ven Mar 29, 2024
vendredi, mars 29, 2024

Le Collectif CHOC, une alternative contre l’exclusion

Nous avons interviewé Guillaume Goor, chargé de mission à la Mission Locale de Saint Gilles, à propos du collectif CHOC, un collectif de demandeurs d’emploi, qui s’est organisé depuis quelques mois pour dénoncer la politique d’activation et d’exclusion des chômeurs.

 

Quelles sont les raisons qui ont motivé les travailleurs de la Mission Locale à participer du Collectif CHOC ?
A la base il y a un constat : la chasse aux chômeurs et l’image négative des chômeurs qui sont présentés dans les médias et même dans les discours politiques comme des coupables ; comme si les maux de la société étaient dus aux chômeurs ;  parce que « quand on veut on peut, celui qui cherche trouve » et tous ces préjugés sur l’emploi.
Dans notre travail, nous sommes confrontés aux chiffres réels.  Si on prend les chiffres officiels d’Actiris  pour le mois de juillet 2013, il y a 111.000 demandeurs d’emploi inscrits pour 8.000 offres d’emploi ! Cela change tous les mois mais le rapport reste toujours le même : 1 offre pour 10-12 demandeurs d’emploi. Pour Bruxelles, le rapport peut même varier de 1 offre pour 38 demandeurs !  Et plusieurs catégories de chômeurs ne sont pas prises en compte dans ces statistiques. Cela veut dire que même en s’activant, même en cherchant, dans le meilleur des cas, il n’y a qu’une chance sur dix de trouver du boulot ! 
A cela s’ajoute  tout le dispositif de l’activation, qui te presse contre le mur, qui te dit « c’est ta responsabilité (faute) tu n’as qu’à bouger ». En premier lieu, nous voulons pointer du doigt la responsabilité politique : s’il n’y a pas de boulot, ce n’est pas la faute des gens, c’est un choix politique.  C’est une responsabilité comme travailleur social de faire cette lecture sociale et le dire.
On parle chiffres mais on ne parle jamais des gens qui sont derrière  les chiffres sauf  pour les accabler;  c’est pas normal cette situation ! Des  générations se sont battues pour que ce droit au chômage existe et voilà que les responsables politiques font passer cela  comme si c’était un crime !
Alors on s’est proposé de constituer un groupe de réflexions et d’actions  pour créer du lien entre les gens qui sont trimbalés dans le carrousel institutionnel entre la Mission Locale, Actiris, la Maison de l’emploi, les ALE ;  permettre aux gens de se rendre compte qu’ils  vivent tous des situations similaires, que ce n’est pas de leur faute. A partir de là, voir ce qu’on peut faire ensemble. La Mission Locale a hébergé le collectif CHOC dans une dynamique d’éducation permanente ; toutes les décisions étant  prises de manière autonome, c’est le collectif qui décide et nous sommes les personnes supports.


Quels sont les objectifs du Collectif CHOC ?
On veut réfléchir comment attirer le regard de l’opinion publique sur la condition des chômeurs et donc nous sommes passés à faire des actions CHOC pour attirer l’attention des médias. Il s’agit aussi de dénoncer des situations concrètes et mener des actions ponctuelles. Par exemple, en juillet, le collectif a mené une action pour protester contre « la mise en solde » des chômeurs: on est tous allés « vendre des chômeurs en solde » à la Rue Neuve ; c’était comme un  marché aux esclaves, la foire aux bestiaux pour les employeurs. C’est d’ailleurs comme ça dans tous les salons pour l’emploi,  où ils  te font croire que tu vas  trouver du boulot, mais cela ne sert qu’aux  intérims pour sélectionner sur les 300 candidats les 2 meilleurs ; et des sommes astronomiques sont investies là-dedans, pour rien.


Quelles sont les revendications du collectif CHOC et à qui sont elles adressées?
Le collectif interpelle principalement l’ONEM et la région.  L‘ONEM et Actiris vont fusionner au plus tard en 2014 ou 2015. Avec la régionalisation des compétences de l’emploi, Actiris va reprendre les compétences de contrôle; donc, l’organisme aujourd’hui  responsable de l’accompagnement du chômeur (qui doit t’aider pour chercher un travail), aura aussi des compétences de contrôle.  La carotte dans une main et le bâton dans l’autre… on a vu ce que cela a donné en France quand ils ont fusionné les Asedic et les MPO en 2008. Il y a eu des demandeurs qui se sont immolés, des suicides… même parmi les conseillers à l’emploi, il y a eu des suicides, tellement la pression elle était  forte et eux-mêmes se rendaient compte des dégâts sociaux.
Pour la petite histoire, les conseillers à l’emploi s’appellent eux-mêmes les « radiateurs » parce qu’ils ne font que radier les gens !  Ils ont des trucs pour ça, par exemple tu reçois une lettre de convocation aujourd’hui et la convocation était pour hier, ils peuvent alors dire que tu ne t’es pas présenté; ils t’envoient systématiquement des offres d’emploi ne correspondant pas à ton profil, etc.
Il y a aussi l’Europe que fait pression sur les Etats qui font pression sur les Régions et les communes pour masquer les vrais chiffres… Derrière tout ça, le but est de maintenir un haut taux de chômage dans les faits pour faire une pression à la baisse sur les salaires et sur les conditions de travail en général.  Par exemple, le modèle allemand, des jobs à un euro de l’heure, ou quand il y a  un job pour cent types, si tu ne le prends pas c’est le suivant qui l’aura, donc tu n’as pas le choix…  Le collectif CHOC a aussi comme  objectif de lutter contre ce modèle « d’État social actif » comme ils appellent ça.


Quelles difficultés avez-vous rencontré dans cette dynamique d’accompagnement ?
Evidement que cela ne plait pas à tout le monde. Nous avons lancé l’initiative mais le collectif est autonome; ce sont des citoyens qui se sont engagés. Dans le cadre de l’éducation permanente, l’idée était de conscientiser sur le problème; à partir de là, c’est le Collectif CHOC qui apporte les idées d’actions, des pistes de solutions.  Effectivement il y a des choses que nous ne pouvons pas faire, mais nous apportons notre support.


Et  les difficultés  pour le Collectif CHOC ?
Pour des personnes prises dans le cycle du chômage  – pas valorisant -, la priorité c’est la motivation et le renouvellement de participants au collectif. C’est aussi gérer les pressions qu’on reçoit de partout, pas seulement la Mission Locale sinon les demandeurs d’emploi eux-mêmes. Par exemple, lors de l’action à la Rue Neuve, ils n’avaient pas d’autorisation, la police nous a interpellé et empêché de distribuer notre trac.  Quelqu’un leur a demandé « et si on distribuait des tracts pour Macdo, alors ? » on nous a répondu du tac au tac, « si c’est commercial, il n’y a pas de problème, mais là vous avez des revendications. ». Et puis, on se pose des questions sur l’état actuel de la démocratie !!


A ton avis,  qu’est qu’il faudrait faire pour développer la lutte contre la réforme du chômage ?
Il existe un réseau Bruxellois de collectifs des chômeurs qui se met en place, le collectif CHOC en fait partie.  Cette coordination est portée par le Collectif de Solidarité Contre les Exclusions. C’est malheureux à dire, mais  pour beaucoup de gens, les syndicats se limitent à une caisse de payements. Oui, Il y a un travail de mobilisations, mais, sur la question des chômeurs, je crois qu’il y a un travail énorme à faire.  Les chômeurs, c’est une  masse invisible de gens qui n’ont pas la parole parce qu’ils  sont désorganisés et comme tous les plus faibles, CPAS, VIPO ou les handicapés, ils sont systématiquement attaqués. Il faut fédérer, dépasser la somme de cas individuels, donner une voix.
Donc le Réseau veut passer à la vitesse supérieure et responsabiliser les politiques, leur dire : « le chômage n’est pas un problème individuel, c’est un choix politique et vous en tant que représentants politiques, vous êtes responsables de choix qui sont crapuleux ».    L’idée est de préparer des actions en vue des élections du mai 2014 et une grande marche de chômeurs sur Bruxelles, que  le réseau communiquera en temps et en heure.

Ces articles peuvent vous intéresser

Découvrez d'autres balises

Artigos mais populares