LE PREMIER
Comme nous l’avons vu, le Premier Mai, comme jour de lutte ouvrière, est né aux Etats-Unis en 1886, avec la manifestation pour la journée de huit heures convoquée par l’organisation syndicale Chevaliers du Travail de Chicago. Plusieurs de leurs dirigeants ont, par la suite, été emprisonnés, jugés et exécutés, et sont passés dans l’histoire comme les Martyrs de Chicago.
Depuis lors, la bourgeoisie américaine a essayé par tous les moyens d’effacer ces faits de la mémoire des travailleurs du pays et de séparer ceux-ci de cette façon de leurs frères du monde. Sur
Le Premier Mai, jour de lutte ouvrière, a été transformé en un mystérieux May Day et, en même temps, on a décrété que le Labour Day devait être commémoré chaque premier lundi de septembre, une date sans aucune signification historique.
L’année passée
Mais la bourgeoisie la plus puissante du monde ne peut pas dissimuler pour toujours la vérité historique ou éviter la lutte de classes. De plus en plus, le Premier Mai devient à nouveau un jour de lutte ouvrière aux Etats-Unis, de la main des travailleurs immigrants, spécialement les latino-américains, qui apportent cette tradition de leurs pays.
Après les manifestations massives des 9 et 10 avril 2006, exigeant le droit de vivre et de travailler légalement aux Etats-Unis, les organisations ont convoqué, le Premier Mai de cette année, à une journée de lutte avec la consigne « un jour sans immigrant ». Il s’agissait, de fait, d’une grève générale des travailleurs d’origine étrangère pour montrer leur importance dans l’économie du pays. Ce n’était pas une mesure facile à obtenir puisque, aux Etats-Unis, c’est un jour de travail normal. Ils devaient défier le risque de licenciement, la perte de la green card[1] ou, pour les immigrants illégaux, la déportation immédiate, sans compter les menaces de groupes fascistes contre plusieurs organisations et dirigeants.
Mais la journée a été un grand succès. Des centaines de milliers ont abandonné leur travail et sont à nouveau descendus dans la rue, dans les grandes villes du pays, comme New York, Los Angeles ou Chicago, ainsi que dans beaucoup de villes moyennes et petites. Même à Anchorage (Alaska), quelques dizaines de manifestants ont défié le climat gelé de la ville.
Dans beaucoup de cas, ils y sont allés avec leurs uniformes ou vêtements de travail, avec de petites affiches qui disaient « nous ne sommes pas des criminels, nous sommes des travailleurs », ou groupés derrière les drapeaux de leurs organisations, comme le Réseau National de Journaliers (travailleurs agricoles mexicains) et leur consigne : « Nous ne voulons être esclaves de personne ». De cette manière, malgré l’effort de plus d’un siècle de la bourgeoisie américaine, le Premier Mai est redevenu un jour de lutte des travailleurs.
Son importance
Le caractère massif de la grève et des manifestations de l’année passée n’est pas un fait de moindre envergure. Actuellement, près de 25% de la classe ouvrière américaine est immigrant, spécialement latino-américain. Il suffit de parcourir n’importe quelle ville des Etats-Unis pour s’en rendre compte, dans les commerces, les hôtels, les restaurants, la construction de bâtiments ou la réparation des rues.
Que des milliers de travailleurs descendent à nouveau dans la rue un Premier Mai aux Etats-Unis a, sans doute, une grande valeur symbolique. C’est aussi un fait de grande importance pour tous les peuples du monde : ce sont les secteurs les plus exploités et les plus marginalisés de la classe ouvrière américaine qui entrent au combat et commencent à agiter les fondements mêmes de cette société. Le futur dira si, avec ces faits, nous assistons peut-être au pont qui unira les processus révolutionnaires latino-américains et le début de la révolution socialiste aux Etats-Unis.