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jeudi, avril 25, 2024

La morale révolutionnaire et les agressions contre les femmes

Un débat nécessaire et urgent dans toute la gauche mondiale
 
Nous sommes aux prises avec une catastrophe mondiale, une situation sans précédent, où la violence contre les femmes est devenue une pratique quotidienne, une véritable norme de conduite qui donne lieu à des cas de plus en plus effroyables.

Les femmes sont brutalement attaquées dans la rue, violées dans les autobus, battues dans leurs propres maisons. Ce fantôme s'est déjà installé parmi nous. Les femmes travailleuses et pauvres dans les pays coloniaux et semi-coloniaux en sont les principales victimes, mais les pays riches ne sont pas épargnés. C'est cela l'image de la société bourgeoise, où les quelques acquis obtenus par les femmes au cours des dernières décennies de luttes pour leur émancipation s'effondrent l'une après l'autre. Une vague de viols, de violences sexuelles et de barbarie nous frappe de manière incontrôlable, sans que les gouvernements bourgeois soient prêts à y faire face, et cela anéantit nos avancées durement gagnées vers l'émancipation. De fait, devant la mort, nos acquis partent en fumée.

Dans ce contexte, deux événements majeurs ont générés des mobilisations de masse ainsi qu'une grande indignation à travers le monde : l'un se situe en Inde et l'autre au sein de la gauche marxiste. L'attaque récente contre une jeune Indienne de 23 ans, violée dans un autobus par un groupe de quatre hommes, fut un symptôme très grave de cette situation. Le crime fit peur à tou(te)spar sa cruauté parfaite et l'extrême brutalité avec laquelle la jeune fille fut violée et tuée par ses agresseurs. Le monde entier a été choqué. En Inde, nous avons vu, pour la première fois dans l'histoire, de grandes masses de manifestants dans la rue – hommes et femmes ensemble – pour exiger du gouvernement indien le châtiment des criminels et des lois plus strictes contre le viol. A notre connaissance, c'est la première fois que le viol d'une femme fut la cause d'un tel soulèvement populaire. Qui plus est, ce soulèvement avait un caractère clairement politique, car il s'orientait directement contre l'Etat bourgeois et ses lois qui protègent les assassins.

Ce qui a eu lieu en Inde s'est étendu comme une traînée de poudre dans le monde entier. Les femmes sont violemment attaquées, violées et tuées dans tous les coins de la planète. Dans le soi-disant « tiers monde », pas un jour ne passe sans qu'une femme ne soit battue et violée. Les principales victimes sont les femmes jeunes, travailleuses et pauvres, y compris des enfants. Il suffit que la femme refuse de continuer à vivre avec son partenaire pour qu'elle devienne une cible facile pour une attaque ou même une balle dans la tête. Les coups sont quotidiens pour les motifs les plus futiles. Les femmes sont liées, brûlées avec de l'essence, tuées et jetées aux chiens. De la torture psychologique et des mauvais traitements constants et cachés, on passe aux agressions physiques et aux assassinats.

De même qu'en Inde, les gouvernements de tous les pays laissent lâchement se répandre ce type de crime, au lieu de prendre des mesures sévères contre le viol et la violence contre les femmes. Le mois dernier, deux cas identiques à celui de l'Inde se sont produits au Brésil. A Rio de Janeiro, une jeune touriste française a été violée huit fois de suite par trois hommes dans une fourgonnette, puis abandonnée presque morte. Les assaillants, toujours pas satisfaits, ont « offert » la femme à d'autres hommes dans un bidonville, qui ne l'ont pas acceptée parce que le corps était « trop endommagé ». Un cas similaire vient de se produire à Bahia, avec une adolescente d'à peine quatorze ans, séquestrée à l'intérieur d'un autobus et emmenée dans la forêt, où elle a été violée à plusieurs reprises par un groupe d'hommes en colère.

La violence contre les femmes s'est installée dans le monde. Cette époque est marquée à jamais par ce type de crime, qui continue à se répandre et crée une société de la peur, de la terreur et de l'obscurantisme pour les femmes. C'est le résultat de la dégénérescence représentée par les valeurs bourgeoises du machisme et du pouvoir des hommes sur les femmes. C'est le fruit de l'exploitation effrénée de millions de travailleurs, qui laisse les pauvres et la classe ouvrière à la merci des conditions de vie les plus viles, sans logement adéquat, sans soins de santé, sans perspective d'avenir pour des millions et des millions d'enfants et de jeunes de toutes nationalités.

Les gouvernements bourgeois, en particulier ceux dirigés par des femmes, ainsi que de nombreuses organisations féministes, tentent de nous convaincre que les femmes ont avancé et se sont libérées. C'est complètement faux. Ce qui a avancé, ce n'est pas la libération, mais, au contraire, la prison, le silence et la mort. Les idéologies bourgeoises les plus réactionnaires sont de plus en plus présentes dans les médias. La femme est présentée comme un objet sexuel, comme la propriété privée de l'homme, par une idéologie qui côtoie le mysticisme pour inférioriser et diaboliser les femmes ; une idéologie qui s'alimente d'une conscience arriérée pour répondre aux instincts les plus barbares et primitives de l'homme.

En Inde, cette idéologie se mêle avec l'héritage de plusieurs années de colonisation et de domination par l'Empire britannique, qui a détruit la culture indienne pour la remplacer par les valeurs du colonisateur, du dominateur, de l'égoïsme et de l'individualisme exacerbés. C'est l'idéologie des cavernes, où prévaut la force brute, où gagne le plus fort, le plus cruel, le plus féroce.

La crise au sein du SWP anglais
 
Mais ce qui nous laisse encore plus outrés, c'est de voir que cela se produit également dans les organisations de gauche. Ce fut le cas, récemment, dans le SWP anglais, où l'un des dirigeants du parti a été accusé d'avoir violé une militante et d'avoir agressé sexuellement une autre camarade. Les deux militantes agressées ont été empêchées de s'exprimer ouvertement et l'enquête a été menée d'une manière superficielle, de sorte que le dirigeant du parti est resté impuni.

Confrontée à un fait si grave, la direction du SWP a préféré tourner le dos au parti afin de protéger l'agresseur, plutôt que d'unir le parti contre ce dernier.

La réaction indignée du parti ne s'est pas fait attendre, ce qui démontre que la plupart desmilitants avaient encore du sang dans les veines et voulaient défendre le parti. Il y eut de nombreuses déclarations de protestation ; des groupes entiers ont rompu avec le parti ; de nombreux militants ont manifesté leur déception vis-à-vis de la gauche. Alex Callinicos, la figure de proue du parti, a même été empêché de participer à un forum marxiste en Inde, car sa présence aurait pu suscité des protestations, étant donné que le pays vit encore dans le climat du viol récent de la jeune femme de 23 ans.

Le fait qu'un dirigeant de la stature de Callinicos, reconnu dans le monde entier, ait été désavoué de cette manière, doit nous faire réfléchir sur l'envergure de ce fait, car cela représente également une victoire dans la défense des femmes contre l'oppression.

Aucune organisation de gauche n'est immunisée contre les déviations morales telles que celles qui ont frappé le SWP. Dans la LIT, nous avons aussi eu ce genre de problèmes. Mais la ligne de partage des eaux entre organisations, c'est la façon de faire face à ces problèmes : soit par la discussion ouverte et large parmi les militant(e)s, l'enquête approfondie de l'incident et l'expulsion de l'agresseur, soit par l'adoption de toutes sortes de manœuvres pour dissimuler l'incident, discréditer les victimes et maintenir l'agresseur dans l'équipe de direction. Unir l'ensemble du parti contre les auteurs de déviations morales graves telles que le viol et le machisme contre les femmes, ou préférer détruire le parti pour protéger ses pairs, voilà le dilemme auquel nous sommes confrontés.

Dans la LIT, notre méthode a toujours été de faire face clairement et avec décision à toutes les déviations morales, qu'il s'agisse de vols, de mensonges, de privilèges, de dénonciations, mais aussi, en particulier, de manifestations de machisme telles que les agressions sexuelles contre des camarades, les provocations, les préjugés, et, surtout, le viol.

Tout cela est incompatible avec la morale révolutionnaire que nous défendons tant et qui est le ciment grâce auquel nous sommes fiers de bâtir notre Internationale. Dans ce domaine, nous sommes les plus fidèles partisans de Lénine et de Trotsky, qui ont toujours placé un fossé infranchissable entre la morale de la bourgeoisie et la morale prolétarienne et révolutionnaire.

Le résultat de cette politique n'est pas négligeable. Cela représenta pour nous un renforcement de nos militants et de notre fonctionnement interne ; un renforcement de nos sections. Cela nous permit même de nous implanter dans d'autres pays où les combattants et militants de gauche virent dans la LIT une possibilité concrète de construire une Internationale véritablement révolutionnaire, parce que notre organisation est basée sur des principes moraux solides, en ce compris la défense intransigeante et absolue des intérêts de la classe ouvrière et des militants de gauche (de notre courant ou d'autres tendances) qui font face à la bourgeoisie, à l'armée, à la bureaucratie et à tous nos ennemis sur le terrain de la lutte de classes.

Compte tenu de l'avancée de la lutte des classes et de l'affrontement des masses avec des gouvernements génocidaires, il est urgent que la gauche se définisse par la défense de la morale révolutionnaire, partout dans le monde. C'est la seule morale qui puisse nous rendre capable de construire une Internationale comme un outil à la lutte implacable contre la morale bourgeoise et son régime capitaliste : un régime qui a causé tant de souffrances à l'humanité et qui est aujourd'hui seul responsable de la catastrophe qui frappe les femmes pauvres et travailleuses dans le monde entier, jetées en pâture à la violence, au viol et à toutes sortes d'agressions que nous ne pouvons pas tolérer, encore moins au sein de nos partis.

Il est urgent que tous les courants de gauche discutent de manière large et fraternelle de la relation entre la morale révolutionnaire et l'oppression de la femme, afin d'extirper de notre cœur le poison avec lequel la bourgeoisie cherche à nous détruire.

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