mar Mar 26, 2024
mardi, mars 26, 2024

Fête de LO: intervention du camarade Alberto Madoglio (PdAC)

Chers camarades, lors de cette intervention j’essaierai d’expliquer l’évolution de la situation politique italienne, suite à un an de gouvernement de centre gauche.


 


Le caractère bourgeois et anti-ouvrier de l’Unione (coalition qui a remporté les élections législatives d’avril 2006) est évident depuis le début, tant par la prédominance des partis ouvertement bourgeois en son sein, c’est-à-dire la Marguerite (ex démocrates chrétiens) et DS (les Démocrates de Gauche, ex PCI [Parti Communiste Italien]), que par le programme avec lequel ils se sont présentés aux électeurs. Il s’agit d’un programme d’attaques contre les conquêtes ouvrières et les services publics (santé, éducation et retraites), de précarisation du travail, de baisse des salaires ; un programme réaffirmant la nature impérialiste de la politique italienne. La participation de l’Italie à toutes les soi-disant missions de paix (Balkans, Afghanistan, et Liban) et l’expansion vers l’étranger des plus grands groupes capitalistes italiens (banques, assurances, entreprises pétrolières et électriques, industries comme FIAT et Finmeccanica) constituent des preuves évidentes du ce caractère bourgeois.


 


Pour étayer ce que je suis en train d’affirmer, je rappelle que, lors des élections primaires pour désigner le candidat du centre gauche, les plus grands banquiers et industriels italiens ont participé au vote, comme pour montrer que le programme du gouvernement garantissait leurs intérêts. Ils ont ainsi prouvé le peu d’importance qu’ils accordaient à la présence dans la coalition de Refondation Communiste. Laquelle Refondation, déjà a cette époque, s’était réservé le rôle de garant de la paix sociale, aux côtés de la bureaucratie syndicale.


 


Une fois formé, le gouvernement dirigé par Prodi a appliqué les recettes contenues dans son programme. En juillet 2006, les coupes budgétaires de 7 milliards d’euros, pour permettre à l’Italie de satisfaire aux critères de convergence du traité de Maastricht, n’ont constitué qu’une entrée en  matière. Aussi, au cours de l’automne, le gouvernement a opéré des coupes supplémentaires pour près 30 milliards d’euros, les plus importantes de ces 15 dernières années. Les salaires des travailleurs ont ainsi été sévèrement touchés, en particulier les plus bas, des baisses justifiées par une arnaque. En effet, si les impôts d’Etat n’ont pas augmenté directement à cause des transferts de compétences aux collectivités locales (municipalités et régions), les impôts locaux ont, eux, fortement augmenté. Toutes ces mesures, liées à l’augmentation progressive des tarifs des transports publics et des services sociaux en général, font que la crise de l’économie italienne est, une fois de plus, payée par les travailleurs.


 


D’une certaine manière, ce fut amusant de lire dans les pages de Liberazione, le journal de Refondation Communiste, des d’articles expliquant aux travailleurs que, pour la première fois depuis des années, le gouvernement défendait leurs salaires, au moment même où le ministre de l’économie, Padoa Shioppa, ancien membre de la direction de la BCE [Banque Centrale Européenne], affirmait que seules les grandes entreprises avaient tiré profit des politiques du gouvernement.


 


De fait, aucune des propositions défendues par Refondation Communiste pendant la campagne, même les plus minimes, ne s’est réalisée. La loi 30 n’a pas été abrogée. Cette loi supprime de fait les garanties de stabilité des emplois en les remplaçant par de nouveaux contrats de travail qui laissent les travailleurs à la merci des employeurs, sans droits syndicaux et avec des salaires de misère.


 


La revendication d’une norme pour garantir des droits aux unions de fait, c’est-à-dire les couples formés par des personnes non mariées, a été mise en échec par une alliance ultra réactionnaire allant des hiérarchies de l’église et du Vatican jusqu’au centre droit, en passant par les secteurs catholiques intégristes de l’Unione (secteurs appelés « teo dem » pour ne pas être assimilés aux néo-conservateurs américains, desquels en réalité rien ne les différencie).  Ainsi se poursuit le processus de privatisation des biens et des services jusqu’alors assurés par l’Etat (grâce aux luttes ouvrières de ces dernières décennies).


 


Dans cette situation où le caractère réactionnaire de la politique italienne s’accentue, il manque une opposition de classe à la bourgeoisie. Nous assistons à une profonde mutation et à une réorganisation des formations politiques traditionnelles, mais dans un sens qui ne cherche en aucun cas à s’opposer au gouvernement en place. La Marguerite et les Démocrates de Gauche ont mis en place un outil qui devrait permettre la création du Parti Démocratique, l’année prochaine. L’objectif de cette nouvelle formation est de doter le grand capital d’une représentation politique stable et organique en rompant définitivement, pour ce qui est des Démocrates de Gauche, avec l’aile du parti qui représente une tendance social-démocrate. Ce sera certainement un chemin semé d’embûches, non pas parce qu’il y aurait des différences stratégiques sur les intérêts à représenter, mais parce qu’il est difficile de savoir lequel des deux appareils sortira vainqueur d’un tel processus.


 


En réponse à ce projet politique, d’autres sont en train de naître. La gauche de DS est sortie du parti lors du dernier congrès qui s’est tenu il y a un mois, et elle propose de construire un parti social-démocrate. Ce secteur n’a pas rompu pour des différences de fond sur la politiques à suivre – son leader, Musi, reste ministre du gouvernement Prodi – mais pour la nécessité de préserver un espace politique qu’il n’aurait pas eu dans la nouvelle formation.


 


Refondation Communiste, de même que le Parti des Communistes Italiens (parti d’inspiration Togliatienne classique [Togliatti était un des principaux dirigeants du PCI, très proche de Staline juqu’à sa mort]) et des secteurs des verts, participeront au processus qui débouchera sur un nouveau parti. Parmi ces partis, c’est celui de Bertinotti qui paie le plus cher sa participation au gouvernement. Le fait d’avoir atteint ce pourquoi le Parti de Refondation Communiste fut créé en 1991 est en train de produire d’importantes conséquences : le nombre de ses adhérents à chuté de 50% l’année dernière, ses cercles et ses fédérations n’ont la capacité de réaliser aucun type d’activité politique. Ses dirigeants sont régulièrement rejetés par les travailleurs qui avaient eu des illusions sur les capacités des « communistes » à déterminer les choix du gouvernement : devant les grilles des usines de FIAT, le secrétaire Giordano et le ministre Ferrero ont été sifflés par les ouvriers, alors qu’ils essayaient d’expliquer pourquoi il était important que Refondation Communiste participe au gouvernement Prodi ; Bertinotti, désormais président de la chambre des députés, a connu le même sort à l’université de Rome, où il a été sifflé par les étudiants, les collectifs de gauche et le PdAC [Parti d’Alternative Communiste, section italienne de la LIT], alors qu’il recevait les félicitations des étudiants et des professeurs de Communion et Libération, une organisation catholique des plus réactionnaires.


 


Le choix d’adhérer à la nouvelle formation social-démocrate est une tentative, pour Refondation Communiste, d’éviter une fin désastreuse. Cependant, en soutenant le gouvernement bourgeois, le nouveau parti politique ne sera pas l’allié des travailleurs mais leur farouche ennemi, le classique agent de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière.


 


Et la minorité de Refondation Communiste?


 


Le groupe appelé « essere comunista » (être communiste), qui affiche une certaine orthodoxie dans son nom, constituait dans les faits l’aile droite du Parti de Refondation Communiste. Aujourd’hui, ce groupement a éclaté en mille morceaux et presque tous ses dirigeants ont réintégré la majorité de Bertinotti.


 


Les représentants italiens du Secrétariat Unifié [organisation internationale dont la LCR est la section française] ont eu, pendant quelque temps, les honneurs de la presse parce qu’un de leurs sénateurs, Turigliatto, s’était abstenu lors du vote d’une motion de gouvernement qui réaffirmait la politique impérialiste de l’Italie (financement des missions en Afghanistan et confirmation de la construction d’une nouvelle base militaire américaine à Vicenza, quelques jours après une manifestation de protestation à laquelle avaient participé 200 000 personnes venues de toute l’Italie). Il a été exclu du parti, pour cette raison.


 


Ensuite, ce qui aurait pu être l’occasion d’une condamnation publique du caractère militariste et anti-ouvrier du gouvernement et de la trahison de Refondation Communiste, s’est transformé en farce, l’héroïque sénateur Turigliatto s’étant empressé de préciser que son vote se rapportait à un simple fait du gouvernement et qu’il n’aurait jamais fait tomber ce dernier. Ceci a été dûment prouvé quelques jours plus tard, quand le gouvernement a demandé à la chambre des députés un nouveau vote sur un programme de 12 points, programme réaffirmant les décisions prises et annonçant de nouvelles actions au nom de la « modernisation du pays », en réalité une attaque encore plus franche contre les travailleurs et les classes populaires.


 


Si Refondation Communiste devait se dissoudre dans un nouveau regroupement politique, il est probable que les héritiers de Maitan [un des dirigeants historiques du Secrétariat Unifié en Italie] en créeront un autre, mais ce, en tant que gauche des Démocrates de Gauche et non pas pour faire une opposition à Prodi, à qui ils ont garanti un appui externe afin de défendre les exigences de leur appareil. Ce parti revendiquant le « bertinottisme des origines » ne créera que la énième organisation centriste de droite, une organisation qui survivra peut-être mais ne se disposant en aucun cas à répondre aux exigences de millions de prolétaires.


 


C’est en ayant à l’esprit cette nécessité historique que nous, ancienne minorité de la gauche du Parti de Refondation Communiste, avons rompu avec ce parti en avril 2006 et avons créé le PdAC en janvier de cette année. Il ne s’agit pas d’une décision prise à la légère, nous n’avons pas rompu avec Refondation Communiste par désillusion ou amertume vis-à-vis de son choix gouvernemental.


 


Pour nous, il était clair qu’avec la création d’un nouveau parti social-démocrate, il manquerait une opposition de classe en Italie, telle celle qui avait été exercée (certes, de manière confuse et faussée), pendant 18 ans par Refondation Communiste. Pour nous, il était également clair que la tâche des révolutionnaires consiste en construire un parti réellement communiste, comme il n’en existe plus en Italie depuis 80 ans. C’est un chemin difficile : si, d’un côté, la trahison de Refondation Communiste laisse de grands espaces politiques pour les révolutionnaires, d’un autre côté, nous savons que cette situation crée de la démoralisation et une tendance à la passivité parmi la classe ouvrière et son avant-garde. Mais il n’existe pas de raccourci.


 


Nous ne voulons pas construire une secte qui se limiterait à proclamer une soi-disant vérité révélée. Nous voulons nous construire dans les luttes, dans les mobilisations qui, ces jours-ci, se produisent dans toute l’Italie, comme par exemple ces grèves spontanées dans des dizaines d’usines et à la tête desquelles, celles du groupe FIAT contre la énième réforme des retraites, réforme qui vise à mettre en place un système de retraites privées, au détriment de celles garanties par l’Etat.


 


Nous nous adressons à tous les secteurs qui, pendant ces dernières années, ont lancé des mobilisations contre la guerre, contre la globalisation capitaliste, aux militants honnêtes encore présents au sein de Refondation Communiste, à la gauche de la CGIL [plus grand syndicat italien, lié historiquement au PCI jusqu’à la chute du mur de Berlin], au syndicalisme de classe qui se trouve en dehors des confédérations, pour qu’ensemble nous participions à la construction d’une organisation révolutionnaire.


Nous avons conscience de nos limites, mais aussi de nos potentialités, parce que nous sommes les seuls à proposer un programme politique clair, alternatif à la misère et à la barbarie inhérentes au système capitaliste. Nous avons aussi conscience, et nous en sommes fiers, que faire partie de cette organisation révolutionnaire internationale, la LIT, nous aidera à surmonter toutes les difficultés que nous rencontrerons sur notre chemin.


 


Pour nous, être membre d’une internationale n’est pas une posture intellectuelle mais une nécessité politique fondamentale. A travers la discussion et les batailles menées en commun, cela pourra nous aider à construire notre parti et, en même temps, à renforcer notre organisation internationale.


 


Les milliers de signatures recueillies en peu de semaines pour le retrait des troupes européennes des différentes zones de guerre, campagne impulsée avec les autres sections européennes de la LIT, nous prouvent que la décision de construire le parti, tant d’un point de vue national qu’international, est la meilleure décision que nous ayons prise dans notre courte existence.


 


Et notre présence à cette fête en est la confirmation.

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