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jeudi, avril 25, 2024

Angola après le Angola: 25 avril : lutte dans les usines et les quartiers

Si la guerre d'indépendance dans les anciennes colonies portugaises a mené à la chute du régime de Salazar au Portugal, le 25 avril 1974, cette chute a eu à son tour pour effet de faire exploser la lutte des travailleurs angolais.

Au Portugal, le 1er mai 1974 est une date remarquable et inoubliable. Ce fut la plus grande mobilisation de masses dans l'histoire du pays, quand près d'un million de personnes sont descendues dans la rue pour célébrer la liberté, quelques jours après le putsch militaire qui avait renversé la dictature de Marcelo Caetano et ouvert les portes de la Révolution des Œillets.

 

Dans les rues de Luanda, ce jour-là, le nombre de manifestants était beaucoup plus modeste : pas plus de cent jeunes, la majorité des Noirs. Mais les objectifs exprimés par certains calicots étaient ambitieux : « Liberté pour les prisonniers politiques », « Paix et travail »,« A bas le colonialisme ». Après l'intervention de la police – la Policia de Segurança Publica, PSP –, arrachant des affiches et emprisonnant deux femmes, la manifestation se rendit au palais du gouvernement, avec les rangs encore grossis. Un nouveau calicot apparut alors , en portugais et en kimbundu, avec une prédiction : « les Angolais seront indépendants ». 

 

 

Indépendance ou autodétermination ?

Peu de temps après le 25 avril, plusieurs projets sur l'avenir des colonies portugaises en Afrique ont été soutenus dans les bureaux et dans la rue ;deux d'entre eux étaient  l'indépendance totale sous la direction des mouvements de libération, et l'autodétermination, sous la direction des colons blancs. En Angola, ces deux projets, mêles à des émeutes raciales, ont donné lieu à des affrontements avec des morts et des blessés des deux côtés.
Le 15 juillet 1974, un cortège d'environ 30 000 personnes, majoritairement des Noirs, mais aussi avec un fort contingent de Blancs, accompagne les funérailles des victimes du massacre commis par les chauffeurs de taxi, les commerçants et les camionneurs blancs dans les bidonvilles de Luanda. Le même jour, plus de 2000 soldats noirs participent à une marche de protestation convoquée par le MPLA pour exiger que la patrouille des bidonvilles soit faite par eux, faute de quoi ils abandonneraient leur poste.
Toute cette mobilisation a eu des conséquences, y compris le remplacement d'un gouverneur proche de Salazar par l'amiral Rosa Coutinho, du Mouvement des Forces armées (MFA), qui avait des liens avec le Parti communiste portugais (PCP) et le MPLA ; la révocation des fonctionnaires liés à la Polícia Internacional e de Defesa do Estado (PIDE) ; l'organisation de l'autodéfense dans les bidonvilles et la promotion des comités de quartier. Ce n'est qu'après tout cela que la guerre va prendre fin, avec la signature d'accords de cessez-le-feu entre l'armée portugaise et les trois mouvements de libération (MPLA, FNLA et UNITA).

L'organisation dans les usines

Dès la seconde moitié de 1974, les grèves entamées après le 25 avril gagnent encore plus d'ampleur et les comités se multiplient au sein des entreprises. Les luttes syndicales, qui étaient jusqu'alors pratiquement le monopole des Blancs, commencent à inclure les Africains.
En mai, les 400 travailleurs de Cimianto font trois jours de grève pour une augmentation de salaire, élisent un comité d'entreprise et exigent un traitement respectueux pour tous les salariés. Les dockers croisent les bras et les travailleurs de la raffinerie belge Petrangol menacent de faire la même chose. Dans la Siderurgia Nacional, les 300 travailleurs font leur première grève en juin et obtiennent une petite augmentation de salaire, la première en dix ans. Dans l'entreprise de filature et de tissage Textang, avec 1500 ouvriers, c'est pareil.
Les nouveaux syndicats disent qu'ils veulent affilier l'ensemble des travailleurs, et  rejettent « le chauvinisme de nationalité, de race, de sexe ou autre ». Une assemblée plénière intersyndicale, en juin, affirme que le syndicalisme angolais est un « syndicalisme révolutionnaire qui vise à amener les masses ouvrières et paysannes au pouvoir ». Malgré le soutien accordé au MPLA à Luanda, la lutte dans les entreprises est spontanée et n'a pas de direction partisane.

Le contrôle s'installe

En janvier 1975, avec la signature des Accords d'Alvor et la formation d'un gouvernement de transition, composé par les trois mouvements de libération et le gouvernement portugais, la situation du mouvement social commence à changer. L'objectif de ces différentes forces devient le contrôle de ce mouvement, dans le cas du MPLA, ou sa destruction, dans le cas du FNLA ; et il s'agit d'empêcher la genèse en son sein de courants critiques au processus de la décolonisation.
Quelques exemples : une loi restreignant le droit de grève et interdisant l'occupation des usines, adoptée peu de temps avant l'inauguration du gouvernement de transition, a été maintenue par ce dernier ; une loi de militarisation des lieux de travail a été appliquée aux ports et aux chemins de fer, sans donner la moindre satisfaction aux travailleurs. La base du MPLA et sa centrale syndicale, l'UNITA, et les partis de gauche protestent, mais la direction du MPLA accepte ces lois.
La guerre civile, installée à Luanda entre le MPLA et le FNLA, entre mars et août 1975, combinée avec la crise économique et sociale qui l'accompagne, va affaiblir le mouvement syndical et l'organisation indépendante dans les bidonvilles, les écoles et les universités, et va permettre une plus grande intervention du MPLA. L'extrême gauche – regroupée dans les comités Amilcar Cabral, dans les comités Henda, ou autour de la revue trotskiste Révolution socialiste, entre autres – est réprimée. Un véritable culte du leadership historique est organisé, où Agostinho Neto occupe la première place.

La défaite de la révolution

Le pouvoir du MPLA dans la capitale – avec l'expulsion du FNLA et de l'UNITA – et dans la plus grande partie du pays ne devient relativement stable qu'en 1976, grâce à l'intervention cubaine. Le pays était déjà indépendant depuis le 11 novembre 1975, avec la proclamation de la République populaire d'Angola, gouvernée par le MPLA. Mais le spectre d'une guerre civile prolongée, avec l'intervention des troupes étrangères – le Zaïre et l'Afrique du Sud, du côté du FNLA et de l'UNITA respectivement –, est bien réel.
C'est dans ce scénario que le démantèlement violent de la révolution angolaise par le MPLA a une continuité. Le 27 mai 1977, la direction d'Agostinho Neto provoque un bain de sang pour détruire la « fraction » menée par Nito Alves, un combattant historique du MPLA. Son but était en fait plus profond : la destruction de ce qui restait de la lutte indépendante du peuple angolais. A la fin de 1977, le MPLA devient un « parti marxiste-léniniste », avec le nom de MPLA Parti travailliste.

 

 

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