La crise climatique et environnementale n’est pas le produit d’une catastrophe naturelle. Le profit du capitalisme impérialiste est à l’origine de cette destruction. Ce qui se passe aujourd’hui avec l’Amazonie en est une preuve tragique. La forêt amazonienne est en feu, les animaux meurent brûlés, la flore est en train d’être détruite, le climat est contaminé non seulement dans la région, mais sur des milliers de kilomètres ; et cela est la conséquence du défrichement démentiel visant à favoriser les profits des grands propriétaires, des sociétés minières et forestières.
Déclaration de la Ligue Internationale des Travailleurs-Quatrième Internationale (LIT-QI)
L’attaque contre l’Amazonie a commencé il y a longtemps et ce sont les peuples indigènes et les travailleurs seringueiros[1] qui s’y sont historiquement opposés. Cette lutte a coûté la vie à Chico Mendes et à un grand nombre d’activistes et de dirigeants. Cette attaque visant à défendre des intérêts commerciaux a toujours bénéficié du soutien direct ou insidieux des différents gouvernements. Elle fait aujourd’hui un bond en avant avec la politique du gouvernement Bolsonaro qui a conduit à cette barbarie environnementale, et qui provoque une forte vague de mobilisations au Brésil et dans le monde.
Le désastre amazonien est aujourd’hui l’exemple le plus évident de la destruction de l’environnement, mais il ne s’agit pas d’une exception. Cette destruction causée par le capitalisme est un phénomène mondial qui s’intensifie dans les pays colonisés et semi-coloniaux opprimés et exploités par l’impérialisme. Les personnes qui ont dû faire face aux multinationales minières, pétrolières, hydroélectriques, agroalimentaires, en Équateur, au Pérou, en Bolivie, au Chili, en Argentine, ainsi que les migrations massives du continent africain, peuvent en témoigner… lesquelles multinationales détruisent leur environnement et leurs moyens de subsistance. Mais c’est une réalité dont souffrent aussi quotidiennement les populations des grandes villes des pays impérialistes.
Le changement climatique est déjà une réalité palpable
La concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère avant l’ère industrielle était de 280 parties par million (ppm) et nous avons maintenant déjà atteint les 415 ppm. La température globale a augmenté d’environ 1°C, alors que la limite de sécurité fixée par l’accord de Paris est de + 1,5 ° C, un point que nous atteindrons dans quelques années. Et il ne s’agit là que d’un des problèmes environnementaux produits par le capitalisme, qui s’ajoute à la déprédation et à la destruction de vastes territoires par des entreprises du secteur de l’énergie, des mines et du bois, à la pollution massive des rivières et des mers et à l’urbanisation sauvage de zones entières. Au moment de la rédaction de ce manifeste, les données indiquaient que le mois de juillet dernier (le dernier mesuré) avait été le plus chaud jamais enregistré. Année après année, les records sont battus. Les conséquences sont bien connues : phénomènes climatiques extrêmes, sécheresses, récoltes perdues, vagues de chaleur de pires en pires, désertification et perte de sols, incendies chaque fois plus intenses…
Cette crise écologique mondiale a conduit à une extinction massive de la biodiversité, avec un taux d’extinction 10 000 fois supérieur au taux naturel et à environ un million d’espèces menacées. D’importantes populations d’Afrique ou d’Amérique centrale sont obligées d’abandonner leurs terres pour rejoindre les vagues migratoires. L’humanité est vraiment au bord d’un effondrement écologique aux conséquences à peine prévisibles. Ce n’est pas par hasard que de nombreux scientifiques ont adopté le concept « anthropocène », c’est-à-dire la définition d’une nouvelle ère géologique qui souligne le rôle de l’être humain dans la transformation du monde biophysique et dans l’origine des problèmes environnementaux mondiaux. Cette notion semble cependant limitée, car elle ignore le rôle central des relations de pouvoir, l’exploitation et les inégalités sociales produites par le système capitaliste, comme nous le verrons plus loin.
La crise écologique : une question de classe
Dire que la cause de la situation actuelle est le « comportement humain » (ainsi, en général), ou fondamentalement les habitudes de consommation individuelle, c’est masquer la réalité. Le changement climatique a ses responsables, que l’on peut nommer. Seules 100 grandes entreprises sont responsables de 70% des émissions mondiales. Ce sont de grandes entreprises pétrolifères, énergétiques ou extractives de charbon et de gaz.
Elles accumulent des fortunes gigantesques dans la poche de quelques-uns, au prix de la destruction de la planète. Le revers de cette médaille, la classe ouvrière et les secteurs populaires, en particulier dans les pays semi-coloniaux (qui ont le moins de responsabilités), sont ceux qui paient les conséquences les plus dévastatrices sous la forme d’inondations, de cyclones, d’insécurité alimentaire ou qui se voient contraints à migrer. La crise climatique et écologique est par conséquent aussi une question de lutte de classe.
L’impérialisme et les gouvernements nationaux sont responsables
27 années se sont écoulées et 24 conférences internationales supplémentaires ont eu lieu depuis le sommet de Rio de Janeiro en 1992, au moment de l’adoption de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Loin d’avoir servi à quelque chose, la situation a empiré. Pour ne donner qu’un chiffre : entre 2017 et 2018, les émissions mondiales ont augmenté de 2,7%.
Des gouvernements comme ceux de Trump et de Bolsonaro assument ouvertement la défense des grands intérêts capitalistes, en refusant explicitement les moindres mesures de contrôle. Mais la vérité est que tous les gouvernements, de Merkel à Macron, en passant par Evo Morales (qui, au service de l’agroalimentaire, a élargi la frontière agricole aux dépens des zones de préservation), se contentent d’un jeu théâtral pour avoir l’air de résoudre quelque chose, essayant ainsi d’apaiser l’inquiétude sur cette question. L’hypocrisie des dirigeants allemands et français devient insupportable lorsqu’ils essaient de se faire les champions de la défense de l’Amazonie alors qu’il s’agit de deux des pays ayant la plus grande empreinte écologique. Mais malgré les discours, ils ne prennent jamais de mesure vraiment effective. Ils sont en effet les serviteurs des ces mêmes capitalistes qui s’enrichissent avec les émissions et la dégradation de l’environnement.
En ce sens, nous voulons dénoncer et nous démarquer des soi-disant « partis verts », ou des partis néo-réformistes qui ont essayé de se faire passer pour des « environnementalistes », tels Syriza ou Podemos. Ils ont finalement renoncé à tout changement radical et ont fonctionné institutionnellement comme des « béquilles » pour soutenir les gouvernements de la vieille social-démocratie (aujourd’hui plutôt sociale-libérale), de la bourgeoisie impérialiste et des prédateurs de l’environnement. Même là où ils ont gouverné, comme en Grèce, le bilan social et écologique pourrait difficilement être pire.
Un capitalisme vert peut-il exister ?
Les institutions officielles développent un discours sur l’impulsion de la soi-disant « économie verte », une politique environnementale marquée par la marchandisation des ressources naturelles et qui exalte les solutions du marché pour supposément sauver l’environnement. Les concessions d’espaces forestiers publics au secteur privé, la certification « durable » de produits tels que les bois tropicaux et la mise en œuvre du programme de Réduction des Emissions dues à la Déforestation et la Dégradation des forêts, qui ne sert que les intérêts du capital financier, sont des exemples de cette politique.
Il s’agirait de promouvoir un nouveau modèle économique, de sorte que les « entreprises durables » soient plus rentables que les « sales », qu’elles finiraient par remplacer, en changeant par exemple les combustibles fossiles en énergies renouvelables. Le problème sous-jacent à cette approche est simple : c’est que le capitalisme est absolument insoutenable d’un point de vue environnemental. Le cycle de reproduction prolongé du capital dépend d’une appropriation croissante des ressources naturelles, à un rythme beaucoup plus rapide que le temps nécessaire à leur régénération. Les systèmes naturels se développent au fil des siècles et leur cycle de récupération est incompatible avec le cycle de la reproduction du capital, qui impose une exploitation forte et intense des ressources naturelles, entraînant la rupture de leur dynamique naturelle.
Face aux conséquences de la révolution industrielle, Karl Marx avait déjà mis en garde contre cette situation lorsqu’il accusait la production capitaliste de « perturber l’interaction métabolique de l’Homme et de la terre », c’est-à-dire l’échange d’énergie et de matériaux entre les humains et leur environnement naturel, condition nécessaire à l’existence de la civilisation. Selon Marx, « en détruisant les circonstances de ce métabolisme, elle [la production capitaliste] empêche sa restauration systématique en tant que loi régulatrice de la production sociale, d’une manière appropriée au développement complet de la race humaine ».
Pour alimenter la production de marchandises, le capitalisme a construit au cours des 200 dernières années un « modèle fossile ». L’industrie, les transports, l’énergie et même l’agriculture fonctionnent avec une infrastructure alimentée par des combustibles fossiles. Modifier le modèle à une échelle suffisante pour faire face au changement climatique impliquerait nécessairement la destruction de toutes les infrastructures actuelles et la reconstruction d’une infrastructure différente à l’échelle mondiale. Aucun fonds d’investissement financier, aucune fiducie capitaliste multinationale, n’est disposé à investir une quantité incommensurable de capital pour « sauver le climat », sacrifiant ainsi les avantages qu’il obtiendrait en continuant simplement comme avant.
Les améliorations technologiques sous le capitalisme ne sont pas non plus une solution. Quand une entreprise capitaliste gagne en efficacité, elle l’utilise pour produire moins cher ou en quantités plus grandes, afin de maximiser ses profits. Elle ne renonce jamais à gagner plus afin de consommer moins de ressources; entre autres, parce que si elle le faisait, une autre entreprise utiliserait rapidement cette amélioration pour la remplacer sur le marché.
En ce sens, le concept de « capitalocène » est plus précis, comme le proposent certains chercheurs marxistes, considérant que l’action humaine est toujours déterminée par les relations politiques et économiques dans le contexte du capitalisme mondial. Par conséquent, la défense de l’environnement doit faire partie de la lutte des travailleurs contre l’exploitation capitaliste. L’être humain ne pourra vaincre l’aliénation en ce qui concerne la nature que lorsqu’il se libérera de l’exploitation du travail. C’est une lutte anticapitaliste et anti-impérialiste et, en substance, pour la construction d’une société socialiste. Une société fondée sur de nouveaux rapports de production pour surmonter la séparation entre la campagne et la ville et établir un rapport équilibré avec la nature, « condition inaliénable pour l’existence de la reproduction de la chaîne des générations humaines », comme l’a signalé Marx.
Mais cela ne signifie pas négliger la lutte actuelle. La lutte pour la défense de l’eau, des sols et des habitats, qui trouve son point de ralliement actuel dans la défense de l’Amazonie, doit s’accompagner de la stratégie consistant à vaincre le système capitaliste pour construire une société dans laquelle la classe ouvrière dispose d’un pouvoir politique et économique. Par conséquent, nous présentons certaines mesures comme des mesures de transition.
Il manque une série de mesures anticapitalistes fortes
La seule façon de relever le défi du changement climatique de manière réaliste et efficace consiste à prendre des mesures anticapitalistes, révolutionnaires et socialistes qui planifient l’économie en mettant au centre des préoccupations la durabilité environnementale et la justice sociale, au lieu des bénéfices privés.
- Les grandes entreprises, et en particulier les secteurs de l’énergie, du pétrole, des mines et des banques, doivent être immédiatement nationalisées et leurs ressources gigantesques placées sous le contrôle des travailleurs et de la population et au service d’un renforcement total des énergies renouvelables. En même temps, il est nécessaire d’appliquer un solide plan d’économie d’énergie.
- Le transport doit être transformé, en développant un vaste réseau de transport public, durable et gratuit, qui remplace un modèle basé sur la voiture privée. Le modèle urbanistique, professionnel et touristique doit favoriser les déplacements de proximité et mettre immédiatement fin à l’urbanisation sauvage.
- L’industrie doit avoir une limitation stricte des émissions, adaptant ses processus de production à la durabilité -au lieu de faire économiser les coûts à ses propriétaires, et mettant fin au subterfuge du commerce des droits d’émission. La durabilité, la réutilisation et le recyclage doivent être des critères obligatoires, éliminant les productions superflues ou destructives.
• Nous devons mettre fin à l’agriculture et à l’élevage industriel, aux mains des grandes entreprises, pour les adapter à des modèles écologiques et rationnels.
• Défense inconditionnelle des peuples de la jungle et des autres communautés traditionnelles qui dirigent des mouvements socio-environnementaux contre la destruction de leurs territoires par l’action de grandes entreprises. Ces populations (indigènes, paysans et quilombolas[2]) sont essentielles à la défense de l’environnement, en raison de leur culture et de leur mode de vie. C’est pourquoi nous soutenons chaque combat pour la délimitation de leurs territoires.
• En défense de l’Amazonie, la plus grande forêt tropicale de la planète, et des peuples ancestraux qui la peuplent.
• Restriction radicale de l’utilisation d’agents transgéniques et agrotoxiques. Les plantes transgéniques ne sont rien de plus que des plantes développées pour résister à de grandes quantités de pesticides. Toutes les promesses d’une productivité accrue et d’un contrôle accru des nuisibles se sont avérés être un piège pour les petits agriculteurs et ne contribuaient qu’à renforcer les grands monopoles capitalistes dans la production agricole. C’est pourquoi nous défendons la limitation de l’utilisation de ces produits, pour mettre fin progressivement à leur utilisation.
• Un reboisement intensif, la protection de la biodiversité et la récupération des espaces naturels sont nécessaires.
• Toutes ces mesures ne doivent pas signifier la perte d’un seul emploi. Tous les travailleurs dont le lieu de travail est affecté doivent maintenir leurs salaires et leurs droits et être réinstallés dans les nouveaux créneaux de travail. En fait, les nouveaux emplois nécessaires devraient être utilisés pour réduire le chômage.
Mobilisation mondiale du 20 au 27 septembre : Comment affronter ce combat?
Heureusement, on prend de plus en plus conscience du changement climatique et de l’environnement. C’est ici que réside l’espoir de changer les choses. Dans différents pays, entre le 20 et le 27 septembre, une semaine de lutte mondiale est en préparation, renforcée par la mobilisation mondiale en faveur de la défense de l’Amazonie qui se renforce de jour en jour. Depuis le LIT-QI, nous nous engageons à la promouvoir dans tous les pays où nous sommes présents. Nous serons sur la brèche, dans les quartiers et les villes, construisant cette journée pour qu’elle soit une étape importante dans la lutte écologiste.
De nombreux militants insistent sur le fait d’essayer d’éduquer la population à adopter des habitudes salvatrices. Si ces habitudes sont nécessaires, elles ne suffisent pas et ne s’attaquent pas au fond du problème. L’accentdoit être mis dans la lutte contre l’impérialisme et tous les gouvernements capitalistes et des patrons, complices et utiles aux propriétaires des grandes entreprises polluantes.
Pour mettre fin à l’impérialisme, aux gouvernements, pour changer le système économique, nous avons besoin que la classe ouvrière, main dans la main avec la jeunesse, assume et se mette à la tête de la lutte pour la défense de l’environnement. Au final, les capitalistes ne font que donner des ordres, mais ce sont les travailleurs et les travailleuses qui font réellement fonctionner l’économie, ce sont nos mains qui ont la capacité de la transformer. Ce n’est que si la majorité des travailleurs prend le pouvoir entre ses mains, que nous éviterons le désastre environnemental et social et que nous reconstruirons le monde sur une base humaine et rationnelle. Par conséquent, nous demandons la participation, avec les mouvements sociaux, des syndicats et des partis politiques ouvriers.
Nous appelons à une grande unité d’action à ces journées du 20 au 27 septembre, et pour toutes les luttes environnementales en cours. C’est dans cette lutte qu’est engagée la LIT-QI.
[1] Travailleurs qui récoltent le caoutchouc (NDT)
[2] Descendants d’esclaves ayant fuit les plantations et créé des communautés cachées appelés Quilombos (NdT)