y a une lumière. On l?empêche de dormir et il se lève, il s?énerve, il amène ses chiens, ses bergers allemands pour dire : « attaquez-les, mordez-les et expulsez-les ! ».
Je le prends positivement mais malheur aussi aux victimes. Car il y a toujours des victimes dans chaque opération et c?est toujours des innocents. Dans la globalité c?est positif, mais il y a aussi certains sans-papiers qui ont payé les pots cassés, qui n?ont pas bénéficié de cette lutte, alors qu?ils ont lutté. Comme on a connu à Saint-Boniface où notre ami Vincent a été expulsé. Il y en a d?autres qui ont été régularisés, d?autres qui n?ont pas été régularisés et d?autres qui ont été capturés dans les centres fermés.
Quand tu luttes pour quoi que se soit dans la vie, il y aura toujours une réaction et cette réaction je ne pense pas que c?est négatif mais dit toi que ta lutte va payer.
Je suis convaincu que cette lutte va payer mais quand, point d?interrogation. Là je ne sais pas répondre, mais je sais que tôt ou tard, il y aura une régularisation, mieux que ce qui a été fait en 1998. Je ne dirais pas que la loi UDEP sera adoptée, mais il y aura une meilleure régularisation que celle qui a eu lieu en 99?-2000. Cela c?est mon combat, ça c?est mon objectif.
« Opérations TAM-TAM »
Le 3 mai dernier, la police a effectué des opérations de « contrôle approfondi » dans des phone-shop et night-shop à Bruxelles, Gand et Liège. Premiers objectifs annoncés, « acquérir une image claire de la fraude dans le secteur des télécommunications » et « donner un signal clair aux opérateurs véreux qui perturbent de manière agressive la concurrence honnête dans ce secteur ». Cette descente a mobilisé pas moins de 150 agents de différents organismes? dont l?Office des Etrangers !
En effet, ces opérations visent également à rassembler des « informations sur des problèmes connexes » tels que, selon les mêmes communiqués, la « mise à l?emploi d?illégaux ». Il ne s?agit évidement pas de se soucier des conditions précaires de travail rendu illégal. Au cours des sept « opérations TAM-TAM » menées depuis le 21 avril 2004, 262 arrestations administratives de sans-papiers ont été annoncées. Leurs dossiers sont « traités » par l?Office des Etrangers, et de quelle manière : lors de cette septième opération, sur les 24 arrêtés, 11 ont été expulsés le jour même (JT RTBF-3/05/06) !
Si les autorités se félicitent des résultats positifs, et qu?après chaque opération ils mentionnent que « il est évident que de telles actions seront répétées dans le futur », c?est pour mieux contrôler un secteur parallèle vital à ce système économique qui plonge chaque jours plus de travailleurs dans la pauvreté. En effet, si les phone-shop se développent c?est parce qu?ils répondent à un besoin social, à savoir, téléphoner au moindre coût. Et effectivement, les patrons de ces commerces profitent de la main-d??uvre bon marché du travailleur sans papiers. Mais le gouvernement, au lieu de protéger les travailleurs et d?installer des services de qualité et gratuit pour tous, embarque les travailleurs et fait fermer directement ces commerces. Un objectif tacite serait pourtant bien de garantir le monopole des multinationales que sont les grands opérateurs téléphoniques, à commencer par Belgacom.
Source : Communiqués de presses des commissariats concernés
ou du secrétaire d?état H. Jamar.
MOTION SUR LES SANS-PAPIERS
SETCA de Bruxelles-Halle-Vilvorde
Les membres du Comité Exécutif :
? constatent que la présence des travailleurs « Sans-Papiers » en Europe comme en Belgique résulte de l?inégalité des échanges économiques « Nord-Sud » et « Ouest-Est » et des rapports d?exploitation sociale qui les caractérisent ;
? considèrent qu?un travailleur clandestin généralement surexploité à travers son salaire, son environnement de travail, ses conditions de sécurité, ses horaires, sa précarité et son logement mérite une solidarité accrue du mouvement syndical ;
? s?inquiètent ? dans ces zones de non-droit social ? du non-respect des normes de sécurité et de leurs conséquences sur la santé des travailleurs et les risques d?accident de travail ;
? rappellent que, par définition statutaire, la F.G.T.B. et le S.E.T.Ca. défendent les intérêts moraux et matériels de tous les travailleurs quels que soient leur nationalité et leur pays d?origine ;
? appellent la F.G.T.B. de Bruxelles à prendre les initiatives qui s?imposent en vue de protéger les travailleurs illégaux contre l?arbitraire, les discriminations et les sanctions expéditives ;
? appellent la F.G.T.B. de Bruxelles à rencontrer une délégation de travailleurs « Sans-Papiers » composée, par exemple, de militants de l?U.D.E.P. (Union de Défense des Sans-Papiers) ;
? rappellent que la régularisation des Sans-Papiers constitue la seule solution sociale permettant à ces travailleurs de bénéficier de la législation sociale et des conventions collectives de travail applicables dans leur secteur d?activité.
? C?est aussi la seule solution permettant de lutter contre une mise en concurrence déloyale sur le marché du travail organisée par un patronat sans scrupule vie des mécanismes de sous-traitance en cascade.
? demandent, afin d?éviter le risque d?arbitraire, l?instauration d?un système de régularisation permanent basé sur des critères précis, clairs et contrôlables par les travailleurs concernés ;
? demandent à ce qu?un accent particulier soit mis sur la solidarité avec les travailleurs clandestins à l?occasion de la fête du 1er mai, fête de TOUS les travailleurs sans restriction ni exception.
L?agenda pour la lutte des sans-papiers :
RASSEMBLEMENT DEVANT LE CGRA (au coin : Bd Roi Albert II ? Bd Baudoin, Bruxelles)
Tous les lundis de 11 à 12 h
MANIFESTATION NATIONALE DES FEMMES ET ENFANTS SANS PAPIERS
Samedi 10 juin à 14 heures
Rassemblement Maison communale de Schaerbeek, Place Collignon
MANIFESTATION NATIONALE, AVEC APPEL INTERNATIONAL
Samedi 17 juin
Départ à la gare du Midi (Bruxelles)
DECLARATION COMMUNE SUR LA LUTTE DES SANS PAPIERS EN BELGIQUE
DE ATRAIE (Espagne), CNSP (France) et UDEP(Belgique)
Au Roi et au gouvernement de Belgique,
Nous prenons à témoin le peuple belge,
PAS DE BOBBY SANDS1 SANS PAPIERS EN BELGIQUE :
REGULARISEZ !
Réunis ce jour à Bruxelles pour échanger et enclencher un processus de coordination de nos luttes, l?ATRAIE d?Espagne, la CNSP de France et l?UDEP de Belgique, association et mouvements de lutte sociale, citoyenne, démocratique, antiraciste et antifasciste des Sans Papiers et migrants pour la régularisation de tous les Sans Papiers et pour des lois humaines et progressistes dans nos pays d?accueil respectifs, déclarent après examen de la situation d?une extrême gravité en Belgique :
– Considérant l?occupation de 35 Eglises en Belgique par les sans papiers dans plusieurs villes de Belgique;
– Considérant l?élaboration par l?UDEP, mouvement de lutte des sans papiers de Belgique d?un projet de loi adopté en partie ou totalement par le PS, le CDH et Ecolo ;
– Considérant que ces partis ont déposé au parlement belge des projets de lois et que le gouvernement pour contrecarrer cette initiative a lui aussi déposé un autre projet répressif, xénophobe et antisocial ;
– Considérant la responsabilité indéniable des politiques anti-immigré(e)s dans la série noire macabre des assassinats racistes successifs en Belgique, dont le crime commis à l?encontre d?un enfant de 2 ans, Luna, et contre Oulématou la malienne ;
– Considérant que la grève de la faim des sans papiers du Petit Château en est aujourd?hui à son 33éme jour et que les grévistes affiche leur détermination par un écriteau sur lequel est inscrit : « Les papiers ou les certificats de décès » ;
Nous, Mouvements de sans papiers en lutte dans les différents pays européens pour le droit à l?existence légale exigeons du Roi de Belgique et du gouvernement belge :
– Pas de morts pour les papiers ;
– Régularisez ;
– Elaborez une nouvelle loi sur la base du projet loi proposé par l?UDEP ;
– Saluons le courage exemplaire des occupants et grévistes de la faim sans papiers des 35 sites occupés en Belgique.
A nos yeux la responsabilité du Roi de Belgique et du gouvernement belge est totalement engagée dans le drame qui se joue sur le territoire belge. Nous revendiquons que les revendications légitimes de l?UDEP soient satisfaites.
Signataires : CNSP de France ? ATRAIE d?Espagne ? UDEP de Belgique –
Fait à Bruxelles le 27 mai 2006