ven Mar 29, 2024
vendredi, mars 29, 2024

Angola


Le peuple manifeste contre la répression et le silence

Il devient de plus en plus difficile d'ignorer la fatigue et la révolte de la population angolaise face à un régime corrompu et autoritaire.

Nito Alves est sorti de prison après deux mois, à la suite des mobilisations qui exigeaient sa libération. L'adolescent angolais fut emprisonné le 12 septembre dernier, après qu'il avait imprimé et affiché un t-shirt sur lequel le président angolais, José Eduardo dos Santos était qualifié de « dictateur répugnant ».

Soumis à un régime d'isolement, Nito Alves commença une grève de la faim et, à la fin de sa détention, il a accusé les autorités policières de lui avoir infligé des mauvais traitements. Bien qu'ayant été libéré, il n'a pas échappé à l'accusation « d'outrage au président », dont il devra répondre devant un tribunal.

Cet épisode se déroule dans le cadre d'une intense agitation du peuple angolais menée par des partis de l'opposition et des organisations non gouvernementales. Le 23 novembre, la Police nationale d’Angola a arrêté 300 personnes qui participaient à des manifestations de l'UNITA [Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola] dans plusieurs régions du pays. La même force de police a été accusée de la mort de deux membres d'une autre force politique, la CASA-CE [Convergence ample pour le sauvetage d'Agola – Coalition électorale]. Le Bloc démocratique a condamné la violence policière de ces derniers jours dans un communiqué.

Un régime corrompu et autoritaire

Il devient de plus en plus difficile d'ignorer la fatigue et la révolte de la population angolaise contre un régime corrompu et autoritaire au pouvoir depuis de nombreuses années. Le peuple angolais manifeste et envahit les rues, dans une attitude qui contraste avec le silence complice du gouvernement portugais et les intérêts économiques qu'il protège.

A cet égard, il convient de rappeler les excuses pathétiques présentées par Rui Machete aux autorités de Luanda en raison des enquêtes de la Justice portugaise sur des hautes personnalités de l’Etat angolais impliquées dans des transferts d'argent suspects. Le ministre des Affaires étrangères a assuré devant les micros de la Radio nationale d'Angola qu'« il n'y a rien de substantiellement digne d'intérêt et qui puisse faire croire que quelque chose serait mauvais, au-delà du remplissage des formulaires et des choses bureaucratiques ». Le ministre portugais semblait deviner le résultat du processus.

Quelques semainesplus tard, il est apparu que le bureau du Procureur général a classé un dossier qui impliquait Hyginus Lopes, vice-président de l'Angola. Le procureur en charge du dossier a écrit dans le verdict, cité par le Diario de Noticias, qu'il souhaitait contribuer à « normaliser les relations diplomatiques entre le Portugal et l'Angola ».
Le principe de la séparation des pouvoirs, un des piliers de l'Etat bourgeois, disparaît pour que le riche partenaire africain ne se sente pas gêné. Le gouvernement de ce pays ne se refuse pas de réprimer brutalement le mécontentement populaire face au flagrant gouffre entre les riches et les pauvres et à la promiscuité la plus éhontée entre le pouvoir politique et le pouvoir de l'argent.

Pourquoi le Parti communiste portugais (PCP) est-il contre le fait de condamner les assassinats et la répression en Angola ?

Le 29 novembre, le Bloc de gauche [Bloco de esuerda – BE] a présenté à la plénière de l'Assemblée de la République une motion condamnant l'assassinat de trois Angolais de l'opposition, attribué aux forces de sécurité du gouvernement de José Eduardo dos Santos.

Il s'agissait de Kamulingue Alves, Isaïe Cassule et Manuel « Ganga ». Les deux premiers ont été enlevés après une manifestation et ont disparu avant que, début novembre, un rapport du gouvernement admette qu'ils avaient été tous les deux torturés et tués. Manuel « Ganga » a été abattu ce même mois quand, avec d'autres membres de la CASA-CE, un parti d'opposition, ils collaient des affiches pour convoquer à une manifestation de protestation contre les meurtres de Kamulingue et Cassule.

La motion proposée par le BE a été rejetée par les partis au gouvernement, le PSD [Parti social-démocrate] et le CDS [Centre démocratique social– Parti populaire], ainsi que par le PS [parti socialiste], malgré l'abstention ou le vote favorable de certains députés socialistes. Cela n'est pas surprenant. Ces trois partis sont mus par certains intérêts, non par des principes démocratiques. Il est plus important pour eux de veiller aux bonnes affaires pour la bourgeoisie portugaise qu'à condamner les violations des droits de l'Homme.

Mais qu'en est-il du Parti communiste portugais (PCP) ? Le PCP s'est joint à la droite et au PS en rejetant la motion condamnant les assassinats perpétrés par le gouvernement angolais. Pourquoi ?

Les relations cordiales entre le PCP et le MPLA (Mouvement pour la Libération de l'Angola), le parti du président de l'Angola, sont notoires. Des délégations du MPLA ont assisté au XIXe Congrès du PCP en décembre de l'année dernière, de même qu'au Festival de l'Avante [un festival culturel et musical qui dure trois jours et est organisé par le Parti communiste portugais] de cette année. Sur le site du PCP, le MPLA est cité presque exclusivement pour sa participation à la lutte pour la libération de l'Angola, pour son passé. Aucune référence aux violations des droits de l'Homme pratiquées par le parti, au pouvoir depuis l'indépendance ; pas de critique de la corruption qui caractérise la gestion du président et du MPLA dans l'appropriation privée des ressources naturelles du pays, alors que la majorité de la population vit dans la pauvreté.

Mais cette position du PCP ne doit malheureusement pas nous étonner. Ce même parti soutient les dictatures existantes en Corée du Nord et en Chine ; il a soutenu Kadhafi en Libye ; et face au génocide pratiqué par Assad en Syrie, il se limite à dénoncer les menaces impérialistes contre le régime, qui serait anticapitaliste. (Il y a, effectivement, un parti communiste fantoche dans le gouvernement d'Assad.)

La lutte pour les libertés démocratiques en Angola doit être soutenue par la gauche, et les massacres et les atteintes aux droits humains pratiqués par le régime du MPLA doivent être dénoncés.

C.P.

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