sam Juil 12, 2025
samedi, juillet 12, 2025

La Bolivie montre les alternatives pour l’Amérique Latine

Révolution socialiste ou colonie


L’actuelle situation bolivienne, où la lutte des masses a renversé encore un président, tout comme la chute récente de Lucio Gutiérrez en Equateur, montrent que l’Amérique Latine est toujours un des centres de la lutte de classes dans le monde. Nous pouvons affirmer qu’il ne s’agit pas de situations isolées dans tel ou tel pays, mais d’un processus continental qui, au-delà des différences nationales, présente des éléments communs clairs.


La crise énergétique et les projets colonisateurs impérialistes


La propriété et l’exploitation des grands gisements d’hydrocarbures du pays a été la question centrale qui a menée les masses boliviennes au choc avec les gouvernements de Sánchez de Lozada et de Carlos Mesa. Ce n’est pas un sujet de moindre envergure  : la Bolivie possède la plus grande réserve de gaz de l’Amérique Latine, après le Venezuela. Dans cette bataille s’affrontent deux camps principaux. D’une part, l’impérialisme yankee cherche assurer le contrôle et l’exploitation sans restriction des sources énergétiques latino-américaines. D’autre part, en lui faisant face avec leur lutte, les travailleurs et le peuple boliviens revendiquent la propriété étatique des hydrocarbures, et que son exploitation et commercialisation soit effectuées au bénéfice du pays et du peuple.


Pour l’impérialisme, le contrôle des hydrocarbures et des sources d’énergie est un sujet de premier ordre : tous les analystes considèrent que, si continue le niveau actuel de consommation, les Etats-Unis vont vers une crise énergétique et d’approvisionnement interne d’hydrocarbures dans peu d’années. C’est pourquoi, l’impérialisme a promu une série de politiques et d’outils colonisateurs en Amérique Latine, tels que la privatisation des entreprises pétrolières étatiques, en Argentine par exemple où l’entreprise espagnole Repsol a acheté YPF. En Bolivie, des contrats de rapine ont accordé la propriété aux mains des transnationales. Dans d’autres pays, les entreprises continuent aux mains de l’état, mais on a imposé une privatisation indirecte, avec des concessions de secteurs d’exploitation, traitement, transport et commercialisation. Une partie croissante de l’affaire passe aux mains d’entreprises étrangères, comme au Venezuela, en Equateur, au Mexique et au Brésil.


Avec cela, l’impérialisme promeut des projets comme PPP (Plan Puebla – Panama) et IIRSA (Initiative pour l’Intégration Régionale Sud-américaine) qui cherchent à garantir l’infrastructure pour l’extraction, le traitement et le transport de ces ressources naturelles depuis Terre du Feu, dans le sud de l’Argentine, jusqu’à Puebla, dans le nord du Mexique, un endroit ou, comme par hasard, cette infrastructure peut être reliée à des réseaux électriques, des gazoducs et des oléoducs qui terminent en Californie et au Texas.


La ZLEA (Zone de libre Echange de l’Amérique) va dans le même sens, comme un cadre politique et juridique qui « légalise » tout le processus colonisateur  : son statut dit que les ressources naturelles sont de « propriété continentale » (à bon entendeur, salut). Mais, ayant quelques difficultés avec la ZLEA, les Etats-Unis ont mis en oeuvre des accords bilatéraux ou régionaux : les TLC (Traités de Libre Commerce), quelque chose comme construire une ZLEA « par modules ». Ce n’est donc pas par hasard que la lutte pour le contrôle des hydrocarbures soit le centre de la réalité bolivienne, ou que la résistance populaire contre les TLC se manifeste avec force en Equateur et dans plusieurs pays de l’Amérique centrale, comme Honduras et Costa Rica.


Le rôle du Brésil


Dans ce cadre, il est nécessaire d’analyser le nouveau rôle du Brésil dans la région, un pays qui a commencé à être une espèce « de sub-métropole régionale ». D’une part, il est recolonisé par les puissances impérialistes et souffre le même pillage de richesses que les autres pays latino-américains. Mais, en même temps, sa bourgeoisie agit comme une espèce de « partenaire secondaire » dans l’exploitation d’autres pays plus faibles, en recevant, en échange, quelques miettes plus grandes.


En ce sens, le rôle de la compagnie pétrolière brésilienne Petrobras en Bolivie est très clair  : à travers des concessions d’exploitation de pétrole et de gaz, Petrobras contrôle presque 20% du PBI et 40% des exportations boliviennes. Tout comme n’importe quelle entreprise impérialiste, elle pille des richesses et retourne des profits fabuleux à sa maison mère. C’est pourquoi, elle rejette totalement l’étatisation des hydrocarbures. Récemment, tout comme les autres entreprises impérialistes (avec lesquelles dans beaucoup de cas elle agit en associée), elle a menacé de quitter la Bolivie si on ne lui garantissait pas « ses investissements et leur rentabilité ». L’influence économique du Brésil ne se limite pas au secteur des hydrocarbures  : on calcule que 35% des terres productrices de soja de Santa Cruz de la Sierra sont propriété de bourgeois brésiliens.


Le nouveau rôle du Brésil apparaît aussi aux niveaux politique et militaire. Par exemple, Lula agit comme un « pompier régional » prêt à collaborer pour éteindre tout incendie causé par la lutte de classes, comme cela a été le cas au Venezuela en 2002 ou, actuellement, en Bolivie même. En outre, il a été « un bras armé auxiliaire » de l’impérialisme américain en envoyant des soldats à Haïti. De cette manière, Bush a pu disposer de davantage de troupes pour l’Iraq. Les soldats brésiliens, déguisés en « troupes de paix de l’ONU », agissent comme n’importe quelle armée d’occupation  : ils répriment et violent les droits de l’homme du peuple haïtien, comme on vient de dénoncer maintenant publiquement.


Retournant à la Bolivie : il n’est donc pas par hasard que, tout comme les entreprises impérialistes yankees, britanniques et espagnoles, Petrobras reçoit une haine croissante du peuple bolivien. Les mobilisations de travailleurs et paysans contre elle sont de plus en plus fréquentes. Dans cette confrontation, la LIT-QI (Ligue Internationale des Travailleurs – Quatrième Internationale) n’est pas neutre et soutient pleinement la lutte du peuple bolivien pour la nationalisation et l’expropriation sans paiement des biens de Petrobras en Bolivie. C’est pourquoi, le PSTU (Parti Socialiste des Travailleurs Socialistes Unifié) a entamé une campagne, en ce sens (voir encadré 1).


Santa Cruz de la Sierra : une autonomie réactionnaire et pro-impérialiste


Les problèmes de la bourgeoisie bolivienne ne se limitent pas à devoir faire face à un mouvement de masses combatif. La bourgeoisie de Santa Cruz de la Sierra (tirant profit d’un sentiment autonomiste des peuples de l’intérieur contre le centralisme politique et administratif de La Paz) exige une autonomie régionale beaucoup plus grande, une exigence qui commence à s’étendre aussi à Tarija. Dans ce cadre, elle a convoqué pour le 12 août à un referendum astreignant, sans accord avec le gouvernement central, le même jour de l’élection de maires. Jusqu’à présent, le Parlement a fait traîner les choses en longueur.


Cette exigence d’autonomie a son origine dans des raisons économiques et politiques profondes. Les deux départements comptent pour seulement 20% de la population bolivienne, mais produisent 40% du PIB national et 60% des exportations. Ils possèdent les principaux gisements d’hydrocarbures. En outre, à Santa Cruz se trouvent les plus grands propriétaires fonciers et se développe une intense production de soja. Une partie importante de cette richesse trouve son chemin vers les mains de la bourgeoisie de l’Altiplano et du gouvernement central de La Paz, par l’intermédiaire des impôts nationaux. Derrière la lutte pour l’autonomie se cache donc l’intention de ces bourgeoisies régionales d’obtenir une « tranche » beaucoup plus grande, au désavantage de l’Altiplano « pauvre ». En même temps, l’autonomie leur permettrait d’avoir les « mains libres » pour s’arranger directement avec l’impérialisme et, à la fois, protéger leurs grandes propriétés de la prise de terres par les paysans pauvres. Au niveau de la lutte de classes, en Santa Cruz il y a une situation relativement plus « tranquille » que dans le reste du pays, puisque la bourgeoisie y maintient encore un plus grand contrôle des masses. L’autonomie cherche à « préserver » la région de l’instabilité bolivienne permanente, créée essentiellement par les luttes des masses. Mais la « contagion » se produit déjà : des mobilisations combatives d’enseignants, de travailleurs de la santé et de paysans de Santa Cruz ont commencé à unir leurs réclamations avec ceux du reste du peuple bolivien, rejetant la position de la bourgeoisie régionale. La bourgeoisie de Santa Cruz cherche à mettre en échec le processus révolutionnaire en cours dans le pays et, dans ce cadre, obtenir l’autonomie, pour livrer les ressources naturelles à l’impérialisme et à Petrobras.


Cette politique, probablement encouragée par les Etats-Unis et le Brésil, a objectivement une dynamique séparatiste et de division du pays. Mais même sans arriver à cet extrême, son avancement représenterait un coup dur pour la bourgeoisie de l’Altiplano et pour le gouvernement central. C’est pourquoi, ces derniers s’opposent clairement à cette politique, de même que le commandement de l’Armée d’ailleurs. Pour le moment, le conflit est « pacifique », mais son développement mène potentiellement à des confrontations dures, y compris militaires, à une rupture de la bourgeoisie qui accentuerait encore plus la situation déjà explosive du pays.


Mais il ne s’agit pas seulement d’une confrontation entre des secteurs bourgeois. L’autonomie qu’exigent ces bourgeoisies régionales ne reflète pas la juste exigence d’une nationalité opprimée. Au contraire, cette autonomie (et plus encore, la division du pays) est une attaque à l’ensemble du peuple bolivien parce que son objectif est la cession totale des hydrocarbures et un plus grand enrichissement de la bourgeoisie régionale. C’est pourquoi, comme révolutionnaires, nous devons nous y opposer et soutenir la juste lutte de la majorité du peuple bolivien pour maintenir l’unité géographique du pays. La meilleure façon de le faire est d’imposer une issue ouvrière et paysanne à la situation actuelle. Ainsi c’est prononcé clairement le MST, la section bolivienne de la Lit-qi (voir encadré 2).


La lutte des masses et la trahison des directions


Il est impossible de comprendre « l’instabilité » permanente de la politique bourgeoise bolivienne sans considérer un facteur essentiel  : la lutte des masses, qui ont fait preuve de combativité et d’héroïsme dans d’innombrables affrontements, depuis la révolution de 1952 jusqu’à présent. C’est cette lutte, par exemple, qui a fait face à la politique du gouvernement de Gonzalo Sánchez de Lozada de consolider et d’approfondir la cession des hydrocarbures, et qui l’a renversé en octobre 2003.


Si cette lutte, qui avait reconstitué à la COB comme alternative de pouvoir, n’a pas avancé en ce moment vers la prise du pouvoir par les travailleurs et le peuple, c’est à cause de la trahison des directions majoritaires, expertes dans le jeu de diriger les processus pour les trahir. Après la chute de Sánchez de Lozada, ces directions ont freiné la lutte et ont permis qu’assume Carlos Mesa, voté par un Parlement sans aucune représentativité. C’est-à-dire, ils ont soutenu la « continuité institutionnelle bourgeoise » dans le pays.


Evo Morales et le MAS (la principale force politique bolivienne) ont carrément soutenu Mesa. La direction de Jaime Solares dans la COB (Centrale Ouvrière Bolivienne) et le dirigeant paysan Felipe Quispe (du Mouvement Indigène Pachakutik), se sont déclarés comme « opposition », mais ils ont défini une longue trêve qui a permis de passer le referendum trompeur sur le gaz et de consolider le gouvernement. Cette année, face au premier renoncement présenté par Mesa au Congrès, il y a quelques mois, les députés du MAS et du Pachakutik ont voté pour la permanence de Mesa dans son poste.


 Quelque chose de semblable avait eu lieu en Equateur en janvier 2000. Face à la politique de dolariser l’économie du président Noboa, une puissante lutte révolutionnaire de masses a renversé le gouvernement, a divisé l’Armée et est même arrivée à créer des organismes de double pouvoir, comme le Parlement des Peuples. Mais les principales directions du mouvement, la CONAIE (Confédération de Nationalités Indigènes de l’Equateur) et le PCML (Parti Communiste Marxiste Léniniste) ont mis le pouvoir aux mains du colonel Lucio Gutiérrez (dirigeant du secteur militaire qui avait soutenu l’insurrection), qui à son tour a transféré le pouvoir au sommet de l’Armée, qui, quant à elle, a approuvé que le vice-président assume le pouvoir. Autrement dit, à travers des mécanismes plus compliqués qu’en Bolivie, ces directions ont aussi soutenu la « continuité institutionnelle bourgeoise ». Les élections postérieures ont été gagnées par Lucio Gutiérrez, et les dirigeants de la CONAIE et du PCML lui ont emboîté le pas en faisant partie de son gouvernement.


Les gouvernements de front populaire


Les gouvernements bourgeois de Lucio Gutiérrez et de Carlos Mesa ont été très semblables. D’abord, ils sont apparus, de manière directe ou indirecte, comme le résultat de processus révolutionnaires et ils doivent gouverner dans ce cadre, ce qui les rend très faibles ou kerenskistes (terme utilisé en Russie en 1917). Deuxièmement, le gouvernement de Lucio Gutiérrez a été clairement de front populaire : un gouvernement bourgeois constitué par des dirigeants et des organisations ouvrières et populaires. Celui de Mesa, bien qu’il n’était pas de front populaire dans la forme, l’était dans le contenu parce qu’Evo Morales était, de fait, son principal soutien. Normalement, l’impérialisme et les bourgeoisies nationales préfèrent éviter ce mécanisme mais, dans certaines situations, ils y font appel. C’est le cas en Bolivie et en Equateur, pour que les directions mêmes du mouvement de masses aident à démonter ou à amortir les processus révolutionnaires existants.


Finalement, les deux gouvernements ont appliqué des politiques pro-impérialistes égales ou pires que celles de leurs prédécesseurs. Gutiérrez a mené à fond la dolarisation et le paiement de la dette externe, Mesa a maintenu la privatisation et la cession des hydrocarbures. Mais cette politique a ravivé la lutte du mouvement de masses qui, passée la confusion ou les espoirs initiaux, a commencé à leur faire face, en débordant les directions. Dans les deux cas, cette lutte a obligé les dirigeants et les organisations ouvrières et populaires à abandonner le gouvernement ou à cesser de le soutenir. C’est ce qui c’est passé avec la CONAIE et le PCML en Equateur, et avec Evo Morales et le MAS en Bolivie. Sur ce point, ces gouvernements sont devenus faible à l’extrême, sans aucun pouvoir politique ni base sociale propres. Dans une grande mesure, ils étaient à la dérive au milieu de la bataille des forces sociales et économiques principales, et finalement ils sont tombés.


Une autre similitude entre les deux pays est que, dans la mesure où la bourgeoisie et l’impérialisme ne peuvent pas imposer leur « ordre », et les travailleurs et les masses ne parviennent pas à avancer vers une issue propre, les processus révolutionnaires entrent dans une dynamique récurrente, de répétition de situations de lutte contre des politiques et des gouvernements semblables.


La question de l’Assemblée Constituante


Après une période de retour en arrière relatif et de confusion, les masses boliviennes sont retournées dans la rue et ont à nouveau combattu pour la nationalisation sans paiement des hydrocarbures, comme axe central de leur lutte. Les paysans pauvres et les nationalités indigènes réclament aussi la convocation à une Assemblée Constituante, parce qu’ils la voient comme une façon d’examiner les grands problèmes du pays et d’être protagonistes de ces décisions nationales. Il s’agit, entre autres, de la question de la propriété des hydrocarbures, de la réforme agraire, des droits des nations indigènes ou de l’unité du pays. De ce point de vue, il s’agit d’une aspiration démocratique totalement légitime.


Mais en Bolivie, où le pouvoir se décide dans la rue, la bourgeoisie et l’impérialisme essayent et essayeront d’utiliser ces espoirs, avec la collaboration d’Evo Morales, pour mener le processus révolutionnaire à la voie morte des institutions bourgeoises. Il est indispensable de combattre ce piège sur le chemin d’une issue de classe, de la classe ouvrière et du peuple. Pour y arriver, étant donné que les paysans et les indigènes boliviens voient l’Assemblée Constituante comme une issue pour obtenir leurs revendications, il faut avoir une tactique face elle. Les révolutionnaires ne doivent pas laisser ces revendications démocratiques entre les mains des directions capitulardes ou de la bourgeoisie. D’abord, la COB doit prendre cette exigence comme une façon d’unifier la lutte.


Voyons comment ont agi les bolcheviques russes face à ce sujet, en 1917. La stratégie était le renforcement et le développement des organismes de pouvoir ouvrier (les soviets russes ou la COB), avec la perspective de la prise du pouvoir. Dans ce cadre, et subordonné à lui, on répondait à ceux qui confiaient dans la constituante, en indiquant que ces demandes justes ne pourraient pas être résolues par « la constituante de la bourgeoisie et du gouvernement » parce qu’elle serait truquée, antidémocratique et frauduleuse. Seulement une constituante convoquée par les travailleurs organisés pourrait garantir ces demandes. En Bolivie, la question centrale est donc de se battre pour un gouvernement ouvrier, paysan et populaire, dirigé par la COB, qui seul est capable de garantir une constituante véritablement démocratique. Mais, si le gouvernement bourgeois ou le Parlement convoquent à la Constituante, il faut intervenir en elle avec une politique révolutionnaire qui peut mettre en échec le piège bourgeois.


La « crise révolutionnaire »


La lutte ouvrière et populaire a imposé le renoncement de Mesa et mis en échec le parlement. Dans les faits, les masses sont arrivées à avoir le contrôle sur la plus grande partie du pays et sur La Paz: le parlement bourgeois n’a même pas pu se réunir dans cette ville et a déménagé à Sucre, loin de l’insurrection populaire, et même à cet endroit il n’a pas pu échapper à cette pression. En même temps, avec leurs actions comme l’occupation du site pétrolier de El Alto et les gisements pétroliers et de gaz, ils montrent le chemin pour nationaliser les hydrocarbures. De fait, ils ont commencé à récupérer la propriété de cette richesse pour la Bolivie et à décider quelle utilisation elle devait avoir. C’est-à-dire, de nouveau a été à l’ordre du jour, de fait, le problème du pouvoir, et cela de manière plus intense qu’en octobre 2003. Qui doit gouverner en Bolivie et avec quelle politique ?


Dans ce cadre, la bourgeoisie bolivienne et l’impérialisme ont examiné différentes alternatives pour essayer de « régulariser » le pays. Une d’entre elles, propulsée par l’Eglise et soutenue par Evo Morales, est celle qui est en train d’être appliquée maintenant : le renoncement de Mesa et des chefs des Chambres parlementaires. De cette manière, Eduardo Rodriguez, président de la Cour Suprême, assumerait et convoquerait à des élections présidentielles anticipées. Mais le président du Sénat, Hormando Vaca Diez de Santa Cruz, un des politiciens les plus discrédités du pays, a essayé un autre jeu : assumer lui-même la présidence, selon la « lettre » de la constitution, avec le soutien des vieux partis patronaux (MNR, MIR, NFR) et de la bourgeoisie de Santa Cruz. Cette rupture a finalement créé un vide de pouvoir bourgeois. Un moment du processus que, dans le cadre de la mobilisation révolutionnaire des masses, nous appelons « crise révolutionnaire » parce que le pouvoir est « vacant ». Conscient de ce danger, la majorité de la bourgeoisie, l’Eglise et l’impérialisme ont fait pression sur Vaca Diez et ont obtenu son renoncement, ainsi que celui de Mario Cossio, président de la Chambre de Députés. Finalement, Eduardo Rodriguez a assumé la présidence et a annoncé des élections présidentielles dans 6 mois.


L’intention est claire  : obtenir que les élections leur permettent de désactiver la lutte révolutionnaire des masses, par un « compromis » avec les dirigeants « des secteurs sociaux » de mettre fin à la lutte. Ce n’est qu’un nouveau piège,comme a été en octobre 2003 le renoncement de Sánchez de Lozada. Pour qu’il n’y aie pas de doute sur cet objectif, les premières déclarations de Rodriguez après son investiture ont été  : « Je demanderai une trêve, un espace de paix qui nous permet de nous donner la main ; nous devons résoudre le problème de milliers de mères qui n’ont pas de lait pour leurs enfants, qui n’ont pas de gaz pour cuisiner, et aussi les problèmes de milliers de citoyens sur les routes » (El Diario 10/6). Rodriguez obtiendra-t-il cet objectif ? Voilà une question qui n’a pas encore de réponse, surtout en Bolivie.


Les directions, derrière les masses


Dans la semaine de la « crise révolutionnaire », les masses, avec leur lutte, ont franchi tous les obstacles et ont obligé leurs dirigeants à aller au-delà de leurs intentions. Par exemple, le 6 juin, des centaines de milliers de travailleurs, de paysans et d’étudiants ont occupé La Paz et ont effectué un gigantesque conseil municipal ouvrier et populaire, avec la présence de la COB, les mineurs, les organisations combatives de El Alto et les fédérations paysannes. Cette pression gigantesque a obligé les dirigeants à proposer l’installation d’une « Grande Assemblée Nationale et Populaire » et de « forger un nouveau gouvernement du peuple qui remplace le vide de pouvoir (…) sous le mot d’ordre de la nationalisation des hydrocarbures ».


Bien que pour les dirigeants cet appel était rhétorique, ce n’était pas le cas pour les masses. Celles-ci ont démontré à nouveau qu’elles sont capables de contrôler le pays, et elles ont aussi montré le chemin pour nationaliser le pétrole et le gaz, avec l’occupation des installations d’hydrocarbures. De fait, dans El Alto ce pouvoir des masses existe de façon organisée. Avec leurs actions, les masses commençaient à répondre à la question de qui doit gouverner la Bolivie et avec quelle politique. Mais encore une fois, les dirigeants sont parvenus à les maintenir « aux portes du pouvoir ». Nous répétons la question  : Eduardo Rodriguez et la bourgeoisie bolivienne, vont-ils pouvoir calmer la situation  ? La réponse ne viendra que dans les prochains jours. Mais même si eux, ils ont obtenu un peu de répit en appelant aux élections, les masses boliviennes sont bien loin d’avoir été mises en échec. Le problème de qui doit gouverner le pays ne sera que remis à plus tard et, probablement, se posera à nouveau dans un futur proche.


Pour rompre le « cercle récurrent », le problème clef est encore celui de la construction d’une direction révolutionnaire des masses qui soit disposée à pousser à fond dans cette lutte. Cela commence d’abord par ne déposer aucune confiance dans le gouvernement de Rodriguez et de promouvoir la lutte à fond contre lui. C’est une tâche qui peut trouver un soutien dans des faits très positifs, comme l’organisation ouvrière et populaire qui existe dans El Alto et d’autres lieux du pays et l’expérience extrêmement riche des masses dans ce processus. Il faut exiger des dirigeants de la COB et de El Alto de ne pas en rester seulement aux belles paroles, de maintenir l’organisation ouvrière et populaire et de la propulser vers le pouvoir ouvrier et populaire.


L’alternative de la Bolivie reste toujours  : des gouvernements (civils ou militaires) de complaisance coloniale, ou un gouvernement des travailleurs et du peuple. Comme dit le MST dans sa proposition  : un gouvernement qui, avec la COB à la tête, « nationalise les hydrocarbures sans indemnisation (…) cesse de payer la dette externe, cède la terre aux paysans, rompt avec le FMI et convoque à une Constituante démocratique qui approuve ces mesures ». La Lit-qi (Ligue Internationale des Travailleurs- Quatrième Internationale) et sa section bolivienne, le MST (Mouvement Socialiste des Travailleurs) consacrent tout leur effort à cette tâche.
 
 

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