mar Avr 16, 2024
mardi, avril 16, 2024

Guerre civile ou guerre de libération nationale ?

Irak

Certains événements des derniers mois pourraient donner l’impression que la position de l’impérialisme s’est renforcée en Irak. D’une part, un gouvernement a été formé, dans lequel sont entrées les principales forces politiques chi’ites et kurdes. D’autre part, l’impérialisme aurait avancé dans sa politique de « irakiser » le conflit, en transformant la guerre de libération en une guerre civile opposant chi’ites et sunnites.


Toutefois, cette conclusion serait profondément erronée. Le nouveau gouvernement d’Al Malik est fragile, puisqu’il atteste d?une grande division entre les différentes fractions bourgeoises qui le composent. En même temps, la supposée « guerre civile » entre chi’ites et sunnites ne reçoit aucun soutien de masses. En réalité, une grande partie de cette supposée « guerre civile » cache l’activité des « escadrons de la mort » de la Brigade Badr, dirigée directement à partir du ministère de l’Intérieur par le parti chi’ite CSRI (Conseil Supérieur de la Révolution Islamique) et qui a déjà provoqué environ 7.000 morts.


 


Le nouveau gouvernement d’Al Malik


Le nouveau gouvernement fantoche a eu besoin de cinq mois pour se former, étant donné le degré de division entre les fractions bourgeoises qui collaborent avec les occupants, ainsi que les problèmes que cela pose à l’impérialisme de devoir négocier avec des courants liés à l’Iran. Jaafari, le dirigeant du Dawa, est sorti du gouvernement parce qu’il était trop impliqué dans les escadrons de la mort et il a été remplacé par un autre membre de la coalition chi’ite, Al Malik, lui aussi du parti Dawa.


En un sens, le gouvernement se renforce par l’incorporation du secteur plus à gauche de Al Sadr, dirigeant l’Armée Mehdi, dans des postes importants, tels que le secteur de la sécurité. Les représentants de l’oligarchie kurde y sont représentés, ainsi que des secteurs minoritaires des sunnites.


Toutefois, cette « unité » dans le gouvernement ne se manifeste pas dans la réalité sur le terrain. Par exemple, les différentes fractions chi’ites disputent durement le contrôle des secteurs pétroliers. Dans la région pétrolière de Bassorah, au sud du pays, les confrontations armées sont permanentes, non seulement avec les troupes anglaises mais aussi entre les milices Badr, l’armée Mehdi et Fajita (un secteur bourgeois régional qui contrôlait la région avant la mise en place du gouvernement d’Al Malik). 


Un autre point de discorde est ce qu’il faut faire avec les milices pro-gouvernementales. Jaafari et Al Malik proposent de les incorporer dans la police et l’armée, tandis que d’autres ministres proposent de les dissoudre et de n’admettre que leurs membres individuellement, après sélection.


Finalement, la grande quantité de ministres des partis religieux chi’ites est très problématique pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Leurs principaux alliés en Irak sont ainsi liés directement à l’Iran. Cela fortifie le gouvernement iranien à un moment où l’impérialisme est en pleine confrontation par rapport à la question de l’armement nucléaire.


 


Le caractère de la guerre


La presse mondiale essaye de présenter la situation comme un affrontement entre deux secteurs locaux (chi’ites et sunnites), avec les puissances impérialistes qui se contentent de surveiller. Ils soutiennent ainsi la politique des Etats-Unis et de l’Angleterre, qui vise à encourager une guerre civile en Irak. Citons comme exemple l’incident de la détention d’agents anglais qui, déguisés en Arabes, allaient commettre un attentat contre la population chi’ite à Bassorah et en accuser, évidemment, les « terroristes sunnites ».


La politique de « diviser pour régner » » continue et le danger de guerre civile est latent. Toutefois, jusqu’à présent, cette politique n’a pas obtenu un soutien de masses et elle n’est pas parvenue à changer le caractère central de la lutte, une guerre de libération nationale dans laquelle, d’une part, il y a les occupants impérialistes et leurs laquais, de l’autre, le peuple irakien, chi’ites et sunnites, poussés à s?unir contre leur ennemi commun.


Al Sadr, même après avoir adhéré au gouvernement, continue ainsi à développer une rhétorique d’unité chi’ite-sunnite contre l’occupation,. Quand Bush a visité l?Irak, Al Sadr a organisé une manifestation de milliers de ses partisans à Bagdad, en exigeant un délai pour le retrait.


L’activité des « escadrons de la mort » des milices Badr, d’une part, et les attentats contre les mosquées chi’ites, attribués au groupe que dirigeait Al Zarqawi, d’autre part, font le jeu de cette politique de guerre civile. Nous ne pouvons pas écarter la possibilité que la crise de direction révolutionnaire dans le pays ouvre un espace plus grand à cette politique. Mais la réalité actuelle est que la guerre de libération nationale continue et que l’impérialisme ne trouve pas le chemin de la victoire, ni même une voie de sortie viable.


 


De plus en plus difficile…


Les troupes d’occupation ont lancé une offensive militaire génocide. Toutefois, elles ne parviennent pas à arrêter les actions de la résistance. En 2005, il y aeu 34.131 attaques de la résistance, selon le Pentagone lui-même (une moyenne de presque cent par jour). Le résultat est que 2 ou 3 soldats américains meurent chaque jour. Le chiffre total de pertes reconnues par les autorités militaires des Etats-Unis dépasse déjà les 2.500, auquel il faut ajouter près de 19.000 blessés, dont 8.000 n’ont pas pu retourner au combat à cause de lésions graves. Et cela, dans une situation où les troupes occupantes restent, généralement, dans leurs bases et ne les quittent en grand nombre que pour d’importantes opérations avec appui aérien, puisque la résistance contrôle, de fait, des secteurs et des routes entières.


Le sud du pays (qui inclut la seconde ville du pays, Bassorah) est devenu lui aussi une zone de grande instabilité, et de confrontations avec les troupes anglaises. Dans cette région, la lutte entre les fractions chi’ites complique la tâche de « maintien de l’ordre » et ouvre un espace aux combats de milices contre les troupes d’invasion. Un hélicoptère anglais a été abattu avec un missile, il y a quelques semaines. Comme expression de cette aggravation de la lutte, l’armée britannique comptabilise déjà mille déserteurs, selon la BBC. Face à cette situation, certains correspondants informent que plusieurs gouvernements et entreprises pétrolières européennes essayent de négocier directement avec les insurgés.


 


… De plus en plus cher


Les dépenses du gouvernement des Etats-Unis dans la guerre en Irak représentent un poids de plus en plus grand dans le budget national. Le Congrès américain vient de voter une dépense de 64 milliards de dollars pour cette année et on calcule que, jusqu’à présent, 320 milliards de dollars ont été dépensés depuis l’invasion (chiffre qui dépasse déjà les dépenses totales initialement prévues). Cette montagne d’argent n’a même pas permis d?obtenir le contrôle de la situation en Irak. Au contraire, l’impérialisme continue à perdre du terrain face à la résistance.


Le gouvernement Bush, pressionné par la crise interne à donner une perspective de sortie de l’Irak, alterne les discours pessimistes et les optimistes. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a reconnu devant le Sénat qu’une réduction significative des troupes en 2006 serait difficile. De son côté, le commandant Peter Pace, encouragé par la mort d’Al Zarqawi, a annoncé la semaine suivante, au même Sénat, une réduction importante des troupes, pour ne laisser à la fin de 2007 que quelques milliers de soldats, en soutien aux forces « irakiennes ». Lors de sa visite récente en Irak, Bush a fait état de cette dernière analyse mais, en retournant aux Etats-Unis, il a fait des déclarations plus proches de celles de Rumsfeld. C’est un exemple clair des contradictions que la situation en Irak provoque et de la difficulté extrême de Bush pour contrôler le pays.

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