ven Mar 29, 2024
vendredi, mars 29, 2024

Une alternative syndicale : les collectifs unitaires de base

A l’occasion de la Rencontre syndicale internationale de Paris, nous avons interviewé une militante grecque, Dina Reppa, enseignante primaire, syndicaliste et membre de l’organisation politique Antarsya. En voici quelques extraits.

La situation est catastrophique…

En Grèce, on ne discute plus sur les mesures d’austérité. On est en plein dedans. C’est ce qui se passe au quotidien. Les mesures votées sont terrifiantes : la baisse des salaires est énorme, mais aussi les changements dans les conditions et les relations de travail. Par exemple, les conventions collectives de travail sont en train de disparaître, alors qu'elles ont été très importantes en Grèce. Il y a 1,5 millions de chômeurs en Grèce et plus de 40 % des travailleurs du secteur public ne sont plus payés depuis cinq mois ! De nombreuses familles de cinq à six membres, où tous au chômage, n’arrivent pas plus à payer l’électricité. Chacun doit chercher comment survivre. La santé et l’éducation publiques sont pratiquement détruites. Par cette dégradation, le gouvernement essaye d’ouvrir ces secteurs à la spéculation capitaliste. Après les migrants, les femmes sont les plus touchées par la crise : 70 % des personnes au chômage sont des femmes.

Une deuxième chose est l’attaque aux droits démocratiques, à différents niveaux. Un des problèmes majeurs se situe au niveau de la migration, où la répression est omniprésente avec les « ratonnades » de policiers qui passent à tabac les migrants et les illégaux, qui sont ensuite encore tabassés par des groupes de fachos. En ce qui concerne les travailleurs, toute grève qui dépasse les 24 h est jugée illégale ; des travailleurs sont réquisitionnés après seulement quelques heures de grève et doivent obligatoirement y aller… Tout cela est mis en place par la démocratie bourgeoise, qui sabote elle-même les institutions démocratiques existantes.

Une réponse syndicale alternative

Une des caractéristiques du syndicalisme grec est qu’il n’a jamais été unifié. Le secteur le plus imposant est le syndicalisme bureaucratique, qui est complètement en accord avec le noyau dur de la philosophie votée, c'est-à-dire l’austérité. En Grèce, on n’utilise pas tant le terme « bureaucratie », on préfère parler de syndicalisme d’Etat : sa vision est celle d’appuyer la mise en place des réformes d’austérité. C’est le premier grand problème.

Certains syndicalistes essayent de se libérer de ce syndicalisme officiel et bureaucratique. Ils ont constitué, à l’intérieur des syndicats, des Collectifs Unitaires de Base (CUB), principalement dans les secteurs de la santé et de l'éducation ainsi que dans les municipalités. Depuis quatre ans, une coordination nationale de ces syndicats de base s'est mise en place ; c’est un premier pas vers la réorganisation syndicale de la classe travailleuse. Avec d’autres initiatives semblables, nous essayons de construire une coordination officielle de syndicats de base pour avoir une reconnaissance juridique, mais ce n’est pas encore gagné.

Face à la situation du pays, nos positions sont claires : contre l’austérité, contre l’Union Européenne, l’euro et le gouvernement. Certains syndicats revendiquent aussi la nationalisation des banques et la suppression de la dette odieuse, ainsi que la mise sous contrôle ouvrier des entreprises qui ferment, sans indemnisation des patrons.

Que faire contre la bureaucratie ?

Le problème est très complexe. Dans chaque syndicat de base, nous nous basons sur la démocratie directe, en prenant les décisions en assemblées générales. Puis nous nous organisons avec les autres syndicats qui ont aussi des délégués pour défendre ces positions face à la bureaucratie. Le problème central pour ces groupes de base est celui d'affronter la bureaucratie. Celle-ci appelle à des grèves et à des manifestations différentes, mais aux mêmes heures et aux mêmes dates que celles appelées par les syndicats de base. Malgré cela, la conscience des ouvriers grandit et le monde du travail commence à tourner le dos à la bureaucratie. Mais la seule manière légale de déclarer une grève, c’est via les syndicats. C’est pour cela que la coordination de base essaye d’avoir une personnalité juridique pour résoudre ce problème. Pour le moment, il faut cohabiter avec la bureaucratie pour faire pression depuis l’intérieur des syndicats. Il y a aujourd'hui une crise du mouvement syndical, liée aussi à la démoralisation, c’est vrai, car l’attaque contre les travailleurs est virulente depuis trois ou quatre ans.

Le lien avec Antarsya ?

Antarsya est un front politique de plusieurs organisations de gauche qui, depuis quatre ans, essaye de mener les luttes contre le gouvernement et pour une issue anticapitaliste à la crise. Il dit clairement que les travailleurs ne doivent pas attendre que le capital fasse marche arrière. On veut briser cette illusion : il n’y a pas d'issue positive pour les travailleurs avec le capitalisme, il n’y en a jamais eu. On met donc l’accent sur le fait qu’on ne peut pas revenir en arrière. On essaye aussi de lutter, au niveau des bases syndicales, contre la démoralisation et l’idée qu’on ne peut rien faire contre ces mesures.

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